100. Au-delà du discours politique, le devenir du Centre satellitaire dépend essentiellement des moyens que les Européens sont prêts à lui consacrer et du réalisme des missions qui lui seront attribuées. Dans l’état actuel des choses, la création d’un système satellitaire homogène apte aux missions militaires ne dépend plus de la volonté affichée des membres de l’Union mais d’un effort financier quotidien permettant l’acquisition à terme de matériels et d’infrastructures. L’intensité de cet effort sera relative si certains éléments fondamentaux sont pris en compte dès la définition du Centre et qu’une politique réaliste est appliquée. L’Europe doit ainsi accepter le fait qu’elle ne dispose pas de la cohérence politique et de l’assise financière pour créer ex nihilo un système satellitaire apte à remplir des missions étendues de renseignement ou de gestion du champ de bataille. Tout au plus peut-on exiger que le Centre soit apte, à court terme, à soutenir des missions de maintien ou de rétablissement de la paix en zone de conflit de basse intensité, et qu’il permette aux instances politico-militaires de disposer d’une base d’information raisonnablement indépendante et relativement exhaustive.

101. Ces considérations admises, le Centre pourrait se satisfaire d’une structure duale, orientée vers le marché mais disposant de compétences militaires. Exploitant les systèmes commerciaux, il pourrait effectuer des missions ordinaires de renseignement à moindre coût. S’appuyant sur les outils spécifiquement militaires développés par les pays de l’Union, il pourrait répondre à des missions extraordinaires demandant des temps de réaction très courts et des données parfaitement sécurisées. S’élargissant aux domaines de la communication, il fournirait l’embryon d’une capacité de gestion du champ de bataille. Enfin, structuré pour répondre aux offres et aux demandes du marché, il pourrait servir de catalyseur à l’industrie spatiale européenne, créant des marchés et permettant à de multiples acteurs d’avoir recours à ses services.

102. Ceci suppose que l’Europe accepte plusieurs principes directeurs. D’une part, le Centre ne peut être une justification du financement des programmes satellitaires européens existants, ces financements devant relever d’accords entre les pays membres et l’Union. D’autre part, à partir du moment où l’Union aura aidé à la mise en place d’infrastructures nationales, les pays membres pourront mettre leurs satellites à disposition en cas de besoin. Enfin, l’Union acceptera la coexistence d’une structure à vocation commerciale et militaire, facilitant l’accès à tous les clients potentiels, en particulier les pays européens non membres de l’Union européenne, mais aussi les puissances extérieures et éventuellement les sociétés commerciales.

103. Toutefois, les pays membres de l’UE doivent avoir conscience que l’association du Centre à la politique commune de défense et de sécurité exigera un élargissement de ses capacités dans un environnement typiquement militaire. L’observation de la terre ne devrait donc plus être qu’une des missions du Centre, les transmissions, l’alerte avancée, l’écoute électronique et la navigation étant appelées à s’intégrer dans celles-ci. Dans ce sens, même si le Centre demeure un prestataire de services évoluant dans une architecture essentiellement commerciale, il devra être aidé de fonctionnalités militaires et d’outils spécifiques. Il convient simplement de rechercher l’adéquation optimale permise par la coexistence de systèmes civils performants et d’outils militaires spécialisés.

104. Enfin, et peut être est-ce là l’essentiel, l’Union devra définir sa politique spatiale. Celle-ci s’intègre-t-elle dans un contexte d’indépendance croissante de l’Europe à l’égard du partenariat transatlantique ou doit-elle lui être complémentaire ? Doit-elle soutenir le développement d’une politique militaire interventionniste comparable à celle des Etats-Unis ou n’est-elle que le complément d’une architecture de sécurité modeste, correspondant aux besoins de puissances commerciales associées ? Créer un système satellitaire intégré, capable de fournir des services militaires spécialisés demande que l’Europe exprime clairement ses besoins et ses objectifs. Si les pays membres ne parviennent pas à s’accorder sur des budgets militaires minimaux, si l’intégration des forces reste marginale et soumise aux caprices des souverainetés nationales, si le partage des informations sensibles reste lié au jeu des rivalités de puissance, la construction du Centre ne pourra reposer que sur les critères d’entente minimaux, à savoir sa rationalité économique, et le profit qu’il peut procurer aux Etats membres.


Source : Assemblée parlementaire de l’Union de l’Europe Occidentale (UEO) http://www.assemblee-ueo.org/