Définition

En juillet 1984, la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, créant un nouveau service civil de sécurité et abolissant l’ancien Service de sécurité de la GRC, est entrée en vigueur par proclamation.

L’adoption de cette loi a alors placé le Canada parmi les rares démocraties occidentales qui ont doté leurs services de renseignement de sécurité d’un cadre légal explicite. La loi vise à mieux contrôler les services de renseignement de sécurité. En effet, elle circonscrit les activités du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), assujettit l’utilisation des techniques d’enquêtes par intrusion à des mandats judiciaires et crée des organismes de contrôle et de surveillance dont le but est de veiller à ce que le SCRS n’outrepasse pas les limites de son mandat.

Contexte et analyse

Origine et évolution du Service du renseignement de sécurité

L’origine de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité remonte au rapport, publié en 1981, de la Commission d’enquête sur certaines activités de la Gendarmerie royale du Canada (Commission McDonald). Cette commission avait été créée en 1977 à la suite de la mise au jour d’une série de pratiques et d’actes apparemment illégaux du Service de sécurité de la GRC. Elle avait pour mandat de déterminer l’étendue et l’importance des pratiques d’enquêtes ou d’autres activités " qui n’étaient pas autorisées ou prévues par la loi ", de faire rapport sur les faits relatifs à ces pratiques, de suggérer au gouvernement les mesures à prendre pour mettre fin auxdites pratiques et de le conseiller de façon générale sur les changements nécessaires ou souhaitables dans les " politiques et procédures de sécurité nationale ".

Le Service de sécurité que la Commission McDonald a commencé à étudier en 1977 s’était développé graduellement au fil des années, comme bien d’autres institutions canadiennes. Il faisait partie intégrante de la GRC et n’avait aucune existence légale distincte, si ce n’est en vertu du pouvoir accordé par la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada au gouverneur en conseil d’attribuer certaines tâches à cette dernière. Ce n’est qu’en 1975 que le Service a obtenu un mandat explicite, qui ne consistait d’ailleurs qu’en une directive du Cabinet rédigée en termes très généraux.

L’origine du Service de sécurité remonte à certaines tâches qui avaient été confiées en 1864 par sir John A. Macdonald à l’entité qui allait devenir la police du Canada. Ces tâches comprenaient notamment le maintien de la sécurité dans les immeubles du gouvernement et la fourniture de renseignements et d’informations sur les groupes qui présentaient une menace envers la sécurité du Canada, comme les Fenians. La Police montée du Nord-Ouest assumait des fonctions similaires dans l’Ouest du pays.

De la Confédération jusqu’à la Première Guerre mondiale, le rôle de la police fédérale en matière de renseignement de sécurité a connu une expansion graduelle, par suite de l’agitation ouvrière, de l’anarchisme et de la montée du communisme. L’importance de ce rôle s’est encore accrue entre les deux guerres mondiales. Toutefois, ce n’est qu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale que les fonctions de sécurité ont été retirées à la Direction des enquêtes criminelles de la GRC, laquelle avait été créée en 1920.

L’affaire Gouzenko a suscité, en 1946, une nouvelle prise de conscience de la nécessité de resserrer la sécurité dans les institutions gouvernementales et de doter le pays de services de sécurité et de contre-espionnage capables de contrer les activités du bloc de l’Est, caractérisées par un regain d’agressivité. En 1946, la Sous-direction des affaires spéciales était créée. Son chef relevait du Commissaire de la GRC. La Sous-direction était chargée expressément de fournir au gouvernement des renseignements sur l’espionnage et la subversion et de s’assurer que les institutions fédérales étaient pourvues d’un personnel loyal et fiable. Dès 1956, la Sous-direction des affaires spéciales était élevée au rang de Direction générale au sein de la GRC, sous le contrôle d’un commissaire adjoint. Enfin, en 1970, elle était rebaptisée Service de sécurité, et placée sous le contrôle et la supervision d’un directeur général (l’équivalent d’un sous-commissaire) civil (c’est-à-dire non membre de la GRC) qui relevait du Commissaire et du Solliciteur général. (En 1966, la GRC est passée sous la responsabilité du Solliciteur général lorsque son portefeuille a été élevé au rang de ministère à part entière. Jusqu’alors, la force policière relevait de l’autorité du ministre de la Justice).

La réorganisation de 1970 était principalement attribuable au rapport de la Commission royale d’enquête sur la sécurité (Commission Mackenzie), publié en 1969. Cette commission avait été créée en 1966 à la suite d’une affaire de manquement à la sécurité dans une institution fédérale, dont avaient fait grand cas les médias de l’époque. Son mandat était d’examiner les procédures de sécurité du gouvernement, mais aussi d’enquêter de façon générale sur la question de la sécurité nationale. La principale recommandation de la Commission Mackenzie, qui découlait de la dernière partie de son mandat, préconisait la création d’un organisme civil de sécurité. En effet, la Commission avait conclu qu’un organisme d’application de la loi comme la GRC ne devait pas s’occuper des questions de renseignement de sécurité. Elle jugeait de telles fonctions incompatibles avec le rôle de la police ordinaire et estimait que la Direction des opérations spéciales n’avait ni la complexité ni la capacité d’analyse nécessaires pour s’acquitter de son rôle en matière de renseignement de sécurité, puisqu’elle recrutait ses membres uniquement dans les rangs de la GRC. La Commission recommandait également l’adoption d’une loi sur l’usage par l’agence de sécurité de techniques d’enquête par intrusion, ainsi que l’amélioration du système de filtrage sécuritaire en y incorporant notamment une procédure d’appel.

Le gouvernement a rejeté le principe d’une direction civile des affaires spéciales mais il s’est engagé, par la bouche du premier ministre, à faire en sorte que le Service de sécurité s’oriente " progressivement vers une plus grande autonomie administrative et une composition à majorité civile ", au sein de la GRC. C’est ainsi qu’on a assisté à la création du Service de sécurité et à la nomination d’un directeur général civil. Le gouvernement s’est également engagé à recruter davantage de civils pour le Service de sécurité, afin d’accroître sa compétence et sa souplesse. L’année 1974 a vu une autre réponse partielle aux recommandations de la Commission Mackenzie avec l’adoption de l’article 16 de la Loi sur les secrets officiels. En effet, cet article permettait au Solliciteur général d’autoriser l’interception ou la saisie de communications s’il était convaincu que l’activité faisant l’objet d’une enquête correspondait à la définition générale d’activités préjudiciables à la sécurité nationale, notamment l’espionnage, le sabotage, les activités d’origine étrangère ainsi que la violence politique.

Abus du Service de sécurité

Au début des années 70, le Service de sécurité se trouvait dans une situation délicate : ses membres, qui étaient presque tous des membres de la GRC ayant gravi les échelons hiérarchiques, jouissaient de tous les pouvoirs extraordinaires accordés aux agents de la paix et, en raison de leur esprit de corps, de leur discipline et de leur loyauté, ils s’opposaient avec force au recrutement de personnel civil. C’est ainsi qu’à la fin de la décennie, aucun civil n’occupait un poste équivalent à celui d’officier dans une sous-direction de planification ou d’opérations.

Par conséquent, la composition des effectifs du Service est demeurée à peu près la même après 1970. Du point de vue organisationnel, toutefois, le Service est devenu de plus en plus indépendant en matière de politiques, de budget et d’opérations. Ses employés étaient tout-puissants : en plus d’avoir des pouvoirs policiers, ils jouissaient d’une grande autonomie par rapport à la structure du pouvoir policier. Cette indépendance était renforcée par la politique gouvernementale de " non-ingérence " dans les affaires de la GRC. Aucun homme politique ne devait contrôler les services policiers ou en diriger les opérations. Ce principe est certes louable et efficace lorsqu’on traite uniquement avec une force policière qui opère dans un contexte public de freins et de contrepoids, mais il ne convient pas à un service du renseignement de sécurité qui agit forcément dans le secret et exige par conséquent un certain contrôle politique. Or, étant donné que la GRC était à la fois une force policière et un organisme de sécurité, les abus commis en matière de sécurité ne sont pas apparus immédiatement.

La seule pression des événements a suffi à perturber la situation précaire du Service de sécurité. La Crise d’octobre 1970 a pris de court le gouvernement, qui s’est révélé mal renseigné sur la nature et la portée du séparatisme québécois. Il a donc demandé à la GRC d’adopter une stratégie " active " dans ce domaine, c’est-à-dire d’obtenir des renseignements de première main sur les intentions et les activités des groupes nationalistes et, dans la mesure du possible, de prévenir ou " contrer " leurs agissements perturbateurs. Le Service de sécurité a obtempéré, mettant sur pied une vaste campagne de collecte de renseignements, d’infiltration, de harcèlement et de perturbation visant la quasi-totalité des manifestations du sentiment nationaliste au Québec. Dans de nombreuses circonstances, les membres du Service ont commis des actes parfaitement illégaux dont les trois exemples les plus spectaculaires sont : l’incendie d’une grange pour empêcher une réunion de militants nationalistes et de radicaux américains ; l’entrée par effraction dans les bureaux d’une agence de presse de gauche à Montréal, suivie du vol et de la destruction de certains de ses dossiers ; l’entrée par effraction dans les locaux du Parti québécois et le vol des listes de ses membres. Selon la Commission McDonald, les opérations de ce genre n’avaient pas été ordonnées par le gouvernement ; l’initiative venait plutôt du Service de sécurité même, en réponse à des directives du gouvernement voulant qu’il obtienne davantage de renseignements sur le séparatisme. En plus d’être illégales, ces opérations traduisaient un manque de discernement quant à la différence entre la menace réelle et la dissidence légitime. Aucune n’a eu d’effet marqué sur les groupes visés ni n’a rapporté de renseignements de grande importance.

Si les actes les plus spectaculaires du Service de sécurité ont été commis au Québec, cette province n’en a pas eu l’exclusivité. En effet, partout au Canada, le Service s’est livré à une série d’activités illégales ou irrégulières, surtout à l’égard de groupes radicaux ou de gauche. Des opérations douteuses ont été montées par suite de présumées menaces envers la sécurité nationale. En 1975, à la demande de la GRC, le Cabinet a élaboré une directive établissant le mandat du Service. Toutefois, cette directive ne faisait que réaffirmer le statu quo et permettait au Service de maintenir la sécurité interne en décelant, surveillant, décourageant, prévenant et contrecarrant les activités de personnes qui se livrent à des activités subversives ou préjudiciables à la sécurité nationale.

