« Au lieu de les protéger, l’Europe se protège des réfugiés »

Au lieu de les protéger, l’Europe se protège des réfugiés
Le Monde (France)

[AUTEUR] Nathalie Ferré est présidente du GISTI (Groupe d’information et de soutien des immigrés). Elle est maître de conférence de droit privé (spécialiste de droit du travail) à l’université de Paris 13

[RESUME] On ne retiendra sans doute du sommet de Thessalonique que la réforme des institutions européennes alors qu’il pourrait aussi décider de la mise à mort en catimini du droit d’asile en Europe.
En effet, les 15 sont sur le point d’adopter une proposition de Tony Blair, soutenue par le HCR, prévoyant l’externalisation de l’asile. Il est envisagé d’instaurer des « zones de protections régionales » au plus près des pays de départs où les candidats au droit d’asile seront accueillis et protégés. Ils seront donc maintenus en dehors du territoire de l’Union européenne. Ces zones comprendront des centres de transit.
Ce projet a pour objectif affiché de mieux répartir la « charge » des demandeurs d’asile entre les États et de dissuader les « faux demandeurs d’asile ». Malgré les réserves de l’Allemagne et de la Suède, ce projet est soutenu par l’Espagne, l’Italie, le Danemark et les Pays-Bas. Nicolas Sarkozy s’est déclaré intéressé par le projet. La Commission européenne, tout en soulevant les difficultés techniques, a estimé que le projet arrive à point nommé pour résoudre la crise du système d’asile européen. Dans ce débat, personne n’a rappelé que l’Europe accueille à peine 5 % des demandeurs d’asile, que la crise du système est dûe à la multiplication des législations restrictives et que ni les parlements nationaux, ni le Parlement européen n’ont pu se prononcer sur ce texte.
S’il est adopté, il pourrait être mis en application dès juin. Cela aura pour effet de neutraliser la Convention de Genève.

« Qui a une dette envers qui ? SIDA et réparation »

Who owes whom ? AIDS and reparations
Christian Science Monitor (États-Unis)

[AUTEUR] Salih Booker est directeur exécutif d’Africa Action. Il est ancien responsable du programme des études africaines du Council on Foreign Relations.

[RESUME] Aujourd’hui, nous fêtons l’abolition de l’esclavage par le Texas en 1865, deux ans après le reste du pays, mais on peut se demander si l’esclavage a vraiment disparu alors que ses conséquences persistent et qu’aucune réparation n’est envisagée. Le mouvement en faveur de la réparation qui s’est développé dans le pays ne cherche pas à fixer un prix pour les injustices, mais à permettre un changement social qui réparera les injustices persistantes.
Ce mouvement réclame également une aide à l’Afrique, notamment sur la question du SIDA. L’Afrique accueille les trois quarts des séropositifs et des malades du SIDA. Aux États-Unis, une personne infectée sur deux est noire et les Caraïbes ont l’un des taux d’infection le plus important au monde. Le développement du SIDA dans les populations noires est largement lié à ces héritages de l’esclavage et de la colonisation que sont la pauvreté et la marginalisation. En outre, les réponses des États occidentaux à cette question sont encore teintés de racisme.
Il est urgent d’augmenter l’aide financière à la lutte contre le SIDA et de décider d’annuler la dette extérieure africaine.

« Les États-Unis sont à la traîne du monde sur les droits des gays »

U.S. trails the world on gay rights
International Herald Tribune (États-Unis)

[AUTEUR] Laurence R. Helfer est professeur de droit à la Loyola Law School.

