L’armée israélienne a commencé le siège du camp de Djénine le 3 avril 2002 et l’a poursuivi pendant 13 jours, durant lesquels les chars israéliens, dont le nombre était estimé à 200, ont appliqué un feu nourri sur le camp. Des hélicoptères Apache et des chasseurs F-16 se sont joints à eux. Les forces d’occupation ont coupé l’approvisionnement du camp en eau et en électricité et ont empêché les ambulances, les véhicules de secours et les équipes de médecins d’entrer dans le camp tout au long du siège. Le 10 avril, l’armée israélienne a donné l’assaut au camp et a commencé une opération systématique de destruction des maisons, tuant des centaines de jeunes gens. Des témoins oculaires ont confirmé que l’armée israélienne s’était livrée à des exécutions sommaires de Palestiniens qu’elle avait capturés.
Le présent rapport contient un certain nombre de témoignages directs de blessés qui ont survécu au massacre, de proches parents et d’amis des martyrs, d’habitants du camp, de volontaires qui ont participé aux opérations de secours et de journalistes.
Témoignages de blessés soignés dans des hôpitaux jordaniens
Une mission du Service des affaires palestiniennes a rendu visite à un certain nombre de blessés rescapés du camp de Djénine qui sont soignés dans des hôpitaux jordaniens. Le 20 juin 2002, elle s’est rendue dans l’hôpital Al-Urdun à Amman et y a rencontré sept blessés qui ont été personnellement témoins de ce qui s’est passé dans le camp pendant qu’ils s’y trouvaient lors du siège et du bombardement. On trouvera ci-après quelques-uns de ces témoignages.
La mort d’un groupe
On continue de raconter à l’intérieur du camp l’histoire des sept jeunes qui se cachaient ensemble dans une pièce d’une maison où des parents et des voisins avaient l’habitude de se réunir, les hommes et les jeunes gens d’un côté et les femmes et les enfants de l’autre. La peur, l’attente et l’expectative pesaient sur les gens, ce qui poussait certains d’entre eux à sortir pour voir ce qui se passait autour d’eux ; c’est ce que fit l’un des jeunes qui sortit dans la rue, puis rentra dans la pièce où étaient réunis les autres, mais l’hélicoptère Apache qui tournoyait au-dessus du camp prit pour objectif cet endroit et tira un missile. La pièce explosa, tuant les sept jeunes gens. Leurs corps restèrent dans la pièce plus de cinq jours car ils se trouvaient au milieu du camp et personne ne pouvait gagner cet endroit. Lorsque les gens ont pu y aller, le spectacle était horrible. Les corps étaient démembrés, et les membres calcinés dégageaient une odeur de pourriture. Ils étaient méconnaissables. Un homme a dit que lorsqu’il est entré dans la pièce il a buté contre la jambe d’une des victimes, qui a roulé devant lui. Il a essayé de reconnaître un de ses proches et n’y arriva que grâce aux lunettes de vue que son parent portait. Puis commença l’opération consistant à placer les membres de chaque martyr dans un sac distinct et à l’enterrer avant l’arrivée des mères et des soeurs afin qu’elles ne soient pas traumatisées par la vue des corps d’êtres qui leur étaient chers et qui n’étaient plus que des parties de corps mutilés.
Le martyr Jaber
L’histoire de Jaber restera gravée dans la mémoire de la population du camp de Djénine, qui sombre encore dans la tristesse lorsque l’on raconte comment Jaber est mort, les souffrances qui ont été les siennes avant de mourir, ainsi que la détresse de la personne qui a cherché à le sauver et qui est restée avec lui jusqu’à ce qu’il meure entre ses mains, sans pouvoir l’aider. Jaber avait été touché par les tirs d’un hélicoptère Apache. Un homme âgé vint le tirer de la rue et le fit entrer dans sa maison. Il essaya de lui trouver des secours mais cela n’était pas possible du fait de la gravité des blessures et de l’impossibilité pour l’équipe d’ambulanciers d’entrer dans le camp. Jaber demanda au propriétaire de la maison de lui donner de l’eau, mais l’homme qui l’avait secouru refusa d’accéder à sa demande craignant pour sa vie car, comme on le sait fort bien, il n’est pas possible de donner de l’eau aux blessés parce que cela signifie une mort rapide. Jaber continua de perdre du sang pendant des heures, puis il fut à l’agonie. L’homme étendit une serviette imbibée d’eau sur ses lèvres et lui rappela la Chahada jusqu’à son dernier souffle, puis il étendit une couverture sur le corps de Jaber. Ensuite, il fuit de cette maison avec sa famille, l’armée israélienne ayant déjà commencé à détruire les maisons dans le camp.
Après le retrait de l’armée israélienne commença l’opération de recherche des blessés et les corps des martyrs sous les décombres des maisons à l’aide d’appareils simples, tels que des outils de construction et d’agriculture, si bien que les recherches prirent du temps car il y avait des tonnes de décombres. Après environ 25 jours, lorsque les recherches parvinrent à l’emplacement où Jaber avait trouvé la mort, le propriétaire de la maison fit le récit de son décès et indiqua aux sauveteurs avec précision l’endroit où ils trouveraient son corps. Ils retrouvèrent ses restes recouverts d’une couverture.
Une des volontaires du Croissant-Rouge palestinien pensa alors que le martyr était peut-être son frère, disant que celui-ci portait des vêtements identiques aux restes des vêtements trouvés sur le corps du martyr. Ils demandèrent alors au propriétaire de la maison le nom du martyr et il affirma qu’il s’appelait Jaber Hosni Jaber. La jeune fille craqua et se mit à courir en hurlant et en déchirant ses vêtements. Cette jeune fille, Hala, était la soeur de Jaber.
Les martyrs Abdulkarim Al-Saadi et Jamal Al-Sabbagh
Les soldats israéliens ont tué sans pitié. Dès qu’ils avaient le moindre doute, ils tiraient et tuaient des innocents. C’est ce qui est arrivé à Abdulkarim Al-Saadi et Jamal Al-Sabbagh. Abdulkarim avait une vingtaine d’années et travaillait pour la municipalité de Djénine. Il était marié depuis quatre mois, et sa femme était enceinte. Il souffrait d’un mal de dos chronique, conséquence d’un accident du travail qu’il avait subi alors qu’il travaillait pour la municipalité et qui l’obligeait à porter un corset médical en permanence. Lorsque l’armée israélienne est entrée dans le camp, elle a rassemblé les jeunes gens et les hommes dans les rues et sur les places, et Abdulkarim et son père sont sortis de la maison. Les soldats ont demandé à Abdulkarim d’enlever ses vêtements. Lorsque le soldat a aperçu son corset médical autour de sa taille, il pensa qu’il portait une ceinture d’explosifs et tira une rafale qui le transperça, ensanglantant son père, qui, sous le choc, tomba à terre près du corps de son fils.
La façon dont Jamal Al-Sabbagh a été tué n’est guère différente. Jamal était un homme jeune diabétique qui approchait de la quarantaine. Lorsque l’armée israélienne a demandé aux hommes et aux jeunes gens de sortir des maisons en vue de les fouiller et de les arrêter, Jamal portait un sac dans lequel se trouvaient ses médicaments. Lorsqu’il commença à enlever ses vêtements sur les ordres des soldats, la fermeture éclair de son pantalon se coinça et il s’efforça de la décoincer, mais les soldats pensèrent qu’il voulait faire quelque chose contre eux et lui tirèrent dessus. Il fut tué et son sang éclaboussa un petit enfant âgé de 5 ans qui se tenait à ses côtés.
