Une décision des autorités américaines sur le lancement d’un programme de défense du territoire de Etats-Unis contre les missiles balistiques est attendue d’ici l’automne prochain.

Une décision positive consacrerait l’impulsion nouvelle donnée au programme de défense antimissiles du territoire (National Missile Defense - NMD), engagé depuis plusieurs années.
L’actuelle administration américaine, fortement poussée par le Congrès, avait en effet relancé ce programme à la suite, notamment, du constat établi en juillet 1998 par une commission indépendante, présidée par l’ancien secrétaire d’Etat à la défense Rumsfeld, soulignant l’émergence, à brève échéance, de menaces nouvelles liées à la prolifération balistique. Le tir d’un engin balistique par la Corée du Nord, le 31 août 1998, venait donner corps aux conclusions de cette commission et replaçait la défense antimissiles au coeur du débat sur la politique de défense aux Etats-Unis.

Quelques mois plus tard, le Congrès approuvait à une très large majorité le National Missile Defense Act du 22 juillet 1999, stipulant que serait déployé, aussitôt que techniquement possible, un système de défense antimissiles destiné à protéger le territoire national américain d’une frappe balistique limitée.

Ce programme se trouve actuellement dans une phase préliminaire d’analyse stratégique, financière et technique, à l’issue de laquelle il appartiendra au Président des Etats-Unis de décider du déploiement du système de défense antimissiles du territoire.

Par ses ambitions -répondre à une frappe balistique limitée- ses caractéristiques techniques -l’utilisation d’intercepteurs terrestres- et son coût financier, de l’ordre de 60 milliards de dollars sur quinze ans, le programme de défense antimissiles du territoire se distingue nettement des projets imaginés au cours des années 1980, dans le cadre de l’initiative de défense stratégique (IDS). Il possède des éléments de parenté avec les systèmes de défense antimissiles de théâtre (Theater Missile Defense - TMD) couvrant des zones plus réduites et dont le développement a déjà atteint un stade relativement avancé.

En dépit des débats sur la maturité technologique du programme ou sur son impact budgétaire, le principe de la défense antimissiles du territoire recueille aux Etats-Unis un large assentiment, fondé sur une sensibilité particulière aux risques liés à la prolifération balistique, particulièrement du fait des " Etats parias " (rogue states), dont la sensibilité à la logique de la dissuasion, qu’elle soit conventionnelle ou nucléaire, suscite des doutes ou des interrogations.
Au moment où les Etats-Unis se voient reprocher une certaine distance à l’égard des démarches multilatérales visant à renforcer la sécurité internationale -on pense, en particulier, au refus du Sénat d’approuver le traité d’interdiction complète des essais nucléaires- la détermination affichée par les autorités américaines pour mener à bien le programme de défense antimissiles du territoire alimente un vif débat international.

Il apparaît en premier lieu que le déploiement de la NMD contreviendrait aux dispositions du traité américano-russe ABM (Anti-Ballistic Missiles) de 1972, pièce majeure pour la stabilité stratégique internationale, qui impose aux deux parties une stricte limitation de leurs systèmes de défense antimissiles et que la Russie se refuse pour le moment à renégocier.

Deuxièmement, de nombreux commentateurs voient dans la NMD un facteur de relance de la course aux armements et de blocage des discussions multilatérales sur le désarmement et la non-prolifération. Un débat se développe au sujet des incidences des programmes de défense antimissiles sur les équilibres stratégiques dans les zones directement concernées par la prolifération balistique, à savoir le Moyen-Orient et l’Asie.

Ce projet suscite également des interrogations au sein de l’Otan où la question de la défense contre les missiles balistiques pourrait, à l’avenir, se poser plus ouvertement et créer certaines divergences entre alliés.

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L’ensemble de ces éléments justifiait que votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées cherche à mieux comprendre la nature et les caractéristiques du programme NMD et à en analyser les enjeux et les implications.

L’objectif de ce rapport d’information est triple :
 présenter les principaux aspects du programme NMD en le resituant dans l’ensemble des programmes de défense antimissiles menés depuis plusieurs années aux Etats-Unis et en analysant les différents enjeux politiques, militaires et industriels qui en font aujourd’hui un nouvel impératif politique pour la défense américaine ;
 procéder à une première évaluation des implications stratégiques de ce programme sur le dialogue américano-russe, la politique de désarmement et de lutte contre la prolifération, les équilibres régionaux et l’Alliance atlantique ;
 enfin, s’interroger sur ses conséquences pour la France, au regard de sa doctrine militaire et de ses positions en matière de désarmement, mais aussi de ses propres réflexions en matière de défense antimissiles.

Votre commission espère ainsi contribuer à éclairer un débat aux multiples incidences dans le domaine de la sécurité internationale.


Source : Sénat (France) : http://www.senat.fr