Les abus du Service de sécurité ne se sont pas limités à la période des années 70 ou aux excès commis dans la lutte contre les éléments nationalistes ou radicaux. En effet, les travaux de la Commission McDonald ont révélé que certaines activités comme l’entrée subreptice, l’ouverture du courrier et l’obtention de l’accès à des renseignements supposément confidentiels du gouvernement se pratiquaient depuis nombre d’années en rapport avec divers aspects de la sécurité nationale, de l’espionnage et du contre-espionnage à la subversion. Dans de nombreux cas, concluait la Commission, les pouvoirs d’enquête utilisés étaient nécessaires mais n’avaient pas été autorisés par la loi. La Commission a également constaté que le Service de sécurité n’avait pas été le seul à se livrer à des activités illégales " institutionnalisées ". La Direction des enquêtes criminelles avait également une longue histoire d’abus du même genre.

Les recommandations de la Commission McDonald

Durant les quatre années de son existence, la Commission McDonald a effectué un examen complet du Service de sécurité, relevant les nombreux actes illégaux et irrégularités dont il s’était rendu coupable. Dans l’ensemble, elle a constaté que les soi-disant maîtres politiques du Service ignoraient tout de ses agissements. Mais cette disculpation portait son propre blâme, en ce sens que la structure de contrôle et de responsabilité du Service était tellement faible qu’elle ne pouvait empêcher ces agissements. De la même façon, ceux-ci ont été mis au jour non pas grâce à un examen ou à une vérification, mais bien à la suite de divulgations fortuites par d’anciens membres du Service mécontents et de pressions exercées par la presse et l’opposition.

Le rapport de la Commission McDonald a été très dur à l’endroit du Service de sécurité. Si la Commission a reconnu que les besoins fondamentaux de sécurité du Canada, particulièrement dans le domaine de l’espionnage et du contre-espionnage, avaient été adéquatement satisfaits, elle a constaté que le Service n’avait pas la complexité et la capacité d’analyse voulues. En particulier, il était incapable de distinguer la subversion de la dissidence et avait manifestement une aversion contre la gauche. En outre, il lui manquait un mandat précis, un contrôle politique efficace et une révision adéquate de ses activités.

La principale recommandation du rapport préconisait la création d’un service de sécurité à caractère civil et entièrement distinct. Les raisons invoquées étaient très similaires à celles de la Commission Mackenzie, à savoir la nécessité d’une réorientation vers la collecte et l’analyse d’informations plutôt que vers la dissuasion ou la répression, et le besoin d’engager du nouveau personnel. Du point de vue de l’organisation, le nouvel organisme devrait rendre compte aux autorités politiques et être assujetti à un strict processus de surveillance. Or, il n’était pas approprié d’imposer ces contraintes à la GRC car, selon les conclusions du rapport, l’application de la loi et le travail de sécurité sont incompatibles.

Par conséquent, le nouvel organisme proposé aurait un mandat défini par la loi, qui indiquerait les menaces à la sécurité du Canada sur lesquelles il serait autorisé à faire enquête. La définition comprendrait quatre domaines : l’espionnage et le sabotage, l’ingérence étrangère, la violence politique et le terrorisme et, enfin, la subversion révolutionnaire, c’est-à-dire les activités visant la destruction du régime démocratique. Le rapport recommandait également qu’il soit formellement interdit au nouvel organisme de faire enquête sur les activités légitimes de défense d’une cause, de protestation ou de manifestation d’un désaccord et que celui-ci n’ait pas le pouvoir d’" appliquer " les mesures de sécurité.

En outre, la Commission a déterminé que, pour des raisons d’efficacité, l’organisme devrait se prévaloir de certaines techniques d’enquêtes par intrusion, comme la surveillance électronique, l’entrée subreptice, l’ouverture du courrier et la possibilité d’obtenir des renseignements confidentiels, sous réserve toutefois que leur utilisation soit assujettie à l’obtention d’un mandat judiciaire émis uniquement lorsqu’un tribunal aurait été convaincu que la question relève du mandat de l’organisme. Et encore, ces mandats ne pourraient être obtenus à l’égard de menaces " subversives ".

L’organisme proposé par la Commission devait avoir à sa tête un directeur général qui relèverait lui-même du Solliciteur général. Ce dernier jouerait un rôle important dans le fonctionnement de l’organisme, puisqu’il émettrait des directives concernant ses opérations et devrait autoriser les demandes de mandat. Pour s’assurer que l’organisme respecte la loi, la Commission a recommandé que ses activités soient soumises à une surveillance serrée par des organismes indépendants. D’abord, un comité consultatif de la sécurité et du renseignement composé de trois membres nommés examinerait en permanence les activités du Service pour en assurer la légalité et l’opportunité. Ce comité étudierait également les plaintes et ferait rapport au ministre et au Parlement. L’autre mécanisme fondamental du processus de surveillance serait un comité parlementaire mixte spécial qui, nommé pour la durée d’une législature, constituerait le moyen de contrôle ultime de l’organisme de sécurité. En collaboration avec le Comité consultatif, il veillerait, au nom du Parlement, à ce que l’organisme respecte son mandat.

La Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité

Immédiatement après la publication du rapport de la Commission McDonald en août 1981, le gouvernement a indiqué qu’il en acceptait la recommandation principale, soit la création d’un service civil du renseignement de sécurité. C’est ainsi qu’au ministère du Solliciteur général, un groupe spécial de transition a été créé pour traduire les recommandations de la Commission sous forme d’une mesure législative.

En mai 1983, au cours de la première session de la trente-deuxième législature, le projet de loi C-157 a été présenté à la Chambre des communes. Ce projet de loi créait le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) selon la structure proposée par la Commission McDonald, avec toutefois d’importantes modifications et additions. Presque tout de suite, le projet de loi est devenu la cible de critiques. On l’accusait de brimer les libertés civiles, d’accorder au nouveau Service des pouvoirs extrêmement vastes, de soustraire le gouvernement à sa responsabilité et de ne pas instituer de mandat précis ou de système de surveillance fonctionnel. Le public s’est opposé au projet de loi avec une telle véhémence que le gouvernement a décidé de ne pas procéder à sa deuxième lecture et l’a plutôt renvoyé à un comité sénatorial spécial. Ce dernier a tenu des audiences tout au long de l’été de 1983, recueillant les opinions les plus diverses au sujet du projet de loi. Publié en novembre 1983, son rapport recommandait plus de 40 modifications au projet de loi original qui, selon les termes mêmes du Comité, " conduiraient à un meilleur équilibre entre la sécurité collective et la sécurité individuelle ".

Par la suite, on a laissé le projet de loi C-157 expirer au Feuilleton et, au cours de la deuxième session de la trente-deuxième législature, un nouveau projet de loi (C-9), qui incorporait à toutes fins utiles toutes les recommandations du Comité sénatorial, a été présenté à la Chambre des communes. Adopté en première lecture en janvier 1984, le projet de loi C-9 a été renvoyé au Comité de la justice de la Chambre des communes en mars, adopté en troisième lecture en juin et est entré en vigueur par proclamation en juillet et en août 1984, pratiquement sans aucune modification.

La disposition au cœur du projet de loi est la définition de l’expression " menaces envers la sécurité du Canada " à l’article 2, qui détermine le cadre général des activités du SCRS. Les quatre domaines recommandés par la Commission McDonald demeurent les mêmes :

* l’espionnage ou le sabotage visant le Canada ou préjudiciables à ses intérêts, ainsi que les activités tendant à favoriser ce genre d’espionnage ou de sabotage ;

* les activités influencées par l’étranger qui touchent le Canada ou s’y déroulent et sont préjudiciables à ses intérêts, et qui sont d’une nature clandestine ou trompeuse ou comportent des menaces envers quiconque ;

* les activités qui touchent le Canada ou s’y déroulent et visent à favoriser l’usage de la violence grave ou de menaces de violence contre des personnes ou des biens dans le but d’atteindre un objectif politique au Canada ou dans un État étranger ;

* les activités qui, par des actions cachées et illicites, visent à saper le régime de gouvernement constitutionnellement établi au Canada ou dont le but immédiat ou ultime est sa destruction ou son renversement par la violence.

La définition précise également que les activités licites de défense d’une cause, de protestation ou de manifestation d’un désaccord sont sans rapport avec cette expression.

Les fonctions de base du Service sont énoncées à l’article 12 : faire enquête et recueillir, analyser et conserver des informations et des renseignements sur les menaces envers la sécurité. Le projet de loi C-157 comprenait une autre disposition qui permettait expressément au SCRS de " demeurer informé " sur le climat économique, social et politique existant, à partir de sources publiques d’information. Cette disposition avait d’abord été conservée dans le projet de loi C-9, mais elle a finalement été supprimée parce qu’elle a été jugée superflue. En outre, aux termes de l’article 13, le SCRS peut fournir des évaluations de sécurité à l’égard de futurs employés du gouvernement. Enfin, en vertu de l’article 16, le SCRS se voit accorder le rôle d’aider à la collecte de " renseignements " dans le domaine de la défense et des affaires internationales, au moyen d’enquêtes ou d’activités de surveillance à l’égard de personnes qui ne sont ni des citoyens canadiens ni des résidents permanents. À la suite des recommandations du Comité sénatorial, cette disposition a été formulée de façon à viser plus particulièrement les non-Canadiens, et les mesures en question ne peuvent être prises qu’à la demande écrite du ministre de la Défense nationale ou du ministre des Affaires étrangères, avec le consentement du Solliciteur général.

En vertu de la partie II de la Loi (articles 21 à 28), la Cour fédérale peut émettre des mandats permettant au SCRS de s’acquitter des fonctions qui lui sont attribuées par les articles 12 et 16. Ces mandats autorisent toute la gamme des techniques d’enquête, à l’exception de l’accès à des données confidentielles provenant des recensements de Statistique Canada. L’émission d’un mandat exige de nombreuses garanties et des informations qui n’étaient pas requises par le projet de loi C-157, mais qui ont été ajoutées sur la recommandation du Comité sénatorial. Ces exigences reprennent pour l’essentiel les dispositions du Code criminel relatives aux mandats de surveillance électronique. Les mandats sont valables pour une durée d’un an à l’exception de ceux visant une menace prévue à l’alinéa d), c’est-à-dire la subversion, qui ne sont valables que pour 60 jours. Cette disposition a été ajoutée par le Comité de la justice de la Chambre des communes en reconnaissance partielle de la recommandation de la Commission McDonald voulant que la subversion ne soit absolument pas visée par les techniques d’enquête par intrusion. Enfin, tous les mandats sont renouvelables, pourvu que demande en soit faite de nouveau devant le tribunal.

La Loi attribue la gestion et le contrôle du SCRS au directeur nommé par le gouverneur en conseil. Quant au Solliciteur général, il a un rôle de surveillance active. À l’origine, le projet de loi C-157 prévoyait un modèle inspiré d’une loi australienne analogue, qui accordait au directeur le dernier mot sur les objectifs à poursuivre et la communication des renseignements et privait le Ministre de tout rôle opérationnel, dans le but évident de s’assurer que le SCRS ne serve pas à des fins politiques partisanes. Toutefois, ces dispositions ont suscité un tollé considérable dans l’opinion publique parce qu’elles réduisaient la responsabilité politique directe du Ministre à l’égard du Service, en voulant éviter un danger assez improbable. Elles ont été très critiquées par le Comité sénatorial. La Loi actuelle donne le dernier mot au Ministre et prévoit qu’il doit désormais approuver toutes les demandes de mandat. Une autre disposition du projet de loi C-157 qui avait soulevé de vives réactions était la protection accordée aux employés du Service à la suite d’actes raisonnables commis dans l’exercice de leurs fonctions, dans la mesure où ils étaient " raisonnablement nécessaires ". Dans la nouvelle mesure, cette disposition est remplacée par l’article 20, qui donne aux employés la protection accordée par la loi aux agents de la paix.
Deux aspects du projet de loi C-157 qui ont survécu dans la nouvelle loi concernent le contrôle et la surveillance. Ainsi, la Loi établit le Bureau de l’Inspecteur général (art. 30) et le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité (CSARS, art. 34). Le premier, dont le titulaire est nommé par le gouverneur en conseil, a pour tâche de surveiller les opérations du SCRS et de faire rapport à ce sujet au Solliciteur général adjoint et au CSARS, ainsi que de contrôler la légalité et la pertinence de ces opérations. Le CSARS est composé au maximum de cinq membres du Conseil privé nommés par le gouverneur en conseil après consultation du Premier ministre avec les chefs des partis d’opposition à la Chambre des communes. Son rôle est de passer en revue les opérations du SCRS et de faire rapport à ce sujet au Ministre et au Parlement. Il est également doté de diverses fonctions d’enquête, étudie les plaintes relatives aux activités du SCRS et agit à titre de comité d’appel en ce qui concerne les évaluations de sécurité et les décisions assujetties à des contraintes de sécurité en vertu des lois sur la citoyenneté et sur l’immigration.

Un dernier aspect de la loi, non abordé par la Commission McDonald, est ce qui en formait la partie IV (art. 56-61) et qui est devenu la Loi sur les infractions en matière de sécurité. Cette loi délimite les pouvoirs de la police et des autorités judiciaires en matière d’infractions liés à la sécurité. Elle donne à la GRC la " responsabilité première " quant aux enquêtes relatives à ces infractions et l’autorise à conclure à cette fin des ententes avec d’autres forces policières. La Loi donne également au Procureur général du Canada le pouvoir d’intenter des poursuites dans les cas d’infractions en matière de sécurité et, par ordonnance, d’intervenir dans les poursuites intentées par les provinces relativement à ces infractions et de les prendre en charge. Malgré la vive opposition des provinces à la Loi, qu’elles qualifiaient d’empiétement sur leurs compétences, ces dispositions sont demeurées à peu près inchangées au cours du processus législatif.

Les questions controversées

La Loi qui a été adoptée par le Parlement est loin d’être le fruit d’un consensus. De fait, les délibérations en comité et à l’étape du rapport sur le projet de loi C-9 ont été extrêmement houleuses. Les deux partis d’opposition se sont vigoureusement opposés à des aspects fondamentaux de cette mesure, exprimant ainsi l’inquiétude du public.

La principale objection était sans doute la suppression du rôle de la GRC en matière de sécurité et la création d’un service civil. Plusieurs procureurs généraux des provinces, le Parti progressiste conservateur, des groupes de défense des libertés civiles et, finalement, le Nouveau Parti démocratique se sont opposés à ce changement. Leur principal argument était qu’avec un mandat clair et une surveillance efficace, la GRC demeurait toujours l’organisme le plus compétent pour s’acquitter des fonctions de sécurité grâce à sa discipline, à sa longue et honorable tradition, à son système établi de contacts et à son imperméabilité quasi absolue à l’infiltration étrangère. Selon d’autres intervenants, les lacunes de la Loi étaient tellement flagrantes qu’il valait mieux maintenir le statu quo.

Le mandat accordé au SCRS a également suscité une opposition considérable. On dénonçait non seulement son étendue, mais aussi le principe même d’un organisme de sécurité habilité à s’occuper de questions comme la " subversion " ou les " activités influencées par l’étranger ". L’Association canadienne des libertés civiles, par exemple, estimait qu’il était inutile de créer un organisme somme toute assez restreint pour ne contrer que les menaces d’espionnage ou de sabotage venant de puissances étrangères, puisque les forces policières ordinaires sont déjà en mesure de s’occuper des autres types de menaces lorsque des crimes sont commis.

La définition du terme " menace " est également très controversée. Certains estiment qu’elle est formulée en termes si vagues qu’elle vise une multitude d’actes qui n’ont rien à voir avec la véritable sécurité. Le gouvernement, quant à lui, a adopté la position selon laquelle il faut interpréter la définition dans le contexte, d’une part, des dispositions qui protègent la dissidence légitime et limitent les pouvoirs de l’organisme à ceux qui sont " strictement nécessaires ", et, d’autre part, du nouveau système de contrôle et de surveillance. Dans ce contexte, selon le gouvernement, la définition est raisonnable. Par ailleurs, le rôle de " collecte de renseignements " de l’organisme (art. 16) est également très controversé. En effet, nombreux sont ceux qui estiment qu’il est tout à fait déraisonnable de soumettre des ressortissants étrangers à une surveillance s’ils ne constituent pas une menace envers la sécurité mais sont simplement susceptibles de fournir au Canada des renseignements utiles sur la défense ou les affaires internationales. Un autre sujet de préoccupation est la portée du système de mandats, qui autorise le SCRS à utiliser pratiquement n’importe quelle technique d’enquête, de l’entrée subreptice à l’accès aux renseignements confidentiels d’un médecin sur ses malades.

En général, le reste de la Loi n’est pas particulièrement controversé, à l’exception de deux passages concernant la surveillance des activités de l’organisme. Le premier concerne l’accès à l’information accordé au Bureau de l’Inspecteur général et au CSARS. Ces deux organismes ont accès à tous les renseignements en possession du SCRS, sauf les documents du Cabinet. Ces exceptions (voir par. 31(2) et 39(3)) apparaissaient initialement dans le projet de loi C-157 et ont été presque universellement rejetées, les critiques considérant que les organismes de surveillance devraient avoir accès à tous les documents du Service pour s’acquitter convenablement de leurs importantes fonctions. Le Comité sénatorial a donc recommandé l’élimination de ces exceptions. Au Comité permanent de la justice de la Chambre des communes, certains députés ministériels se sont joints à l’opposition et ont voté en faveur de leur élimination. Ces articles ont toutefois été rétablis à l’étape du rapport à la Chambre, le gouvernement ayant estimé que le Cabinet requiert la plus haute confidentialité.

L’autre passage concerne la surveillance parlementaire directe du SCRS, absente du projet de loi C-157 bien que recommandée par la Commission McDonald. Le Comité sénatorial avait également rejeté cette suggestion qu’il jugeait peu pratique, faisant double emploi avec le CSARS et sujette à des faiblesses dans la préservation du secret. Quant aux deux partis d’opposition, ils appuyaient l’idée d’un comité parlementaire spécial ayant accès aux renseignements de l’organisme afin que le Parlement soit assuré que le SCRS agit dans les limites de son mandat. Ils craignaient que le Parlement n’obtienne pas une vue complète des opérations de l’organisme par l’entremise du CSARS et ils ont invoqué les exemples de la République fédérale d’Allemagne et des États-Unis pour démontrer que ce comité serait pratique et fonctionnel. Toutefois, le gouvernement est resté ferme à cet égard et a refusé d’ajouter une supervision parlementaire directe.

Définition

En juillet 1984, la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, créant un nouveau service civil de sécurité et abolissant l’ancien Service de sécurité de la GRC, est entrée en vigueur par proclamation.

L’adoption de cette loi a alors placé le Canada parmi les rares démocraties occidentales qui ont doté leurs services de renseignement de sécurité d’un cadre légal explicite. La loi vise à mieux contrôler les services de renseignement de sécurité. En effet, elle circonscrit les activités du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), assujettit l’utilisation des techniques d’enquêtes par intrusion à des mandats judiciaires et crée des organismes de contrôle et de surveillance dont le but est de veiller à ce que le SCRS n’outrepasse pas les limites de son mandat.

Contexte et analyse

Origine et évolution du Service du renseignement de sécurité

L’origine de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité remonte au rapport, publié en 1981, de la Commission d’enquête sur certaines activités de la Gendarmerie royale du Canada (Commission McDonald). Cette commission avait été créée en 1977 à la suite de la mise au jour d’une série de pratiques et d’actes apparemment illégaux du Service de sécurité de la GRC. Elle avait pour mandat de déterminer l’étendue et l’importance des pratiques d’enquêtes ou d’autres activités " qui n’étaient pas autorisées ou prévues par la loi ", de faire rapport sur les faits relatifs à ces pratiques, de suggérer au gouvernement les mesures à prendre pour mettre fin auxdites pratiques et de le conseiller de façon générale sur les changements nécessaires ou souhaitables dans les " politiques et procédures de sécurité nationale ".

Le Service de sécurité que la Commission McDonald a commencé à étudier en 1977 s’était développé graduellement au fil des années, comme bien d’autres institutions canadiennes. Il faisait partie intégrante de la GRC et n’avait aucune existence légale distincte, si ce n’est en vertu du pouvoir accordé par la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada au gouverneur en conseil d’attribuer certaines tâches à cette dernière. Ce n’est qu’en 1975 que le Service a obtenu un mandat explicite, qui ne consistait d’ailleurs qu’en une directive du Cabinet rédigée en termes très généraux.

