L’observation du fonctionnement des mutuelles étudiantes a fait apparaître un fort contraste entre les mutuelles régionales et la MNEF, seule mutuelle nationale. Limitées à une zone géographique, il semble que les mutuelles régionales ont pu conserver un lien plus étroit entre la direction et les sections locales, alors qu’à la MNEF deux mondes s’étaient mis en place, deux réalités avaient fini par se superposer entre Paris et la province, créant entre les étudiants et leurs représentants une distance de plus en plus grande.

De ce point de vue, la volonté affirmée du nouveau président de la MNEF, Pouria Amirshahi, de voir les étudiants se " réapproprier " leur mutuelle est significative du fossé croissant qui avait fini par s’instaurer.

Vouloir redonner un sens à l’engagement mutualiste des étudiants nécessite la mise en place d’un certain nombre de mécanismes destinés à améliorer la transparence des modes de fonctionnement des mutuelles et à mieux faire ressortir la spécificité de la mutualité.

Renforcer l’information des adhérents

Les représentants des mutuelles régionales ont insisté sur les efforts entrepris pour améliorer l’accueil et la qualité des services rendus à leur adhérents et ont cité l’amplitude des horaires d’ouverture, la multiplication des guichets, la mise en place de structures d’écoute, etc. En revanche, rien n’a été dit concernant l’information qui pourrait être donnée aux adhérents sur les décisions importantes du conseil d’administration ou sur la situation financière de leur mutuelle.

A cet égard, on ne peut qu’approuver la suggestion préconisée lors de son audition par M. Jean-Luc Warsmann, député, ancien directeur général de la MGEL, d’améliorer et surtout de normaliser le contenu du rapport moral et du rapport financier de la mutuelle présentés à chaque assemblée générale. Ces rapports mentionneraient obligatoirement certaines informations, non seulement sur la mutuelle elle-même, mais aussi sur la situation des filiales, avec l’indication de la composition du capital, des salariés et des représentants élus se trouvant dans ces structures ainsi que leur rémunération éventuelle.

Ces rapports seraient communiqués à leur demande aux adhérents. A l’heure actuelle, comme l’a souligné Jean-Luc Warsmann, un adhérent de mutuelle est moins informé qu’un actionnaire minoritaire de société et " plutôt que de remettre systématiquement un exemplaire des statuts, reconnaissons plutôt un droit automatique et élargi à l’accès à l’information. "

En cas de contrôle de la mutuelle par la Commission de contrôle des mutuelles, l’article L. 531.16 du Code de la mutualité précise que " les résultats des contrôles sur place sont communiqués au conseil d’administration de la mutuelle ". En pratique, certaines mutuelles n’ont transmis aux administrateurs qu’un rapport de synthèse de ce contrôle établi par le directeur et le président. Une telle attitude est contraire au bon fonctionnement de la mutuelle et peut même, le cas échéant, permettre certaines manipulations. Il serait donc opportun de prévoir la communication non plus des seuls résultats du contrôle mais celle des rapports définitifs et des décisions ou recommandations des autorités de contrôle résultant de ces rapports.

Former et indemniser les élus étudiants

Le déséquilibre des pouvoirs au sein de la MNEF entre l’administration et les élus étudiants du conseil d’administration a montré la nécessité de protéger ces derniers contre le risque de mainmise de la technostructure sur la mutuelle. Afin de minimiser ce risque, il convient d’assurer une formation des élus aux techniques de gestion et de direction d’entreprise. L’article L. 125-6 du Code de la mutualité fait bénéficier les administrateurs des mutuelles des dispositions des articles L. 133-7, L. 225-7 et L. 950-21 du Code du travail accordant des facilités et des crédits d’heures dans le cadre du contrat de travail. Mais, par définition, ces dispositions sont inopérantes s’agissant des étudiants.

Par conséquent, il faudrait définir un statut de l’étudiant élu mutualiste qui, en sus de cette formation, prévoirait également le principe d’un aménagement d’études et celui d’une rémunération.

Concernant ce dernier point, la CCIMP s’est montrée favorable à l’indemnisation des fonctions assurées par certains administrateurs sous réserve d’un encadrement réglementaire et d’un contrôle des instances dirigeants de la mutuelle.

Votre rapporteur estime qu’il ne lui appartient pas de fixer un plafond à cette indemnisation mais considère que la notion de " juste indemnisation " qui tout à la fois reconnaît la réalité des tâches à accomplir sans pour autant assimiler l’activité mutualiste, qui doit rester un engagement, à un travail salarié constitue une réponse appropriée, corrigeant une application trop rigoureuse du principe du bénévolat. Pour les mutuelles étudiantes, les éléments contenus dans le rapport Goulard constituent une référence que l’on pourrait transposer.

Le cumul de cette indemnisation avec d’autres indemnités du même type devrait être également réglementé.

Par ailleurs, il est indispensable que les élus étudiants du conseil d’administration bénéficient du renfort de personnalités compétentes. Certaines mutuelles étudiantes ont résolu la question en acceptant de confier la présidence du conseil d’administration à des non-étudiants qui peuvent ainsi " faire le poids " face à la direction générale. Cette solution, rendue possible par les textes, ne doit pas devenir le droit commun et il semble de loin préférable de laisser à un étudiant la présidence d’une mutuelle étudiante en prévoyant la présence auprès du conseil d’administration de personnalités qualifiées, nommées par la Commission de contrôle des mutuelles. L’association les Amis de la MNEF ou le comité consultatif prévus par le règlement intérieur ne pouvaient jouer correctement un rôle de conseil, puisque leur composition ne relevait pas d’une autorité extérieure et que ces instances ont fonctionné non pas au service des étudiants mais comme des instruments de lobbying au profit de la direction générale.

