Réformer le système d’affiliation des étudiants

 Une affiliation pour tous les usagers des établissements d’enseignement supérieur

Il n’est pas raisonnable de vouloir réorganiser la gestion des assurances sociales des étudiants en maintenant un système qui écarte 40 % d’entre eux.

Tous les étudiants inscrits dans les établissements d’enseignement supérieur doivent être rattachés au régime étudiant.

L’article L. 381-4 du Code de la sécurité doit être réformé en ce sens et les exclusions liées à l’âge ou à une activité salariée doivent disparaître et les droits être ouverts à compter de l’inscription dans un établissement d’enseignement supérieur ou assimilé.

Pour les mêmes raisons de simplification et d’uniformisation des droits d’ouverture au sein d’une population clairement identifiable, il est proposé de revoir la situation des ayants droits majeurs autonomes (ADMA).

La loi du 4 février 1995 a prévu un accès autonome à l’assurance maladie et maternité des jeunes majeurs ayants droit d’un assuré social se caractérisant par l’attribution d’un numéro d’inscription spécifique au répertoire national d’identification des personnes physiques (NIR) et par un remboursement à titre personnel des frais de santé engagés. Ce dispositif est obligatoire et les prestations sont gérées par les mutuelles d’étudiants. Jusqu’à l’âge de 20 ans, ces étudiants restent ayants droits de leurs parents, ils n’ont pas la qualité d’assuré social et n’ont donc pas à acquitter le montant de la cotisation.

Ces dispositions donnent en partie satisfaction à l’aspiration des jeunes de moins de 20 ans de pouvoir se soigner sans être dans l’obligation d’en aviser leurs parents et à la revendication des mutuelles d’étudiants d’aligner la majorité sociale sur la majorité civile.

Mais le système mis en place est beaucoup trop lourd. L’affiliation des ADMA est soumise à la production de la preuve de leur qualité d’ayants droit ce qui retarde souvent l’accès aux prestations.

C’est pourquoi il est proposé, dans un souci de simplification et de rapidité des remboursements de reconnaître à l’ayant droit majeur autonome de 18/20 ans, la qualité d’assuré social.

Afin d’éviter les redondances avec les droits acquis au titre du régime parental, un abattement forfaitaire sur la cotisation au régime étudiant, pourrait être pratiqué pour les jeunes de moins de 20 ans inscrits pour la première fois à ce régime.

Outre les allégements de gestion qui devraient résulter de cette mesure, on peut penser qu’elle sera de nature à inciter les jeunes étudiants à faire une démarche mutualiste autonome.

Certaines mutuelles prennent en charge la part complémentaire de l’assurance maladie des enfants des mutualistes, aussi longtemps qu’ils demeurent ayants droit de leurs parents. Le changement préconisé risque d’entraîner la disparition de cette faculté et de consolider l’accès à une véritable autonomie sociale.

 Les sections locales mutualistes : centres d’affiliation à la sécurité sociale

La lourdeur et la complexité de la procédure d’affiliation, par l’intermédiaire des établissements qui transmettent les informations aux caisses primaires d’assurance maladie, retardent considérablement la délivrance des cartes d’assuré social aux étudiants et l’accès aux remboursements.

Si l’on souhaite responsabiliser les mutuelles d’étudiants, il ne faut pas les exclure du processus d’immatriculation et d’affiliation.

Par ailleurs, comme on l’a vu, la désignation des sections locales mutualistes comme caisses d’affiliation des étudiants, leur permettrait d’être dépositaires des demandes d’attribution de la CMU et donc probablement de devenir gestionnaire de la CMU pour la grande majorité des étudiants bénéficiaires.

L’implication des sections locales mutualistes dans l’encaissement des cotisations avant reversement à l’URSSAF, nécessitera de la part des mutuelles la mise en place de moyens permettant une gestion sécurisée et rapide.

Ce système devrait améliorer le service rendu aux étudiants en rendant possible le paiement fractionné des cotisations.

 Une affiliation permanente sauf changement de situation

Il faut enfin mettre un terme au caractère annuel de l’affiliation qui représente une surcharge de travail et contribue sans doute à faire exploser, en début d’année universitaire, les dépenses de communication des mutuelles.

Le système serait renversé de telle sorte qu’un étudiant affilié à une mutuelle étudiante le resterait l’année suivante, sous réserve du versement de sa cotisation, sauf s’il manifeste une demande de changement de mutuelle ou si son rattachement est demandé par un autre régime.

L’un des inconvénients à l’utilisation par les étudiants de la carte Sesam-Vitale, pluriannuelle dans sa conception, devrait par la même occasion disparaître.

Rémunérer des services rendus

Les remises de gestion et les versements reçus de la CNAM doivent être la contrepartie exacte du coût du service fourni aux assurés sociaux.

 Déterminer objectivement les coûts de gestion

La gestion des prestations d’assurance maladie et maternité pour le compte de la CNAM au bénéfice des étudiants ne doit plus être totalement imbriquée dans la gestion d’ensemble des mutuelles. Pour cela la commission d’enquête a acquis la conviction qu’une disposition législative doit rendre obligatoire la tenue, par les mutuelles étudiantes, d’une comptabilité analytique faisant clairement apparaître les charges et les produits propres à chaque activité. Cette obligation légale pourra être assortie de sanction financière.

Il incombera donc aux mutuelles de justifier des dépenses afférentes à leurs missions obligatoires pour obtenir les rémunérations correspondantes.

Restent à définir les clés de répartition des dépenses.

Il faut introduire à la fois de la souplesse, car les clés de répartition peuvent varier d’un poste budgétaire à l’autre et d’une mutuelle à l’autre et un suivi très régulier de ces imputations.

Les enquêteurs de l’IGAS et de l’IGF ont étudié les dépenses des différentes mutuelles et effectué des simulations de répartition des coûts de gestion entre leurs diverses activités.

Leur démarche a consisté tout d’abord à définir le périmètre des coûts de gestion de l’assurance maladie des étudiants, en écartant les activités sans aucun rapport ni avec le régime obligatoire ni avec le régime complémentaire.

Ensuite, pour la répartition des coûts entre le régime obligatoire (RO) et le régime complémentaire (RC) des clés spécifiques de répartition ont été attribuées à quatre postes de dépenses :

 Les cotisations à des organismes supérieurs sont affectées à 100% au régime complémentaire s’agissant de cotisations internes au secteur mutualiste.

 Les charges informatiques sont affectées à 85 % au RO, 10 % au RC et 5 % aux autres activités. Il est en effet apparu aux enquêteurs qu’une très large part de ces charges est induite par la complexité de la liquidation des prestations de sécurité sociale.

 Les dépenses d’information et de communication sont affectées à 20 % au RO, 75 % au RC et 5 % aux autres activités.

 Les provisions sont affectées à 100 % au RC puisqu’elles découlent de l’application du Code de la mutualité.

Pour les autres postes (personnel, loyers, charges, affranchissements, équipements divers ...), il a été appliqué une clé de répartition en rapport avec le versement de prestations relatives au RO et le versement de prestations relatives au RC. Deux cas ont été retenu, la répartition RO/RC fixée à 50/50 ou à 75/25.

Cette approche, qui reste selon les auteurs de l’enquête " estimative à défaut de disposer de clés absolument objectives et fiables ", permet de sortir de l’opacité totale qui avait jusqu’alors prévalue.

Les simulations effectuées sur la base de ces différentes clés de répartition font apparaître que le niveau objectif de remise de gestion par individu protégé au titre du régime obligatoire se situerait à 270 F. Mais les enquêteurs ajoutent qu’il serait peut-être plus conforme au fonctionnement normal du régime obligatoire, d’exclure les dépenses de communication du calcul des remises de gestion. Cette exclusion permettrait de limiter à 260 F le montant des remises.

Les remises de gestion versées actuellement seraient donc, en moyenne, surévaluées de 12 %.

Cette clarification, renforcée par l’obligation légale, pour les mutuelles, d’établir une comptabilité par activité constitue une base solide pour faire aboutir la négociation en cours entre la CNAM et les mutuelles étudiantes en vue de l’établissement du nouveau contrat de 3 ans (1999 à 2001).

Cependant, la logique de rente persiste si l’on n’intègre pas, dans les contrats, des objectifs de qualité de service et de gains de productivité qui devraient permettre aux mutuelles d’accompagner le processus de diminution inéluctable des coûts de liquidation sans perdre leur délégation de service public.

 Des contrats d’objectifs pour faire baisser les coûts

Dans une lettre, en date du 21 mai 1999, adressée à M. Raoul Briet, directeur de la sécurité sociale, et dont une copie a été communiquée à la commission, M. Gilles Johanet, directeur général de la CNAM, réagit au rapport d’enquête IGAS/IGF sur les remises de gestion aux sections locales mutualistes d’étudiants.

