Le Représentant du Secrétaire général chargé de la question des personnes déplacées dans leur propre pays, M. Francis Deng, a déclaré, aujourd’hui à Genève, qu’alors que le conflit en Iraq s’apaise et que les personnes déplacées à cause de la guerre rentrent chez elles, il faut s’employer à résoudre le problème des personnes, dont le nombre est estimé à un million, qui ont été déplacées par le passé du fait des politiques du régime de Saddam Hussein. Il faut également s’attaquer au problème causé actuellement par les expulsions de personnes par ceux qui tentent de récupérer leurs maisons et leurs propriétés.

Le projet Brookings-SAIS sur le déplacement interne documente, dans son rapport de 2002 sur les personnes déplacées en Iraq, le déplacement forcé au cours des 20 dernières années de quelques 600 000 à 700 000 Kurdes dans le nord du pays ; de plus de 100 000 Kurdes, Turkmènes et Assyriens des zones pétrolifères de Kirkouk ; de dizaines de milliers d’Arabes chiites dans le centre et le sud du pays ; et de 100 000 à 200 000 Arabes des marais.

Les souffrances humaines causées par ces expulsions doivent être reconnues par les nouvelles autorités iraquiennes et la communauté internationale, et des efforts doivent être déployés pour répondre aux problèmes politiques, économiques, sociaux et ethniques qui sont à l’origine de ces déplacements. Il faut en particulier reconnaître que les personnes déplacées ont le droit de rentrer dans leurs régions d’origine ou de se réinstaller dans d’autres zones, existantes ou nouvelles, en Iraq, selon leur préférence. Les autorités compétentes ont la responsabilité de créer les conditions et de fournir les moyens aux personnes déplacées d’exercer leur choix de façon volontaire, dans la sécurité et la dignité. À cette fin, les fonds pour la reconstruction et le développement, y compris les revenus du pétrole, doivent être utilisés pour aider au retour des personnes déplacées et à leur dédommagement pour les terres et les propriétés perdues du fait de leur déplacement, estime M. Deng.

Le Représentant suggère en particulier les mesures suivantes :

 Dans le nord du pays, toutes les autorités compétentes, locales ou nationales, en collaboration avec la communauté internationale, devraient entreprendre de reconstruire les milliers de villages kurdes détruits et déminer ces zones afin de permettre aux Kurdes de regagner leurs foyers ou, s’ils le souhaitent, de se réinstaller ailleurs.

 Une commission iraquienne représentative des composantes ethniques et religieuses devrait être mise en place dans la région de Kirkouk afin de permettre aux Kurdes, Turkmènes et Assyriens déplacés de rentrer et de récupérer, dans le cadre d’un processus légal et organisé, leurs terres et leurs propriétés ou d’obtenir un dédommagement approprié. Dans tous les cas, il faudra assurer un traitement juste aux quelques 200 000 Arabes qui ont été amenés dans ces régions. Les expulsions d’Arabes, supposées redresser les torts du passé, ne font qu’engendrer de nouveaux méfaits et de nouveaux déplacements. L’assistance des Nations Unies, étant donné leur expérience en la matière, est nécessaire pour aider ces différents groupes à mieux gérer leur retour et leurs revendications antagonistes sur les terres et les biens.

 Enfin, il faut assurer la reconnaissance des dommages causés aux Arabes des marais, à leur culture de plus de 5000 ans et à leur habitat. Il faudrait rapidement ouvrir des consultations avec les anciens habitants des marais, faire une étude de faisabilité sur la restauration de certains marais, et mettre en place un système de compensation pour ceux qui ne peuvent y retourner. Des efforts doivent également être entrepris pour déminer ces zones.

Les déplacements forcés représentent une des attaques les plus insidieuses contre les droits de l’homme et peuvent mettre en péril l’identité ethnique et la dignité. Plus les déplacements seront rapidement reconnus et traités, plus il y aura de chances de voir la stabilité et l’unité restaurées en Iraq.