Les martyrs Abou Al-Siba et Muhammad Mufid
Les habitants du camp connaissent tous l’histoire d’Abou Al-Siba, un vieil homme de 80 ans qui ne pouvait pas se déplacer du fait de son grand âge. Lorsque les bulldozers et les pelleteuses israéliennes commencèrent à détruire le quartier de Hawashin, les soldats pénétrèrent dans la maison d’Abou Al-Siba et arrêtèrent ses enfants. Puis commença l’opération de destruction de la maison sans que les soldats ne se soucient de la présence d’Abou Al-Siba dans celle-ci ni de son incapacité d’en sortir. Abou Al-Siba est mort sous les décombres de sa maison.
Muhammad Mufid souffrait de troubles mentaux visibles à son apparence, à ses guenilles et à la façon dont il marchait et se déplaçait. Il passait son temps à errer dans les rues, demandant l’aumône aux passants. Son état n’a pas empêché non plus les soldats de tirer sur lui alors qu’il ne constituait nullement une menace pour eux.
Témoignages directs
De nombreux journaux ont publié des interviews d’habitants rescapés du camp après la levée du siège. Les journalistes de la presse, de la radio et de la télévision ont été choqués lorsqu’ils sont entrés dans le camp et que les témoignages des survivants ont fourni des détails terribles sur les journées de siège, les bombardements et la tuerie.
Les habitants du camp ont raconté comment les soldats les ont arrêtés dans des conditions humiliantes, les obligeant à dormir des jours entiers à terre en ne portant que des sous-vêtements, menottes aux poignets. De l’eau et du pain étaient distribués une fois par jour et les habitants devaient supplier pour être autorisés à faire leurs besoins dans un pot en fer. Les soldats et les enquêteurs du Service de sécurité général israélien, le Shabak, les ont frappés et les ont brutalisés avant de relâcher la majorité d’entre eux en fin de compte, une fois qu’il était clair qu’ils ne les soupçonnaient plus.
Un des rescapés de la tuerie du camp a dit que les opérations de recherche des corps s’effectuent sur la base des témoignages de citoyens qui signalaient la présence de martyrs dans des maisons ou dans des rues devenues des tas de décombres. Il a ajouté que l’un des rescapés avait informé les équipes travaillant dans le camp qu’il avait trouvé quatre corps de martyrs. Il leur a montré l’emplacement avec précision, indiquant que les pelles mécaniques avaient détruit les maisons sur les martyrs, après leur morts.
Parmi ces témoignages, figuraient les témoignages ci-après :
Témoignage du hajj Ahmad Abou Kharj
Le visage couvert de larmes, le hajj Ahmad Mohammad Khalil Abou Kharj s’est dirigé vers sa demeure, qui avait été bombardée par l’aviation sioniste durant l’offensive lancée contre le camp, guidant les équipes de secours vers la pièce ou gisait sa soeur âgée de 65 ans, Yousra Abou Kharj, qu’il revoyait pour la première fois depuis qu’elle avait été tuée, le troisième jour de l’attaque. Le hajj a éclaté en sanglots lorsqu’il a vu le corps de la martyre gisant à terre et déchiqueté par les obus, un spectacle insoutenable y compris pour les membres des équipes de secours. M. Abou Kharj a déclaré : " Le troisième jour de l’invasion, nous avons entendu une très forte explosion au dernier étage de notre maison (qui compte trois étages), où ma soeur était en train de rassembler ses effets et se préparait à rejoindre ma famille, qui est composée de 13 membres et qui s’était réfugiée au rez-de-chaussée pour se protéger contre les bombardements aveugles. Après l’explosion qui a ébranlé tout le bâtiment, un de mes fils est monté à l’étage pour aller chercher ma soeur mais les bombardements incessants l’ont empêché de pénétrer dans la pièce où cette dernière se trouvait. Regardant à travers le trou de la serrure, il a aperçu sa tante qui était étendue à terre et saignait abondamment sans bouger. Aussitôt après, nous avons appelé l’ambulance et l’hôpital et la Croix-Rouge pour leur demander de nous porter secours, mais malgré nos appels successifs personne n’a pu nous venir en aide."
Le chef du Service des secours et des urgences au Croissant-Rouge a fait la déclaration suivante : " La famille de Yousra Abou Kharj nous a appelés pour nous dire que cette dernière avait été blessée et saignait abondamment. Aussitôt après cet appel, une de nos équipes de secours est partie pour le camp. C’est alors que des blindés de l’armée israélienne ont ouvert le feu sur le véhicule à bord duquel cette équipe avait pris place, l’empêchant de pénétrer dans le camp. Nous avons alors appelé le Comité international de la Croix-Rouge internationale qui a pris tous les contacts nécessaires mais n’a pas pu débloquer la situation, ce qui fait que nous avons été incapables de parvenir jusqu’à la famille Abou Kharj pour nous acquitter de notre mission. " Malheureusement, les choses n’en sont pas restées là, comme l’atteste le hajj Ahmad, qui est âgé de plus 80 ans et qui a précisé ce qui suit : " Quelques heures après l’explosion, une unité de l’armée israélienne composée de nombreux soldats a pénétré de force dans notre maison, nous a séquestrés dans une pièce après nous avoir fouillés, et a arrêté quatre de mes fils qu’elle a conduits vers des destinations inconnues, avant d’occuper la maison, qu’elle a transformée en caserne militaire, et de se déployer au deuxième étage. J’ai alors demandé à l’officier responsable de cette unité de m’autoriser à aller chercher ma soeur au troisième étage pour m’assurer qu’elle était saine et sauve. L’officier a refusé mais, comme j’insistais, il a fini par me dire que Yousra était morte et qu’il n’était pas nécessaire que je la voie. Je lui ai demandé d’autoriser le Croissant-Rouge à évacuer le corps de la défunte et à le transporter à l’hôpital. Je me suis là encore heurté à un refus. Nous sommes restés enfermés au rez-de-chaussée tandis que la martyre gisait dans sa chambre. Après cela, les soldats israéliens nous ont contraints, sous la menace de leurs armes, à quitter notre demeure, d’où ils nous ont expulsés, forçant les membres de notre famille à s’éparpiller. C’est ainsi que j’ignore ce qu’il est advenu de mes filles et de mes fils. C’est une catastrophe et une véritable tragédie. Ma soeur ne constituait pas un danger pour les soldats israéliens. Elle ne menaçait nullement leur vie. Malgré cela, ils l’ont tuée de sang-froid et l’ont laissée sans sépulture pendant 16 jours. Quelles sont les lois et quel est le droit qui autorisent de tels crimes ? "
Témoignage de l’épouse du martyr Nasser Abou Hatab
Dans un lieu proche du quartier d’Al Damj, l’armée de l’ennemi sioniste a pris pour cible M. Nasser Abou Hatab, un citoyen marié et père de quatre enfants dont l’épouse a déclaré ce qui suit : " Je n’oublierai jamais ces moments-là. Les soldats, au mépris des lois qui garantissent l’inviolabilité du domicile, ont tiré sans raison aucune sur mon mari, devant ses propres enfants ... Un samedi, à environ 4 heures de l’après-midi, le troisième jour de l’offensive lancée contre le camp de réfugiés de Djénine, des soldats israéliens ont frappé à la porte de notre maison et mon mari s’est précipité pour leur ouvrir. C’est alors que s’est produit un événement effroyable. Les soldats ont saisi mon mari par le cou et ont ouvert immédiatement le feu sur lui, alors qu’il ne les avait pas fait attendre, qu’il ne leur avait opposé aucune résistance et qu’il s’était conformé entièrement à leurs instructions. Mon mari est tombé à terre couvert de sang. Horrifiée par cette scène, j’ai commencé à crier et à pleurer. Les soldats ont pointé leurs armes vers moi en hurlant "sheket, sheket", avant de m’enfermer avec mes enfants dans une pièce séparée. C’est alors que j’ai appelé l’hôpital et le Croissant-Rouge pour leur demander de nous porter secours et de sauver la vie de mon mari. Mais l’armée israélienne a refusé d’autoriser les équipes de secours à venir jusqu’à notre domicile. " M. Abou Hatab est mort sous les yeux de son épouse et de ses enfants. Mais ce qui a été encore plus terrible pour ces derniers, c’est que l’armée, après les avoir séquestrés pendant plusieurs heures, a quitté la maison en les y enfermant et en leur interdisant de sortir la dépouille de leur père et époux. Mme Abou Hatab a ajouté ceci : " Je ne trouve pas de mots pour qualifier des agissements aussi contraires aux droits les plus élémentaires de la personne humaine. L’armée d’occupation m’a enfermée avec mes enfants dans la pièce où se trouvait le corps de mon mari, qu’elle nous a interdit d’enterrer, même dans la petite cour de notre maison ... À quelle vie, à quel avenir, et à quels lendemains mes enfants peuvent-ils s’attendre, eux qui ont vu le sang couler devant leurs yeux, sans pouvoir venir en aide à leur père et sans pouvoir ensevelir sa dépouille, qui est demeurée sans sépulture pendant une semaine ? "
Histoire du martyr Achraf Abou Al-Hija’
Une autre histoire tragique est celle de la famille d’Achraf Mahmoud Abou Al-Hija’, un jeune homme dont le corps calciné a été retrouvé au domicile d’un de ses parents situé à Jaourat Al-Dhahab, dans le camp de Djénine. La famille de M. Abou Al-Hija’ a raconté ceci : " Lorsque les bombardements aériens et les tirs d’obus dirigés contre nos habitations se sont intensifiés et que la zone où nous vivions est devenue dangereuse, nous avons commencé à quitter un à un notre maison pour nous rendre chez les voisins. C’est à ce moment-là qu’un obus est tombé à l’entrée du deuxième étage, provoquant un incendie. Nous avons commencé à crier, appelant Achraf, pour lui demander de sortir au plus vite. Nous avons appelé la défense civile et les urgences pour qu’ils viennent sauver Achraf, que nous croyions alors encerclé par les tirs. Or nous avons appris par la suite que l’obus avait directement atteint notre enfant, qui était mort sur le coup, carbonisé. " Le Directeur de la défense civile a fait la déclaration suivante : " Nous avons reçu un appel de Jaourat Al-Dhahab, nous confirmant qu’une des maisons était en feu. Nous avons aussitôt dépêché une de nos équipes de secours, qui a malheureusement été bloquée en cours de route par les blindés de l’armée d’occupation. Ces derniers ont ouvert le feu sur le véhicule de la défense civile, puis sur l’ambulance, nous empêchant ainsi de parvenir jusqu’à la maison bombardée. " La famille Abou Al-Hija’ raconte que le corps d’Achraf est demeuré sans sépulture pendant plus de deux semaines, et ce jusqu’à ce que l’armée israélienne évacue la zone. En outre, les troupes d’occupation ont détruit 90 % des habitations et tué bon nombre de ceux qui s’y trouvaient. La mère d’Achraf a déclaré ce qui suit : " Le lieu où se trouvait mon fils était un site civil, et non pas militaire. Malgré cela, l’armée israélienne l’a bombardé pendant plus d’une semaine, avant que ses bulldozers et ses blindés ne viennent achever le travail que ses avions n’avaient pu accomplir. Il est clair que ces opérations ont été planifiées à l’avance et visaient à anéantir les hommes, les femmes, les enfants et les édifices, voire toutes les créatures vivantes et tout ce qui pouvait tenir debout. "
Témoignage de Mme Hind ’Aweïss
Mme Hind ’Aweïss, mère de 10 enfants, a déclaré qu’une centaine de soldats israéliens avaient envahi sa maison, où ils étaient restés pendant cinq jours avant de repartir en ne laissant derrière eux que des ruines. D’après les témoignages des habitants, ces soldats se sont comportés d’une manière sauvage sans aucune justification, tenant des propos insolents, saccageant les meubles de la maison, brisant quantité d’objets, inscrivant les noms de leurs unités militaires sur les murs et volant de l’argent et des objets de valeur.
