Pendant près de quarante ans, de 1948 à 1985, les mutuelles étudiantes ont géré le régime obligatoire de l’assurance maladie-maternité par délégation de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) en percevant pour chaque affilié une remise de gestion dont le montant représentait 90 % de la cotisation payée par l’étudiant, soit environ 235 F en 1984. Ce dispositif qui présentait l’avantage de la simplicité avait néanmoins pour inconvénients majeurs d’être à la fois totalement dépendant de l’évolution du montant de la cotisation étudiante qui pouvait varier pour des raisons sans liens avec l’évolution des frais de gestion des mutuelles et fortement inflationniste puisque directement fonction du nombre d’étudiants affiliés.

La très forte augmentation de la population étudiante enregistrée à partir du milieu des années 1980 eut finalement raison de ce système par capitation. L’arrêté du 5 novembre 1985 s’inspirant de l’idée de budget global figeait pour chaque mutuelle étudiante le montant des remises de gestion perçues l’année précédente à partir duquel était calculé l’évolution de cette masse. L’objectif de cet arrêté était d’indexer l’augmentation annuelle des remises de gestion sur la progression des dépenses de gestion administrative des caisses d’assurance maladie et non plus sur l’évolution du montant de la cotisation sociale étudiante. La comparaison des coûts de gestion des caisses primaires d’assurance maladie et de ceux des mutuelles étudiantes était ainsi clairement posée. Le principe de l’uniformité était abandonné, le montant des remises de gestion variant désormais d’une mutuelle à l’autre. Pour autant, le système de 1985 fit long feu en raison de son extrême complexité, et ne fut correctement appliqué que pendant deux ans.

L’évolution du montant des remises de gestion résultait de l’application non seulement du taux d’évolution annuelle des dépenses des caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) mais aussi du taux d’activité de la mutuelle considérée. Ce dernier taux était obtenu en faisant la moyenne mathématique de l’évolution en pourcentage de trois éléments : l’augmentation du nombre des cellules actes, l’augmentation du nombre des remboursements, l’augmentation du montant des prestations. Quant à l’augmentation du nombre des affiliés, cette variable n’était pas prise en compte intégralement mais faisait l’objet d’un écrêtement. En figeant le niveau des remises de gestion, l’arrêté du 5 novembre 1985 avait introduit une différence de traitement importante entre la MNEF et les mutuelles régionales au détriment de ces dernières.

Comme l’a souligné M. Dominique Libault, sous-directeur du financement et de la gestion de la sécurité sociale, lors de son audition : " De 1989 à 1992, les effectifs de la MNEF ont crû de 31 %, ceux des mutuelles régionales de 60 %. Or le montant des remises de gestions, calculé globalement, augmentait de façon indifférencié par rapport au nombre d’étudiants. L’évolution aboutissait ainsi à un fort écart (...) entre la MNEF et les mutuelles régionales. Ainsi, en 1992, la MNEF percevait 334 F par étudiant et les autres mutuelles 216 F. " Cette distorsion a eu pour conséquence d’aggraver d’autant plus la situation financière des mutuelles régionales qu’elles enregistraient une augmentation du nombre de leurs affiliés. Comme l’a noté M. Jean-Luc Warsmann, député, ancien directeur de la MGEL : " Plus les étudiants nous choisissaient, plus nous nous enfoncions ; nous étions au bord de la faillite. "

Jugeant la situation fondamentalement inéquitable - la gestion d’un assuré à Nancy n’étant pas moins coûteuse que celle d’un assuré à Nanterre - les mutuelles régionales ont obtenu la modification du dispositif et l’adoption le 31 mars 1992 d’un arrêté, qui régit actuellement le système des remises de gestion. Il fixe les modalités générales et renvoie à une convention passée entre la CNAM et l’ensemble des mutuelles étudiantes la détermination du montant des remises de gestion pour une période pluriannuelle. L’arrêté du 31 mars 1992 retient trois éléments pour calculer le montant des remises de gestion : l’évolution des dépenses de fonctionnement des CPAM, les tâches accomplies par les mutuelles étudiantes pour gérer le régime obligatoire par rapport aux activités d’une CPAM, le coût d’évolution des effectifs de chaque mutuelle étudiante pondéré par l’effort de productivité. Deux conventions ont ainsi été conclues, la première portant sur la période 1993 à 1995, la seconde sur la période 1996 à 1998. A l’heure actuelle, la convention relative aux années 1999 à 2001 n’a toujours pas été signée. Le montant des remises de gestion n’est donc pas connu des mutuelles étudiantes qui n’ont pas manqué de dénoncer le caractère inconfortable de cette situation.

En plaçant les différents acteurs - CNAM et mutuelles étudiantes - dans une situation de négociation, l’arrêté du 31 mars 1992 n’a pas permis pour autant d’aboutir à une solution satisfaisante, ni de créer un contexte apaisé. En 1993, la CNAM fit procéder à un audit pour évaluer le niveau d’activité d’une caisse primaire d’assurance maladie et celui d’une mutuelle étudiante dans sa fonction de gestionnaire du régime obligatoire. Les conclusions de ce travail furent si fortement contestées que ce document ne put constituer une base de négociation à la fixation du montant des remises de gestion. Dans le même temps, l’inégalité de traitement entre la MNEF et les mutuelles régionales persistait. La revalorisation des remises de gestion s’effectuant sur la base du même taux, l’écart dans leur montant ne pouvait pas être réduit. Pour sortir de cette situation ressentie de plus en plus durement par les mutuelles régionales, le législateur est intervenu en 1994 en posant le principe de l’égalité du montant des remises de gestion accordées aux mutuelles étudiantes, l’article 75 de la loi du 18 janvier 1994 prévoyant que " le montant de la remise de gestion accordée (...) par étudiant affilié est (...) identique quel que soit l’organisme gestionnaire ". Cette harmonisation, en vigueur depuis 1995, s’est réalisée à la hausse pour les mutuelles régionales, après que la MNEF eut consenti une réduction de 5 millions de francs sur le montant total de ses remises de gestion.

Sur ce point, l’ensemble des représentants des mutuelles régionales auditionnés ont souligné que leur demande portait initialement sur une revalorisation substantielle du niveau des remises de gestion sans que cela signifie pour autant un alignement sur la valeur la plus haute accordée à la MNEF, répondant par là même à ceux qui considèrent ce niveau trop élevé. Comme l’a rappelé M. Christian Doubrère, directeur général de la SMEREP " Quand nous avons obtenu l’égalité de traitement (...) nous n’avions pas de revendication autre que cette égalité (...) Notamment nous n’avions pas de revendication sur le niveau de cette égalité ". En 1997, les mutuelles étudiantes ont perçu environ 500 millions de francs de remises de gestion pour gérer 2 milliards de prestations en nature d’assurance maladie en soins de ville.

Actuellement le montant des remises de gestion s’élève à 318 F par affilié. Ce niveau est considéré comme excessif par les responsables de la CNAM qui voient dans ce mécanisme une pure logique de rente, justifiant le retour dans le giron des CPAM de la gestion du régime d’assurance maladie obligatoire des étudiants. Le rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale des finances de février 1999 préconise une baisse des remises de gestion dont le montant atteindrait 260 F. C’est dans ce contexte que se place la négociation de la prochaine convention pluriannuelle destinée à fixer pour la période 1999-2001 le montant des remises de gestion, la Cour des comptes dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 1998 ayant pour sa part constaté une " substantielle revalorisation des remises de gestion consenties aux mutuelles sans qu’aucun lien ne soit jamais établi avec les coûts de gestion réellement engagés ".


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr