La guerre en Irak et l’avenir de l’ordre mondial

Le développement de la situation internationale connaît un moment extrêmement compliqué et important. La guerre en Irak a mis toute la communauté internationale devant un choix de principe. Il est tout à fait évident que de l’évolution ultérieure des événements dépend pour beaucoup non seulement le sort de l’Irak, mais l’avenir des relations internationales pour une perspective à long terme. Dans le fond, la mise principale dans cette crise, ce sont les bases de l’avenir de l’ordre mondial.

Malheureusement, à présent, vu le début des hostilités contre l’Irak, l’unité de la coalition antiterroriste internationale s’est retrouvée en grand danger. La majorité écrasante de la communauté internationale a rejeté et rejette le règlement militaire du problème du désarmement de l’Irak, comprenant de façon excellente que cette tâche peut et doit être résolue par voie politique. C’est pourquoi ce n’est pas un hasard que nous soyons témoins des manifestations de l’opinion mondiale sans précédent par leur échelle et leur couverture géographique. Elles reflètent non seulement le rejet du règlement du problème irakien par la force, mais aussi la conscience croissante de l’indivisibilité de la sécurité internationale, qui, dans le monde moderne, ne peut être fiablement garanti que par les efforts solidaires de toute la communauté internationale.

Ceci dit, je veux surtout souligner que la résolution 1441 n’a jamais donné non plus à quiconque le droit de l’usage automatique de la force. Concernant l’évolution de la situation, nous allons partir de ce que le règlement irakien doit continuer de rester sous le contrôle du Conseil de sécurité, qui assume la responsabilité majeure pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales.

C’est notre position de principe, puisque nous sommes fermement persuadés que l’avenir est aux efforts collectifs dans le règlement des problèmes communs pour toute la communauté internationale.

C’est en cela que consiste la clé du règlement des problèmes afférents à la formation de la stratégie internationale de l’opposition aux nouvelles menaces et défis.

À la fin du XXe siècle, l’humanité a définitivement fermé la page de "la Guerre froide". On a résolu la tâche de la portée vraiment mondialement historique - on a pratiquement liquidé la menace de la guerre nucléaire globale. La fin de la confrontation des idéologies et de l’opposition des blocs a ouvert les possibilités inouïes pour la solution des problèmes internationaux sur la voie de la large interaction et de la coopération entre les États. À l’époque, au début des années 90, beaucoup de gens croyaient que les conflits militaires seraient d’un jour à l’autre définitivement du passé et viendrait l’ère de la paix, du calme et de la prospérité universels.

Aujourd’hui, nous voyons, combien ces espérances sont, malheureusement, loin de la réalité.

La menace de la globale catastrophe nucléaire a été remplacée par de nouveaux défis comme le terrorisme international, le crime organisé, le trafic de drogue, la prolifération d’armes d’extermination massive, les crises financières et économiques globales, les menaces écologiques et les épidémies en masse.

La vague du séparatisme et d’autres manifestations de l’extrémisme national et religieux a engendré plusieurs nouveaux conflits régionaux, qui font des centaines de milliers de victimes gens, essentiellement parmi les civils.

L’échelle de ces menaces a accru de plusieurs fois sous l’influence du phénomène aussi compliqué et controversé que la mondialisation. D’une part, dans les conditions de la mondialisation, a brusquement augmenté l’interdépendance des États, et les conflits régionaux ont commencé à menacer réellement la sécurité et la stabilité internationales. D’autre part, en augmentant l’inégalité du développement économique des États, la mondialisation crée un milieu propice à l’accumulation du potentiel de crise dans beaucoup de pays du monde. C’est sur cette base qu’apparaissent et croissent tout genre de courants politique extrémistes, qui ont fait de la violence et de la terreur leur arme.

La Russie a été une des premières à affronter la menace réelle du terrorisme international et à commencer à poser au niveau global la question sur la nécessité de combattre collectivement ce fléau.

On peut dire que, tout en formant notre ligne de la politique extérieure ces dernières années, nous avons dès le début posé à ses fondations l’idée d’une large coopération multilatérale dans la lutte contre les nouveaux menaces et défis. C’est le noyau de notre concept de politique étrangère. Voilà pourquoi notre pays ne s’est pas posé la question sur la position à prendre dans les événements tragiques du 11 septembre 2001 aux États-Unis. Nous avons été prêts à devenir un des acteurs actifs de la coalition antiterroriste globale, ainsi qu’à entamer un rapide et efficace établissement de la coopération dans la lutte contre le terrorisme avec les États-Unis, l’OTAN, l’Union européenne et dans le cadre de l’ONU, de la CIE, du G8 et d’autres structures internationales et régionales.