Les soldats qui avaient envahi la maison de Mme Hind ’Aweïss ont demandé à tous ses occupants d’en sortir. Mme ’Aweïss a refusé d’obtempérer, faisant valoir qu’elle et ses enfants ne pouvaient aller nulle part car à l’extérieur, les combats faisaient rage. Au début, les soldats se sont contentés d’occuper les deux étages supérieurs de la maison. Le lendemain, ils sont revenus pour demander à ses occupants d’évacuer le rez-de-chaussée. Mme ’Aweïss a par la suite fait la déclaration suivante devant des journalistes : " C’est alors qu’un des soldats s’est emparé de mon neveu Rateb, âgé d’un an et demi, qu’il a placé sous son bras, pointant son arme sur la tempe de l’enfant, en menaçant dans un arabe hésitant de tirer sur lui si nous refusions de quitter notre demeure. C’est ainsi qu’ils nous ont obligés à partir. " Mme ’Aweïss a ajouté que le soldat qui avait menacé de tuer son neveu n’était pas un officier mais qu’elle était incapable de l’identifier car, à l’instar des autres soldats, il avait couvert son visage de peinture noire. Par contre, elle connaissait le nom de l’unité à laquelle il appartenait car ses compagnons d’arme l’avaient inscrit en lettres noires sur les murs de sa maison. Il s’agissait en l’occurrence de la brigade Golani. Mme ’Aweïss a aussi déclaré qu’avant de quitter sa maison, les militaires y avaient mis le feu. Il se pouvait aussi que l’incendie ait été provoqué par une attaque à l’hélicoptère.
Témoignage de Oum Haïtham
À leur retour, les habitants du camp ont commencé à fouiller dans les décombres à la recherche de documents, de pièces d’identité, de bijoux qu’ils avaient enfouis sous terre avant d’être expulsés de leur maison, de meubles ou de vêtements. Toutefois Oum Haïtha n’a retrouvé aucune trace de ce qui avait été sa maison et tous les vêtements et meubles qu’elle a pu récupérer sont inutilisables. Elle a déclaré ce qui suit : " Ils nous ont anéantis et chassés en l’espace de quelques minutes, détruisant le fruit de toute une vie de peine et de labeur ". La petite Isra’ a pleuré avec amertume lorsqu’elle est parvenue jusqu’à l’endroit où se dressait autrefois sa maison qu’elle a reconnue lorsqu’elle a vu son père fouiller parmi les piliers et les débris qui jonchaient le sol.
Témoignage de M. Maher Hawwachin
Assis sur un bloc de ciment situé au milieu du camp de Djénine, la tête entre les mains, M. Maher Hawwachin contemple le tas de gravats sous lesquels sont enfouis ses souvenirs ainsi que toutes les possessions de sa famille. M. Hawwachin a déclaré qu’après que sa maison eût été entièrement détruite, il s’était retrouvé sans moyens, ne sachant pas comment lui et sa famille allaient se loger et subvenir à leurs besoins. Pour le moment, il était hébergé à titre provisoire par son frère en attendant que son problème et celui de tous ceux dont la maison avait été détruite par les troupes de l’ennemi soient réglés.