Il propose de modifier l’article 75 de la loi du 18 janvier 1994 (art. L. 381-8 1° du Code de la sécurité sociale) en abandonnant le système de capitation, qui attribue une remise de gestion par étudiant affilié. Il lui serait substitué " un système de modulation des remises de gestion qui tienne compte non pas du nombre d’affiliés mais de la charge de travail réelle pour le régime obligatoire, qui, dans un premier temps, pourrait être constituée par le nombre et la complexité des décomptes émis ".

La commission d’enquête n’ira pas si loin dans la remise en cause du système qui pourrait bien être fatale au régime étudiant.

Il faut néanmoins, à côté de la rémunération des coûts de gestion déterminée sur la base des bilans antérieurs, fixer dans les contrats d’objectifs pluriannuels entre la CNAM et les mutuelles des objectifs précis et quantifiables, assortis de sanctions et qui doivent tendre vers la rationalisation et la baisse des coûts.

Ces objectifs seraient les suivants :

 la mise à niveau informatique et l’adoption d’un schéma directeur d’informatisation de la santé ;

 le regroupement des petites mutuelles pour développer en commun leur réseau informatique et d’autres activités internes éventuellement ;

 le relèvement du nombre d’étudiants affiliés nécessaire à la création d’une section locale afin de générer des économies d’échelle ;

 l’amélioration de la qualité du service aux étudiants (délais de remboursement, généralisation du tiers payant...) ;

 des gains de productivité et la réduction du recours à l’emploi précaire.

Ces objectifs devront être fixés à partir de critères identiques pour toutes les mutuelles. Des indicateurs de résultats suffisamment fiables et contrôlables devront leur être associés dans les contrats, afin de permettre un suivi et une évaluation objective des résultats.

Un pouvoir de contrôle et de sanction financière reconnu à la CNAM

Le contrôle de la délégation de service public doit incomber à l’organisme qui paie les remises de gestion.

Le contrôle de la Cour des comptes ne peut pas, en effet, s’exercer tous les ans. Il faut donc que l’organisme qui délègue ait le droit de contrôler que les objectifs fixés ont été atteints et que les remises de gestion demandées sont conformes à la réalité des coûts et sont bien la contrepartie du service rendu.

La CNAM doit donc être autorisée à baisser unilatéralement, y compris en cours de période triennale, le montant des remises de gestion en cas de non respect des engagements. Elle doit pourvoir également remettre en cause les clés de répartition des coûts lorsqu’elles ne paraissent plus conformes à la réalité.

Pour cela les mutuelles d’étudiants doivent avoir l’obligation de se soumettre périodiquement à des audits diligentés par la Caisse Nationale. Celle-ci devra avoir un accès complet à toutes les données des mutuelles, tant sur l’activité du régime obligatoire que du régime complémentaire.

Tous les 3 ans, les relations entre la CNAM et les mutuelles feront l’objet d’une enquête de l’IGAS et de l’IGF remise au gouvernement.

Une extension contractuelle des missions de service public

La commission d’enquête propose enfin d’offrir la possibilité aux mutuelles et à la CNAM d’étendre, dans un cadre contractuel, les missions d’intérêt général découlant de l’assurance maladie qui pourraient être confiées aux sections locales mutualistes d’étudiants.

Plusieurs missions d’intérêt général peuvent, en effet, être confiées aux mutuelles d’étudiants .

Deux viennent d’être examinées et pourront être inscrites dans la loi. Il s’agit d’une part, du service de l’affiliation et de l’immatriculation de tous les étudiants inscrits dans un établissement d’enseignement supérieur et du service des prestations en nature de l’assurance maladie et maternité, d’autre part.

D’autres missions d’intérêt général découlant directement de l’assurance maladie obligatoire pourraient être définies contractuellement entre les unions mutualistes et la CNAM, sans obligation pour les mutuelles d’étudiants de les assumer, et donnant lieu à une rémunération correspondante :

· des actions de prévention et d’éducation sanitaire en milieu étudiant ;

· des actions en direction des étudiantes mères de famille ;

· des actions d’aide sociale en direction d’étudiants en difficulté. Un fonds d’action sanitaire et sociale, qui n’existe pas, pourrait être créé pour les étudiants et gérés par leurs mutuelles ;

· des actions d’information par une présence sur les campus pour guider les étudiants dans leurs démarches de soins.

Toutes ces missions qui incombent aux CPAM qui sont rémunérées en conséquence, resteraient facultatives pour les mutuelles d’étudiants.

Leur rémunération serait négociée pour des périodes pluriannuelles et des objectifs quantifiés seraient également fixés afin de permettre la poursuite ou l’interruption de l’activité concernée.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr