Daniel Pipes se félicite dans le Jerusalem Post de l’engagement de George W. Bush dans le processus de paix au Proche-Orient. Il se réjouit de la solution des deux États présentés dans la « feuille de route » et du « changement de stratégie » du président états-unien. Cette position peut paraître surprenante pour un auteur qui a longuement présenté les Palestiniens comme une nation terroriste, mais elle peut se comprendre quand on l’associe avec les demandes israéliennes au gouvernement Abbas, installé par Tel-Aviv et Washington. Si ces demandes sont acceptées, l’Autorité palestinienne devra combattre le « terrorisme » palestinien, une notion large pour les faucons, afin d’espérer pouvoir créer un État vassalisé. Daniel Pipes analyse donc la « feuille de route » comme Edward Saïd : un moyen de diviser la résistance palestinienne en faisant combattre tous les mouvements armés par un gouvernement qui a été mis en place préalablement.
Le sénateur Arlen Specter établit dans le Washington Times la différence entre combattants de la liberté et terroristes : les premiers épargnent les civils pas les seconds. Les États-Unis et Israël seraient donc des combattants de la liberté et le Hamas des terroristes. Là encore, peu importent les faits pourvu que l’on ait bonne conscience : le bombardement massif de l’Afghanistan et de l’Irak n’a pas plus épargné les civils que la violence massive quotidienne exercée par Tsahal à l’encontre des Palestiniens. Il ne s’agit que d’un procédé rhétorique classique de la propagande : souligner, voire amplifier, les crimes de l’ennemi pour minimiser, voire nier, les siens.
Kenneth Roth espère que ces crimes, tous ces crimes sans discrimination partisane, pourront un jour être jugés par la Cour pénale internationale. Il dénonce dans l’International Herald Tribune les manœuvres des États-Unis pour échapper à cette juridiction. Parmi elles, il évoque les traités bilatéraux qui permettront à Washington de soustraire ses ressortissants à la justice internationale avec la complicité de divers États. Cependant Kenneth Roth ignore la dernière échappatoire états-unienne : conclure un accord avec la Commission européenne de manière à contraindre les États membres de l’Union européenne qui ont refusé de signer des accords bilatéraux directs de leur remettre les États-uniens recherchés pour les soustraire à la Cour. Les initiatives de la Commission ne s’arrêtent pas là. Dans une conférence prononcée devant une fondation catholique, Romano Prodi dévoile son action pour faire entrer Dieu dans la Constitution européenne. Il affirme que la religion chrétienne est une valeur européenne sur laquelle se fonde l’Union. Adieu donc contrat social, philosophie des Lumières, Révolution française et autres chimères, le président de la Commission veut une Europe chrétienne fermement arrimée à l’Alliance atlantique pour revendiquer son identité dans le « choc des civilisations ».
Rudolph W. Giuliani expose dans le New York Times la mission que George W. Bush lui a confiée. Il se rendra, les 19 et 20 juin prochain, à la conférence contre l’antisémitisme organisée par l’OSCE pour présenter des propositions concrètes permettant de lutter contre ce fléau en France et en Russie. Ces deux pays seraient en effet aujourd’hui, plus que tous les autres, en proie à cette maladie. Cependant, il n’échappera à personne que l’émissaire états-unien n’est pas tant préoccupé de lutter contre l’antisémitisme que de stigmatiser deux États qui se sont opposés à la politique de l’administration Bush. Cette instrumentalisation n’est pas nouvelle : des groupes de pression états-uniens ont tenté d’organiser, en mai-juin 2002, soit bien avant la discorde au Conseil de sécurité, un boycott du Festival de Cannes au motif que la France serait antisémite. Dans des publicités diffusées par la presse, ils avaient prétendu que l’administration Chirac commanditait en sous-main des attaques de synagogues et avait qualifié les débats suscités par les travaux de Thierry Meyssan de « négationnistes ». Ces déclarations diffamatoires avaient été condamnées par les autorités françaises, mais parfois reprises par de grands médias. Dans la même veine, le président Bush a qualifié, mardi 17 juin, « d’histoire révisionniste » les contestations de ses mensonges à propos des armes de destruction massive irakiennes.
Précisément, le débat sur les mensonges de l’administration Bush gêne le gouvernement Howard en Australie après avoir atteint le gouvernement Blair au Royaume-Uni. Le ministre australien des Affaires étrangères, Alexander Downer, nie tout en bloc dans le Sydney Morning Herald. Selon lui la guerre a été décidée parce que l’Irak violait les obligations de la résolution 1441. Ainsi, poursuit-il, le pays construisait des missiles à moyenne portée et fabriquait des armes biologiques dans des laboratoires mobiles qui ont été retrouvés. Peu importe donc que l’Irak ait accepté la destruction des missiles Al Sammoud II pour se conformer à la résolution 1441 et que des experts indépendants aient montré que les prétendus laboratoires mobiles étaient en fait des camion à hydrogène.
Enfin, Eleanor Robson s’indigne dans The Guardian de la campagne, en cours dans les médias anglo-saxons, visant à faire croire que les musées irakiens auraient été pillés par leurs personnels. Elle montre qu’il n’en est rien tout en s’abstenant d’évoquer la responsabilité de la Coalition.
« Rejeter les règles »
Throwing out the rulebook
Jerusalem Post (Israël)
[AUTEUR] [Daniel Pipes] est membre de l’US Institute of Peace. Il est directeur du Middle East Forum et auteur de Militant Islam Reaches America. Il est collaborateur de Benador Associates et a fondé Campus Watch, une organisation dont le but est de soutenir la vision néo-conservatrice du Proche-Orient dans les universités états-uniennes. Voir à ce sujet, l’investigation du Réseau Voltaire : « Le Centre pour la politique de sécurité : les marionnettistes de Washington ».
[RESUME] En dépit de dix jours de violence, George W. Bush a réitéré son soutien à la solution des deux États, l’un palestinien, l’autre israélien, cohabitant pacifiquement. Il s’agit peut-être de la position la plus osée et surprenante qu’il ait prise depuis le début de son mandat.
En effet, après s’être désintéressé de la question, il l’a mise désormais au centre de sa politique étrangère et il est le premier président depuis 1947 à déclarer que la coexistence de deux États est un moyen de résoudre le conflit arabo-israélien. Ce faisant, il avance des propositions qui reflètent ses positions personnelles et pas le travail préalable du département d’État ou de think tanks. Ce qui déstabilise les clivages politiques traditionnels.
Le président Bush a également décidé d’ignorer un certain nombre de principes qui avaient été centraux dans l’approche de cette question par les États-Unis auparavant. Ainsi, il a fixé un projet de statut final avant le début des négociations, il a fixé un calendrier, il a choisi les dirigeants avec lesquels négocier et il s’est impliqué lui-même très tôt. Bush a décidé de transformer radicalement la politique états-unienne. Ce choix politique pourrait profondément influencer sa présidence.
« Une juste guerre au terrorisme »
A just war on terror
Washington Times (États-Unis)
[AUTEUR] Arlen Specter est sénateur républicain de Pennsylvanie.
[RESUME] Lors de sa visite aux États-Unis, le président ougandais Yoweri Museveni, qui avait combattu le dictateur Idi Amin Dada, a expliqué, dans un discours insuffisamment repris par la presse, la différence fondamentale entre les combattants de la liberté et les terroristes : les terroristes visent délibérément les civils, pas les combattants de la liberté.
C’est tout ce qui fait la différence entre Israël et le Hamas ou les autres groupes terroristes. Le Hamas cherche à toucher les civils quand Israël, ou les États-Unis quand ils combattent les terroristes, visent les terroristes afin d’éviter de prochaines attaques contre les civils. Israël et les États-Unis sont même prêts à mettre en danger la vie de leurs soldats pour épargner les civils au maximum. Il n’y a donc pas de « cercle de la violence ». Il y a des groupes terroristes qui attaquent les civils et une armée israélienne qui veut les empêcher de frapper et éviter les prochaines attaques.
Le 11 septembre, un avion détourné s’est écrasé en Pennsylvanie grâce au courage de ses passagers. Sans leur acte héroïque, moi et mes collègues serions morts, car l’avion visait la Capitole. En leur mémoire, je ne laisserai jamais dire qu’il n’y a pas de différence entre les terroristes et les défenseurs.