Témoignages de personnes blessées par l’explosion de mines
Les habitants du camp vivent dans la terreur, craignant pour leur avenir et pour leur vie, après l’explosion répétée de mines que les soldats israéliens ont laissées derrière eux. M. Abou Ahmad a déclaré ce qui suit : " Ils ne se sont pas contentés de détruire nos maisons, ils ont aussi placé des mines un peu partout, ce qui fait que notre vie est menacée à chaque instant. C’est ainsi que, dimanche dernier, alors que je mettais le pied dans ma maison, une mine a explosé, me blessant ainsi que mon fils Mohammad. " Les habitants du camp affirment qu’après que les soldats eurent placé des mines dans les quartiers et dans les habitations, 10 de ces engins avaient explosé, blessant 20 Palestiniens, dont la majorité étaient des enfants. Le responsable de l’unité de déminage du Comité international de la Croix-Rouge a déclaré que cette unité avait décelé la présence de très nombreux engins et mines suspects, qu’elle était parvenue à enlever et à neutraliser, en demandant instamment aux habitants du camp de coopérer avec elle pour préserver leur vie et leur sécurité. En outre, l’unité avait constitué plusieurs équipes locales de volontaires composées d’habitants du camp qui devaient l’aider à détecter les mines, à les rassembler et à inspecter les maisons et les collectivités locales.
Assad Faisal ’Arssane, 10 ans, et Saad Soubhi Al-Wahchi, 12 ans, sont deux petits garçons qui jouaient avec d’autres garçons de leur âge dans une des ruelles du camp lorsqu’ils ont été blessés par une mine dont les habitants affirment qu’elle avait été placée par les soldats de l’armée d’occupation. Assad, qui a dû subir plusieurs opérations chirurgicales, a déclaré ce qui suit : " J’étais assis avec mes amis du quartier avec lesquels j’évoquais les rafles et les tueries de l’armée israélienne. C’est au moment où nous avons commencé à jouer qu’un engin a explosé. J’ai perdu connaissance, et lorsque j’ai repris conscience, je me suis rendu compte que j’avais perdu tous mes membres. " Les médecins de l’hôpital de Djénine disent qu’Assad a été très grièvement blessé et a dû être amputé des deux bras et des deux jambes. Saad, quant à lui, a été brûlé et son corps est couvert d’éclats.
Témoignages de journalistes et d’organisations humanitaires
Mêmes les journalistes ont été choqués par les scènes d’horreur qu’ils ont vues dans le camp de Djénine. Certains d’entre eux ont reconnu avoir eu du mal à s’exprimer et à décrire ce qu’ils voyaient. Le journaliste Walid al-Amri de la chaîne qatarienne Al-Jazira a déclaré : " Bien que les autorités israéliennes aient décidé d’interdire l’accès au camp de Djénine aux organes d’information et de poursuivre ces derniers, nous étions déterminés à surmonter les difficultés et à braver les dangers. Nous avons réussi à pénétrer dans le camp pour faire connaître la vérité, que l’on ne pouvait établir qu’en se rendant sur place. Les chars et les tireurs embusqués essayaient pourtant d’empêcher quiconque d’entrer dans le camp ". Al-Amri était l’un des premiers journalistes à pénétrer dans le camp de Djénine pendant le massacre. Il a déclaré : " Le chemin que nous avons emprunté était dangereux et peu praticable. Il n’était pas facile d’entrer dans le camp, et les scènes que nous avons vues dès le premier instant étaient terribles. On a vu des cadavres brûlés ou déchiquetés, ainsi que des dizaines de maisons détruites, au point où nous avions l’impression d’être dans une zone touchée par un grand tremblement de terre. Les scènes étaient d’autant plus terribles et dramatiques que les victimes étaient des Palestiniens qui avaient été chassés de chez eux 50 ans plus tôt et qui étaient chassés une fois de plus par l’État même qui avait été créé sur les ruines de leurs maisons ... Les scènes les plus terribles étaient celles des Palestiniens qui avaient été encerclés dans leurs maisons pendant plus de 20 jours ... La principale question que nous nous posions était de savoir comment on pouvait préserver la vie des rescapés après tout ce qui s’était passé dans le camp et après les situations humanitaires uniques que nous y avions vues, à savoir des gens qui cherchaient des personnes vivantes ou des cadavres sous les décombres, une mère ou un père qui cherchaient leurs proches, un enfant qui cherchait ses frères et soeurs et sa famille, ou des personnes qui cherchaient leur maison sous les décombres ".
