La commission de la défense nationale et des forces armées a examiné le rapport d’information de M. Gilbert Meyer sur l’entretien des matériels des armées, au cours de sa réunion du mercredi 23 octobre 2002.

Un débat a suivi l’exposé du rapporteur.

M. Jean-Louis Bernard a exprimé ses doutes sur l’exemplarité du contrat passé avec la société portugaise Ogma. Aux termes de l’appel d’offres lancé par l’armée de l’air, cette entreprise était effectivement la moins disante, mais il n’est pas évident qu’elle soit la mieux disante. Ses défaillances en matière de pièces de rechange ont eu un impact sur le taux d’immobilisation des appareils entretenus.

M. Gilbert Meyer, rapporteur, a indiqué que ce contrat avait été cité en exemple par l’état-major de l’armée de l’air et la SIMMAD. Du point de vue financier, il semble que l’offre méritait d’être retenue, même s’il conviendra de vérifier dans la durée la qualité des prestations fournies et, éventuellement, d’ajuster le contrat.

M. Jean-Louis Léonard a estimé que le contrat passé avec la société Ogma incitait à se méfier des chiffres mirobolants fournis par la délégation générale pour l’armement et l’armée de l’air. Si l’on prend en compte l’intégralité des coûts, l’économie prétendue se transforme en fait en un surcoût. Auparavant, l’intégralité de l’entretien des C 130 avait lieu à Bordeaux. Désormais, l’entretien des moteurs se fait au Portugal, ce qui augmente les délais de mise à disposition et les coûts de transport. Enfin, le choix d’un contractant étranger a un coût social, puisque ce marché concernait 150 emplois. Il convient de respecter la concurrence européenne, mais à condition que les autres Etats fassent preuve de réciprocité. À l’heure actuelle, aucun Etat européen n’a confié l’entretien de ses avions de combat à la France.

M. Gilbert Meyer, rapporteur, a précisé que le contrat avec Ogma résultait d’un appel d’offres et que l’armée de l’air ne pouvait pas prendre en compte les coûts sociaux résultant du transfert d’une activité à l’étranger.

Le président Guy Teissier a souligné que la France avait toujours voulu être le bon élève de l’Europe en recourant aux appels d’offres européens et internationaux. Or, les autres Etats membres n’agissent pas forcément de même. La construction de navires à l’étranger représente un coût social et, s’il convient de s’insérer pleinement dans l’Europe de la défense, celle-ci doit respecter les équilibres sociaux.

M. Charles Cova a rappelé que la construction de la coque du bâtiment destiné à remplacer le Bougainville avait lieu aux Pays-Bas, même si le matériel électronique de reconnaissance devant l’équiper restait de la compétence de Thales en France. L’obtention de ce type de marchés est pourtant une condition de la survie de DCN, qui doit s’adapter à un contexte concurrentiel.

Le président Guy Teissier a souligné que certains Etats membres de l’Union européenne usaient de clauses de confidentialité militaire pour protéger leurs marchés.

M. François Lamy s’est étonné du lien établi par le rapporteur entre le manque d’une annuité dans l’exécution de la précédente loi de programmation militaire et la prolongation de la durée de vie de certains matériels, tels les Transall.

M. Gilbert Meyer, rapporteur, a indiqué que si le titre V avait été davantage doté, l’exécution de la loi de programmation militaire aurait pu mieux correspondre aux besoins de renouvellement des équipements. Le coût d’entretien des matériels les plus anciens est nettement plus élevé et le cas des Transall, dont l’entretien a conduit à un surcoût de 60 millions d’euros ces dernières années, n’est qu’un exemple parmi d’autres.

M. Antoine Carré a espéré que le Portugal saura se souvenir qu’un contrat a été conclu entre l’armée de l’air et la société Ogma pour l’entretien des C 130, lorsqu’il s’agira d’attribuer le marché de construction de ses trois sous-marins neufs, pour lesquels des entreprises françaises et allemandes sont en concurrence.

M. René Galy-Dejean s’est inquiété de la capacité des armées à utiliser effectivement les crédits prévus par le projet de loi de programmation militaire 2003-2008, faute d’un outil industriel adapté. Les grandes entreprises du secteur de la défense ont dû récemment réduire leurs effectifs et ce sont leurs branches en charge de l’entretien des matériels qui ont été les plus affectées. Il en est résulté une perte de capacité qui s’est répercutée sur la sous-traitance. Le tissu industriel est aujourd’hui fragile. Il convient donc de soutenir le programme de l’armée de l’air concernant l’optimisation du réapprovisionnement des rechanges consommables par le biais du recours à des entreprises sous-traitantes. Cela permettrait de réaffecter utilement une partie des personnels de la SIMMAD à des tâches techniques plus pointues.

M. Gilbert Meyer, rapporteur, a confirmé cette analyse. Si l’amélioration de l’entretien des matériels suppose au préalable une uniformisation des procédures de gestion au sein de structures spécialisées, il convient également de prévoir dès la passation des commandes une option sur les crédits d’entretien à long terme, afin de permettre aux entreprises concernées de pérenniser leurs activités d’entretien. D’une manière générale, il serait utile de programmer l’ensemble du coût d’entretien lors de l’acquisition des matériels.

