« La mentalité et les missiles guident les Nord-coréens »
Mindset and missiles guide North Koreans
Gulf News (Dubaï)
[AUTEUR] Erik Cornell a ouvert l’ambassade de Suède à Pyongyang en 1975 puis a été ambassadeur dans l’Ouest africain et en Turquie. Il est l’auteur de North Korea Under Communism.
[RESUME] La Corée du Nord est le dernier pays communiste du monde. Malgré la famine, Kim Jong Il n’envisage pas de changer de politique. Il maintient un régime qui conçoit sa propre ruine comme un devoir dans sa guerre à l’impérialisme et qui est prêt à risquer une guerre contre la plus puissante nation du monde.
La Corée du Nord poursuit une tradition d’isolationnisme justifiée par la volonté d’échapper à l’influence de ses trois puissants voisins : la Russie, la Chine et le Japon. La population n’y connaît que le communisme teinté d’une dévotion au dirigeant dérivée du confucianisme. C’est pour cette raison que discuter avec Kim Jong Il équivaut à parler avec un fondamentaliste chrétien ou musulman : c’est impossible de lui faire entendre raison. De plus, sous l’influence du marxisme-léninisme, les Nord-Coréens sont persuadés que le développement du socialisme et du communisme est inscrit dans l’histoire et est donc inévitable.
Les Nord-Coréens sont des croyants et la discussion avec les États-Unis risque donc d’être quasiment impossible.
« Traiter avec la Corée du Nord »
Deal with North Korea
The Washington Times (États-Unis)
[AUTEURS] Philip H. Gordon est chercheur à la Brookings Institution à Washington. Il est ancien directeur des affaires européennes du National Security Council et consultant à la Rand Corporation.
[RESUME] Les critiques états-uniens et internationaux à la politique de Bush n’ont pas manqué de faire remarquer les différences de traitement des crises nord-coréenne et irakienne par l’administration Bush. Ils en ont profité pour ridiculiser la doctrine des frappes préventives. Vue la position de l’administration Bush, qui a présenté Pyongyang comme un membre de " l’Axe du mal ", on affirme en Europe et dans les mouvements états-uniens opposés à la guerre que Bush est le seul responsable de la crise actuelle.
En fait, la situation est plus complexe et la crise aurait eu lieu tôt ou tard puisque la Corée du Nord ne respectait pas sa part de l’accord de 1994 prévoyant l’arrêt du programme nucléaire en échange d’une aide pétrolière.
On ne peut pas prétendre non plus que la crise actuelle nécessite l’abandon du projet de guerre en Irak. En effet, on ne trouvera pas plus vite une solution au problème nord-coréen en redéployant les troupes qui sont autour de l’Irak autour de la péninsule coréenne et l’objectif de non-prolifération ne sera pas plus rempli si on laisse faire l’Irak. En fait, l’une des leçon de la crise avec Pyongyang est justement qu’il faut frapper l’Irak, car la Corée du Nord ayant déjà des armes nucléaires, il est trop tard. Tandis qu’on peut encore empêcher Saddam Hussein de s’en doter.
Il faut prouver au monde que notre objectif est la non-prolifération et que nous ne laisserons pas Kim Jong Il décider de notre politique au Proche-Orient. Nous pouvons et nous devons gérer ces deux crises en même temps car abandonner l’Irak équivaudrait à donner l’autorisation à Bagdad de posséder des armes nucléaires.
« La bataille des super systèmes : l’Europe contre l’Amérique »
Battle of the super - systems : Europe vs. America
Publié simultanément dans le Jerusalem Post et le New York Post
[AUTEUR] Daniel Pipes est directeur du Middle East Forum et auteur de Militant Islam Reaches America. Il a récemment fondé Campus Watch une organisation dont le but est de soutenir la vision néo-conservatrice du Proche-Orient dans les universités états-uniennes. Voir à ce sujet, la dernière investigation du Réseau Voltaire : Le Centre pour la politique de sécurité : les marionnettistes de Washington.
[RESUME] Après le 11 septembre, les forces de la civilisation étaient toutes du même côté et les barbares de l’autre. Le lendemain des attentats, le président Bush appelait à l’unité des États-Unis et de leurs alliés, puis l’OTAN invoquait la clause d’assistance mutuelle. Seize mois plus tard, cette unité semble bien lointaine en raison d’une baisse de la vigilance et d’une minimisation du danger. Un sondage récent a montré que les États-Unis sont de plus en plus impopulaires dans 27 pays interrogés.
