« Les divisions de Washington »

The Washington divide
The Guardian (Royaume-Uni)

[AUTEUR] Sir Timothy Garden est ancien officier de l’armée de l’air britannique et ancien directeur du Royal Institute of International Affairs. Il est professeur au Centre for Defence Studies du King’s College de Londres.

[RESUME] Les politiciens veulent une guerre courte, réussie et causant peu de morts pour conquérir l’Irak. Les responsables civils du département de la Défense états-unien comptent sur les nouvelles technologies et la stratégie du « shock and awe » pour gagner en peu de temps.
Harlan Ullman, analyste militaire du Center for Strategic and International Studies prétend que la tactique consistera à bombarder l’Irak avec autant de missiles dans les premières 48 heures que pendant toute la Guerre du Golfe pendant que les forces spéciales sécuriseront les sites stratégiques clés du pays. Le général Buster Glosson veut, lui, une campagne aérienne de trente jours avant la première intervention terrestre.
Ces approches semblent oublier que l’Irak fait deux fois la taille du Royaume-Uni et que les troupes ne pourront partir que du Koweït. Même si les attaques aériennes font de gros dégâts, elles ne pourront être suivies immédiatement d’une intervention au sol. Pour William Lind, analyste militaire, dans le pire des scénarios, il est possible que l’armée, qui ne partira que du Koweït, essaie d’aller vite. Elle n’aura donc qu’une ligne de communication et prendra le risque de la voir couper et ses troupes encerclées en Irak.
C’est pour cela que les militaires veulent prendre leur temps et craignent la précipitation des civils. Il est encore trop tôt pour savoir qui l’emportera.

« Les Turcs au milieu »

Turks in the middle
Washington Times (États-Unis)

[AUTEUR] [AUTEUR] Frank J. Gaffney Jr est président du Center for Security Policy, le think tank qui rassemble les principaux « faucons » états-uniens. La dernière enquête du Réseau Voltaire lui est consacrée : « Le Centre pour la politique de sécurité : les marionnettistes de Washington ».

[RESUME] Ironiquement, la France qui a toujours été le premier opposant à l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne et qui a refusé qu’Ankara puisse bénéficier de l’aide de l’OTAN, est la grande gagnante du vote du Parlement turc de samedi empêchant les troupes états-uniennes d’utiliser le territoire turc dans leur guerre contre l’Irak.
Ce vote risque de créer des tensions entre Ankara et Washington. La Turquie risque de ne pas recevoir l’aide de 15 milliards de dollars promises par Washington en compensation des pertes économiques provoquées par la Guerre du Golfe. Cette perte ne sera pas grand-chose en comparaison de l’impossibilité pour la Turquie de peser sur l’avenir de l’Irak et du risque de l’émergence d’un Kurdistan indépendant qu’une absence de collaboration avec les États-Unis ne permettra pas d’empêcher. Sur le long terme, cela pourrait aussi faire passer la Turquie, pour l’instant modèle de démocratie séculière dans le monde musulman, dans le camp de nos ennemis.
Vue sa position stratégique clé, il ne faut pas encore sévir contre la Turquie et plutôt demander un nouveau vote du parlement turc, ce qui semble être dans les projets du gouvernement de toute façon. Si le projet est accepté, nous aurons alors la preuve qu’il existe à Ankara un gouvernement courageux et visionnaire, prêt à affronter son opinion publique, ce qui sera encourageant pour nos relations futures.

« Saddam doit partir, de gré ou de force ! »

Saddam doit partir, de gré ou de force !
Le Monde (France)

[AUTEURS] Pascal Bruckner est écrivain. André Glucksmann est philosophe et essayiste. Romain Goupil est cinéaste.

[RESUME] En 1991, nous avions été contredits par les états-majors, les experts et les gouvernements quand nous avions demandé une intervention militaire pour empêcher les attaques serbes contre la Croatie et pour arrêter Slobodan Milosevic. Huit ans et 200 000 morts plus tard, c’est finalement bien l’OTAN qui a permis le rapatriement d’un millions de Kosovars.
À l’époque les pacifistes nous expliquaient que cette intervention « américaine » allait mettre le monde à feu et à sang, mais aujourd’hui Milosevic est jugé pour crimes contre l’Humanité. Aujourd’hui, nous voyons que Saddam Hussein est plus dangereux et plus cruel que ne l’était Slobodan Milosevic. Les manifestants du 15 février qui ont brocardé Bush ont oublié de s’en prendre à l’admirateur de Staline qui règne à Bagdad et opprime son peuple. Il faut que le Conseil de sécurité, dont Saddam Hussein bafoue les décisions depuis douze ans en menaçant la stabilité du Moyen-Orient, l’oblige à quitter le pouvoir, pacifiquement si possible, militairement si besoin. Plus l’ONU attend pour agir, plus les Irakiens souffrent et plus cette organisation perd une crédibilité déjà mise à mal par son inaction au Rwanda en 1994 et son silence face aux actions de la Russie en Tchétchénie. Il est d’ailleurs choquant que la France et l’Allemagne s’associent à ce pays tout en prétendant incarner une alliance « morale ».
Saddam Hussein n’est pas le seul dictateur au monde, mais nous avons l’occasion de le renverser et nous ne devons pas passer à côté de cette occasion. Il serait calamiteux que Paris, par gloriole utilise son veto, brisant ainsi la solidarité occidentale et ébranlant l’Europe. Il faut que Saddam parte de gré ou de force. Si l’Irak après sa chute ne sera pas rose, il sera moins noir que sous son règne.

« Ne soyez pas trompés : l’Iran trafique toujours dans le terrorisme »

Don’t Be Fooled : Iran Still Trafficks in Terror
Los Angeles Times (États-Unis)

[AUTEUR] Ephraim Sneh est ancien ministre de la Santé travailliste israélien (1993-1996) et est élu à la Knesset.

[RESUME] Le vice-secrétaire d’État, Richard L. Armitage, a affirmé que l’Iran avait « fait de bonnes choses dans la guerre au terrorisme depuis le 11 septembre ». Cette déclaration a choqué dans ma région car l’Iran continue de financer le Hezbollah, entretient des liens avec le Jihad islamique, le Hamas et le Front populaire de libération de la Palestine. En outre, Téhéran fournit des armes à Yasser Arafat.
Le soutien de l’Iran au Hezbollah a entraîné l’attentat à la bombe contre le Centre de la communauté juive de Buenos Aires, en juillet 1994. Téhéran fournit à ce groupe des missiles avec lesquels il vise les villages du nord d’Israël depuis le Liban. 600 Israéliens ont été tués dans des attentats terroristes depuis le 11 septembre et la plupart de ces attaques avaient un lien avec l’Iran.
Armitage, affirme que la différence principale entre l’Iran et les autres pays de l’Axe du Mal, c’est sa démocratie. Il est vrai que par rapport à la Corée du Nord, l’Iran est une démocratie éclairée, mais les décisions demeurent en dernier recours dans les mains d’un groupe de religieux qui maintient une théocratie obscurantiste.
En dépit des pressions états-uniennes, Téhéran est bien avancé dans son programme nucléaire avec l’aide des Russes. Nous savons que, grâce à la Corée du nord, les Iraniens détiendront bientôt des missiles atteignant des cibles à 3000 km, ils en possèdent déjà atteignant 800 km.
Nous sommes heureux de l’engagement anti-iranien du président Bush lors de son discours sur l’état de l’Union, mais nous craignons qu’Armitage ait donné l’impunité à Téhéran et que l’Iran continue sa politique actuelle après la guerre en Irak.

« Mener une lutte globale de façon plus efficace »

Waging a global fight more efficiently
International Herald Tribune (États-Unis)

[AUTEUR] Paul S. Zeitz est directeur exécutif du Global AIDS Alliance.

[RESUME] La proposition de George W. Bush de donner dix milliards de dollars sur cinq ans à la lutte contre le sida est une avancée historique. Cependant elle est loin de ce qui est nécessaire pour sauver des millions de vies et le président n’utilise pas cet argent de la façon la plus efficace qui soit. En outre, il est troublant d’observer que seulement 5 % de cette somme est prise en compte dans son projet budgétaire, tandis que le budget prévoit la diminution de moitié de la donation au Fonds global de lutte contre le sida, la Tuberculose et la Malaria et il propose pour financer son programme de procéder à des coupes dans le budget du programme de santé des enfants.
Pourtant, dans le même temps, 13 000 personnes sont infectées tous les jours par la pandémie et 8 500 en meurent. Plus les États-Unis attendent avant de fournir l’aide nécessaire, plus les sommes à fournir seront importantes. Or, par expérience, je sais qu’entre le déblocage des fonds et leur arrivée sur le terrain, l’administration états-unienne met deux ans quand le Fonds global de lutte contre le sida, la Tuberculose et la Malaria y parvient presque immédiatement. Celui-ci ne recevra pourtant que 200 millions de dollars sur les 10 milliards promis.
Par ailleurs, la bonne stratégie pour combattre le sida n’est pas que médicale. Elle comprend un volet hygiénique et social qui passe par l’annulation de la dette des pays pauvres qui ont besoin d’argent pour combattre de front la pauvreté et la maladie.

« Les médicaments génériques peuvent faire de l’argent plus tard »

Generic drugs can make the money last
International Herald Tribune (États-Unis)

[AUTEURS] Mamphela Ramphele est directrice de la Banque mondiale et Nicholas Stern est économiste dans cette banque.