L’origine du Service de sécurité remonte à certaines tâches qui avaient été confiées en 1864 par sir John A. Macdonald à l’entité qui allait devenir la police du Canada. Ces tâches comprenaient notamment le maintien de la sécurité dans les immeubles du gouvernement et la fourniture de renseignements et d’informations sur les groupes qui présentaient une menace envers la sécurité du Canada, comme les Fenians. La Police montée du Nord-Ouest assumait des fonctions similaires dans l’Ouest du pays.

De la Confédération jusqu’à la Première Guerre mondiale, le rôle de la police fédérale en matière de renseignement de sécurité a connu une expansion graduelle, par suite de l’agitation ouvrière, de l’anarchisme et de la montée du communisme. L’importance de ce rôle s’est encore accrue entre les deux guerres mondiales. Toutefois, ce n’est qu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale que les fonctions de sécurité ont été retirées à la Direction des enquêtes criminelles de la GRC, laquelle avait été créée en 1920.

L’affaire Gouzenko a suscité, en 1946, une nouvelle prise de conscience de la nécessité de resserrer la sécurité dans les institutions gouvernementales et de doter le pays de services de sécurité et de contre-espionnage capables de contrer les activités du bloc de l’Est, caractérisées par un regain d’agressivité. En 1946, la Sous-direction des affaires spéciales était créée. Son chef relevait du Commissaire de la GRC. La Sous-direction était chargée expressément de fournir au gouvernement des renseignements sur l’espionnage et la subversion et de s’assurer que les institutions fédérales étaient pourvues d’un personnel loyal et fiable. Dès 1956, la Sous-direction des affaires spéciales était élevée au rang de Direction générale au sein de la GRC, sous le contrôle d’un commissaire adjoint. Enfin, en 1970, elle était rebaptisée Service de sécurité, et placée sous le contrôle et la supervision d’un directeur général (l’équivalent d’un sous-commissaire) civil (c’est-à-dire non membre de la GRC) qui relevait du Commissaire et du Solliciteur général. (En 1966, la GRC est passée sous la responsabilité du Solliciteur général lorsque son portefeuille a été élevé au rang de ministère à part entière. Jusqu’alors, la force policière relevait de l’autorité du ministre de la Justice).

La réorganisation de 1970 était principalement attribuable au rapport de la Commission royale d’enquête sur la sécurité (Commission Mackenzie), publié en 1969. Cette commission avait été créée en 1966 à la suite d’une affaire de manquement à la sécurité dans une institution fédérale, dont avaient fait grand cas les médias de l’époque. Son mandat était d’examiner les procédures de sécurité du gouvernement, mais aussi d’enquêter de façon générale sur la question de la sécurité nationale. La principale recommandation de la Commission Mackenzie, qui découlait de la dernière partie de son mandat, préconisait la création d’un organisme civil de sécurité. En effet, la Commission avait conclu qu’un organisme d’application de la loi comme la GRC ne devait pas s’occuper des questions de renseignement de sécurité. Elle jugeait de telles fonctions incompatibles avec le rôle de la police ordinaire et estimait que la Direction des opérations spéciales n’avait ni la complexité ni la capacité d’analyse nécessaires pour s’acquitter de son rôle en matière de renseignement de sécurité, puisqu’elle recrutait ses membres uniquement dans les rangs de la GRC. La Commission recommandait également l’adoption d’une loi sur l’usage par l’agence de sécurité de techniques d’enquête par intrusion, ainsi que l’amélioration du système de filtrage sécuritaire en y incorporant notamment une procédure d’appel.

Le gouvernement a rejeté le principe d’une direction civile des affaires spéciales mais il s’est engagé, par la bouche du premier ministre, à faire en sorte que le Service de sécurité s’oriente " progressivement vers une plus grande autonomie administrative et une composition à majorité civile ", au sein de la GRC. C’est ainsi qu’on a assisté à la création du Service de sécurité et à la nomination d’un directeur général civil. Le gouvernement s’est également engagé à recruter davantage de civils pour le Service de sécurité, afin d’accroître sa compétence et sa souplesse. L’année 1974 a vu une autre réponse partielle aux recommandations de la Commission Mackenzie avec l’adoption de l’article 16 de la Loi sur les secrets officiels. En effet, cet article permettait au Solliciteur général d’autoriser l’interception ou la saisie de communications s’il était convaincu que l’activité faisant l’objet d’une enquête correspondait à la définition générale d’activités préjudiciables à la sécurité nationale, notamment l’espionnage, le sabotage, les activités d’origine étrangère ainsi que la violence politique.

Abus du Service de sécurité

Au début des années 70, le Service de sécurité se trouvait dans une situation délicate : ses membres, qui étaient presque tous des membres de la GRC ayant gravi les échelons hiérarchiques, jouissaient de tous les pouvoirs extraordinaires accordés aux agents de la paix et, en raison de leur esprit de corps, de leur discipline et de leur loyauté, ils s’opposaient avec force au recrutement de personnel civil. C’est ainsi qu’à la fin de la décennie, aucun civil n’occupait un poste équivalent à celui d’officier dans une sous-direction de planification ou d’opérations.

Par conséquent, la composition des effectifs du Service est demeurée à peu près la même après 1970. Du point de vue organisationnel, toutefois, le Service est devenu de plus en plus indépendant en matière de politiques, de budget et d’opérations. Ses employés étaient tout-puissants : en plus d’avoir des pouvoirs policiers, ils jouissaient d’une grande autonomie par rapport à la structure du pouvoir policier. Cette indépendance était renforcée par la politique gouvernementale de " non-ingérence " dans les affaires de la GRC. Aucun homme politique ne devait contrôler les services policiers ou en diriger les opérations. Ce principe est certes louable et efficace lorsqu’on traite uniquement avec une force policière qui opère dans un contexte public de freins et de contrepoids, mais il ne convient pas à un service du renseignement de sécurité qui agit forcément dans le secret et exige par conséquent un certain contrôle politique. Or, étant donné que la GRC était à la fois une force policière et un organisme de sécurité, les abus commis en matière de sécurité ne sont pas apparus immédiatement.

La seule pression des événements a suffi à perturber la situation précaire du Service de sécurité. La Crise d’octobre 1970 a pris de court le gouvernement, qui s’est révélé mal renseigné sur la nature et la portée du séparatisme québécois. Il a donc demandé à la GRC d’adopter une stratégie " active " dans ce domaine, c’est-à-dire d’obtenir des renseignements de première main sur les intentions et les activités des groupes nationalistes et, dans la mesure du possible, de prévenir ou " contrer " leurs agissements perturbateurs. Le Service de sécurité a obtempéré, mettant sur pied une vaste campagne de collecte de renseignements, d’infiltration, de harcèlement et de perturbation visant la quasi-totalité des manifestations du sentiment nationaliste au Québec. Dans de nombreuses circonstances, les membres du Service ont commis des actes parfaitement illégaux dont les trois exemples les plus spectaculaires sont : l’incendie d’une grange pour empêcher une réunion de militants nationalistes et de radicaux américains ; l’entrée par effraction dans les bureaux d’une agence de presse de gauche à Montréal, suivie du vol et de la destruction de certains de ses dossiers ; l’entrée par effraction dans les locaux du Parti québécois et le vol des listes de ses membres. Selon la Commission McDonald, les opérations de ce genre n’avaient pas été ordonnées par le gouvernement ; l’initiative venait plutôt du Service de sécurité même, en réponse à des directives du gouvernement voulant qu’il obtienne davantage de renseignements sur le séparatisme. En plus d’être illégales, ces opérations traduisaient un manque de discernement quant à la différence entre la menace réelle et la dissidence légitime. Aucune n’a eu d’effet marqué sur les groupes visés ni n’a rapporté de renseignements de grande importance.

Si les actes les plus spectaculaires du Service de sécurité ont été commis au Québec, cette province n’en a pas eu l’exclusivité. En effet, partout au Canada, le Service s’est livré à une série d’activités illégales ou irrégulières, surtout à l’égard de groupes radicaux ou de gauche. Des opérations douteuses ont été montées par suite de présumées menaces envers la sécurité nationale. En 1975, à la demande de la GRC, le Cabinet a élaboré une directive établissant le mandat du Service. Toutefois, cette directive ne faisait que réaffirmer le statu quo et permettait au Service de maintenir la sécurité interne en décelant, surveillant, décourageant, prévenant et contrecarrant les activités de personnes qui se livrent à des activités subversives ou préjudiciables à la sécurité nationale.

Les abus du Service de sécurité ne se sont pas limités à la période des années 70 ou aux excès commis dans la lutte contre les éléments nationalistes ou radicaux. En effet, les travaux de la Commission McDonald ont révélé que certaines activités comme l’entrée subreptice, l’ouverture du courrier et l’obtention de l’accès à des renseignements supposément confidentiels du gouvernement se pratiquaient depuis nombre d’années en rapport avec divers aspects de la sécurité nationale, de l’espionnage et du contre-espionnage à la subversion. Dans de nombreux cas, concluait la Commission, les pouvoirs d’enquête utilisés étaient nécessaires mais n’avaient pas été autorisés par la loi. La Commission a également constaté que le Service de sécurité n’avait pas été le seul à se livrer à des activités illégales " institutionnalisées ". La Direction des enquêtes criminelles avait également une longue histoire d’abus du même genre.

Les recommandations de la Commission McDonald

Durant les quatre années de son existence, la Commission McDonald a effectué un examen complet du Service de sécurité, relevant les nombreux actes illégaux et irrégularités dont il s’était rendu coupable. Dans l’ensemble, elle a constaté que les soi-disant maîtres politiques du Service ignoraient tout de ses agissements. Mais cette disculpation portait son propre blâme, en ce sens que la structure de contrôle et de responsabilité du Service était tellement faible qu’elle ne pouvait empêcher ces agissements. De la même façon, ceux-ci ont été mis au jour non pas grâce à un examen ou à une vérification, mais bien à la suite de divulgations fortuites par d’anciens membres du Service mécontents et de pressions exercées par la presse et l’opposition.

Le rapport de la Commission McDonald a été très dur à l’endroit du Service de sécurité. Si la Commission a reconnu que les besoins fondamentaux de sécurité du Canada, particulièrement dans le domaine de l’espionnage et du contre-espionnage, avaient été adéquatement satisfaits, elle a constaté que le Service n’avait pas la complexité et la capacité d’analyse voulues. En particulier, il était incapable de distinguer la subversion de la dissidence et avait manifestement une aversion contre la gauche. En outre, il lui manquait un mandat précis, un contrôle politique efficace et une révision adéquate de ses activités.