En Europe, les signes d’antipathie à l’égard des États-Unis sont de plus en plus alarmants. Ainsi, en France, un livre affirmant que les attentats de Ben Laden cachent un complot au sein du gouvernement états-unien s’est trouvé en tête des ventes. En Italie, une manifestation a rassemblé 300 000 Européens arborant des images de Staline, de Mao, de Che Gevara et des drapeaux palestiniens pour s’opposer à ce que les États-Unis aillent libérer le peuple irakien.
L’analyste américain Ken Sanes a donné une explication à cette division des alliés dans le Asia Times. Il existerait non pas deux, mais trois super-systèmes dans le monde :
– Le système états-unien qui défend l’individualisme libéral, les droits des individus et la poursuite du bonheur.
– Le système du militantisme de l’Islam et son message d’intolérance, de ressentiment, de cruauté et de contrôle totalitaire.
– Le système européen de gauchisme bureaucratique qui se situe entre les deux puisqu’il s’appuie sur le marché tout en laissant à l’État une large place.
La division géographique n’est pas parfaite, cependant l’originalité est de présenter l’Europe et les États-Unis non pas comme deux parties d’un même système, mais comme deux systèmes différents qui, s’ils ont été alliés contre l’URSS, pourraient bien, si l’analyse est exacte, être adversaires au XXIième siècle.
[CONTEXTE] "L’analyste américain" Ken Sanes est en réalité un ex-journaliste spécialiste des actions de propagande qui anime un site internet dédié à l’analyse des médias. Son article " Clash of the super-systems " tente une synthèse entre la théorie du " Clash des civilisations " de Samuel Huntington et la stigmatisation de la théologie catholique de la libération propre à Daniel Pipes.
« Les États-Unis d’Amérique sont devenus fous »
The United States of America has gone mad
The Times (Royaume-Uni)
[AUTEUR] John le Carré est un célèbre auteur de romans d’espionnage britannique. Il a été pendant cinq ans fonctionnaire du ministère des affaires étrangères britannique.
[RESUME] L’Amérique traverse une période de démence pire que celle du maccarthysme, pire que celle de la Baie des cochons et potentiellement plus désastreuse que celle de la guerre du Vietnam.
Aujourd’hui, les libertés sont attaquées par le gouvernement. Ces atteintes aux droits des Américains comme la guerre en Irak, même si elle est planifiée depuis longtemps par le gouvernement Bush, n’ont été rendues possibles que grâce aux attentats du 11 septembre. Sans Ben Laden, la junte de Bush serait encore en train de justifier son élection, serait empêtrée dans l’affaire Enron et devrait expliquer pourquoi elle favorise les plus riches, pourquoi elle méprisent l’environnement et les pays pauvres, pourquoi elle abroge unilatéralement les traités internationaux et pourquoi elle soutient Israël au mépris des résolutions du conseil de sécurité de l’ONU.
Tout ça Ben Laden a permis de le cacher sous le tapis. Aujourd’hui 88 % des Américains sont en faveur de la guerre. Mais à quelle guerre sont-ils favorables ? Jusqu’à combien de morts ? Pour combien de temps ? À quel coût financier ? La junte de Bush a transféré contre Saddam Hussein la haine des États-Unis contre Ben Laden. La propagande de Bush sert à un public américain, maintenu dans l’ignorance et la peur, une vision manichéenne du monde et messianique des États-Unis : les États-Unis servent Dieu et Dieu, qui a des options politiques particulières, veut que des responsables de grandes entreprises dirigent le pays pour sauver le monde et qu’Israël soit le mandataire des États-Unis au Proche-Orient. Dieu veut la guerre en Irak et Bush, lui, veut le pétrole irakien. Ceux qui l’aideront auront leur part du gâteau, les autres, non.
L’Irak n’est pas une menace pour ses voisins et si il détient des armes de destruction massive cela ne doit pas représenter grand chose comparé aux stocks israéliens et états-uniens. La guerre n’est qu’un moyen de garantir la croissance économique américaine et de faire une démonstration de force face à l’Europe, à la Russie, à la Chine, à la pauvre et folle Corée du Nord et à tout le Proche-Orient.
Blair a peut-être cru qu’il pourrait apaiser le tigre en étant à ses côtés, mais il n’a réussi qu’à le légitimer. Désormais le Premier ministre est coincé : soit il suit les États-Unis et il se met à dos l’Europe et le Royaume-Uni pour des décennies, soit il renonce à aider les Américains et il peut dire au revoir à une relation privilégiée. Voilà pourquoi il est aujourd’hui contraint de défendre une aventure coloniale.
« Le prestige de la France en question »
Le prestige de la France en question
Le Figaro (France)
[AUTEUR] Pascal Boniface est directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et membre du Haut Conseil de la coopération internationale.
