Permettez-moi d’abord de vous dire combien je suis heureux d’être en Iran aujourd’hui.

Après une visite en Jordanie et en Turquie, j’ai eu des entretiens très denses et très constructifs avec le ministre des Affaires étrangères, M. Kamal Kharrazi et je suis très heureux de pouvoir être reçu tout à l’heure par le président Khatami et le président du Conseil de discernement, le président Rafsandjani.

L’Iran est un pays de première importance dans cette région par son histoire, par sa situation géographique, par son poids démographique, par sa civilisation. Il est donc particulièrement utile que nous puissions développer notre concertation à un moment-clé. A un moment très particulier où la communauté internationale doit relever d’importants défis. C’est vrai bien sûr dans le cas de l’Irak et j’ai adressé un double message aux responsables iraniens. D’une part, il s’agit de contribuer ensemble à la stabilité de l’Irak et de la région. Il s’agit ensuite de faire preuve collectivement d’un esprit de responsabilité. Cela implique dans l’esprit de la France un rôle central des Nations unies et une approche pragmatique afin que nous puissions trouver à chaque étape les solutions adaptées. La situation humanitaire constitue naturellement aujourd’hui la première urgence et elle doit être gérée sous la coordination des Nations unies. Le rétablissement et le maintien de la sécurité sur le territoire irakien constituent des préalables indispensables à la reconstruction et les forces engagées sur le terrain, les forces de la coalition ont une responsabilité première à cet égard.

Nous sommes favorables à une suspension immédiate des sanctions puis à leur levée définitive selon les modalités définies par les Nations unies. La situation en Irak a profondément changé. Nous devons en tenir compte. C’est pourquoi il faut clore rapidement le dossier du désarmement. C’est une question importante pour tous les voisins de l’Irak.

Pour construire l’avenir de l’Irak, nous devons travailler dans un esprit ouvert et constructif. Il faut rétablir les institutions et la pleine souveraineté de l’Irak dans le respect de son unité, de son intégrité territoriale et de sa souveraineté. Sur l’ensemble de ces questions, les pays voisins de l’Irak, dont bien sûr l’Iran ont un rôle important à jouer. Ils ont lancé vendredi à Riyad lors de la réunion ministérielle un processus de concertation sur la base de principes que nous partageons.

Au-delà de l’Irak, l’autre défi à relever, bien sûr, c’est le conflit israélo-palestinien. Son règlement doit nous permettre de concilier l’impératif de justice et l’exigence de sécurité. Les principes qui nous guident sont ceux qui sont posés par le droit international. Notre objectif, celui de toute la communauté internationale, est celui d’un Etat palestinien viable et démocratique au côté d’un Etat d’Israël vivant en sécurité et pleinement intégré dans la région.

Nous devons collectivement reprendre maintenant l’initiative, c’est pourquoi nous nous réjouissons de l’accord qui a pu être trouvé hier entre le président Arafat et le Premier ministre palestinien Abou Mazen sur la composition du gouvernement palestinien. C’est une étape majeure dans la voie des réformes.

Une fois ce gouvernement investi, la feuille de route du Quartet doit être publiée et mise en œuvre sans délais. Tous ceux qui ont une influence doivent contribuer évidemment à faire avancer ce processus.

Q - Comment la France voit-elle les objectifs des Etats-Unis dans la région ? Est-ce que le changement de la carte politique de la région et la monopolisation du monde font partie de ces objectifs ? Que pense la France à ce sujet ? A quel point la France collabore-t-elle ou s’oppose-t-elle à ces objectifs ?

R - Avec la chute du régime de Saddam Hussein, dont nous nous félicitons, c’est une nouvelle étape qui s’ouvre. Et le souhait de la France c’est de pouvoir contribuer à engager le processus de reconstruction politique, économique, social de l’Irak dans les meilleures conditions.

Nous souhaitons le faire sur une base de pragmatisme, dans un esprit d’ouverture et de dialogue avec l’ensemble des parties sur la scène internationale. Bien sûr les pays voisins de la région ont une responsabilité particulière. Et nous souhaitons maintenir une coopération et une concertation très étroite avec chacun d’eux. Je l’ai dit, nous nous réjouissons après Istanbul de voir se poursuivre cette concertation et notamment il y a quelques jours à Riyad. Il nous paraît essentiel de faire face aux problèmes qui se posent avec le souci de résultats concrets rapides, et c’est pour cela que dans le cadre des Nations unies, après la décision de voter la résolution 1472 consacrée aux problèmes humanitaires, résolution qui a été votée à l’unanimité, nous privilégions cette concertation pour aboutir au règlement des grandes questions qui se posent : désarmement, sanctions, constitution rapide d’une autorité souveraine irakienne qui est évidemment un point essentiel pour la France comme pour la communauté internationale de façon à ce que les Irakiens puissent très rapidement prendre en main leur propre destin. Dans la phase actuelle marquée par l’urgence humanitaire et par les questions de sécurité, il est évident que les forces de la coalition américaine et britannique ont une responsabilité particulière et notre souhait, c’est que la communauté internationale tout entière puisse travailler pour permettre à l’Irak très rapidement de retrouver la voie de sa souveraineté.

Q - Dans l’entretien des présidents Chirac et Bush, on a mis l’accent sur la prompte intervention de l’ONU en Irak mais on n’a pas parlé du rôle principal de cette organisation. Je voudrais savoir la position française à ce propos ?

R - En ce qui concerne la position de la France vis-à-vis des Nations unies, je crois que nous partageons le sentiment de toute la communauté internationale, sentiment qui est qu’il faut aller vite dans la voie de la reconstruction en Irak dans le respect bien sûr de la légalité internationale. La France parle du rôle central, vous savez que les Américains et les Britanniques parlent d’un rôle vital, je crois que nous sommes tous d’accord, pour que, à chaque étape, les Nations unies apportent leur pleine capacité et leur pleine contribution et il est évident que plus la légitimité de l’action internationale sera forte, plus cette action sera aussi efficace. Nous pensons qu’il faut être pragmatique dans notre volonté de faire face à chacun des problèmes et c’est pour cela que nous avançons sur chacun des dossiers qui sont aujourd’hui à traiter par la communauté internationale, je pense au dossier du désarmement, à celui des sanctions, à la constitution d’une autorité légitime en Irak. Nous sommes donc prêts à faire des propositions dans le cadre du Conseil de sécurité pour permettre très rapidement de répondre aux difficultés sur le terrain en Irak. Notre premier souci, c’est de répondre aux vœux du peuple irakien, à ses besoins urgents, qu’il s’agisse des besoins humanitaires, des exigences de la reconstruction économique, politique, sociale, administrative de l’Irak et, évidemment l’objectif pour nous tous c’est l’unité, le respect de l’intégrité de l’Irak et de sa souveraineté.

Merci.