Encadrer les conditions de nomination du directeur général

Plusieurs hypothèses méritent d’être évoquées.

On peut concevoir d’entourer de certaines garanties la nomination du directeur général d’une mutuelle étudiante qui serait recruté par le conseil d’administration sur une liste d’aptitude définie par le ministère de tutelle.

D’autres propositions alternatives répondant à cette même préoccupation de rééquilibrage des pouvoirs au sein de la mutuelle peuvent être avancées. On peut ainsi envisager une codésignation du directeur général par le conseil d’administration et le ministère de tutelle ou prévoir la nomination auprès de la mutuelle d’un contrôleur d’Etat qui assurerait notamment le suivi du budget concernant le régime obligatoire.

Le contrat de travail de ce dernier pourrait être soumis, pour avis, à la Commission de contrôle des mutuelles. En effet, les clauses exorbitantes du droit commun figurant dans le contrat de travail d’Olivier Spithakis, si elles avaient été portées à la connaissance de la commission, l’aurait incontestablement alertée sur les conditions de fonctionnement internes de la MNEF.

Refonder la participation des étudiants aux élections et au processus décisionnel

Les dernières élections qui se sont déroulées à la MNEF avec 15 % de participation font figure d’exception par rapport à la moyenne du taux de participation évalué à 3 %. Ce désintérêt des adhérents à l’égard de la mutuelle vient en partie du fait que la spécificité mutualiste est de moins en moins perçue, que les sections locales ne fonctionnent pas pleinement et que les procédures de vote sont inadaptées.

Il appartient aux mutuelles étudiantes dans les relations qu’elles entretiennent avec leurs adhérents de réaffirmer l’éthique de la mutualité et la signification de l’engagement mutualiste fondé sur la solidarité et la non-sélection des risques.

Dans cette perspective, la personnalisation des relations avec les adhérents et les liens de proximité avec les étudiants nécessitent que les sections locales étudiantes soient réellement dotées d’un conseil d’administration et que le " comité des sept ", composé de quatre étudiants et de représentants de la CNAM et des ministères, soit réellement constitué, alors que la grande majorité d’entre eux ne se sont plus réunis depuis dix ans. Sur ce point, le conseil d’administration de la MNEF récemment élu vient de décider de renouveler, d’ici décembre 1999, l’ensemble des conseils d’administration des sections locales et d’organiser trimestriellement leur réunion avec les directeurs de la mutuelle. Cette décision va dans le sens préconisé par la commission d’enquête d’une meilleure information et d’une plus grande coordination entre les actions menées localement et au niveau de la direction de la MNEF.

Il convient d’autre part de s’interroger sur la représentativité des membres du conseil d’administration. Actuellement, ces derniers sont élus par l’assemblée générale, elle-même élue. Si la représentativité des élus est fonction, comme on le sait, du pluralisme des élections et du taux de participation, alors le principe de la liste unique de candidats élaborée et soutenue par le bureau de la mutuelle - ce qui reste aujourd’hui quasiment la règle - et le niveau extrêmement faible de la participation ne peuvent pas conduire à la constitution d’un conseil d’administration représentatif.

Avec trois listes en lice et 15 % de participation, la MNEF a-t-elle pour autant réussi à garantir le pluralisme et la représentativité de son conseil d’administration. Ce résultat n’est pas certain dans la mesure où au vu des accords passés entre les listes après la première assemblée générale le conseil d’administration de la MNEF ne compte pas d’opposition ou de tendance minoritaire.

Si poursuivre un idéal d’élection amène in fine à se priver de toute diversité d’expressions ou de représentations, ne faudrait-il pas réfléchir à une composition du conseil d’administration des mutuelles étudiantes où siégeraient des représentants des syndicats ou associations étudiants représentatifs aux élections universitaires ?

Quoiqu’il en soit, il apparaît indispensable de revenir sur le principe du vote par correspondance pratiqué par l’ensemble des mutuelles. Ce système fort coûteux - la MNEF le chiffre à 6 millions de francs pour les dernières élections - sans grande incidence en cas de liste unique, se révèle très lourd à gérer avec des listes multiples et en tout état de cause ne se justifie pas. Si l’on défend le principe de l’élection, celle-ci doit s’accompagner d’une campagne sur le terrain et d’un vote sur place dans les campus ou dans les sections locales, dont on sait qu’elles sont nombreuses. De même que pour le vote par correspondance, le vote dans les bureaux de vote peut avoir lieu sur une durée de plusieurs jours avec toutes les mesures nécessaires pour en assurer la sincérité.

Supprimé pour les élections nationales, le vote par correspondance a été remplacé par le vote par procuration. On peut, pour les mêmes raisons de fiabilité et d’irréprochabilité, préconiser la suppression du vote par correspondance pour les mutuelles étudiantes, les étudiants ne pouvant opposer leur indisponibilité.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr