M. Jean-Pierre Davant, Président de la FNMF, s’est inquiété devant la commission d’enquête des conséquences de la CMU sur l’existence même des mutuelles étudiantes dans les termes suivants : " Il y a peu d’étudiants qui gagnent plus de 3 500 F par mois. S’ils s’inscrivent tous à la CMU, gérée par les caisses primaires, nous n’aurons plus à débattre de l’avenir de la sécurité sociale et des mutuelles étudiantes, ce que je regrette ".

Mme Martine Aubry lui a, en quelque sorte, répondu devant la commission d’enquête en disant : " Les mutuelles étudiantes ne seront (...) pas gênées par le développement de la CMU. A l’inverse, comme toutes les mutuelles, elles pourraient être amenées à gérer la CMU pour certains étudiants, si elles se portent candidates pour le faire. "

L’article L. 861-4 du Code de la sécurité sociale (article 20 de la loi) stipule que les bénéficiaires de la protection complémentaire de la CMU obtiennent le bénéfice des prestations correspondantes, à leur choix : auprès des organismes d’assurance maladie gestionnaires de ces prestations pour le compte de l’Etat (CPAM), par adhésion à une mutuelle régie par le Code de la mutualité, ou par souscription d’un contrat auprès d’une institution de prévoyance régie par le Code de la sécurité sociale ou d’une entreprise régie par le Code des assurances.

Les étudiants bénéficiaires de la CMU auront évidemment le même choix et donc la possibilité d’adhérer, gratuitement, à une mutuelle étudiante pour percevoir les prestations complémentaires.

Cet espoir de remutualisation des étudiants est renforcé par une autre disposition de la loi destinée à atténuer les effets de seuil. Il s’agit de l’article 21 qui prévoit qu’à l’expiration de son droit aux prestations complémentaires de la CMU, c’est-à-dire lorsque ses ressources viennent à dépasser le plafond, tout bénéficiaire peut prolonger son adhésion ou son contrat d’assurance complémentaire, pour une période d’un an, avec les mêmes prestations et pour un tarif n’excédant pas un montant fixé par arrêté.

Une disposition de la loi vient cependant assombrir cette perspective de remutualisation des étudiants.

L’article L. 861-5 du Code de la sécurité sociale, introduit par l’article 20 de la loi, prévoit que la demande d’attribution de la protection complémentaire, accompagnée de l’indication du choix de l’organisme gestionnaire, est faite auprès de la caisse du régime d’affiliation du demandeur. La décision d’attribution relève de l’autorité administrative qui peut déléguer ce pouvoir au directeur de la caisse.

La difficulté tient au fait, qu’en l’état actuel de leur fonctionnement, les mutuelles d’étudiants délégataires du régime de base pour le compte des caisses primaires, ne sont pas caisses d’affiliation.

En effet, l’affiliation des étudiants au régime de base se fait en même temps que leur inscription universitaire et en même temps que le choix de la mutuelle qui leur versera les prestations du régime obligatoire, mais l’article L. 381-6 du Code de la sécurité sociale précise que les bénéficiaires du régime étudiant " sont affiliés aux Caisses primaires d’assurance maladie à la diligence des établissements où ils sont inscrits ".

Les textes en vigueur confèrent donc une entière responsabilité aux caisses primaires en matière d’affiliation et de vérification des conditions requises, mais, comme le signale la Cour des comptes (rapport précité), ces opérations, sont conduites en parallèle par les sections locales mutualistes, de façon à réduire les délais d’édition des cartes d’assuré social des étudiants.

Le choix des étudiants pourrait pencher en faveur de leur mutuelle pour gérer la CMU, si ces mutuelles pouvaient se prévaloir d’un système conforté de guichet unique intégrant le dépôt de la demande d’attribution.

En l’absence de cet argument, les mutuelles d’étudiants auront beaucoup de mal à résister à la concurrence d’autres organismes d’assurance en mesure de proposer des services attractifs, en particulier dans le domaine de l’assurance " non Vie ".

C’est pourquoi, il conviendrait de modifier l’article L. 381-6 du Code de la sécurité sociale afin de permettre l’affiliation des étudiants au régime de base directement auprès des sections locales mutualistes. Les CPAM continueraient d’exercer un contrôle sur l’ouverture des droits et la régularité des conditions de liquidation des prestations a posteriori.

Cette mesure, outre le meilleur positionnement qu’elle entraînerait pour les mutuelles étudiantes sur le marché de l’assurance complémentaire, irait dans le sens, souhaité par nombre des interlocuteurs de la commission d’enquête, de la simplification de la procédure d’affiliation au régime étudiant.

Cette solution répondrait, de surcroît, au point 5 des recommandations de la Cour des comptes dans son rapport de septembre 1998 : " Simplifier et fiabiliser les procédures d’affiliation des étudiants au régime obligatoire de sécurité sociale. "

L’affiliation directe des étudiants auprès de leurs mutuelles qui seraient également chargées du recouvrement des cotisations avant leur reversement à l’URSSAF, s’accompagnerait nécessairement, comme toute extension de responsabilité, d’un renforcement des contrôles.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr