Autorité administrative indépendante, la CCSDN a pour mission de fournir aux autorités responsables de la classification des informations relevant du secret de la Défense nationale un avis objectif et compétent sur les demandes de déclassification formulées par les autorités judiciaires.

Le législateur a rigoureusement encadré les compétences de la Commission. Ainsi la loi prescrit, en son article 1er, que " la CCSDN est chargée de donner son avis sur la déclassification et la communication d’informations ayant fait l’objet d’une classification en application des dispositions de l’article 413.9 du code pénal, à l’exclusion des informations dont les règles de classification ne relèvent pas des seules autorités françaises. L’avis de la CCSDN est rendu à la suite de la demande d’une juridiction française ".

Plusieurs conséquences découlent de cet article.

1. La Commission n’est compétente que pour les affaires relevant stricto sensu de la réglementation sur les informations classifiées. Dès lors que l’ensemble des conditions requises par l’article 413.9 du code pénal, et par les instructions interministérielles qui en découlent, ne sont pas réunies, la Commission n’est pas compétente.

2. La Commission n’est saisie qu’à la suite d’une demande d’une juridiction française. C’est pourquoi comme on l’a vu supra, tant qu’aucune juridiction n’est saisie d’une affaire touchant à des informations classifiées, l’autorité administrative qui a procédé à la classification peut mettre fin à cette dernière quand bon lui semble, le pouvoir de déclassifier appartenant à tout moment à celui qui a exercé le pouvoir de classifier. Cependant, dès qu’une juridiction est saisie et que la déclassification d’un document ou d’un objet est demandée par le juge à l’autorité qui a classifié, celle-ci ne peut plus prendre sa décision qu’après avoir consulté la CCSDN. Rien ne s’oppose pourtant à ce qu’une autorité administrative sollicite l’avis de la Commission sur une éventuelle déclassification, hors toute saisine d’une juridiction et sans pour autant qu’un juge la lui ait réclamée. La CCSDN n’intervient en cette hypothèse qu’en qualité " d’expert ". Son avis n’a pas alors à être obligatoirement publié.

3. L’avis de la Commission ne peut être requis que pour les informations dont la classification relève intégralement de la France. Ainsi pour des documents ou des informations émanant par exemple de l’OTAN, de l’UEO, etc., la justice doit s’adresser directement à ces organismes, qui, en vertu du principe " qui classifie peut déclassifier ", sont en mesure, éventuellement, de satisfaire sa demande, sans en référer à la Commission.

4. L’avis de la Commission est consultatif : il ne lie pas l’autorité administrative qui l’a sollicité, qui peut donc déclassifier et communiquer à la juridiction qui les a demandées des informations dont la CCSDN aurait estimé qu’elles devraient demeurer protégées.

À l’inverse, l’autorité administrative peut très bien maintenir la classification, en dépit d’un avis favorable à la déclassification émis par la Commission, si elle estime que les inconvénients pour les intérêts fondamentaux de la Nation n’auraient pas été appréciés à leur juste valeur par cette dernière. On notera toutefois, sans pour autant en tirer le moindre enseignement ou la moindre conclusion, que les avis de la Commission ont jusqu’à présent toujours été suivis par les ministres concernés. On a pu noter quelques cas où le ministre, pressentant la requête d’une juridiction dans une affaire donnée, a procédé à la déclassification des pièces afférentes à l’affaire en cours avant d’être saisi par un magistrat, ce qui dispensait ainsi l’autorité administrative de saisir la CCSDN, et permettait de gagner des délais importants pour la procédure, désamorçant ainsi les spéculations des uns ou des autres sur le contenu des documents en question. En revanche, dès que l’autorité administrative est saisie par un magistrat, elle ne peut se dispenser de requérir l’avis la CCSDN, dans les meilleurs délais.

5. La loi du 8 juillet 1998 prévoit, en son article 7, que " le sens de l’avis " de la Commission est publié au Journal officiel et impose un cadre précis auquel celle-ci doit se conformer. Le sens de l’avis peut être " favorable à la déclassification ", " favorable à une déclassification partielle " ou " défavorable à la déclassification ". Par déclassification partielle, il faut entendre la déclassification d’un certain nombre des documents ou objets sur lesquels porte la saisine du ministre, les autres documents devant rester classifiés, ou la déclassification d’une partie seulement d’un document donné.

L’article 7 opère une distinction entre le sens de l’avis, auquel il se réfère, et l’avis proprement dit. Si le " sens de l’avis est rendu public ", l’avis lui-même est " transmis à l’autorité administrative ayant procédé à la classification ". Il est permis d’en déduire, en se référant aux débats parlementaires préalables au vote de la loi, que la Commission n’est pas tenue de motiver ses avis. En effet, alors que l’article 4 stipule que la demande de la juridiction qui sollicite la déclassification est motivée, les articles 7 et 8, au contraire, distinguent l’avis proprement dit de la Commission, remis à l’autorité administrative, le " sens de l’avis " qui seul est rendu public, puis la décision du ministre qui se traduit par une déclassification ou par le maintien de la classification, conformément ou non, d’ailleurs, à l’avis consultatif de la Commission. La loi prévoit, d’autre part, que le sens de l’avis, et lui seul, n’est pas motivé.

Il ressort de ces distinctions que, dans l’hypothèse d’un avis favorable à une déclassification partielle, la Commission est autorisée à préciser au ministre, et à lui seul, les limites du périmètre de déclassification. Sans pour autant constituer une motivation au sens propre du terme, cette faculté ouvre à la Commission la possibilité d’être, à l’égard du ministre, plus explicite que ne l’y autorise le simple alinéa 3 de l’article 7.

C’est dans ce sens que s’est orientée depuis 1998, la pratique de la Commission. Celle-ci a régulièrement adressé à l’autorité administrative, à l’occasion des affaires qu’elle a traitées, un " relevé d’observations " parfois sommaire, parfois très détaillé, quelquefois lui-même classifié à raison de sa teneur, largement inspiré par le contenu des informations classifiées dont il constituait une sorte de commentaire.

Lorsque le relevé d’observations n’est pas classifié, ce qui constitue le cas le plus fréquent, le ministre a la faculté de le rendre partiellement ou totalement public. Dans le cas où le relevé d’observations est classifié, le ministre ne peut naturellement l’utiliser que pour son information personnelle, sauf s’il décide de déclassifier les données de référence, dans lequel cas la classification du commentaire tombe ipso facto.


Source : Rapport 2001 de la CCSDN, http://www.premier-ministre.gouv.fr/