[RESUME] Aujourd’hui 77 % des Français sont opposés à la guerre en Irak et il en est de même dans le reste des pays européens. Certains experts et responsables français continuent cependant à être favorables au recours à la force pour des questions de principe, tout comme ceux qui s’y opposent. Ce n’est pas une approche souhaitable.
Pour la France, ce qui est en jeu c’est, plus que l’Irak, l’ordre international, le rôle de l’ONU et celui du Conseil de sécurité. En tant que membre permanent du Conseil de sécurité et représentante d’une tradition multilatéraliste, la France a un intérêt au renforcement de l’ONU. Paris peut donc difficilement exclure tout recours à la force sous peine de voir l’ONU marginalisé.
Pour l’instant, la France, avec l’aide de la Russie, est parvenue à faire accepter aux États-Unis la résolution 1441. Cela ne coûte pas grand chose à Washington et lui laisse le temps de déployer ses forces autour de l’Irak pour être en mesure d’attaquer à la mi-janvier, date proche de celle où les inspecteurs rendront leur rapport. Si le rapport affirme que les Irakiens ont violé les résolutions de l’ONU ou qu’ils ont empêché les inspections, la France n’aura d’autres choix que d’accepter la guerre. Mais si rien de tel n’est présenté, il faudra que la France oppose son veto à une guerre contre l’Irak.
Si les États-Unis passent outre, la guerre redeviendra alors un moyen de politique étrangère comme un autre. L’on reviendra à l’ordre international en vigueur au XIXième siècle.
« Seules nos troupes risquent le procès »
Our troops alone risk prosecution
The Guardian (Royaume-Uni)
[AUTEUR] Philippe Sands est avocat et professeur de droit à l’University College London. Il est l’auteur de From Nuremberg to the Hague : The Future of International Criminal Justice qui doit sortir le mois prochain.
[RESUME] Pour la première fois dans l’Histoire, les soldats britanniques et leurs supérieurs pourront être jugés par la Cour criminelle internationale (CCI) pour les actes qu’ils commettront pendant une guerre, celle qu’ils s’apprêtent à mener en Irak par exemple. Ce ne sera pas le cas des soldats états-uniens et irakiens.
La CCI a été créée notamment grâce au gouvernement de Tony Blair qui avait renversé la position du Royaume-Uni sur cette question. Elle aura des compétences limitées en Irak puisqu’elle ne peut pas statuer sur l’usage illégal de la force. Elle ne pourra juger que les crimes contre l’humanité, les actes de génocide et les crimes de guerre. Encore faut-il que les exactions soient perpétrées sur le sol d’un État signataire ou par les ressortissants d’un État signataire. Ainsi, la CCI ne peut juger ni des États-uniens, ni des Irakiens, mais elle peut par contre juger des Britanniques. Aussi, si des crimes de guerre sont commis en Irak, seul le Royaume-Uni devra en payer les conséquences, pas nos alliés états-uniens.
« L’état de guerre s’installe en Côte d’Ivoire »
L’état de guerre s’installe en Côte d’Ivoire
Le Monde (France)
[AUTEURS] Marc Le Pape au Centre d’Études africaines et Claudine Vidal sont chercheurs au Centre d’Études africaines du CNRS.
[RESUME] La guerre actuelle en Côte d’Ivoire trouve ses racines dans les années 90 lorsque la crise économique a frustré une partie de la jeunesse ivoirienne et a entraîné une concurrence pour l’accès aux terres, aux emplois et aux études entre les Ivoiriens et entre Ivoiriens et ressortissants d’autres pays d’Afrique de l’Ouest. Dans le même temps, les notables ruraux ont perdu leur influence. Les mobilisations catégorielles sont devenues décisives et leurs meneurs agissent comme s’ils n’ont rien à perdre.
C’est dans ce contexte qu’ont surgit sur le devant de la scène politique des hommes jouant le jeu de l’éthnicisation et de la xénophobie, ainsi que l’armée, qui a vite été haïe de la population pour ses exactions. L’arrivée de Laurent Gbagbo au pouvoir a maintenu l’impunité des militaires criminels qui ont pu poursuivre leurs exactions.
Aujourd’hui, les mutins du 19 septembre 2002, qui sont souvent les mêmes qui avaient pris part au coup d’état du général Gueï en décembre 99, contrôlent le Nord du pays et Gbagbo le Sud. On sait que le président poursuit sa politique brutale et, bien que n’ayant pas d’information impartiale provenant du Nord du pays, on sait que de nombreux Ivoiriens quittent la zone occupée par les rebelles. Aujourd’hui, l’état de guerre est devenu un état d’esprit en Côte d’Ivoire. Les négociations à Paris le 15 janvier seront très difficiles.
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