« Un test juste ? »

Fair Test ?
Los Angeles Times (États-Unis)

[AUTEUR] Harlan Ullman est employé de la Center for Naval Analyses Corporation, groupe de conseil sur les questions militaires et de sécurité ayant pour client l’US Navy. Il est membre du Center for Strategic and International Studies. Il est également président du Killowen Group, une entreprise basée à Washington. Ullman est le principal théoricien du Shock and Awe : Achieving Rapid Dominance ».

[RESUME] Le département de la Défense états-unien avait annoncé que son action en Irak s’appuierait sur le « Shock and Awe », une stratégie basée sur une campagne de bombardements massifs et une offensive éclair vers la capitale irakienne. Aujourd’hui, bien que les performances des forces aériennes et terrestres aient été extraordinaires sur bien des points, le régime irakien ne s’est pas effondré et la résistance demeure, ce qui conduit certains à s’interroger sur la pertinence du « Shock and Awe ».
En temps que principal auteur et coprésident du groupe qui a conçu le « Shock and Awe » dans les années 90, je pense qu’il faut avant tout étudier la façon dont Tommy Franks et Donald Rumsfeld ont développé et utilisé cette stratégie dans leur plan d’attaque avant de la comparer à ce que nous avions imaginé. Le plan actuellement utilisé en Irak a été conçu pour empêcher la destruction des puits de pétrole, les bombardements contre Israël, l’usage d’armes de destruction massive et minimiser les pertes civiles tout en étant extrêmement flexible pour s’adapter aux prises de décisions turques concernant l’aide à apporter aux États-Unis. Ce plan n’a pas fonctionné car Hussein est resté au pouvoir et commande son armée. Il faut donc changer le plan et détruire l’armée irakienne avant de renverser Hussein, ce qui n’est qu’une question de temps.
Notre groupe avait, pour sa part, défini le « Shock and Awe » de la façon suivante : éliminer les moyens dont dispose l’adversaire pour combattre et gouverner, tout en le brisant moralement, en utilisant le minimum de force pour obtenir une victoire rapide à moindre coût chez les civils. Pour cela, il faut remplir quatre conditions :
 Une connaissance presque totale des modes de pensée de l’adversaire.
 Une exécution brillante des ordres.
 Une action rapide.
 Un contrôle total de l’environnement et des communications.
Il aurait donc fallu détruire rapidement la Garde républicaine et les centres du parti Ba’as pour laisser le pouvoir irakien sans possibilité de résistance. Il aurait aussi fallu attaquer de façon soudaine.
Nous ne saurons jamais si notre stratégie aurait fonctionné contre Hussein, mais le Pentagone devrait lui laisser une seconde chance.

« Le prix des bombes de haute précision »

The Price of Precision Bombing
Los Angeles Times (États-Unis)

[AUTEUR] William M. Arkin est analyste en questions militaires, rédacteur du site The U.S. Military Online. Il est chroniqueur du Los Angeles Times.

[RESUME] L’Histoire retiendra de cette guerre qu’elle fut une guerre télévisée : caméras embarquées dans les forces armées, briefings constants en provenance des responsables américains, irakiens ou des ONG, images des bombardements de Bagdad et photos satellites nous montrant les impacts. Toutes ces informations nous permettent de juger la stratégie des États-Unis et de réaliser qu’il est possible que Washington ait placé trop de foi dans la qualité de ses renseignements et les effets de ses bombes de haute précision.
Certains officiers affirment que Tommy Franks n’a jamais cru à la stratégie du département de la Défense. Elle a été conçue en se basant sur la certitude que le régime de Saddam Hussein s’effondrerait de lui-même et qu’il le ferait vite. Même si aujourd’hui on peut se demander s’il ne va pas chuter rapidement, il faudra quand même que les troupes au sol terminent le travail en combattant dans les rues de Bagdad, rendant superflues toutes les précautions prises au début de la guerre pour limiter les pertes civiles.
Les images satellites de Bagdad montrent qu’il y a eu un changement de stratégie dans les bombardements. Ils sont aujourd’hui beaucoup plus intensifs et ils font moins de cas des dommages collatéraux qu’au début de la guerre. On peut se demander s’il n’aurait pas mieux fallu frapper fort dès le départ afin d’affaiblir rapidement le pouvoir irakien. Les victimes civiles auraient été plus nombreuses au début, mais aujourd’hui cinq millions de Bagdadis ne seraient peut-être pas menacés par les tirs croisés.

« Droit : Entre la tactique de la guérilla et les crimes de guerre »

Rules : Between Guerrilla Warfare and War Crimes
Washington Post (États-Unis)

[AUTEURS] Diane Orentlicher est professeur de droit est directrice du War Crimes Research Office de l’American University. Robert Goldman est professeur de droit dans la même université.

