A propos de la coopération judiciaire, M. Norbert Marxer a reconnu devant la Mission " il y a peut-être un certain retard dans notre législation parce qu’il y a trop de possibilité de recours, cela pose problème (...) mais sur ce point, seul le législateur peut être appelé à y porter remède (...) "


Y a-t-il une bonne volonté liechtensteinoise ?

Le Ministre de la justice M. Heinz Frommelt déclarait quant à lui au cours de ce même entretien " nous sommes tout à fait disposés à accorder de l’entraide judiciaire et comme je vous l’ai déjà dit, nous allons modifier notre législation en conséquence pour atteindre le standard européen. (...) Nous avons de la bonne volonté et nous avons engagé des démarches pour aller dans la bonne voie. Nous tirerons les conclusions de cet entretien. "

" M. Arnaud MONTEBOURG, rapporteur : Je signale qu’à chaque fois, dans le texte (des refus d’entraide judiciaire), la protection des secrets fait partie des intérêts essentiels du Liechtenstein. Par ailleurs, vous indiquez que vous souhaitez vous accorder le privilège de vérifier préalablement si le juge d’instruction qui vous requiert a bien accompli les efforts appropriés, mais restés sans succès, pour obtenir par un autre moyen des informations relatives à la documentation bancaire à Vaduz. Vous êtes les seuls en Europe à créer cette condition supplémentaire pour l’application de la Convention européenne d’entraide judiciaire. C’est une condition qui n’existe pas dans le texte de la Convention européenne ; c’est votre loi nationale qui a créé des obstacles à l’application de cette Convention.

Vous opposez cette exigence dans chacune des lettres dont je viens de faire état et qui concernent des affaires gravissimes, ne permettant pas ainsi de poursuivre le commanditaire des délits et des crimes ayant utilisé l’argent situé dans vos banques. La conséquence, c’est que seuls les subalternes sont poursuivis dans les pays européens concernés. C’est le cas en France, en Italie et dans un certain nombre de pays européens que j’ai cités, parce que vous vous appropriez la possibilité d’apprécier le caractère indispensable ou non de la vérification qui vous est demandée.

C’est une condition supplémentaire qu’aucun pays européen ne s’est octroyé le droit d’imposer dans l’application de la Convention européenne d’entraide judiciaire. Nous considérons - c’est la position du parlement français à travers sa mission parlementaire - que le Liechtenstein viole la Convention européenne d’entraide judiciaire en ayant créé ces conditions supplémentaires. Notre position est donc une position de refus absolu des conditions dans lesquelles vous entendez appliquer cette Convention. (...) .../...

M. Heinz FROMMELT, Ministre de la Justice : Je peux vous dire que ce sont des cas connus. Nous savons, nous partageons votre avis, que ce sont des cas graves. Pour vous calmer un peu, je puis vous assurer et vous dire, comme je l’ai déjà dit tout à l’heure, qu’une modification de la législation est prévue. Je ne peux pas vous dire exactement les raisons pour lesquelles ces commissions rogatoires ont posé problème. Je donnerai tout à l’heure la parole au fonctionnaire responsable pour qu’il vous parle plus concrètement des différents cas. (...)

Mais je vous précise encore une fois que nous avons connaissance des problèmes. Nous savons qu’ils existent et que nous avons la volonté, je l’ai dit lorsque j’ai pris mes fonctions de ministre de la justice il y a deux ans, de modifier la législation. Mais peut-être le fonctionnaire compétent peut-il maintenant prendre position et répondre à ces accusations d’ordre général qui nous sont adressées. (...)

Je voudrais dire que malgré la vivacité de vos paroles, nous sommes tout à fait contents d’avoir pu aborder ces problèmes avec vous. Je rappelle que nous sommes tout à fait disposés à accorder l’entraide judiciaire et comme je vous l’ai déjà dit, nous allons modifier notre législation en conséquence pour atteindre le standard européen.

Nous sommes reconnaissants d’avoir pu discuter de ces problèmes, pour savoir concrètement quelles questions se posent, de quelle manière et à l’égard de quels pays. Je sais très bien que les cas français que vous avez cités sont d’importance. C’est le cas également de l’Italie. Nous avons de la bonne volonté et nous avons engagé des démarches pour aller dans la bonne voie. Nous tirerons les conclusions de cet entretien. Je puis vous assurer que nous ferons tout notre possible et que nous sommes déjà en train de résoudre les problèmes qui se posent.

M. le Président : Je vous remercie, monsieur le ministre ainsi que l’ensemble des fonctionnaires qui ont accepté de participer à cette réunion. Pour nous, ce n’est jamais un exercice facile et nous ne sommes pas venus dans un esprit différent de celui qui nous guide partout où nous allons. Nous avons à la fois le souci de faire avancer une cause internationale et de respecter, bien entendu, les souverainetés nationales, ici comme ailleurs.

Sur ce qui a pu être dit, je crois vraiment que dans l’intérêt même du Liechtenstein - je reprenais un article du Prince régnant disant que pour le Liechtenstein, c’était une catastrophe et que cela pourrait être destructeur - il faut évoluer.

La priorité, mais je l’ai entendue dans la bouche de M. le ministre, c’est d’améliorer très fortement et très rapidement la coopération judiciaire internationale. Nous avons également entendu avec plaisir ses déclarations d’intention à ce sujet. (...) "

Extraits de l’audition de M. Heinz Frommelt, Ministre de la Justice du Liechtenstein par la Mission.


Par lettre du 21 janvier 2000, le Ministre de la justice confirmait au Président de la Mission une réforme de l’entraide judiciaire ainsi qu’une simplification " des procédures administratives et judiciaires de façon à pouvoir éviter à l’avenir des double emplois et des demandes de précisions inutiles. "

Quelques jours plus tard, c’était au tour du Premier ministre, M. Mario Frick d’admettre, après la visite du chef de la diplomatie Suisse, M. Joseph Deiss, que le Liechtenstein connaissait " certaines faiblesses " sur la question de l’entraide judiciaire et de la lutte anti-blanchiment.

Le Gouvernement de Vaduz proposait notamment de soumettre au Parlement en avril une simplification de la procédure de blocage des comptes bancaire suspects en n’exigeant plus préalablement une décision de justice du pays demandeur.

A l’automne prochain le Parlement du Liechtenstein devrait discuter d’une réforme du système judiciaire.

Le 10 mars, la Mission a reçu à nouveau des autorités du Liechtenstein le courrier suivant présentant les diverses mesures législatives que le Liechtenstein envisage d’adopter, afin de désamorcer les critiques dont il fait l’objet de toutes parts.


Projet de loi nouvelle sur l’entraide judiciaire
Extrait de l’exposé des motifs

" En ce qui concerne l’entraide judiciaire dans des affaires pénales, il a fallu reconnaître que la procédure du Liechtenstein en matière d’entraide judiciaire est empreinte d’un formalisme qui pouvait dans des cas particuliers provoquer un retard inconvenant pour une entraide judiciaire efficace. Cela concerne en particulier la séparation de la procédure en deux parties, une procédure de recevabilité formelle et une procédure d’exécution matérielle ce qui est associé à des possibilités juridiques en nombre inhabituel. Une révision en cours de préparation de la loi d’entraide judiciaire en matière pénale doit rendre plus stricte la procédure d’entraide judiciaire si bien que le Liechtenstein pourra à l’avenir fournir un aide rapide et fiable dans le domaine de la lutte contre le crime. Pour être complet il convient néanmoins d’indiquer que jusqu’à présent environ 90 % de toutes les requêtes d’entraide judiciaire ont pu être règles rapidement et sans problème. "

10 mars 2000.


Cette nouvelle loi, trempée dans une autosatisfaction confinant à l’arrogance, est très insuffisante, et ne réglera rien, si le Liechtenstein ne va pas plus loin en supprimant la totalité des filtres, des contrôles et voies de recours, comme tel est le cas dans la quasi totalité des pays européens.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr