« Et qu’en pense la population d’Irak ? »
Libération (France)
[AUTEUR] Halkawt Hakem est maître de conférences de kurde et de civilisation kurde à l’Institut national des langues et civilisations orientales.
[RESUME] La population irakienne va payer cher une intervention des États-Unis sur son sol, moins à cause des bombes des alliés que de celles de leur dictateur. Pourtant, dans sa grande majorité, les Irakiens espèrent une attaque des États-Unis qui les libèrera de Saddam Hussein.
En 1991, pendant la guerre du Golfe, seuls les Arabes sunnites sont restés fidèles à Saddam Hussein, ce qui n’est même plus assuré aujourd’hui. Le dictateur irakien ne peut plus compter que sur ses milices, sa garde républicaine et ses services secrets.
Le clan Hussein continue de vivre dans une abondance choquante au vu et au su de tous en Irak, pendant que la population meurt de faim. C’est à cause de ce manque de nourriture et de la peur qu’inspire le gouvernement de Bagdad que la population ne se soulèvera pas même si elle accueillera les alliés comme des libérateurs.
« Pensez globalement, agissez sur les tribus »
Think Globally, Act Tribally
Los Angeles Times (États-Unis)
[AUTEUR] Sandra Mackey ancienne correspondante de nombreux journaux états-uniens en Arabie saoudite est l’auteur de The Reckoning : Iraq and the Legacy of Saddam Hussein.
[RESUME] Les États-Unis évaluent la puissance de Saddam Hussein uniquement sur des critères militaires en négligeant l’assise de son pouvoir en Irak, dont l’un des piliers est le soutien des chefs tribaux.
Il existe certes en Irak une tradition urbaine issue de l’ancien empire Ottoman et le nationalisme du parti Baas (présentant tous les Irakiens comme des descendant des civilisations mésopotamiennes antiques) qui font contrepoids au tribalisme, mais cette tendance reste forte dans le pays. Ainsi, lors de la guerre Iran-Irak, ce n’est pas une nation qui est parti en guerre, mais une coalition de groupes ethniques soudés par une haine commune des Perses.
Les chefs tribaux ont soutenu Saddam Hussein en échange d’avantages matériels, mais peuvent se lever contre lui s’ils le trouvent affaibli. Or, précisément, le retour des inspecteurs de l’ONU l’affaiblit.
Les États-Unis doivent être patients et compter sur les facteurs endogènes irakiens plutôt que de faire la guerre pour renverser Saddam Hussein.
« Vaincre Saddam maintenant »
Defeat Saddam now
The Nando Times. (États-Unis)
[AUTEUR] John R. Thomson a été homme d’affaire, diplomate et journaliste au Proche-Orient pendant plus de trente ans. Cette tribune a été largement publiée dans les titres de la presse locale des États-Unis et était diffusé par United Press International, l’agence de presse d’Arnaud de Borchgrave.
Cette tribune se présente comme une lettre ouverte à George W. Bush.
[RESUME] Il faut agir maintenant contre l’Irak.
De nouvelles inspections n’apporteront rien, car l’Irak cache son armement. En outre, une attaque rapide contre l’Irak permettra de rebâtir les relations des États-Unis avec les pays arabes.
Les États-Unis sont de plus en plus perçus par les pays arabes comme un État faible et décadent, il est donc indispensable de montrer qu’ils sont forts et peuvent faire usage de leur armée.
En attaquant, les États-Unis montreront au monde que l’utilisation du terrorisme n’apporte rien. Cela affaiblira les dictatures de la région, tel l’Iran, la Syrie et la Palestine, qui seront obligés de se réformer et de se libéraliser. La chute de régimes dictatoriaux, ou leur assouplissement, suscitera un soutien des populations arabes aux États-Unis
Au contraire, si les États-Unis n’agissent pas, le terrorisme deviendra de plus en plus fort et de plus en plus difficile à éradiquer.
« Pourquoi s’arrêter à l’Irak ? »
Why stop with Iraq ?
The Christian Science Monitor (États-Unis)
[AUTEUR] Robert I. Rotberg est directeur du Harvard University’s Program on Intrastate Conflict de la Kennedy School. Il est président de la World Peace Foundation
[RESUME] Si les États-Unis veulent renverser Saddam Hussein au motif que c’est un dictateur meurtrier, pourquoi ne pas agir également ailleurs ? Après tout, il existe aussi des dictateurs meurtriers en Sierra Leone, en Birmanie, au Cambodge, au Soudan, au Zimbabwe, en Guinée équatoriale ou en en Corée du Nord.