La principale recommandation du rapport préconisait la création d’un service de sécurité à caractère civil et entièrement distinct. Les raisons invoquées étaient très similaires à celles de la Commission Mackenzie, à savoir la nécessité d’une réorientation vers la collecte et l’analyse d’informations plutôt que vers la dissuasion ou la répression, et le besoin d’engager du nouveau personnel. Du point de vue de l’organisation, le nouvel organisme devrait rendre compte aux autorités politiques et être assujetti à un strict processus de surveillance. Or, il n’était pas approprié d’imposer ces contraintes à la GRC car, selon les conclusions du rapport, l’application de la loi et le travail de sécurité sont incompatibles.

Par conséquent, le nouvel organisme proposé aurait un mandat défini par la loi, qui indiquerait les menaces à la sécurité du Canada sur lesquelles il serait autorisé à faire enquête. La définition comprendrait quatre domaines : l’espionnage et le sabotage, l’ingérence étrangère, la violence politique et le terrorisme et, enfin, la subversion révolutionnaire, c’est-à-dire les activités visant la destruction du régime démocratique. Le rapport recommandait également qu’il soit formellement interdit au nouvel organisme de faire enquête sur les activités légitimes de défense d’une cause, de protestation ou de manifestation d’un désaccord et que celui-ci n’ait pas le pouvoir d’" appliquer " les mesures de sécurité.

En outre, la Commission a déterminé que, pour des raisons d’efficacité, l’organisme devrait se prévaloir de certaines techniques d’enquêtes par intrusion, comme la surveillance électronique, l’entrée subreptice, l’ouverture du courrier et la possibilité d’obtenir des renseignements confidentiels, sous réserve toutefois que leur utilisation soit assujettie à l’obtention d’un mandat judiciaire émis uniquement lorsqu’un tribunal aurait été convaincu que la question relève du mandat de l’organisme. Et encore, ces mandats ne pourraient être obtenus à l’égard de menaces " subversives ".

L’organisme proposé par la Commission devait avoir à sa tête un directeur général qui relèverait lui-même du Solliciteur général. Ce dernier jouerait un rôle important dans le fonctionnement de l’organisme, puisqu’il émettrait des directives concernant ses opérations et devrait autoriser les demandes de mandat. Pour s’assurer que l’organisme respecte la loi, la Commission a recommandé que ses activités soient soumises à une surveillance serrée par des organismes indépendants. D’abord, un comité consultatif de la sécurité et du renseignement composé de trois membres nommés examinerait en permanence les activités du Service pour en assurer la légalité et l’opportunité. Ce comité étudierait également les plaintes et ferait rapport au ministre et au Parlement. L’autre mécanisme fondamental du processus de surveillance serait un comité parlementaire mixte spécial qui, nommé pour la durée d’une législature, constituerait le moyen de contrôle ultime de l’organisme de sécurité. En collaboration avec le Comité consultatif, il veillerait, au nom du Parlement, à ce que l’organisme respecte son mandat.

La Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité

Immédiatement après la publication du rapport de la Commission McDonald en août 1981, le gouvernement a indiqué qu’il en acceptait la recommandation principale, soit la création d’un service civil du renseignement de sécurité. C’est ainsi qu’au ministère du Solliciteur général, un groupe spécial de transition a été créé pour traduire les recommandations de la Commission sous forme d’une mesure législative.

En mai 1983, au cours de la première session de la trente-deuxième législature, le projet de loi C-157 a été présenté à la Chambre des communes. Ce projet de loi créait le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) selon la structure proposée par la Commission McDonald, avec toutefois d’importantes modifications et additions. Presque tout de suite, le projet de loi est devenu la cible de critiques. On l’accusait de brimer les libertés civiles, d’accorder au nouveau Service des pouvoirs extrêmement vastes, de soustraire le gouvernement à sa responsabilité et de ne pas instituer de mandat précis ou de système de surveillance fonctionnel. Le public s’est opposé au projet de loi avec une telle véhémence que le gouvernement a décidé de ne pas procéder à sa deuxième lecture et l’a plutôt renvoyé à un comité sénatorial spécial. Ce dernier a tenu des audiences tout au long de l’été de 1983, recueillant les opinions les plus diverses au sujet du projet de loi. Publié en novembre 1983, son rapport recommandait plus de 40 modifications au projet de loi original qui, selon les termes mêmes du Comité, " conduiraient à un meilleur équilibre entre la sécurité collective et la sécurité individuelle ".

Par la suite, on a laissé le projet de loi C-157 expirer au Feuilleton et, au cours de la deuxième session de la trente-deuxième législature, un nouveau projet de loi (C-9), qui incorporait à toutes fins utiles toutes les recommandations du Comité sénatorial, a été présenté à la Chambre des communes. Adopté en première lecture en janvier 1984, le projet de loi C-9 a été renvoyé au Comité de la justice de la Chambre des communes en mars, adopté en troisième lecture en juin et est entré en vigueur par proclamation en juillet et en août 1984, pratiquement sans aucune modification.

La disposition au cœur du projet de loi est la définition de l’expression " menaces envers la sécurité du Canada " à l’article 2, qui détermine le cadre général des activités du SCRS. Les quatre domaines recommandés par la Commission McDonald demeurent les mêmes :

* l’espionnage ou le sabotage visant le Canada ou préjudiciables à ses intérêts, ainsi que les activités tendant à favoriser ce genre d’espionnage ou de sabotage ;

· les activités influencées par l’étranger qui touchent le Canada ou s’y déroulent et sont préjudiciables à ses intérêts, et qui sont d’une nature clandestine ou trompeuse ou comportent des menaces envers quiconque ;

* les activités qui touchent le Canada ou s’y déroulent et visent à favoriser l’usage de la violence grave ou de menaces de violence contre des personnes ou des biens dans le but d’atteindre un objectif politique au Canada ou dans un État étranger ;

* les activités qui, par des actions cachées et illicites, visent à saper le régime de gouvernement constitutionnellement établi au Canada ou dont le but immédiat ou ultime est sa destruction ou son renversement par la violence.

La définition précise également que les activités licites de défense d’une cause, de protestation ou de manifestation d’un désaccord sont sans rapport avec cette expression.

Les fonctions de base du Service sont énoncées à l’article 12 : faire enquête et recueillir, analyser et conserver des informations et des renseignements sur les menaces envers la sécurité. Le projet de loi C-157 comprenait une autre disposition qui permettait expressément au SCRS de " demeurer informé " sur le climat économique, social et politique existant, à partir de sources publiques d’information. Cette disposition avait d’abord été conservée dans le projet de loi C-9, mais elle a finalement été supprimée parce qu’elle a été jugée superflue. En outre, aux termes de l’article 13, le SCRS peut fournir des évaluations de sécurité à l’égard de futurs employés du gouvernement. Enfin, en vertu de l’article 16, le SCRS se voit accorder le rôle d’aider à la collecte de " renseignements " dans le domaine de la défense et des affaires internationales, au moyen d’enquêtes ou d’activités de surveillance à l’égard de personnes qui ne sont ni des citoyens canadiens ni des résidents permanents. À la suite des recommandations du Comité sénatorial, cette disposition a été formulée de façon à viser plus particulièrement les non-Canadiens, et les mesures en question ne peuvent être prises qu’à la demande écrite du ministre de la Défense nationale ou du ministre des Affaires étrangères, avec le consentement du Solliciteur général.

En vertu de la partie II de la Loi (articles 21 à 28), la Cour fédérale peut émettre des mandats permettant au SCRS de s’acquitter des fonctions qui lui sont attribuées par les articles 12 et 16. Ces mandats autorisent toute la gamme des techniques d’enquête, à l’exception de l’accès à des données confidentielles provenant des recensements de Statistique Canada. L’émission d’un mandat exige de nombreuses garanties et des informations qui n’étaient pas requises par le projet de loi C-157, mais qui ont été ajoutées sur la recommandation du Comité sénatorial. Ces exigences reprennent pour l’essentiel les dispositions du Code criminel relatives aux mandats de surveillance électronique. Les mandats sont valables pour une durée d’un an à l’exception de ceux visant une menace prévue à l’alinéa d), c’est-à-dire la subversion, qui ne sont valables que pour 60 jours. Cette disposition a été ajoutée par le Comité de la justice de la Chambre des communes en reconnaissance partielle de la recommandation de la Commission McDonald voulant que la subversion ne soit absolument pas visée par les techniques d’enquête par intrusion. Enfin, tous les mandats sont renouvelables, pourvu que demande en soit faite de nouveau devant le tribunal.

La Loi attribue la gestion et le contrôle du SCRS au directeur nommé par le gouverneur en conseil. Quant au Solliciteur général, il a un rôle de surveillance active. À l’origine, le projet de loi C-157 prévoyait un modèle inspiré d’une loi australienne analogue, qui accordait au directeur le dernier mot sur les objectifs à poursuivre et la communication des renseignements et privait le Ministre de tout rôle opérationnel, dans le but évident de s’assurer que le SCRS ne serve pas à des fins politiques partisanes. Toutefois, ces dispositions ont suscité un tollé considérable dans l’opinion publique parce qu’elles réduisaient la responsabilité politique directe du Ministre à l’égard du Service, en voulant éviter un danger assez improbable. Elles ont été très critiquées par le Comité sénatorial. La Loi actuelle donne le dernier mot au Ministre et prévoit qu’il doit désormais approuver toutes les demandes de mandat. Une autre disposition du projet de loi C-157 qui avait soulevé de vives réactions était la protection accordée aux employés du Service à la suite d’actes raisonnables commis dans l’exercice de leurs fonctions, dans la mesure où ils étaient " raisonnablement nécessaires ". Dans la nouvelle mesure, cette disposition est remplacée par l’article 20, qui donne aux employés la protection accordée par la loi aux agents de la paix.
Deux aspects du projet de loi C-157 qui ont survécu dans la nouvelle loi concernent le contrôle et la surveillance. Ainsi, la Loi établit le Bureau de l’Inspecteur général (art. 30) et le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité (CSARS, art. 34). Le premier, dont le titulaire est nommé par le gouverneur en conseil, a pour tâche de surveiller les opérations du SCRS et de faire rapport à ce sujet au Solliciteur général adjoint et au CSARS, ainsi que de contrôler la légalité et la pertinence de ces opérations. Le CSARS est composé au maximum de cinq membres du Conseil privé nommés par le gouverneur en conseil après consultation du Premier ministre avec les chefs des partis d’opposition à la Chambre des communes. Son rôle est de passer en revue les opérations du SCRS et de faire rapport à ce sujet au Ministre et au Parlement. Il est également doté de diverses fonctions d’enquête, étudie les plaintes relatives aux activités du SCRS et agit à titre de comité d’appel en ce qui concerne les évaluations de sécurité et les décisions assujetties à des contraintes de sécurité en vertu des lois sur la citoyenneté et sur l’immigration.