À New York, la journaliste américaine Mary Seral, correspondante du Sunday Times, a dit avoir vu de nombreuses scènes dans le camp, et que toutes les images qui avaient été montrées et diffusées ne reflétaient pas la réalité. Les faits démontrent que l’armée israélienne a délibérément détruit le camp et attaqué sa population, en violation de toutes les lois. Les soldats israéliens ont empêché la famille du martyr Gamal Fayed de transporter celui-ci hors de sa maison, alors que l’intéressé était estropié, ne combattait pas et ne constituait aucune menace pour la sécurité desdits soldats. Quant au journaliste chinois Chu Suzki, caméraman pour une chaîne de télévision, il a déclaré en séchant ses larmes : " Je me rends compte aujourd’hui que le monde entier, sans exception, est responsable de cette tragédie. J’ai couvert un grand nombre d’événements et de tragédies dans le monde entier, mais les scènes que j’ai vues dans le camp de Djénine sont les plus violentes et celles qui m’ont le plus touché. Toutes les victimes étaient des civils. Les corps qui ont été trouvés sous les décombres appartenaient à des enfants, des femmes et des adolescents et tous étaient des civils. Nous avons découvert que certains d’entre eux n’avaient pas été mortellement blessés et que leur décès était imputable au fait qu’ils n’avaient pas pu être soignés. C’est pourquoi je réaffirme qu’un grand massacre a été commis et que toute personne dotée d’une conscience, où que ce soit dans le monde, doit oeuvrer pour l’arrêt de cette guerre, de cette destruction et de cette tragédie. "
La volontaire américaine Chips
Chips, une volontaire américaine de la Croix-Rouge, a été une des premières personnes à parcourir les rues du camp de Djénine, dont l’accès a été interdit aux unités médicales des organisations humanitaires pendant deux semaines. Bien qu’elle ait participé à de nombreuses opérations de secours dans un certain nombre de pays, Chips s’est dite profondément choquée par ce qu’elle a vu. Elle a déclaré : " J’ai partagé et vécu avec les Palestiniens des moments de peine et de douleur alors qu’ils essayaient, pendant plusieurs jours, d’entrer dans le camp. Or, l’armée israélienne les en empêchait. Malgré les centaines d’appels au secours lancés par des enfants et des femmes, ainsi que par la population du camp en général, aucun de nous n’a été en mesure de jouer son rôle et de venir en aide à qui que ce soit. Les chars étaient partout et, appuyés par les tireurs embusqués qui occupaient un certain nombre de bâtiments, tiraient même sur les ambulances ... La Croix-Rouge a fait tout son possible et établi d’innombrables contacts pour que le personnel et les ambulances de la Croix-Rouge, qui arboraient le logo de l’organisation, soient autorisés à porter secours aux blessés et à sortir les corps des martyrs, mais en vain. L’armée israélienne nous a empêchés de circuler, ce qui est à la fois horrible et contraire au droit international. " Décrivant la situation dans le camp comme étant catastrophique et dramatique, Chips a ajouté : " Lorsque l’armée israélienne nous a autorisés à entrer dans le camp, il était trop tard. Dès que nous avons posé nos pieds sur le sol, nous avons senti l’odeur de la mort et des cadavres que l’armée avait laissés dans les rues et les ruelles, ainsi que sous les décombres ... Je suis allée dans plusieurs régions du monde et j’ai vu divers types de destruction, mais les scènes dans le camp de Djénine étaient différentes, terribles et dramatiques. Nous avons récupéré des cadavres calcinés et d’autres en décomposition, et ils appartenaient tous à des civils, dont des femmes, des enfants et des personnes âgées. Certains corps étaient ensevelis sous les décombres des maisons détruites par l’armée. C’était un véritable massacre et les scènes étaient terribles. "
Source : Organisation des Nations Unies : http://www.un.org
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