« La doctrine des frappes préventives invitera seulement à l’agression »

The doctrine of pre-emptive strikes will only invite aggression
The Independent (Royaume-Uni)

[AUTEUR] Le cardinal Cormac Murphy-O’Connor est archevêque de Westminster. Cette tribune est adaptée d’un discours prononcé au St Ethelburga’s Centre for Reconciliation and Peace de Londres.

[RESUME] Ironiquement, la première « grande » guerre du XXIème siècle a eu lieu dans le berceau de notre civilisation. Souhaitons que le première grande paix ait lieu dans le berceau de la foi chrétienne, en terre sainte.
L’histoire de l’Europe des 60 dernières années nous rappelle le caractère inadéquat de beaucoup de nos réponses traditionnelles aux conflits. Les récents mois nous ont montré que la route est encore longue pour trouver des moyens pacifiques de les résoudre. Les graves risques auxquels nous faisons face aujourd’hui ne sont pas seulement le terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive, mais aussi la tentation de tirer d’abord et de poser les questions ensuite.
La doctrine des frappes préventives est extrêmement dangereuse car elle favorise la violence et l’agression. Elle n’est dans l’intérêt de personne. L’Occident doit également cesser de se croire supérieur aux pays les plus pauvres. Il ne faut pas confondre prospérité et puissance avec force morale.

« Pour le renouveau du partenariat transatlantique »

Pour le renouveau du partenariat transatlantique
Le Monde (France)

[AUTEURS] Ce texte a été préparé dans le cadre du programme européen du Center for Strategic and International Studies (CSIS).
Premiers signataires.
Démocrates :
 Madeleine K. Albright est ancienne secrétaire d’État sous l’administration Clinton (1997-2001) et ancienne ambassadrice à l’ONU (1993-1997).
 Harold Brown est ancien secrétaire à la Défense (1977-1981).
 Zbigniew Brzezinski fut conseiller de sécurité nationale du président Carter. Il est membre du Center for Strategic and International Studies.
 Warren Christopher, a été secrétaire d’État lors du premier mandat de Bill Clinton (1993-1997).
 William S. Cohen ancien secrétaire à la Défense (1997-2001).
 Stuart E. Eizenstat est ancien secrétaire adjoint au Trésor.
 John J. Hamre est ancien secrétaire adjoint à la Défense et président du Center for Strategic and International Studies.
 Carla A. Hills est ancien représentante des États-Unis pour le commerce.
 Sam Nunn est ancien président de la commission de la défense du Sénat et coprésident du Nuclear Threat Initiative.
 Charles S. Robb est ancien sénateur.
Républicains :
 [Frank Carlucci] est ancien secrétaire à la défense devenu patron du Carlyle Group. Il est membre du National Endowment for Democracy. Cette dernière fondation a été créée par le président Reagan et a pour vocation de soutenir les groupes sur lesquels la CIA pourra s’appuyer pour réaliser des coups d’État dans les pays étrangers.
 Robert Dole est ancien candidat à la présidence des États-Unis.
 Lawrence S. Eagleburger est ancien secrétaire d’État et membre du cabinet Kissinger Associates.
 Alexander M. Haig Jr est ancien secrétaire d’État et expert du cabinet de relations publiques Benador Associates.
 Lee H. Hamilton ancien président de la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants et membre du conseil d’administration du National Endowment for Democracy.
 Paul H. O’Neill est ancien secrétaire au Trésor.
 William V. Roth Jr. est ancien sénateur.
 James Schlesinger a été directeur de la CIA et secrétaire à la Défense états-unien, puis à l’Énergie.