La seule réponse de l’administration Bush face à cette objection est que Saddam Hussein détient des armes de destruction massive et pourrait les utiliser sur d’autres pays ou contre sa propre population. Pourtant, la Corée du Nord possède aussi des armes de destruction massive et la plupart des pays déjà cité n’en ont pas eu besoin pour attaquer leurs voisins ou leurs propres populations.
Les rapports avec ces régimes devraient donner lieu à la rédaction d’une nouvelle doctrine qui poserait clairement les raisons d’une intervention états-unienne. Si les États-Unis veulent jouer au gendarme du monde, qu’ils ne le fassent pas dans les seuls pays riches en matières premières.
« L’hypocrisie nucléaire de l’Amérique »
America’s nuclear hypocrisy
International Herald Tribune (États-Unis)
[AUTEUR] Tad Daley est chercheur au Burkle Center for International Relations de l’UCLA. Il a été candidat démocrate à la chambre des représentants en avril 2001, en ayant la lutte contre la prolifération nucléaire comme thème principal de campagne.
[RESUME] Le traité de non-prolifération nucléaire prévoyait que les États qui n’avaient pas d’armes nucléaires ne devaient pas chercher à s’en doter et que ceux qui en avaient devaient limiter leur stock, voire le détruire complètement.
L’administration Bush semble se moquer de ce traité et vouloir conserver les énormes stocks d’armes nucléaires des États-Unis en prétextant qu’ils sont vitaux pour la sécurité nationale, tout en interdisant aux autres d’avoir la même logique.
Le maintien d’un statu quo, dans lequel peu d’États auraient des armes nucléaires, est illusoire. Il faudra choisir un jour entre un monde dans lequel les armes nucléaires sont prohibées et un monde où de nombreux États en détiendront et où les autres chercheront à s’en doter.
Si les États-Unis restent sur leur position, la prolifération nucléaire continuera. Or, plus nombreux seront les États nucléaires, plus grands seront les risques d’usage de la bombe.
« Les inspections sont la clef »
Inspections Are the Key
Washington Post (États-Unis)
[AUTEUR] Mohamed El Baradei est directeur général de l’International Atomic Energy Agency.
[RESUME] De 1991 à 1998, les inspecteurs en désarmement de l’ONU de l’International Atomic Energy Agency ont fait un excellent travail en Irak en détruisant une bonne part du potentiel de développement d’armes de destruction massive ; un travail qu’aucun satellite espion ne peut ou n’a pu faire.
Aujourd’hui, les inspecteurs vont pouvoir retourner en Irak, mais pour que leur travail soit efficace, certaines conditions doivent être remplies.
Tout d’abord, ils doivent avoir la possibilité de visiter tous les sites et d’interroger qui ils souhaitent sans pression. Ensuite, il faut que l’ONU soit prête à sévir au moindre signe de non-coopération de la part des autorités irakiennes. Enfin, les inspecteurs doivent être totalement impartiaux et toute initiative pouvant nuire à leur intégrité doit être sanctionné.
Ces conditions remplies pour l’Irak, un effort supplémentaires doit être également accompli contre la prolifération nucléaire partout dans le monde.
La communauté internationale doit voir le travail des inspecteurs comme une chance pour la paix et leur laisser le temps de travailler.
« Les attaques préventives échouent à leur test d’Histoire »
Preventive Attacks Fail Test of History
Los Angeles Times (États-Unis)
[AUTEURS] Robert Dallek est historien à la Boston University. Robert Jervis est professeur de politique internationale à la Columbia University.
[RESUME] Une attaque contre l’Irak n’est pas une frappe préventive contre une menace immédiate, mais une action contre une menace future hypothétique. Or, par le passé, les États-Unis ont déjà entrepris ce type d’action avec bien souvent des conséquences malheureuses.
Ainsi, par exemple, en 1953, le renversement de Mossadegh a préparé la révolution islamiste de 1979. L’invasion de la Baie des cochons donnait une excuse à Khrouchtchev pour envoyer des missiles à Cuba en 1962. La guerre du Vietnam qui devait prévenir la propagation du communisme en Asie finissait en fiasco. Certes, cela n’a certes pas toujours été des désastres, comme Grenade en 83 ou Panama en 89, mais ces pays étaient faibles et proches des États-Unis.
Il est préférable de traiter Saddam Hussein comme les États-Unis ont traité Kadhafi, par la stratégie traditionnelle de l’endiguement.
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