[RESUME] De nombreuses vies sont en jeu dans le débat des ministres du commerce sur les médicaments génériques, mais pour l’instant ces discussions sont un échec. En 1996, l’OMC a permis aux pays pauvres de produire leurs médicaments génériques, mais pas de les exporter. Aussi, les pays les plus pauvres qui n’avaient pas de capacité de production pharmaceutique, qui sont aussi les plus touchés par la maladie, n’ont toujours pas accès aux soins et même l’aide généreuse promises par George W. Bush sera insuffisante dans ces conditions.
Les États-Unis ont raison de rappeler que ce sont les bénéfices des industries pharmaceutiques qui permettent de faire avancer la recherche, mais ce n’est pas la possibilité accordée aux pays pauvres d’importer des médicaments génériques qui va faire baisser les bénéfices. En effet, les pays les plus touchés et les plus pauvres représentent mois d’1 % de l’ensemble du marché pharmaceutique mondial.
Si on ne remédie pas à ce problème, l’aide des États-Unis sera inutile.

« Combattre le HIV en parlant franchement »

Fight HIV with straight talk
Christian Science Monitor (États-Unis)

[AUTEUR] Amitai Etzioni est professeur de sociologie à la George Washington University. Il est l’auteur de The Limits of Privacy. Il a été membre de la Task Force on National Security in the Information Age, groupe financé par la Markle Foundation, qui regroupe les principales sociétés de hautes technologies et des représentants des agences de renseignement des États-Unis.

[RESUME] Les propositions du président Bush et du Congrès pour lutter contre le sida ne vont pas assez loin car elles ne prennent en compte que la dimension médicale alors que cette question réclame des transformation culturelles et des changements de comportements.
En effet, à moins que des millions d’hommes ne cessent de fréquenter des prostituées ou d’avoir des liaisons, ils continueront d’être infectés et ils contamineront leurs épouses, leurs amies et, ainsi, leurs enfants. Cette analyse n’est pas de la morale ou du conservatisme, mais de la sociologie. Pour que cela change, il faut que des actions soient menées par les dirigeants locaux et les populations impliquées.
On ne peut pas s’opposer à ce qu’une meilleure distribution des médicaments ait lieu pour augmenter la durée de vie des malades et éviter la transmission de la mère à l’enfant, même si cela fera de futurs orphelins. La question du coût de cette politique pour les contribuables américains est un autre problème. Toutefois, il faut bien garder en tête que le terme « traitement » dans le cas du virus HIV est impropre car ceux qui le suivent ont toujours la maladie et peuvent contribuer à sa transmission.
Écarter la question morale et ne voir que l’aspect médical nous éloigne du résultat désiré. En effet, même s’il existait un vaccin, on ne pourrait l’injecter à tout le monde avant au moins une décennie alors que des millions de vies peuvent être sauvées par d’autres moyens. Ce ne sont pas les réseaux médicaux de prévention qui vont faire changer les comportements, ce sont les dirigeants politiques, les figures religieuses et les éducateurs qui le feront. C’est comme cela que s’explique le succès de l’Ouganda alors que les pays qui refusent de parler du HIV (comme la Chine ou le Malawi) ou les pays où l’on affirme qu’il n’y a pas de liens entre le HIV et le sida ou que le sida est propagé par la CIA (comme l’Afrique du Sud) ne réussissent pas à endiguer la maladie.
Les États-Unis doivent accepter d’être impopulaires et rappeler que si les populations n’arrêtent pas leurs pratiques à risques, personne ne pourra les aider.

« Gare à l’esprit de procès ! »

Gare à l’esprit de procès !
Le Figaro (France)

[AUTEUR] Fambaré Ouattara Natchaba est président de l’Assemblée nationale togolaise et partisan du président Eyadéma.

[RESUME] Les accusations de Kofi Yamgnane contre le président Eyadema dans Le Figaro du 29 janvier sont intolérables. Le Togo n’est pas mal géré. Sinon pourquoi les équipages d’Air France et les bateaux ne pouvant pas se rendre en Côte d’Ivoire s’y serait-ils réfugiés ? Et comment notre pays aurait-il obtenu un cessez le feu entre mutins et forces gouvernementales ivoiriennes ?
Kofi Yamgnane prétend que le président Eyadéma viole sa parole en faisant modifier la constitution pour se faire réélire alors que ce sont des députés, dont je fais partie, qui ont demandé un référendum pour soumettre cette proposition au peuple togolais et ainsi lui donner plus de pouvoirs.

[CONTEXTE] La tribune de Kofi Yamgnane, intitulée « Parole de soldat » a été traitée, le 29 janvier, dans le numéro 77 de Tribunes Libres Internationales.