[RESUME] Les Américains ont été choqués par deux attentats suicide commis par des militaires irakiens déguisés en civils. Toutefois, les annales de la guerre moderne sont remplies de ce type d’attaque menées par des forces régulières ou irrégulières déguisées en civils. En outre, les généraux états-uniens devraient être habitués aux techniques de guérilla pour avoir combattu au Vietnam dans leur jeunesse. Les Britanniques y ont été fréquemment confrontés depuis 1945 et ils avaient organisé les mouvements de résistance irréguliers en Europe et en Asie pendant la Seconde Guerre mondiale.
Vu l’écart de force en Irak, le recours à la guérilla est logique. Cette stratégie peut même être légale si elle est menée sans se déguiser en civils ou en militaires voulant se rendre. En effet, en supprimant les différences visibles entre civils et militaires, ces tactiques menacent une des règles basiques qui doit conduire de la guerre : les civils doivent être épargnés. Or la tactique irakienne tend à transformer tous les civils en combattants potentiels aux yeux des soldats ennemis. Le danger pour les troupes états-uniennes serait de réagir excessivement, tuant des civils innocents et provoquant la colère de la population.
Les États-Unis vont aussi devoir décider comment ils vont traiter les prisonniers irakiens fait dans les troupes irrégulières. D’après les conventions internationales, les combattants irréguliers ne peuvent légalement bénéficier du statut de prisonniers de guerre que s’ils opèrent sous les ordres d’un commandement responsable, qu’ils portent des symboles permettant de les identifier, portent leurs armes ouvertement et conduisent leurs actions en accord avec les lois de la guerre. Il semble que le département de la Défense ait pour politique de traiter les prisonniers irakiens comme des prisonniers de guerre, jusqu’à preuve du contraire, ce qui est un progrès par rapport au traitement des prisonniers de Guantanamo.

« Cœurs, esprits et sac mortuaire »

Hearts, minds and bodybags
Guardian (Royaume-Uni)

[AUTEUR] James Fox était reporter du Sunday Times au Vietnam au début des années 70. Il est l’auteur de White Mischief and The Langhorne Sisters.

[RESUME] Pour les États-Unis, perdre la bataille des cœurs et des esprits équivaudrait à perdre la guerre, comme ce fut le cas au Vietnam.
L’Irak n’a certes pas de jungle, mais la population est tout aussi politisée. Les autorités irakiennes sont décidées à organiser la guérilla urbaine et les stratèges irakiens ont bien étudié les tactiques développées par les Viêt-Congs. Les militaires irakiens sont en train d’appliquer les idées stratégiques du général Giap et on risque de devoir appliquer à l’Irak le raisonnement du général Westmoreland sur le Vietnam : pour pacifier le pays, il aurait fallu deux millions d’hommes.
J’ai été surpris par l’étonnement affiché par les militaires face aux méthodes irakiennes qu’ils ont qualifiés de « tactiques terroristes en dehors de la règle de la guerre » alors que toute personne qui a assisté à une guerre sait qu’il n’y a pas de règles. La campagne irakienne est passée d’une guerre pour gagner l’opinion irakienne à la cause de la Coalition à une campagne pour gagner une guerre. Or, les Irakiens, comme Giap avant eux, mènent à la fois une guérilla contre l’occupant et une bataille politique pour démoraliser l’adversaire, dont la population ne supportera pas une guerre longue. En outre, la guérilla est menée par patriotisme, elle peut donc se passer de Saddam, mais elle a le soutien de l’ensemble du monde arabe qui veut voir les invincibles États-Unis défaits.

« Les États-Unis trahissent leurs principales valeurs »

The U.S. Betrays Its Core Values
Los Angeles Times (États-Unis)

[AUTEUR] Gunter Grass a reçu le Prix Nobel de littérature en 1999.

[RESUME] Une guerre planifiée depuis longtemps a aujourd’hui lieu sans que l’ONU n’ait pu faire quelque chose pour empêcher que la loi des puissants prévale.
Les deux camps de cette guerre se ressemblent et ils prennent tous les deux la notion de « Dieu » en otage pour la plier à leur logique fanatique, même les avertissement du Pape n’ont pas pu l’empêcher.
Aujourd’hui, les États-Unis mènent une politique qui crée plus de terrorisme, plus de violence et plus de contre-violence alors que ce pays était celui de la liberté, de la lutte anti-coloniale et du Plan Marshall. Ce ne sont pas que les étrangers qui critiquent la politique de l’administration Bush, ce sont aussi les États-uniens qui constatent que le président George W. Bush et son gouvernement se sont attaqués aux valeurs démocratiques et qu’ils terrifient le monde avec une guerre violant la loi internationale.
Du fait de notre histoire, il est difficile d’être fier d’être allemand, mais, aujourd’hui, en montrant son opposition au conflit, mon pays m’a permis d’être fier de lui. Cette attitude montre que nous avons retenu les leçons de l’Histoire. Je remercie le chancelier Gerhard Schroeder et Joschka Ficher d’avoir résisté aux attaques et accusations et d’avoir maintenu la position de l’Allemagne.

« Gagner la paix »

Winning the Peace
Washington Post (États-Unis)

[AUTEURS] Joseph R. Biden Jr. est sénateur Démocrate du Delaware est le chef du groupe démocrate au Comité des Affaires étrangères du Sénat états-unien. Chuck Hagel est aussi membre de ce comité et est sénateur Républicain du Nebraska.