Un dernier aspect de la loi, non abordé par la Commission McDonald, est ce qui en formait la partie IV (art. 56-61) et qui est devenu la Loi sur les infractions en matière de sécurité. Cette loi délimite les pouvoirs de la police et des autorités judiciaires en matière d’infractions liés à la sécurité. Elle donne à la GRC la " responsabilité première " quant aux enquêtes relatives à ces infractions et l’autorise à conclure à cette fin des ententes avec d’autres forces policières. La Loi donne également au Procureur général du Canada le pouvoir d’intenter des poursuites dans les cas d’infractions en matière de sécurité et, par ordonnance, d’intervenir dans les poursuites intentées par les provinces relativement à ces infractions et de les prendre en charge. Malgré la vive opposition des provinces à la Loi, qu’elles qualifiaient d’empiétement sur leurs compétences, ces dispositions sont demeurées à peu près inchangées au cours du processus législatif.

Les questions controversées

La Loi qui a été adoptée par le Parlement est loin d’être le fruit d’un consensus. De fait, les délibérations en comité et à l’étape du rapport sur le projet de loi C-9 ont été extrêmement houleuses. Les deux partis d’opposition se sont vigoureusement opposés à des aspects fondamentaux de cette mesure, exprimant ainsi l’inquiétude du public.

La principale objection était sans doute la suppression du rôle de la GRC en matière de sécurité et la création d’un service civil. Plusieurs procureurs généraux des provinces, le Parti progressiste conservateur, des groupes de défense des libertés civiles et, finalement, le Nouveau Parti démocratique se sont opposés à ce changement. Leur principal argument était qu’avec un mandat clair et une surveillance efficace, la GRC demeurait toujours l’organisme le plus compétent pour s’acquitter des fonctions de sécurité grâce à sa discipline, à sa longue et honorable tradition, à son système établi de contacts et à son imperméabilité quasi absolue à l’infiltration étrangère. Selon d’autres intervenants, les lacunes de la Loi étaient tellement flagrantes qu’il valait mieux maintenir le statu quo.

Le mandat accordé au SCRS a également suscité une opposition considérable. On dénonçait non seulement son étendue, mais aussi le principe même d’un organisme de sécurité habilité à s’occuper de questions comme la " subversion " ou les " activités influencées par l’étranger ". L’Association canadienne des libertés civiles, par exemple, estimait qu’il était inutile de créer un organisme somme toute assez restreint pour ne contrer que les menaces d’espionnage ou de sabotage venant de puissances étrangères, puisque les forces policières ordinaires sont déjà en mesure de s’occuper des autres types de menaces lorsque des crimes sont commis.

La définition du terme " menace " est également très controversée. Certains estiment qu’elle est formulée en termes si vagues qu’elle vise une multitude d’actes qui n’ont rien à voir avec la véritable sécurité. Le gouvernement, quant à lui, a adopté la position selon laquelle il faut interpréter la définition dans le contexte, d’une part, des dispositions qui protègent la dissidence légitime et limitent les pouvoirs de l’organisme à ceux qui sont " strictement nécessaires ", et, d’autre part, du nouveau système de contrôle et de surveillance. Dans ce contexte, selon le gouvernement, la définition est raisonnable. Par ailleurs, le rôle de " collecte de renseignements " de l’organisme (art. 16) est également très controversé. En effet, nombreux sont ceux qui estiment qu’il est tout à fait déraisonnable de soumettre des ressortissants étrangers à une surveillance s’ils ne constituent pas une menace envers la sécurité mais sont simplement susceptibles de fournir au Canada des renseignements utiles sur la défense ou les affaires internationales. Un autre sujet de préoccupation est la portée du système de mandats, qui autorise le SCRS à utiliser pratiquement n’importe quelle technique d’enquête, de l’entrée subreptice à l’accès aux renseignements confidentiels d’un médecin sur ses malades.

En général, le reste de la Loi n’est pas particulièrement controversé, à l’exception de deux passages concernant la surveillance des activités de l’organisme. Le premier concerne l’accès à l’information accordé au Bureau de l’Inspecteur général et au CSARS. Ces deux organismes ont accès à tous les renseignements en possession du SCRS, sauf les documents du Cabinet. Ces exceptions (voir par. 31(2) et 39(3)) apparaissaient initialement dans le projet de loi C-157 et ont été presque universellement rejetées, les critiques considérant que les organismes de surveillance devraient avoir accès à tous les documents du Service pour s’acquitter convenablement de leurs importantes fonctions. Le Comité sénatorial a donc recommandé l’élimination de ces exceptions. Au Comité permanent de la justice de la Chambre des communes, certains députés ministériels se sont joints à l’opposition et ont voté en faveur de leur élimination. Ces articles ont toutefois été rétablis à l’étape du rapport à la Chambre, le gouvernement ayant estimé que le Cabinet requiert la plus haute confidentialité.

L’autre passage concerne la surveillance parlementaire directe du SCRS, absente du projet de loi C-157 bien que recommandée par la Commission McDonald. Le Comité sénatorial avait également rejeté cette suggestion qu’il jugeait peu pratique, faisant double emploi avec le CSARS et sujette à des faiblesses dans la préservation du secret. Quant aux deux partis d’opposition, ils appuyaient l’idée d’un comité parlementaire spécial ayant accès aux renseignements de l’organisme afin que le Parlement soit assuré que le SCRS agit dans les limites de son mandat. Ils craignaient que le Parlement n’obtienne pas une vue complète des opérations de l’organisme par l’entremise du CSARS et ils ont invoqué les exemples de la République fédérale d’Allemagne et des États-Unis pour démontrer que ce comité serait pratique et fonctionnel. Toutefois, le gouvernement est resté ferme à cet égard et a refusé d’ajouter une supervision parlementaire directe.

Évolution de la situation de 1984 à aujourd’hui

Le 17 août 1987, la Section d’appel de la Cour fédérale a statué, par deux voix contre une, que l’article 21 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, concernant la délivrance de mandats judiciaires, ne va pas à l’encontre de la Charte canadienne des droits et libertés. Un certain Atwal, accusé d’avoir participé à un attentat en Colombie-Britannique contre un ministre du cabinet du Pendjab, avait demandé à prendre connaissance de l’affidavit soumis à l’appui d’une demande de mandat judiciaire à la Cour fédérale. Le 30 avril 1987, le juge Heald a confirmé que l’article 21 de la Loi ne contrevient pas à la Charte et a refusé de permettre l’accès à l’affidavit. La cause ayant été portée en appel, les juges Mahoney et MacGuigan ont confirmé que l’article 21 ne contrevient pas à la Charte, mais ils ont annulé la décision du juge Heald et ont permis l’accès à l’affidavit, à condition que les noms des agents et des informateurs en soient supprimés.

Le 11 septembre 1987, M. T.D. Finn a démissionné de son poste de directeur du SCRS et a été remplacé par M. J. Reid Morden, ex-secrétaire adjoint du Cabinet pour la politique étrangère et de défense. M. Finn a démissionné le jour même où la Cour fédérale a appris que les affidavits utilisés pour obtenir le mandat dans l’affaire Atwal contenaient des inexactitudes et des irrégularités.

Le 30 novembre 1987, le Solliciteur général a publié le rapport d’un groupe consultatif indépendant de trois membres présidé par Gordon Osbaldeston et a annoncé qu’il en acceptait les recommandations et qu’il les appliquerait. Ce rapport était sévère à l’endroit du SCRS et préconisait des modifications à tous les aspects de ses activités. Ses critiques et recommandations portaient surtout sur le cloisonnement interne excessif des opérations du Service, sur son recours insuffisant aux sources ouvertes, sur sa capacité sous-développée d’analyse des renseignements, sur le manque de directives opérationnelles claires à l’égard du ciblage et du recours aux délateurs et à des méthodes d’enquête par intrusion ainsi que sur la pauvreté de ses programmes de formation. Le rapport demandait avec instance la réouverture de l’école de formation du personnel du SCRS et la suppression de la Direction de l’antisubversion.

Le 29 mars 1988, le Solliciteur général a publié le rapport que le CSARS lui avait présenté le 25 mars 1988, aux termes de l’article 54, sur l’usage par le SCRS de ses pouvoirs d’enquête relativement au mouvement ouvrier. Le Comité en est venu à la conclusion que ni Marc-André Boivin, un des informateurs du SCRS, ni le SCRS lui-même n’avaient ciblé des membres de syndicats ou des syndicats pour leurs activités syndicales proprement dites. Le rapport a critiqué le SCRS pour avoir continué à retenir les services de Boivin malgré que ceux-ci soient devenus inutiles, pour ne pas avoir adopté de politique permettant de déterminer à quel moment le recours à des informateurs est raisonnablement nécessaire et pour avoir conservé les dossiers du Service de sécurité de la GRC, avoir continué à y verser de l’information et les avoir utilisés d’une façon qui outrepassait peut-être le mandat qui lui est conféré par la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité. Le CSARS a félicité le Solliciteur général et le directeur du SCRS d’avoir agi avec célérité face à ces problèmes.