[RESUME] L’Europe libre et unie est un objectif central pour les États-Unis et cet objectif demeure après le 11 septembre, malgré le débat qui divise l’Amérique et l’Europe.
Dix ans après la fin de la Guerre froide et face aux nouvelles menaces, le lien transatlantique est rarement apparu aussi crucial. Nous sommes inquiets de voir en Europe et aux États-Unis certains émettre l’idée que nous n’aurions plus besoin de ce partenariat. Au contraire, nous devons réhabiliter les relations entre l’Amérique et l’Europe en commençant par changer le ton avec lequel nous nous adressons à nos alliés. Les États-Unis et l’Europe partagent une communauté d’intérêt et de valeur. L’élément capital pour le partenariat transatlantique est l’existence d’une Europe stable.
Les Européens doivent aussi rassurer les Américains en affirmant que l’Union n’est pas un moyen de défier les États-Unis, mais de développer la coopération avec eux. Pour cela, des représentants américains devraient être acceptés en observateurs de la Convention européenne. Il faudrait intensifier les contacts entre le Congrès et le Parlement européen. L’enjeu n’est pas de créer une union politique transatlantique, mais de mettre en place des outils de coopération.
Le pilier fondamental de la coopération est aujourd’hui l’OTAN, structure qui a fait ses preuves depuis le 11 septembre hors de son théâtre d’opération traditionnel. La redéfinition de ces structures est une tâche majeure. Nous applaudissons les réalisations du sommet de Prague. Il est souhaitable que l’Union européenne développe ses dépenses militaires dans le cadre d’une coopération européenne et transatlantique. Le redéploiement des troupes américaines ne doit pas apparaître comme une punition, mais doit s’exercer en concertation avec les pays de l’OTAN. Les divisions de l’alliance dans la guerre d’Irak ne doivent pas miner notre collaboration. La transformation de l’OTAN et les avancées de l’Union européenne sont complémentaires.
Nous devons également travailler ensemble pour arriver à un accord au sommet de Doha sur le commerce mondial et dans le processus de paix israélo-palestinien.
La croissance de l’antiaméricanisme en Europe est inquiétante et elle a entraîné une rhétorique antieuropéenne chez nous. L’antiaméricanisme sape la capacité des États-Unis à défendre et répandre ces valeurs et ces intérêts qui sont aujourd’hui partagés par la plupart des citoyens américains et européens. Réciproquement, l’antieuropéanisme ajoute des obstacles à l’Union européenne. Parce que ni l’Europe, ni les États-Unis ne sont omnipotents, nous devons coopérer.

« Le défi de Chirac »

Chirac’s challenge
Jerusalem Post (Israël)

[AUTEUR] Ovadia Soffer est ancien ambassadeur d’Israël en France.

[RESUME] La victoire américaine en Irak n’a curieusement pas altéré la popularité de Jacques Chirac en France bien que dans son propre parti, des voix dissonantes commencent à se faire entendre. Elles s’alarment du potentiel boycott des produits français aux États-Unis et d’un isolement diplomatique de la France. Cette crainte est renforcée par l’adhésion prochaine de dix nouveaux pays alignés sur les États-Unis au sein de l’Union européenne et la constitution d’un axe hispano-britannique, pouvant s’appuyer sur d’autres pays, qui représente un rival sérieux pour l’axe franco-allemand. En outre, l’initiative franco-belge de création d’une force militaire européenne n’a pas reçu de soutien des autres membres de l’Union européenne.
D’après l’Institut Français de Relations Internationales, l’Europe devrait voir sa position reculer au XXIème siècle par rapport à la Chine et aux États-Unis en raison d’un déclin démographique et économique. Les espoirs français d’un monde multipolaire sont donc en mauvaise posture.
C’est sans doute pour cela que Chirac adoucit ses positions. Dominique de Villepin, en visite à Damas, a demandé un retrait des troupes syriennes du Liban, une fermeture des bureaux d’organisation terroristes en Syrie et que le Hezbollah devienne une simple organisation politique désarmée. La France va devoir trouver un moyen de poursuivre la coopération avec les États-Unis, au moins pour maintenir l’intégrité de l’OTAN et combattre le terrorisme qui menace l’avenir du monde libre.

« Ce conflit sera résolu par la libération »

This conflict will be solved by liberation
The Guardian (Royaume-Uni)

[AUTEUR] Uri Avnery est cofondateur de Gush Shalom, un mouvement demandant un retour aux frontières de 1967 et la partition de Jérusalem. Il et a été membre du mouvement Irgun dans les années 40. Il écrit fréquemment pour le journal Ma’ariv.

[RESUME] Le conflit entre Yasser Arafat et Abu Mazen n’est pas un conflit de personnes, mais une lutte politique entre la culture révolutionnaire palestinienne et une nouvelle culture d’État en formation. La lutte pour l’indépendance est toujours nécessaire car les Palestiniens font face à des menaces de nettoyage ethnique (qualifié de « transfert »), mais l’administration des enclaves palestiniennes est aussi nécessaire.
Cela nécessite la coexistence de deux structures : un mouvement de libération nationale qui nécessite une direction forte et autoritaire et un mini-État qui a besoin d’une structure démocratique et transparente. L’opposition entre ces deux structures s’est concentrée sur la question de l’Intifada qu’Abu Mazen juge contre-productive alors que ses opposants jugent qu’elle finira bien par faire céder Israël, qui ne cèdera rien sans y être forcé.
Abu Mazen aurait plus de poids si Israël et les États-Unis ne l’avaient pas soutenu autant et qu’il n’était pas comparé à ce pauvre Karzaï ou au misérable gang d’émigrés irakiens. On pourrait espérer une division du travail entre Arafat et Mazen, mais cela pose des problèmes de répartition de compétences et cela risque même de déboucher sur une guerre fratricide.

« Des fanatiques locaux »

Homegrown Fanatics
New York Times (États-Unis)

[AUTEUR] Sulaiman Al-Hattlan est éditorialiste pour le journal saoudien Al Watan et chercheur au Center for Middle Eastern Studies de l’université de Harvard.

[RESUME] Les trois attentats suicide contre des centres d’habitation d’Occidentaux à Riyad, qui ont tué plus de 20 personnes et en ont blessé plus de 200, remettent en cause les affirmations des autorités saoudiennes selon lesquelles Al Qaïda serait faible et non existant. Même si Al Qaïda n’est pas directement responsable des attentats, son influence a créé une atmosphère propice à ce genre d’événement.
Les Saoudiens, même s’ils ne veulent pas l’admettre, sont otages d’une minorité de supporters d’Al Qaïda. Les voix progressistes se sont tues et les femmes sont victimes d’une oppression sociale et religieuse qui les force à se cloîtrer. Certains Saoudiens ne reconnaissent toujours pas que des Saoudiens sont responsables des attentats du 11 septembre et accusent la CIA ou les sionistes. Espérons que les attentats de Riyad vont nous réveiller et que nous allons enfin arrêter de blâmer le reste du monde pour le fanatisme en Arabie saoudite, fruit des écoles wahhabites qui enseignent la haine des juifs, des chrétiens et de certains musulmans.
Les Saoudiens ont exprimé leur colère contre ces attentats et cette colère est peut-être un signe que notre société sera bientôt capable de se regarder en face.

« Les attentats suicide saoudiens ne font pas le jeu d’Al Qaïda »

Saudi Suicide Bombings Work Against Al Qaeda
Los Angeles Times (États-Unis)

[AUTEURS] Wyche Fowler est ancien sénateur démocrate et ambassadeur en Arabie saoudite (1997-2001). Edward S. Walker est ancien vice secrétaire d’État et ambassadeur en Israël et en Égypte.

[RESUME] En dépit des différences de lieu et de date, il existe de nombreux liens entre l’attaque suicide de Riyad en Arabie saoudite et l’attentat de Louxor en 1997. Tout d’abord, les deux attentats portent la marque d’Ayman Zawahiri et d’Al Qaïda en raison du caractère bien organisé et coordonnés de frappes simultanés contre les civils.
Les deux attentats visaient à miner le pouvoir en place dans le pays. En effet, il y avait des endroits permettant de faire plus de victimes américaines. L’attaque cherche à affaiblir le soutien états-unien à l’Arabie saoudite et au prince régent Abdallah. Autre similitude, l’attaque en Égypte a été d’une telle sauvagerie qu’elle a privé les terroristes de tout soutien populaire, a renforcé le gouvernement et a marqué le début de la fin de Gamaa Al Islamiya. Parallèlement, ces attentats ont provoqué une exaspération dans la population saoudienne contre les extrémistes religieux et le prince Abdallah va s’attaquer aux terroristes avec le soutien des Saoudiens.
Nous devons soutenir notre allié saoudien dans la lutte contre notre ennemi commun et ne pas écouter les prétendus experts dont la voix domine trop les ondes et qui s’en prennent verbalement à l’islam, aux Arabes et aux Saoudiens.