« Blair doit démissionner s’il a tort au sujet des armes »

Blair must quit if he is wrong about these weapons
The Independent (Royaume-Uni)

[AUTEUR] Denis Healey est ancien ministre travailliste de la Défense et des Finances.

[RESUME] Quoi qu’en dise le Premier ministre, je ne suis toujours pas convaincu qu’il y ait des preuves de la présence d’armes de destruction massive en Irak et je suis troublé par les tentatives de falsifier les preuves. Hans Blix n’avait rien trouvé et pourtant il s’agissait d’un homme honnête et compétent. On peut se demander pourquoi les armes de destruction massive n’ont pas été utilisées lors de l’attaque de l’Irak si Saddam Hussein en avait. Le rapport sur les crimes de Saddam Hussein a été recopié du mémoire d’un étudiant et le lien entre Al Qaïda et l’Irak n’est même pas plausible. Tout le monde est en train de s’accuser, mais pour ma part, je pense que c’est du gouvernement que sont venues les fausses preuves.
Il faut qu’une enquête indépendante soit menée et que les conclusions de cette enquête soient publiques ; Si aucune arme n’est trouvée, les intérêts occidentaux au Proche-Orient en pâtiront et le fondamentalisme connaîtra une forte ascension. Et même si des armes sont trouvées, cela n’expliquera pas pourquoi elles n’ont pas été utilisées avant et il faudra prouver que les États-Unis ne les ont pas placées en Irak eux-mêmes.
Face à cette situation, Blair doit admettre qu’il s’est trompé. Il peut alors sortir renforcé de cet aveu. En revanche, s’il est démontré par l’enquête qu’il a eu tort ou qu’il a menti délibérément, il devra être remplacé par Gordon Brown, un homme qui n’aurait pas commis cette erreur.

« Les dossiers maquillés sur les ADM ne doivent pas masquer les intentions maléfiques de Saddam Hussein »

’Sexed-up’ WMD dossiers should not obscure Saddam’s evil intent
The Daily Telegraph (Royaume-Uni)

[AUTEUR] Ibrahim al-Marashi est chercheur au Centre for Non-proliferation Studies à Monterey et au Center For Contemporary Conflict de l’US Navy. Il est ancien chercheur sur les questions irano-irakiennes au département d’État.

[RESUME] Les dossiers sur les armes de destruction massive irakiennes de Tony Blair, prétendument basés sur de nouvelles informations et qui s’étaient révélés être les copies d’anciens articles de spécialistes de l’Irak contenaient des parties d’articles que j’avais écrit. Ces dossiers reprenaient des passages de mes publications en leur donnant un caractère plus alarmiste. Ainsi, quand j’ai écrit que l’Irak aidait des mouvements d’opposition dans les régimes hostiles, il était écrit dans le dossier que l’Irak soutenait des groupes terroristes, une transformation visant à rendre plus crédible l’affirmation selon laquelle Al Qaïda et l’Irak étaient liés
Aucun analyste sérieux n’aurait affirmé comme l’a fait Tony Blair que l’Irak pouvait lancer ses armes de destruction massive en 45 minutes. Si des chercheurs, dont moi, avaient été consultés, nous aurions prévenu du danger de publier un document prêtant autant à la controverse. Cependant, il ne faut pas minimiser pour autant le danger que représente Saddam Hussein et mes longues recherches m’ont permis de trouver des documents irakiens prouvant que l’Irak avait continué à fabriquer des armes de destruction massive après 1991.
La recherche des armes de destruction massive et des documents en traitant prendra du temps, mais quand ils seront trouvés, l’Amérique devra les rendre publics et les confier à un centre d’étude indépendant. On ne trouvera peut-être pas les armes, mais tôt ou tard on trouvera les documents.

« Blair et Bush ne sont pas si stupide »

Blair and Bush Aren’t That Stupid
Los Angeles Times (États-Unis)

[AUTEUR] Max Boot est membre du Council on Foreign Relations. Journaliste réputé dans les milieux économiques, il dirige la page éditoriale du Wall Street Journal. Il a publié The Savage Wars of Peace : Small Wars and the Rise of American Power. Il est expert du cabinet de relations publiques Benador Associates.

[RESUME] Les opposants à la guerre ont dû être déçus de voir leurs prédictions alarmistes discréditées par les faits. Plutôt que d’admettre leurs torts, ils préfèrent se concentrer sur leur argument le plus fort : l’absence de découverte d’armes de destruction massive en Irak.
Ceux qui utilisent cet argument doivent penser que les gouvernements états-unien et britannique sont stupides : ils auraient donc utilisé l’argument des armes de destruction massive pour permettre une invasion qui prouve qu’ils ont menti. En réalité, l’absence de découverte d’armes en Irak prouve surtout que nos renseignements en la matière étaient imparfaits et qu’il est très difficile d’obtenir ce type de renseignement. On peut ainsi se souvenir qu’en 1990, la CIA avait été surprise de découvrir l’avancée du programme nucléaire irakien. Cela démontre que la guerre préventive est utile et qu’on ne peut pas laisser des États voyous avec la capacité de posséder des armes de destruction massive et une volonté de les utiliser en se basant sur la croyance qu’on saura bien assez tôt s’ils vont les utiliser. L’Irak faisait partie de cette catégorie. Aujourd’hui, personne hormis un ancien analyste de la CIA discrédité ne croit encore que Saddam Hussein n’a pas utilisé ce type d’armes sur les Iraniens et sur les Kurdes. Toute le monde sait par ailleurs que l’Irak a continué de posséder des armes de destruction massive bien après qu’il en eut perdu le droit.
En outre, rappelons que le casus belli était que Saddam Hussein ne coopérait pas pleinement avec les inspecteurs, ce qu’il a refusé de faire jusqu’à la fin. S’il ne coopérait pas, c’est bien parce qu’il avait quelque chose à cacher. On peut discuter du fait que la guerre était souhaitable ou non, mais on ne peut pas accuser George W. Bush et Tony Blair d’avoir menti.

« Mauvais espionnage ou passion politique »

Bad Spying or Political Heat ?
Los Angeles Times (États-Unis)

[AUTEURS] W. Patrick Lang est ancien responsable des affaires moyen-orientales à la Defence Intelligence Agency. Larry C. Johnson est ancien analyste de la CIA.

[RESUME] Avant la guerre, des dossiers issus des services de renseignement ont affirmé que l’Irak disposait d’armes de destruction massive qu’il pouvait utiliser rapidement, ce qui a fourni le casus belli permettant de renverser le régime de Saddam Hussein. Aujourd’hui, aucune arme n’est trouvée en Irak et on peut se demander si le problème vient des services de renseignement qui ont collectés ces informations ou si les informations ont été modifiées par les dirigeants politiques pour corroborer leurs déclarations publiques.
Ces questions sont délicates pour les gouvernements de George W. Bush et Tony Blair. Déjà des enquêtes sur ces questions sont conduites en interne par la CIA et par le Congrès. Les pressions politiques sur les services de renseignement sont fréquentes dans l’histoire américaine et d’après les informations que nous avons obtenus dans nos anciens services, la pression fut particulièrement forte cette fois ci. Certains agents ont même été jusqu’à nous affirmer que cela avait conduit à la fabrication de rapports complètement falsifiés. Nous savons d’ores et déjà que cela a été le cas sur l’histoire des importations d’uranium du Niger en Irak.
Des renseignements sûrs sont nécessaires à la politique des frappes préventives pour qu’on puisse espérer en tirer des bénéfices. Ce qui s’est passé avec l’Irak a semé le doute. Que se passera-t-il si une crise survient en Iran ou en Corée du Nord et que Bush et Blair alertent le monde du danger ?

« Laissez-nous les opérations en vol »

Leave The Flying To Us
Washington Post (États-Unis)

[AUTEUR] Merrill A. McPeak est ancien chef d’État major de l’US Air Force de 1990 to 1994. Il siège ou a siégé aux conseils d’administration de diverses sociétés sous-traitantes du Pentagone : Amplify.net Inc, Centerspan Communications, Kitcomm Communications, Praegitzer Industries, Tektronix, TWA, Western Power and Equipment.