Dans l’affaire Thomson, une personne n’avait pu obtenir un poste au ministère de l’Agriculture à la suite d’une vérification de sécurité défavorable du SCRS. Le candidat, M. Thomson, en a appelé de la décision auprès du CSARS qui, après audition, a recommandé qu’on lui donne l’autorisation de sécurité requise. Cependant, le sous-ministre de l’Agriculture a rejeté cette recommandation. Le 7 mars 1988, la Section d’appel de la Cour fédérale a statué que, d’après les dispositions de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, le gouvernement était lié par les recommandations du CSARS. Elle a aussi statué que, comme le sous-ministre de l’Agriculture exerçait des pouvoirs " administratifs ", elle n’était pas compétente pour rendre une décision exécutoire dans cette affaire. Le 17 juin 1988, le juge Dubé, de la Section de première instance de la Cour fédérale, a reconnu la validité de l’opinion obiter de la Section d’appel de la Cour fédérale, mais il a refusé de s’en inspirer. Il a affirmé que les recommandations du CSARS relatives aux vérifications de sécurité ne sont pas des " décisions ", et qu’elles ne sauraient lier le gouvernement. La décision du juge Dubé a été portée en appel devant la Section d’appel de la Cour fédérale. Le 17 mai 1990, cette dernière, composée de juges différents, a infirmé la décision du juge Dubé et statué que celui-ci était lié par le jugement initial de la Cour. La décision dans l’affaire Thomson a été suivie par celle du juge Joyal rendue le 4 octobre 1990 au sujet du cas Kwan Lihuen, lequel concernait le retrait de l’habilitation de sécurité d’un traducteur de langue chinoise travaillant pour le SCRS. Le 25 janvier 1991, la Cour suprême du Canada a accordé l’autorisation d’interjeter appel dans l’affaire Thompson. Le 13 février 1992, la Cour suprême a statué que les recommandations du CSARS relatives aux vérifications de sécurité ne lient pas le gouvernement.

Le 26 janvier 1989, la Section d’appel de la Cour fédérale a rendu sa décision dans l’affaire Russell. Dans cette affaire, le plaignant voulait savoir s’il avait fait l’objet d’une enquête par le SCRS. Le Comité avait informé M. Russell que le SCRS n’avait rien fait d’irrégulier ou d’illégal. Dans son jugement, le juge Pratte a indiqué que la lettre que le CSARS avait envoyée à M. Russell en mars 1988 n’était qu’une " constatation " et non pas une " décision " et qu’elle ne pouvait donc faire l’objet d’un examen judiciaire.

Le 9 mars 1989, Stephen Ratkai, qui avait plaidé coupable à des accusations portées contre lui aux termes de la Loi sur les secrets officiels, selon lesquelles il se serait livré à des activités d’espionnage pour le compte de l’Union soviétique, a été condamné à neuf ans d’emprisonnement.

Le 23 mars 1989, Marc-André Boivin a intenté des poursuites devant la Cour fédérale contre le SCRS, le CSARS et le Solliciteur général ; il réclamait un demi-million de dollars en dommages-intérêts. Il a poursuivi les responsables du SCRS pour avoir révélé à la Sûreté du Québec les activités qu’il menait pour leur compte, et le CSARS pour avoir fait publiquement état de ses activités sans lui donner une possibilité équitable de présenter sa version des faits.

Le 15 mai 1989, l’Association canadienne des libertés civiles a engagé des poursuites devant la Cour de l’Ontario (Division générale) pour que celle-ci déclare que certaines dispositions de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité sont contraires à la Charte canadienne des droits et libertés et, de ce fait, sont nulles et non avenues. Dans un jugement rendu le 16 août 1990, le juge Potts de la Cour de l’Ontario (Division générale) a conclu que l’Association canadienne des libertés civiles avait la capacité juridique de poursuivre l’affaire. Le 25 mars 1992, le juge Potts a statué que les dispositions de la Loi ne sont pas contraires aux dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés. Dans une décision rendue le 9 juillet 1998, la Cour d’appel de l’Ontario, par deux voix contre une, a rejeté l’appel de l’Association canadienne des libertés civiles. La Cour suprême du Canada a refusé d’entendre un appel dans cette affaire.

Le 23 février 1990, la Section d’appel de la Cour fédérale a statué, dans l’affaire Chiarelli, que la disposition de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité qui permet au CSARS d’exclure les plaignants et leur avocat de certaines parties de ses auditions était contraire à la Charte canadienne des droits et libertés. La Cour suprême du Canada a accordé l’autorisation d’interjeter appel dans cette affaire. Le 26 mars 1992, elle a statué que cette disposition n’était pas contraire à la Charte.

Le 14 août 1990, le CSARS a déposé un rapport et des recommandations concernant les Forces armées canadiennes et l’un de leurs anciens membres, Mme M.D. Douglas. Le Comité y a critiqué la façon dont les Forces armées ont mené l’enquête sur l’orientation sexuelle de Mme Douglas et retiré l’habilitation de sécurité de cette dernière. Il en est arrivé à la conclusion que Mme Douglas ne posait pas de risque de sécurité et recommandé que sa cote soit rétablie et que Mme Douglas réintègre son poste. La décision a été portée devant la Section d’appel de la Cour fédérale.

Mesures parlementaires

Les parlementaires se voient accorder un rôle de surveillance des opérations du SCRS par l’article 53 de la Loi, qui porte que le Solliciteur général doit déposer le rapport annuel du CSARS au Parlement. Le Règlement de la Chambre des communes dispose que tout rapport devant, en vertu d’une loi, être déposé au Parlement est réputé renvoyé de façon permanente à un comité de la Chambre. Dans le cas des rapports du CSARS, le comité en cause est le Comité permanent de la justice et des droits de la personne.

L’article 56 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité et l’article 7 de la Loi sur les infractions en matière de sécurité, recommandés par le Comité sénatorial, prévoient par ailleurs la participation du Parlement à l’évaluation des lois. Ces articles disposaient qu’un comité de la Chambre ou qu’un comité mixte devrait effectuer un examen de l’application de ces deux lois dans un délai de cinq ans suivant leur entrée en vigueur et remettre un rapport, accompagné des modifications qu’il recommandait au Parlement. Le 27 juin 1989, la Chambre des communes a institué un comité spécial chargé d’examiner la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité et la Loi sur les infractions en matière de sécurité. Ce comité a remis ses conclusions et 117 recommandations le 24 septembre 1990.

Le rapport du Comité spécial, intitulé Une période de transition mais non de crise, porte comme conclusion générale que le système canadien du renseignement de sécurité est solide et que toute réforme doit partir des organismes déjà en place. Les recommandations concernent la définition des mandats, les relations de travail et les ressources humaines, les fonctions de surveillance de l’Inspecteur général et du CSARS, le rôle du CSARS et de la Commission des plaintes du public contre la GRC pour ce qui est des plaintes, et la création d’un sous-comité parlementaire qui serait chargé du contrôle et de l’examen des activités des organismes canadiens chargés de la sécurité nationale et de la cueillette du renseignement de sécurité. Enfin, le Comité spécial a demandé au gouvernement de se prononcer sur son rapport et ses recommandations en deçà de 150 jours.

Le 25 février 1991, le gouvernement a déposé sa réponse au rapport du Comité. Dans le document intitulé Maintenir le cap : La sécurité nationale dans les années 90, il s’est dit d’avis que la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité et la Loi sur les infractions en matière de sécurité n’avaient pas besoin d’être modifiées. Il a en outre affirmé qu’il n’était pas prêt, à l’époque, à envisager d’apporter des changements structurels aux organismes actuellement responsables de la sécurité nationale. Il s’est engagé à demander au Solliciteur général, à compter de 1992, de faire rapport au Parlement des problèmes auxquels le Canada fait face en matière de sécurité nationale au moment du dépôt de son budget des dépenses principal. Cette déclaration devait être accompagnée d’un rapport annuel public préparé par le directeur du SCRS dans lequel serait établi le bilan des " menaces " existantes. Le gouvernement a approuvé la recommandation du comité concernant la tenue d’un autre examen parlementaire de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité et de la Loi sur les infractions en matière de sécurité à compter de 1998.

Le 26 février 1991, la Chambre des communes a pris en délibéré une motion portant approbation du rapport du comité intitulé Une période de transition mais non de crise. Le débat a été ajourné la journée même sans que la motion soit mise aux voix.

Conformément à une recommandation formulée dans le rapport Une période de transition mais non de crise, le Comité permanent de la justice et du Solliciteur général de la Chambre des communes a, le 13 juin 1991, créé un Sous-comité permanent sur la sécurité nationale. Ce dernier a tenu sa première réunion le 18 juin 1991.

Conformément à l’engagement pris par le gouvernement dans Maintenir le cap : La sécurité nationale dans les années 90, le Solliciteur général a fait sa première déclaration annuelle sur la sécurité nationale et déposé le premier rapport public du directeur du SCRS à la Chambre des communes le 19 mars 1992.

Le 11 avril 1994, le Solliciteur général a fait sa déclaration annuelle sur la sécurité nationale et déposé en même temps à la Chambre des communes le rapport public du directeur du SCRS pour 1993. Deux jours plus tard, soit le 13 avril 1994, au cours de sa comparution sur le Budget des dépenses principal devant le Comité permanent de la justice et des questions juridiques de la Chambre des communes, le Solliciteur général a pour la première fois décomposé en trois chiffres le budget du SCRS : conformément au Budget principal de 1994-1995, le SCRS devrait recevoir 206 834 000 $, soit 115 454 000 $ pour le personnel, 17 196 000 $ pour la construction et l’acquisition de terrains, et 74 184 000 $ pour d’autres subventions et paiements. C’est la première fois que de tels détails étaient rendus publics.

Le Comité permanent de la justice et des questions juridiques de la Chambre des communes a adopté, le 3 mai 1994, une motion visant le rétablissement d’un Sous-comité sur la sécurité nationale.

Le 14 août 1994, selon des allégations, une source humaine du SCRS, Grant Bristow, a joué un rôle de premier plan dans la création du Heritage Front et dans certaines activités menées par celui-ci. Le jour même, le CSARS a entrepris de faire enquête sur ces allégations et sur d’autres allégations publiques s’y rapportant. Étant donné la suite des événements, le Sous-comité sur la sécurité nationale de la Chambre des communes a annoncé, le 29 août 1994, qu’il se pencherait sur la question.

Le Solliciteur général a publié le 15 décembre 1994 le rapport que lui a adressé le CSARS sur le rôle du SCRS dans le Heritage Front. Les auteurs du rapport confirment que le SCRS avait une source humaine dans le Heritage Front, qui avait été ciblée adéquatement et qui fournissait des renseignements de sécurité utiles. Ils concluent que la source, qu’ils n’identifient pas, a joué un rôle de soutien dans la création et les activités du Heritage Front et non un rôle de premier plan. Ils concluent aussi, après un long délibéré, que bon nombre des allégations du public étaient soit exagérées, soit fausses. Ils émettent toutefois des réserves concernant les activités " limite " de la source. Le CSARS a recommandé que des principes directeurs plus détaillés soient établis relativement à l’affectation et à la supervision des sources humaines du SCRS.

Des membres du CSARS ont comparu le 16 décembre 1994 devant le Sous-comité de la Chambre des communes sur la sécurité nationale pour répondre à des questions sur le rapport sur le SCRS et le Heritage Front.