« La "Nouvelle justice" contre l’impunité »
’New justice’ vs. Impunity
International Herald Tribune (France)
[AUTEUR] Kenneth Roth est directeur exécutif de Human Right Watch.
[RESUME] Lundi, Luis Moreno Ocampo, un juriste argentin reconnu, est devenu procureur de la Cour criminelle internationale (CCI). La CCI peut donc aujourd’hui exercer ses fonctions. Elle permettra de juger les pires criminels contre les Droits de l’homme.
Malheureusement, l’administration Bush continue sa campagne contre la Cour, même si les États-Unis sont de plus en plus isolés sur ce point. Le 12 juin, Donald Rumsfeld a annoncé que Washington ne ferait pas de nouvelles dépenses pour le nouveau quartier général de l’OTAN à Bruxelles, si la Belgique n’amendait pas sa législation qui autorise le jugement pour crime contre l’humanité en Belgique de toute personne ayant commis des atrocités, et ce où que ce soit dans le monde. De même Washington tente toujours d’obtenir que les opérations militaires ayant reçus l’aval de l’ONU ne puissent voir les forces militaires y ayant participé inculpées par la CCI. Les États-Unis tentent également d’exempter leurs citoyens de tout jugement par la CCI. Les États-Unis estiment aujourd’hui qu’aucun de leurs citoyens ne peut être jugé par la CCI car ils n’ont pas ratifiés le traité alors que ce qui importe c’est que le territoire où l’acte a été commis ait signé le traité. L’administration Bush compte également contourner la législation en signant des accords bilatéraux avec des États pour que leur citoyens ne soient pas envoyés par les gouvernements étrangers devant la CCI.
Si les États-Unis parviennent à fournir une impunité à leurs citoyens, la justice internationale perdra sa légitimité.
« Le projet européen dans le monde : entre valeurs et politique »
The European project in the world : between values and politics
Service de presse de la Commission européenne (Union européenne)
[AUTEUR] Romano Prodi est président de la Commission européenne et ancien président du Conseil italien. Ce discours a été prononcé devant la Fondazione Don Tonino Bello à Alessano le 13 Juin 2003
[RESUME] La culture européenne a rejeté l’absolutisme et la sanctification de l’État en créant l’équilibre des pouvoirs. L’Europe a trouvé les moyens de défendre ses valeurs, en dépit des transformations causées par deux guerres mondiales, en mettant en place un système politique original. Aujourd’hui, dans un monde en mouvement, nous devons faire de même et nous devons commencer par identifier nos valeurs.
L’Europe est multiculturelle et elle ne sera jamais homogène. Notre force, c’est d’avoir transformé ces différences en complémentarité. La solidarité est aussi une des valeurs de l’Europe et elle s’exprime dans nos politiques économiques. Je considère également que la religion est une valeur européenne. Je regrette que le préambule du projet constitutionnel européen occulte 1 500 ans d’histoire chrétienne et et le lien entre l’Europe et l’histoire du christianisme. Il aurait mieux valu ne pas parler du passé du tout que de mentir sur ce lien en écartant la question religieuse et la mention du christianisme du préambule du projet constitutionnel. Ce n’est pas parce que nous aurions reconnu la dimension chrétienne de l’Europe que nous ignorions ou mépriserions les juifs et les musulmans.
Dans un monde globalisé, être un vaste marché uni est important, mais ce n’est pas suffisant. Nous devons être unis. Pour cela, nous devons afficher nos valeurs communes. L’unité des opinions et le rejet de la guerre dans les différentes opinions publiques européennes lors de la guerre en Irak est encourageante. Nous devons aussi développer une Europe de la défense -ce qui ne veut pas dire que nous allons nous opposer aux États-Unis et la citoyenneté européenne en créant un service humanitaire de volontaires européens. Nous devons aussi soutenir des initiatives diplomatiques comme la « feuille de route » et les aides en direction des pays du Sud.
« Comment l’Europe peut mettre fin à la haine »
How Europe Can Stop the Hate
New York Times (États-Unis)
[AUTEUR] Nommé « Homme de l’année » 2001 par le magazine Time et considéré comme un héros aux États-Unis depuis les attentats du 11 septembre 2001, Rudolph W. Giuliani est l’ancien maire républicain de New York (1994-2002). Il est connu pour son application du principe de « tolérance zéro » dans sa ville.