M. Jean-Claude Viollet a demandé si le coût d’entretien ne devrait pas être constituer l’un des paramètres décisifs lors de l’achat d’un matériel et si une obligation de résultats en matière de disponibilité opérationnelle ne pourrait pas être contractualisée avec le fournisseur du ministère de la défense. Il serait intéressant de connaître les coûts d’entretien actuels du char Leclerc, du Rafale et du porte-avions Charles-de-Gaulle, afin de fixer ceux des futurs équipements, NH 90, VBCI et futures frégates, de manière à ne pas commettre les mêmes erreurs.

M. Gilbert Meyer, rapporteur, a répondu que cette proposition figurait dans son rapport et qu’il était nécessaire de tenir compte des coûts d’entretien au moment de l’acquisition des matériels neufs. Il s’est également déclaré favorable à ce que tous les crédits d’entretien soient intégrés dans le titre V, avec une séparation claire entre les dotations budgétaires qui concernent les acquisitions de matériels nouveaux et celles qui concernent l’entretien des équipements. Il s’agirait d’un premier pas vers l’appréciation d’un coût de possession.

M. Francis Hillmeyer s’est étonné de la faible disponibilité du char Leclerc, matériel neuf que l’armée de terre continue encore à recevoir. Le coût des pièces détachées pour cet équipement ayant fortement augmenté, il est primordial de faire jouer la concurrence. Le VBCI risquant de connaître les mêmes problèmes, ne faudrait-il pas collaborer à l’échelle européenne pour alléger les coûts d’entretien ? Ayant noté que le prix de pièces détachées identiques était plus important en France qu’en Allemagne, il a émis des réserves sur l’attitude de certaines sociétés publiques.

M. Gilbert Meyer, rapporteur, a déclaré qu’il n’avait pas de crainte particulière pour la gestion des pièces de rechange grâce au bon fonctionnement des organismes intégrés nouvellement créés ou en projet pour l’entretien des matériels aériens, de la flotte ou des matériels terrestres (SIMMAD, SSF, SIMMT). Le remplacement du char Leclerc n’étant pas à l’ordre du jour, l’armée de terre doit continuer à l’entretenir pour le maintenir en condition opérationnelle.

Le président Guy Teissier a indiqué que, lorsqu’ils sont livrés, les chars Leclerc ne sont pas encore opérationnels, car ils nécessitent toute une préparation, ce qui peut expliquer pour partie leur faible taux de disponibilité.

M. Richard Mallié a souhaité savoir pourquoi l’Etat n’incluait pas les coûts de fonctionnement dans les crédits d’acquisition des matériels. Il a également demandé pourquoi l’entretien n’était pas inclus dans les marchés d’équipement.

M. Gilbert Meyer, rapporteur, a répondu que le matériel neuf faisait l’objet d’un contrat d’entretien sur quelques années, mais que rien n’était prévu au-delà. Contrairement aux collectivités locales, l’Etat ne pratique pas l’amortissement qui lui permettrait d’intégrer le coût de l’entretien dans le prix de ses acquisitions.

M. Yves Fromion a rappelé que, de manière traditionnelle, les matériels militaires étaient considérés comme du consommable de guerre et que leur utilisation était davantage dictée par des soucis d’ordre opérationnel que par des préoccupations de bon entretien. Contrairement aux matériels civils, les révisions n’ont pas forcément lieu lorsqu’elles sont programmées, mais lorsque les contraintes opérationnelles en laissent la possibilité, ce qui est peu compatible avec un contrat d’entretien inspiré du secteur civil.

Insistant sur la nécessité de sanctuariser les crédits de maintien en condition opérationnelle des matériels en les affectant tous au titre V, il a regretté que les difficultés budgétaires se traduisent habituellement par une réduction de ces crédits d’entretien. Il a ensuite demandé comment GIAT Industries pourrait travailler en coopération avec des organismes tels que la SIMMAD ou la SIMMT.

Se déclarant favorable à la sanctuarisation des crédits d’entretien, M. Gilbert Meyer, rapporteur, a reconnu la spécificité des matériels militaires, tout en insistant sur le fait que les crédits nécessaires à leur fonctionnement devaient absolument être prévus.

M. Michel Voisin a fait remarquer que les contrats d’acquisition passés aux Etats-Unis incluaient généralement le financement de l’entretien, afin de fidéliser les clients. Il s’est étonné du faible taux de disponibilité des Mirage 2000-5, matériels pourtant récents.

M. Gilbert Meyer, rapporteur, a répondu que ces avions avaient été maintenus au sol pour des raisons de sécurité, liées notamment à un problème technique affectant les moteurs de l’ensemble des Mirage 2000, qui ont pu être réparés grâce aux mesures financières du dernier collectif budgétaire.

La commission a décidé, en application de l’article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.


Source : Assemblée nationale (France) : http://www.assemblee-nationale.fr