7. Les gaz de combat utilisés durant la durant la Première guerre mondiale ont touché plus d’un million de personnes, faisant près de 90 000 morts. Des dizaines, peut-être des centaines de milliers de survivants en ont gardé des séquelles pour le restant de leur vie. Dans certains cas, les vents ont porté les nuages de gaz jusqu’à l’arrière des lignes de front, provoquant panique, blessures et induisant la mort dans les populations civiles. Pour les nations civilisées d’alors, victorieuses, vaincues et neutres, l’interdiction de l’usage des armes chimiques est apparue comme une nécessité morale et politique. Cette prise de conscience a abouti à la signature, le 17 juin 1925, du Protocole de Genève sur la prohibition d’emploi à la guerre de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires. A la veille de la Seconde guerre mondiale, quarante Etats avaient adhéré au Protocole, à l’exception notable des Etats-Unis et du Japon.

8. Dans les années 1930, au moins deux cas d’usage de gaz au combat ont été répertoriés, le premier par l’Italie dans la campagne d’Ethiopie (1935-1936) et le second par le Japon en Chine (1938). L’engagement de " no first use " contenu implicitement dans le Protocole de Genève a néanmoins fonctionné pendant la Seconde guerre mondiale, même si les protagonistes majeurs du conflit produisaient et possédaient des armes chimiques. Entre 1937 et 1944, trois nouveaux gaz ont ainsi fait leur apparition, le sarin, le tabun et le soman. Les substances chimiques ont été utilisées uniquement contre des civils, à partir d’un produit industriel utilisé au départ comme pesticide - l’acide hydrocyanique, connu sous l’appellation commerciale de Zyklon B.

9. La guerre froide a été une période de recherche et de développement de nouvelles armes chimiques de plus en plus sophistiquées, surtout dans la catégorie des agents innervants, dont les gaz V et VX mis au point par des chercheurs britanniques dans les années 1950. Les systèmes d’armes chimiques se sont aussi développés (munitions, bombes et obus) et dans les années 1980, les armes binaires, composées de deux substances non toxiques qui, une fois mélangées, se transforment en un produit létal, font leur apparition dans l’arsenal chimique des Etats-Unis. A la fin de la guerre froide, les stocks américains et soviétiques d’agents chimiques (aujourd’hui sous la responsabilité de la Fédération de Russie) étaient de 31 000 tonnes pour les premiers (12 000 dans des munitions et 19 000 en dépôt) et de plus de 40 000 pour les seconds.

10. Dans les années 1980, l’accumulation d’armes chimiques est devenue si préoccupante que la Conférence du désarmement des Nations unies, à Genève, a décidé de créer un groupe ad hoc chargé de cette question. En 1984, ce groupe a reçu le mandat de réfléchir sur les moyens et modalités d’arriver à un accord sur l’interdiction des armes chimiques. A la fin de cette décennie, trois événements allaient accélérer ce processus et conduire à la signature, le 13 janvier 1993, à Paris, de la Convention sur les armes chimiques :

  l’usage des gaz de combat décidé par le gouvernement de l’Irak dans sa guerre contre l’Iran et aussi contre les populations civiles du Kurdistan irakien (5 000 morts à Halabja, le 16 mars 1988) a choqué les opinions publiques " occidentales " et attiré l’attention des gouvernements sur les dangers de la prolifération des armes chimiques ;

  le mémorandum d’accord soviéto-américain du 23 novembre 1989 qui a établi un régime de vérification et d’échange de données et l’accord de destruction bilatérale des armes chimiques, de juin 1990 ;

  la crise et la guerre du Golfe (août 1990 - février 1991) avec le risque de l’usage d’armes chimiques, y compris sur des cibles civiles (Israël) et la menace d’une éventuelle riposte au moyen d’autres armes non conventionnelles.

11. A partir de ce moment, les armes chimiques ne seraient plus seulement interdites d’usage : leur existence même n’était plus acceptée par la communauté internationale. Durant les trois jours de la cérémonie d’ouverture et de signature de la CAC, à Paris, 130 Etats l’ont signée, démontrant ainsi de façon éloquente leur volonté de bannir définitivement la menace des armes chimiques.


Source : Assemblée parlementaire de l’Union de l’Europe Occidentale (UEO) http://www.assemblee-ueo.org/