L’opération antiterroriste en Afghanistan, malgré toutes les difficultés, a montré que la lutte efficace contre le terrorisme international était possible. Qui plus est, est apparue une réelle chance de faire de la coalition antiterroriste globale le prototype du nouveau système de la garantie de la sécurité dans le monde. C’est d’autant plus important, si l’on tient compte du fait évident que l’éradication complète du terrorisme exigera des efforts durables. Et donc, la communauté internationale a besoin d’une stratégie à long terme de la lutte contre le terrorisme. Cette lutte doit avoir un caractère d’ensemble, c’est-à-dire allier les mesures non seulement de force, mais politiques, économiques et sociales. Il est clair que les manifestations antiterroristes doivent contribuer à la création dans le monde de l’atmosphère du rejet du terrorisme au lieu d’augmenter le nombre de ses partisans. Il est particulièrement important de ne pas dépasser la limite, au-delà de laquelle la lutte contre le terrorisme peut se transformer en confrontation avec des peuples, religions et civilisations entiers. Et, enfin, l’essentiel - il faut mener cette lutte sur une base claire de droit international avec le rôle central et coordonnateur de l’ONU.

Nous sommes toujours persuadés que la crise irakienne doit être définitivement réglée sur la base de toutes les décisions du CS de l’ONU qui existent à ce propos. Dans ces conditions, l’usage de la force contre l’Irak, d’autant plus en invoquant les résolutions précédentes du CS de l’ONU, est privé de raisons, y compris juridiques.

C’est la création d’un système global de l’opposition aux menaces et défis modernes qui pourrait devenir la clé universelle de la garantie de la sécurité dans le monde moderne. Ce système doit répondre aux intérêts vitaux de chaque État, garantir la stabilité internationale et le développement stable pour une perspective à long terme.

Le processus de la formation du système global a en fait commencé à partir du moment de la formation de la coalition antiterroriste internationale, qui, pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, a uni la communauté internationale dans la lutte contre la menace commune. Maintenant, il est d’une importance de principe d’utiliser son expérience pour la création d’un système qui soit capable de préserver la sécurité de l’humanité contre une gamme bien plus large de défis et de menaces.

On pourrait d’ores et déjà présenter les principaux paramètres de ce système. Par exemple, il est tout à fait évident qu’il doit avoir un caractère global, être universel par son envergure et garantir la prise des décisions d’ensemble, puisque entre les nouveaux menaces et défis, il existe souvent une liaison directe. Ce système doit être universel par la composition de ses participants, puisque les menaces modernes visent la sécurité et le bien-être de tous les membres de la communauté internationale.

Pour qu’un pareil système agisse efficacement, il aura besoin d’un centre de coordination universellement reconnu. Ce centre existe aujourd’hui déjà.

C’est l’Organisation des Nations Unies avec son caractère universel et son expérience unique dans la cause des garanties de la paix et de la sécurité internationales.

Enfin, le système global doit être construit sur une solide base de la légalité internationale, puisque sa force réside dans son appui sur les principes et normes du droit international, avant tout les Statuts de l’ONU.

Je suis profondément persuadé que ce ne sont pas des voeux pieux, mais une perspective tout à fait réelle du développement des relations internationales. On peut dire sans exagérer : de la voie que choisira la communauté internationale pour garantir sa sécurité va dépendre l’image de notre planète dans les décennies à venir. De quelque façon qu’évoluent les événements, la Russie va agir partant du fait que ce sont les actions solidaires face aux menaces communes qui constituent la voie la plus fiable.

Nous espérons que ce cap réfléchi et constructif de la politique extérieure de la Russie va invariablement s’appuyer sur le large soutien de notre société civile. Dans les conditions modernes, le rôle de l’opinion russe, des milieux scientifiques et culturels dans l’activité internationale de notre État augmente de jour en jour. Des nouvelles initiatives, dignes de l’intérêt et de soutien, apparaissent en masse. Le Forum civique russe, dont la tenue est prévue pour cet automne, est aussi appelé à jouer un rôle utile.

Ce n’est qu’ensemble, ce n’est qu’en réunissant tout le potentiel du pays que nous pourrons avec succès mettre en pratique notre choix stratégique. Le choix en faveur de l’ordre mondial démocratique multipolaire, qui garantirait l’avancement et la sécurité égale pour tous les États.