[RESUME] L’antisémitisme est la forme de haine la plus persistante et ancienne en Occident. Nous faisons face aujourd’hui à une résurgence de ce phénomène. George W. Bush m’a demandé de diriger la délégation états-unienne à la conférence contre l’antisémitisme, organisé à Vienne par l’OSCE.
La France et la Russie sont deux pays particulièrement touchés par ce phénomène. Malheureusement, les Européens considèrent trop souvent l’antisémitisme comme un phénomène banal alors qu’il s’agit d’un phénomène qui s’attaque à nos valeurs. Le 11 septembre a montré que nos valeurs étaient un rempart qui garantissait notre sécurité.
L’Europe doit combattre la haine comme les États-Unis l’ont combattue. Je vais proposer trois mesures à cette conférence :
Les crimes antisémites devront être distingués des autres et répertoriés.
Ces crimes devront donner lieu à des statistiques et les pays devront agir conformément à leur évolution.
Il faut que l’OSCE organise des réunions annuelles sur le sujet et développe des stratégies en fonction des évolutions.
« L’action contre Saddam a été fondée fortement sur les informations de l’ONU »
Action against Saddam relied heavily on UN information
Sydney Morning Herald (Australie)
[AUTEUR] Alexander Downer est ministre des Affaires étrangères de l’Australie.
[RESUME] Le gouvernement australien est aujourd’hui accusé de ne pas avoir dit la vérité sur les armes de destruction massive irakiennes. Nous nous sommes pourtant appuyés sur les rapports de l’ONU. Les précédents rapports, d’avant 1998, affirmaient que l’Irak détenait d’importants stocks d’armes. Nos services de renseignements indiquaient, qu’entre 1998 et 2002, l’Irak n’avait pas détruit ses armes et même qu’il avait continué à les développer. Nous savons aussi que l’Irak a utilisé des armes de destruction massive contre ses voisins et ses propres citoyens.
En septembre, les Britanniques ont affirmé que l’Irak produisait des missiles interdits par l’ONU. Cela a été confirmé par l’United Nations Monitoring, Verification and Inspection Commission qui a ordonné la destruction des missiles Al Sammoud II. De même, un laboratoire mobile a été découvert en Irak, confirmant les propos de Colin Powell au Conseil de sécurité.
L’Irak est grand et la recherche d’armes de destruction massive ne fait que commencer. L’Irak a été attaqué parce que Saddam Hussein n’a pas respecté la résolution 1441.
« Les musées irakiens : ce qui s’est vraiment passé »
Iraq’s museums : what really happened
The Guardian (Royaume-Uni)
[AUTEUR] Eleanor Robson est membre de la British School of Archaeology en Irak et chercheuse à l’All Souls College d’Oxford.
[RESUME] Aujourd’hui, certains accusent le personnel du musée de Bagdad d’avoir une responsabilité dans le pillage du musée, soit par corruption, soit par incompétence. La BBC a même diffusé un documentaire où le personnel était accusé pèle mêle d’avoir augmenté le nombre de pièces perdues, d’être impliqué dans les pillages, d’avoir laissé le musée être une position militaire, voire d’avoir abrité Saddam Hussein.
La réalité est moins coloré et le personnel a pris les dispositions qu’il était en mesure de prendre pour protéger les pièces du musée. D’après ce que m’a écrit le capitaine William Sumner, expert de l’armée états-unienne sur les questions de l’art et des musées, l’opération de vol a été conduite de façon très professionnelle. L’inventaire a mis du temps à être établi car les catalogues avaient été détruits. Aujourd’hui, on estime qu’il manque entre 6 000 et 10 000 pièces.
Hors du musée de Bagdad, la situation n’est pas meilleure et beaucoup de sites archéologiques de centres d’archives, de bibliothèques ou de musées ont été pillés. C’est surtout dans le Sud que la situation est grave. Cela prendra des années, une grande aide internationale et beaucoup de diplomatie pour que les musées irakiens soient à nouveau fonctionnels.