Le 28 mars 1995, le Solliciteur général a fait sa déclaration annuelle sur la sécurité nationale et déposé en même temps à la Chambre des communes le rapport public du directeur du SCRS pour 1994. Pour la première fois, le rapport public renfermait un aperçu du programme pour la période se terminant à la fin de l’exercice 1997-1998. Ce document prévoyait que le budget et l’effectif du SCRS seraient réduits, puisqu’ils passeraient respectivement de 207 à 159 millions de dollars et de 2 366 à 2 021 équivalents temps plein (ETP).

Le 4 octobre 1995, le Sous-comité sur la sécurité nationale de la Chambre des communes a déposé son rapport sur la sécurité des documents et du personnel. Il y fait cinq recommandations dans lesquelles il a proposé qu’on renforce la politique de sécurité du gouvernement et qu’on l’étende aux bureaux des ministres. Le 28 février 1996, dans sa réponse au rapport, le gouvernement a accepté l’idée à la base des recommandations du Sous-comité.
Le 19 juin 1996, le Sous-comité sur la sécurité nationale de la Chambre des communes a déposé son rapport sur l’" affaire Heritage Front ". Le Sous-comité a publié un rapport majoritaire, une opinion dissidente commune, et deux opinions dissidentes, après avoir examiné le rapport que le CSARS a publié sur ces questions en décembre 1994.

Le 1er août 1996, le juge Heald, de la Cour fédérale, a statué, dans l’affaire Zundel, que l’on était tout à fait fondé de soupçonner le CSARS d’avoir fait preuve de discrimination dans son examen de la demande de citoyenneté d’une personne sur laquelle il avait déjà émis un avis de nature à la discréditer dans son rapport sur l’affaire du Heritage Front. Le gouvernement a appelé de ce jugement devant la Section d’appel de la Cour fédérale. Dans l’intervalle, le projet de loi C-84, modifiant la Loi sur la citoyenneté et la Loi sur l’immigration de manière à créer une autre procédure pour traiter les cas du genre de l’affaire Zundel, a été adopté à la Chambre des communes et au Sénat ; le projet de loi a reçu la sanction royale le 25 avril 1997. Le 27 novembre 1997, la Cour d’appel fédérale a renversé la décision du juge Heald dans l’affaire Zundel. Le 30 avril 1998, la Cour suprême du Canada a rejeté la demande d’autorisation d’appel dans cette affaire.

Chronologie

1946 - Devant l’accroissement des fonctions de sécurité attribuées à la GRC, le personnel affecté à ce type de tâches est pour la première fois séparé, du point de vue organisationnel, de la Direction des enquêtes et regroupé au sein de la Sous-direction des affaires spéciales.

1956 - La Sous-direction des affaires spéciales est élevée au rang de Direction générale au sein de la GRC, sous le commandement d’un commissaire adjoint.

1969 - La Commission royale d’enquête sur la sécurité recommande la création d’un organisme de sécurité à caractère civil. Le gouvernement rejette cette recommandation, mais annonce son intention d’accorder un statut distinct à la Direction des affaires spéciales et d’augmenter son personnel civil.

1970 - La Direction des affaires spéciales devient le Service de sécurité, sous la direction d’un directeur général civil, M. John Starnes.

octobre 1970 - M. James Cross est kidnappé ; le ministre Pierre Laporte est kidnappé et assassiné. La Loi sur les mesures de guerre est proclamée.

1971-1974 - Particulièrement mais non exclusivement au Québec, le Service de sécurité monte une série d’opérations, dont bon nombre sont apparemment illégales, en vue de neutraliser les groupes radicaux et séparatistes.

27 mars 1975 - Le cabinet fédéral élabore une directive régissant les activités du Service de sécurité, directive qui demeure secrète jusqu’en 1978.

30 mars 1976 - Le caporal R. Samson, qui subit son procès à la suite d’un incident non lié à cette affaire, révèle sa participation à l’Opération Bricole en 1972 (entrée par infraction et vol de dossiers).

juin 1977 - L’ancien sergent d’état-major du Service de sécurité, M. Donald McCleery, révèle à des fonctionnaires du ministère de la Justice les détails d’autres opérations, y compris l’Opération Ham (entrée par effraction dans les locaux du PQ et vol des listes de membres).

6 juillet 1977 - Le Solliciteur général, M. Fox, annonce la nomination du juge D.C. McDonald à la présidence d’une commission d’enquête sur les allégations d’irrégularités de la part de la GRC.

juin 1981 - À la suite du rapport de sa propre commission d’enquête, le gouvernement du Québec dépose des accusations contre 17 agents ou anciens agents de la GRC.

25 août 1981 - Le rapport définitif de la Commission McDonald est rendu public.

18 mai 1983 - Le projet de loi C-157 est adopté en première lecture à la Chambre des communes au cours de la première session de la trente-deuxième législature.

29 juin 1983 - Le projet de loi C-157 est renvoyé à un comité sénatorial spécial qui, dans son rapport publié au mois de novembre suivant, recommande qu’on y apporte des amendements substantiels.

18 janvier 1984 - Le projet de loi C-9 est adopté en première lecture à la Chambre des communes au cours de la deuxième session de la trente-deuxième législature. Ce projet de loi comprend la plupart des modifications recommandées par le comité sénatorial.

21 juin 1984 - Après trois mois d’étude en comité, le projet de loi C-9 franchit l’étape de la troisième lecture et est adopté par la Chambre des communes. Peu après, il est adopté par le Sénat.

16 juillet 1984 - À l’exception de la partie II, toute la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité est proclamée en vigueur.

31 août 1984 - La partie II de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, portant sur les mandats judiciaires, est proclamée en vigueur.

29 novembre 1984 - Les premiers membres du CSARS sont nommés. Le président en est M. Ronald Atkey, ancien ministre du cabinet conservateur.

15 février 1985 - M. Richard Gosse, ancien procureur général adjoint de la Saskatchewan, est nommé premier Inspecteur général en application de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité.

22 juillet 1987 - Le Solliciteur général annonce la création d’un groupe consultatif indépendant formé de trois membres et chargé de lui faire rapport d’ici au 30 octobre 1987 sur la mise en œuvre des recommandations du CSARS relativement à l’antisubversion et à la transformation du CSARS en organisme civil.

30 juillet 1987 - Le Comité sénatorial spécial sur le terrorisme et la sécurité publique publie son rapport.

11 septembre 1987 - M. T.D. Finn, premier directeur du SCRS, démissionne de son poste et est remplacé par M. J. Reid Morden.

30 novembre 1987 - Le Solliciteur général publie le rapport du groupe consultatif indépendant et annonce qu’il en accepte les recommandations.

29 mars 1988 - Le CSARS publie son rapport spécial sur les activités du SCRS relativement au mouvement ouvrier et sur les actes de Marc-André Boivin.

27 juin 1989 - La Chambre des communes institue un comité spécial chargé d’examiner les dispositions et l’application de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité et de la Loi sur les infractions en matière de sécurité, cinq ans après leur adoption. Le comité doit présenter son rapport au plus tard le 16 juillet 1990.

28 juin 1989 - Le Comité sénatorial spécial sur le terrorisme et la sécurité publique dépose son deuxième et dernier rapport.

24 septembre 1990 - Le Comité spécial d’examen de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité et de la Loi sur les infractions en matière de sécurité de la Chambre des communes dépose son rapport intitulé Une période de transition mais non de crise.

25 février 1991 - Le gouvernement dépose sa réponse au rapport du Comité spécial d’examen de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité et de la Loi sur les infractions en matière de sécurité, intitulé Maintenir le cap : La sécurité nationale dans les années 90.

26 février 1991 - La Chambre des communes prend en délibéré une motion portant adoption du Rapport du Comité spécial d’examen de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité et de la Loi sur les infractions en matière de sécurité.

13 juin 1991 - Le Comité permanent de la justice et du Solliciteur général de la Chambre des communes crée le Sous-comité sur la sécurité nationale.

18 juin 1991 - Le Sous-comité sur la sécurité nationale se réunit pour la première fois.

14 - 29 août 1994 - Un certain nombre d’allégations publiques sont faites au sujet du rôle joué par une source humaine du SCRS, Grant Bristow, dans la création du Heritage Front et dans certaines activités menées par celui-ci.

29 août 1994 - Le Sous-comité de la sécurité nationale de la Chambre des communes annonce qu’il se penchera sur les allégations publiques selon laquelle un lien pourrait exister entre le SCRS et le Heritage Front.

15 décembre 1994 - Le Solliciteur général publie le rapport du CSARS sur les activités du SCRS au sein du Heritage Front.

4 octobre 1995 - Le Sous-comité sur la sécurité nationale de la Chambre des communes dépose son Rapport sur la sécurité des documents et du personnel.

19 juin 1996 - Le Sous-comité sur la sécurité nationale de la Chambre des communes dépose son rapport sur l’affaire Heritage Front.

1er août 1996 - Le juge Heald, de la Cour fédérale, rend son jugement dans l’affaire Zundel.

25 avril 1997 - Le projet de loi C-84 reçoit la sanction royale.

3 octobre 1997 - Le juge McGillis, de la Cour fédérale, rend un jugement concernant les tentatives faites par le SCRS d’inclure des " clauses relatives aux visiteurs " dans le mandat des enquêtes sur les renseignements de sécurité.

27 novembre 1997 - La Cour d’appel fédérale renverse la décision du juge Heald dans l’affaire Zundel. Par la suite, la Cour suprême refuse d’autoriser un appel.

26 mars 1998 - Le Sénat établit un Comité spécial sur la sécurité et les services de renseignement, qui doit présenter un rapport à l’automne de 1998.

9 juillet 1998 - La Cour d’appel de l’Ontario, par deux voix contre une, rejette l’appel dans l’affaire mettant en cause l’Association canadienne des libertés civiles. Par la suite, la Cour suprême refuse d’autoriser un appel.

janvier 1999 - Le Comité spécial du Sénat sur la sécurité et les services de renseignements dépose son rapport.

novembre 1999 - Des reportages dans les médias font état de vols et de gestion négligente de documents confidentiels du SCRS.

16 décembre 1999 - Le solliciteur général fait sa déclaration annuelle sur la sécurité nationale devant la Chambre des communes et répond au rapport du Comité spécial du Sénat sur la sécurité et les services de renseignements.

Bibliographie sélective

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Source : Parlement du Canada, Service des études http://www.parl.gc.ca