Si l’évocation des armes biologiques semble terrifiante, celle des armes chimiques l’est tout autant. La COCOVINU a déjà beaucoup développé ce dossier, et vous pouvez tous lire le rapport bien étoffé que l’UNSCOM a publié en 1999 à ce sujet. Permettez-moi de resituer les choses dans leur contexte par trois éléments clés que nous devons tous garder à l’esprit. Premièrement, Saddam Hussein a utilisé ces armes horribles contre un autre pays et contre son propre peuple. En fait, si l’on considère l’histoire de la guerre chimique, depuis la Première Guerre mondiale, aucun pays n’a acquis plus d’expérience que l’Irak avec des armes chimiques sur le champ de bataille. Deuxièmement, comme dans le cas des armes biologiques, Saddam Hussein n’a jamais inventorié ses vastes quantités d’armement chimique : 550 obus d’artillerie équipés d’ypérite, 30.000 munitions vides et suffisamment de précurseurs pour porter son arsenal à 500 tonnes d’agents chimiques.

Il suffit de considérer une catégorie d’armes non répertoriées, les 6.500 bombes de la guerre irano-irakienne. Selon la COCOVINU, elles contiennent jusqu’à 1.000 tonnes d’agents chimiques.

On ne sait pas aujourd’hui ce qu’il est advenu des ces quantités d’armes chimiques. M. Blix a dit de façon sarcastique : « L’ypérite n’est pas de la confiture d’oranges. Vous devez savoir ce que vous en avez fait. » Nous sommes convaincus que Saddam Hussein sait ce qu’il en a fait et qu’il n’a pas été sincère avec la communauté internationale.

Nous avons des preuves que ces armes ont existé. Ce que nous n’avons pas, c’est la preuve, fournie par l’Irak, qu’elles ont été détruites, ou encore une indication de l’endroit où elles se trouvent. C’est ce que nous attendons toujours.

Troisième point, les déclarations de l’Irak au sujet des armes chimiques sont un tissu de mensonges. Il a fallu des années pour que l’Irak admette enfin qu’il avait produit 4 tonnes d’agent neurotoxique mortel VX. Une seule goutte de VX sur la peau tue en quelques minutes. Imaginez 4 tonnes. Cet aveu n’est intervenu qu’après que les inspecteurs eurent rassemblé des preuves dans la foulée de la défection de Hussein Kamel, le gendre de Saddam Hussein, qui est mort entre temps.

L’UNSCOM a obtenu des preuves relevant de l’expertise médico-légale que l’Irak a produit du VX et l’a chargé dans des ogives. Mais, à ce jour, l’Irak nie avoir jamais utilisé du VX à des fins d’armement. Et, le 27 janvier, la COCOVINU a indiqué au Conseil de sécurité qu’elle avait des informations contradictoires par rapport à ce que disait l’Irak à propos de son programme VX.

Nous savons que l’Irak a intégré à son industrie civile légitime des éléments clés de l’infrastructure liée à son programme illicite d’armes chimiques. Par tous ses signes extérieurs, même aux yeux de spécialistes, l’infrastructure ressemble à une installation civile ordinaire. Une production illicite ou légitime peut être conduite parallèlement ou, en un instant, cette infrastructure à double usage peut passer d’un usage clandestin à un usage commercial et vice-versa.

Il est improbable que ces inspections, que n’importe quelle inspection de ces installations, ne mettent à jour quoi que ce soit d’interdit, notamment si leurs responsables ont été avertis que les inspecteurs arrivaient. Dites que c’est ingénieux ou que c’est le génie du diable, mais les Irakiens ont délibérément conçu leurs programmes d’armes chimiques pour qu’ils soient inspectés. C’est une infrastructure qui a un allié incorporé.

Sous le couvert d’une infrastructure à double usage, l’Irak a mis en œuvre un effort visant à reconstituer les installations qui étaient étroitement liées à son ancien programme de mise au point et de production d’armes chimiques. L’Irak a, par exemple, reconstruit des éléments clés de son complexe d’usines Tariq, qui comprend des installations conçues spécifiquement pour le programme irakien d’armes chimiques et emploie les principaux responsables attachés aux programmes antérieurs.

C’est là la partie production des projets de Saddam Hussein en ce qui concerne les armes chimiques. Qu’en est-il de la partie acheminement ? Je vais vous montrer une petite partie d’un complexe d’usines chimiques appelé « Al-Musayyib », un site que l’Irak a utilisé pendant au moins trois ans pour transférer des armes chimiques entre les usines de fabrication et les destinataires de ces armes.

En mai 2002, nos satellites ont photographié les activités inhabituelles que montre cette photographie.

Là, nous voyons que des camions se trouvent encore à ce point de transfert, et nous pouvons voir qu’ils sont accompagnés d’un véhicule de décontamination, véhicule que l’on lie généralement à des activités relatives aux armes biologiques ou chimiques. Ce qui donne de l’importance à cette photographie, c’est qu’une source humaine a confirmé que des déplacements d’armes chimiques ont eu lieu sur ce site à ce moment-là. La photographie et les connaissances d’une personne se conjuguent ainsi pour prouver les faits.

Cette photographie du site prise deux mois plus tard, en juillet, montre non seulement le site observé précédemment que l’on voit au centre, en haut de la photographie, à côté du signe indiquant la présence d’un bulldozer, elle montre aussi que toutes les installations qui se trouvaient sur l’ancien site, comme sur tous les sites se trouvant autour, ont été rasées et le terrain aplani. La première couche de terre a été enlevée. Les Irakiens ont littéralement enlevé la croûte terrestre sur de grandes parties de ce site afin de dissimuler les preuves des armes chimiques qui auraient été décelables après des années d’activités liées à ces armes.