[RESUME] Le combat aérien est un élément déterminant dans les guerres modernes. La guerre en Irak l’a à nouveau démontré en permettant de prendre Bagdad en 22 jours avec des pertes très faibles. Aujourd’hui il n’est plus question de savoir si la technologie aérospatiale peut se substituer à de larges forces terrestres, mais plutôt de savoir comment être plus efficace dans ce domaine.
Il existe malheureusement encore des résistance au niveau de l’US Army car elle a du mal à accepter de combiner son action avec les forces aériennes sous la responsabilité d’un commandement central, probablement dirigé par un officier de l’US Air Force. De même, il faut que l’Army renonce à contrôler les défenses aériennes et transmette ce domaine de compétence aux forces aériennes qui ont plus d’expérience en la matière. Malheureusement ces deux questions sont bloquées par manque d’imagination. Face à ce genre de blocage, Donald Rumsfeld va avoir de grandes difficultés à réformer l’armée.

« Le Japon révèle sa puissance militaire »

Japan reveals its military might
The Globe and Mail (Canada)

[AUTEUR] Brian Victoria est chercheur au Centre for Asian Studies de l’université d’Adelaide en Australie.

[RESUME] Dans les semaines à venir, le Parlement japonais va étudier trois propositions de lois qui altèreront le caractère pacifiste de la constitution japonaise imposée à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Cela alarme la Chine et la Corée du Nord et cela permettra au Japon de renforcer une puissance militaire déjà beaucoup plus importante que la plupart ne se l’imagine.
En réalité, un an après l’adoption de cette constitution, Washington, engagé dans la Guerre froide, a voulu revenir sur ses aspects pacifistes pour engager le Japon dans la guerre contre la Corée. Le pacte de défense avec les États-Unis mit fin à l’esprit du texte, mais il n’en altéra pas la lettre. Toutefois en 1973, le Japon avait la septième armée du monde, désignée par l’euphémisme « force de défense ». Aujourd’hui, le Japon a dépensé 50 milliards de dollar par an pour sa défense lors des cinq dernières années mais reste dépendant des États-Unis tant qu’il ne dispose pas de l’arme atomique.
Beaucoup de politiciens japonais souhaitent voir l’article neuf de leur constitution abrogé, mais ils ne parviennent pas à convaincre la population. C’est pour cela qu’ils utilisent des lois qui en minimisent petit à petit la portée. Aujourd’hui, le Japon sait qu’il restera dépendant des États-Unis tant qu’il n’aura pas l’arme nucléaire alors qu’il est en mesure de l’acquérir. Aussi, plusieurs dirigeants politiques japonais se sont prononcés en faveur de son acquisition face aux menaces que représentent pour eux la Chine et la Corée du Nord. Certains vont même jusqu’à évoquer la possibilité de frappes préventives.
Même si la Japon restera un allié des États-Unis, l’Occident pourrait avoir à regretter le réarmement de ce pays.

« Italie : la fin du printemps ? »

Italie : la fin du printemps ?
Le Monde (France)

[AUTEUR] Leoluca Orlando est ancien maire de Palerme et président de l’Institut pour la renaissance italienne.

[RESUME] A l’automne 2001, Pietro Lunardi, le ministre des infrastructures du gouvernement Berlusconi, avait affirmé qu’ « Au nom des affaires ont peut coexister avec la Mafia ». Au printemps 2003, Silvio Berlusconi déclarait que « les magistrats sont des putschistes », suite à la condamnation à 11 ans de prison de son ancien ministre Cesare Previti. Aujourd’hui, Berlusconi propose une loi qui suspendra les procès à son encontre. Il fait tout pour détruire le mouvement anti-mafia qui est né de la mobilisation de la société civile dans les années 90 en Italie et qui a ouvert une nouvelle ère de la légalité dans le pays.
Aujourd’hui, il semble que nous soyons revenus à la case départ. Toutefois, contre la culture de l’illégalité du gouvernement Berlusconi, il existe toujours les instances démocratiques, le peuple italien et les partis politiques qui ont compris le sentiment de frustration qui est né chez les électeurs de Berlusconi. Le contrôle de l’Union européenne a aussi empêché une trop grave dérive et il existe heureusement des opérateurs économiques qui pensent que même « au nom des affaires », on ne peut pas coexister avec la Mafia. Aujourd’hui, avec l’ouverture des frontières, la Mafia est un problème européen et l’Union européenne doit s’en souvenir alors que la présidence italienne s’ouvre pour six mois.