[RESUME] Bien que la guerre en Irak ne soit pas terminée, il faut déjà réfléchir à la paix et à ce que les États-Unis doivent faire pour la gagner.
Il faudra que nous impliquions alliés et organisations internationales afin de regagner une légitimité. Malgré les divisions qui sont apparues au Conseil de sécurité de l’ONU, Washington ne doit pas laisser l’ONU et nos alliés atlantiques être des victimes de la guerre. Il y a cinq raisons à cela :
 La reconstruction de l’Irak coûtera entre 20 et 25 milliards de dollars par an pendant dix ans et les États-Unis ne doivent pas supporter ce coût seuls.
 Une occupation militaire, même temporaire, composées exclusivement de soldats États-uniens et Britanniques provoquerait un fort ressentiment dans la population.
 Si les États-Unis désignent seuls les membres du gouvernement irakien, même intérimaire, il n’aura aucune légitimité.
 L’Irak doit être vu dans un contexte régional et il faut reconstruire ce pays tout en tentant de relancer le processus de paix entre les Israéliens et les Palestiniens en partenariat avec les autres membres du quatuor diplomatique.
 Nous devons convaincre le monde que nous n’avons pas d’intentions impérialistes.
Pour gagner la paix, il va être important d’internationaliser nos politiques en Irak.

« Gagner l’autre guerre »

Winning The Other War
Washington Post (États-Unis)

[AUTEURS] Mahmood Karzai est le frère aîné d’Hamid Karzai. C’est un homme d’affaire américano-afghan vivant aux États-Unis et membre fondateur de la chambre de commerce américano-afghane (AACC). Hamed Wardak est vice-président de cette chambre. Jack Kemp, est ancien député républicain et candidat à la vice-présidence. Il est le codirecteur d’Empower America.

[RESUME] Le partenariat entre l’Afghanistan et les États-Unis a déjà eu de nombreuses conséquences positives, mais des problèmes demeurent et l’actuel gouvernement par intérim n’a pas réussi à répondre aux attentes des Afghans. Ce gouvernement est en train de devenir une entrave aux réformes politiques et économiques et sa bureaucratie est un obstacle à l’esprit d’entreprise.
L’absence de politique économique transparente et de vision politique dans le gouvernement ne permet pas aux Afghans de bénéficier des fonds débloqués par les donateurs internationaux et a permis la ré-émergence de deux mouvements anti-démocratiques : les monarchistes et les seigneurs de guerre. Ces derniers ont bénéficié de l’aide des États-Unis et ont détourné les fonds internationaux à leur profit. Si les Afghans se mettent à associer la tyrannie des seigneurs de guerre et les États-Unis, ils se tourneront à nouveau vers les Talibans.
Le président Hamid Karzai a conçu un plan de désarmement, de démilitarisation et de réintégration, mais les seigneurs de guerre sapent ses efforts au sein du gouvernement. Il est donc essentiel que les États-Unis l’aident.

« Un ferme plan de route »

A Firm ’Road Map’
Los Angeles Times (États-Unis)

[AUTEUR] M.J. Rosenberg est directeur des analyses politiques de l’Israel Policy Forum et travaille au Congrès états-unien.

[RESUME] Le monde est resté sceptique devant la promesse de George W. Bush de défendre fermement le « plan de route » proposé aux Israéliens et aux Palestiniens, tant la Maison Blanche s’est prononcée en faveur de nombreux plans qui n’ont jamais abouti.
Ces échecs sont avant tout imputables à l’incapacité de Yasser Arafat à faire arrêter le terrorisme contre Israël et aux exigences élevées d’Ariel Sharon en matière de sécurité. Dans l’étrange danse menée par Arafat et Sharon, les médiateurs américains n’avaient pas leur place. En outre, ils n’ont pas vraiment été aidés par le président qui n’a pas voulu s’impliquer comme l’avait fait l’administration Clinton. Cependant, il existe des raisons d’espérer que, cette fois ci, l’administration Bush est sérieuse.
En effet, l’environnement régional a changé et le quatuor diplomatique a tiré les leçons de ses anciennes erreurs. Ainsi, d’après Ha’aretz, la CIA aurait déjà mis en place un département spécial chargé de s’assurer que les deux camps respectent le plan de route. En outre, la nomination de Mahmoud Abbas comme Premier ministre est encourageante : il s’est prononcé depuis longtemps contre la violence contre Israël et son arrivée au pouvoir sonne le début de la fin pour Arafat. Par ailleurs, le gouvernement Sharon a besoin de paix pour résoudre les problèmes économiques du pays. Sharon sait qu’il pourrait perdre le pouvoir s’il ne répond pas aux requêtes d’Abbas. Enfin, Sharon n’est pas en mesure de s’opposer à Bush si celui ci défend fermement le plan.
Or, Bush est sérieux. En effet, il a envoyé Colin Powell et Condoleezza Rice à la conférence de l’AIPAC pour défendre le plan de route et condamner les colonies israéliennes, allant ainsi à l’encontre de ce que voulait entendre les personnes présentes. Il faut qu’il continue de soutenir le plan malgré les oppositions que cela suscitera.