Afin d’appuyer ses programmes d’armes biologiques et chimiques mortelles, l’Irak se procure les articles dont il a besoin auprès d’un vaste réseau clandestin dispersé dans le monde entier. Ce que nous savons provient en grande partie de communications interceptées et de sources humaines bien placées pour connaître les faits.

L’Irak s’est efforcé d’obtenir du matériel qui peut filtrer et séparer des micro-organismes et des toxines liées aux armes biologiques, de l’équipement qui peut être utilisé afin de concentrer la substance, des cultures qui peuvent servir à la production continue du bacille du charbon et de la toxine botulique, du matériel de stérilisation destiné aux laboratoires, des réacteurs blindés de verre, des pompes particulières que l’on peut utiliser pour les substances très corrosives, des précurseurs dont de grandes quantités de chlorure de thionyl - précurseur de substances neurotoxiques ou vésicantes -, ou encore d’autres substances chimiques telles que du sulfure de sodium, un important précurseur de l’ypérite.

L’Irak peut bien sûr arguer que ces produits peuvent aussi être utilisés à des fins légitimes. Mais, si c’était le cas, pourquoi sommes-nous informés de leur existence en interceptant des communications et en risquant la vie d’agents humains ?

Étant donné la documentation détaillée que l’on possède sur les armes biologiques et chimiques de l’Irak, pourquoi quiconque d’entre nous devrait donner à l’Irak le bénéfice du doute ? En tout cas, pas moi. Et je ne pense pas que vous le ferez non plus après avoir entendu la conversation interceptée qui va vous être présentée.

Il y a quelques semaines seulement, nous avons intercepté des communications entre deux commandants du deuxième corps de la garde républicaine irakienne. Un commandant va donner une instruction à un autre. Vous allez entendre, alors que la conversation se déroule, que ce qu’il a à communiquer à l’autre officier, il veut être certain que celui-ci l’entendre clairement - il va même jusqu’à répéter - de façon à ce qu’il puisse le noter par écrit et bien le comprendre. Ecoutez.

(Passage de la bande enregistrée)

Passons si vous voulez en revue quelques points de cette conversation. Deux officiers communiquant entre eux par radio veulent être certains que rien ne soit ambigu.

« - Supprimez.

 Supprimez.

 Les termes

 Les termes. D’accord.

 Agents neurotoxiques.

 Agents neurotoxiques.

 Chaque fois qu’ils reviendront.

 D’accord. Chaque fois qu’ils reviendront.

 Dans les instructions radio.

 Dans les instructions.

 Correction. Non, dans les instructions radio.

 Radio. D’accord. »

Pourquoi répète-t-il ses instructions de cette façon ? Pourquoi insiste-t-il autant pour que ce soit bien compris ? Et pourquoi se concentre-t-il sur les instructions radio ? C’est parce que le gradé a peur que quelqu’un puisse être à l’écoute. Eh bien, quelqu’un l’était.

« Agents neurotoxiques ». « Arrêtez d’en parler ». « Ils nous écoutent. Ne donnez pas les preuves que nous avons ces terribles substances ». Mais nous savons bien qu’ils en ont,et ce genre de conversation le prouve.

Au bas mot, nous pensons que l’Irak a aujourd’hui une réserve d’éléments pour armes chimiques qui se situe entre 100 et 500 tonnes. C’est une quantité suffisante pour charger 16.000 fusées de guerre. Même la plus faible quantité - 100 tonnes - de ces éléments permettrait à Saddam Hussein de faire un nombre incalculable de morts dans une zonerant plus de 250 kilomètres carrés, soit une zone près de cinq fois plus grande que Manhattan.

Permettez-moi de vous rappeler les ogives chimiques de 122 mm que les inspecteurs de l’ONU ont trouvées récemment. Cette découverte pourrait bien être la pointe d’un iceberg submergé.

La question que nous devrions tous nous poser est : quand verrons-nous le reste de l’iceberg submergé ?

Saddam Hussein a des armes chimiques. Saddam Hussein a utilisé de telles armes. Et Saddam Hussein n’aurait aucun scrupule à les utiliser encore - contre ses voisins et contre son propre peuple. Nous avons des sources qui nous disent qu’il a récemment autorisé ses commandants sur le terrain à les utiliser. Il ne donnerait pas de tels ordres s’il n’avait pas les armes ou l’intention de les utiliser.

Nous avons aussi des sources qui nous disent que depuis les années 1980, le gouvernement de Saddam Hussein a conduit des expériences sur des êtres humains afin de perfectionner ses armes biologiques et chimiques. Selon une source, 1.600 condamnés à mort ont été transférés en 1995 dans une unité spéciale aux fins de telles expériences.

Un témoin a vu des prisonniers attachés sur des lits, qui étaient l’objet d’expériences. Du sang coulait aux commissures de leurs lèvres. Des autopsies étaient ensuite effectuées pour confirmer les effets de ces expériences.

L’humanité, l’inhumanité, de Saddam Hussein, n’a pas de limites.

Traduction française : Département d’État. Images du diaporama : Maison-Blanche.

Discours intégral du secrétaire d’État des Etats-Unis, Colin Powell, au Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies, le 11 février 2003 :
1 – Démenti et fraude (Denial and deception)
2 – Armes biologiques (Biological weapons)
3 – Armes chimiques (Chemical weapons)
4 – Armes nucléaires (Nuclear weapons)
5 – Missiles (Delivery systems)
6 – Terrorisme (Terrorism)
7 – Violation des droits de l’homme (Human rights violations)