[RESUME] Les différences de traitement légal entre les lesbiennes et les gays aux États-Unis et dans le reste du monde sont de plus en plus prononcées.
Le Canada vient d’accorder le mariage aux couples gays et cette décision s’inscrit dans un mouvement mondial de lutte contre les discrimination fondées sur les orientations sexuelles. Les couples gays peuvent avoir les mêmes droits que les couples mariés en Belgique et aux Pays-Bas. Ils ont des formes d’union reconnues légalement dans sept autres pays européens. En novembre 2002, la Commission européenne a interdit aux pays membres de l’Union européenne de faire de la discriminations à l’emploi sur ce critère. Les protections légales contre la discrimination se développent dans les pays en voie de développement, c’est le cas en Équateur, au Brésil et en Namibie. L’Afrique du Sud a été le premier État a inscrire l’interdiction des discriminations envers les gays dans sa constitution.
Aux États-Unis, en revanche, les actes sexuels homosexuels restent interdits dans certains États, même dans les domiciles privés. Si certains interdisent les discriminations, ce n’est pas le cas de la majorité. Il faut espérer que ce mouvement international aura un effet sur la Cour suprême quand celle-ci devra trancher le cas Lawrence contre l’État du Texas, une décision qui pourrait abroger le Texas Sodomy Act, qui interdit les rapports sexuels dans un couple homosexuel. Dans le domaine de la liberté individuelle, les États-Unis doivent mener le monde, pas être à la traîne.

« Ne négligez pas l’Amérique latine »

Don’t overlook Latin America
Washington Times (États-Unis)

[AUTEURS] Mack McLarty a été chef de cabinet du président Bill Clinton et son envoyé spécial pour les Amériques. Il est à présent président de Kissinger McLarty Associates, qu’il a fondé avec l’ancien conseiller de sécurité intérieure [Henry Kissinger]. Il est également membre du New Democrat Network. Myles Frechette a été assistant au commerce états-unien dans la première administration Bush et ambassadeur en Colombie. Il est président du Council of the Americas.

[RESUME] Beaucoup affirment que l’administration Bush s’est trop détournée de l’Amérique latine et des Caraïbes, à tel point qu’aujourd’hui la démocratie est menacée dans ces pays. Les États-Unis ont beaucoup à gagner en constituant une communauté des démocraties du continent liées par des marchés ouverts et le respect des Droits de l’homme.
L’un des meilleurs moyens de parvenir à cet objectif est de créer la Free Trade Area of the Americas (FTAA) d’ici 2005. Pour cela, nous devons travailler avec le Brésil. Le président da Silva est un ancien dirigeant syndical populiste qui s’est engagé à réduire les inégalités dans le pays, mais pour l’instant il a rassuré les marchés financiers et a mené une politique économique orthodoxe. Le président Bush va rencontrer le président da Silva demain et cette rencontre sera décisive pour constituer le FTAA.
Si un homme aussi anti-communiste que Nixon a pu négocier avec la Chine, Bush doit pouvoir négocier avec Lula.

« Le nouveau style des coups d’État militaire en Amérique du Sud »

South America’s new-style military coup
Christian Science Monitor (États-Unis)

[AUTEUR] Enrique Ghersi est avocat et professeur de droit à l’université de Lima. Il est chercheur au Cato Institute. Il est coauteur de The Other Path avec Hernando de Soto, président de l’Institute for Liberty and Democraty, un think tank libéral péruvien.

[RESUME] Une nouvelle vague de coups d’État est en train d’émerger en Amérique du Sud. Elle se caractérise par une tentative de coup d’État dirigée par un militaire gauchiste qui est arrêté et apparaît ensuite comme une figure populaire capable de gagner les élections suivante. C’est ce modèle qu’a suivi Hugo Chavez au Venezuela et il a été imité par Lucio Gutierez en Équateur. Tout deux sont sous le patronage de Fidel Castro. Parmi les prochains « caudillos » possibles, on pourrait avoir Evo Morales en Bolivie et le Colonel Ollanta Humala au Pérou.
Ce nouveau militarisme est caractérisé par une profonde hostilité envers les sociétés démocratiques et les économies ouvertes. Il a des accents populistes et une dose dangereuse d’infiltration communiste. Les États-Unis ne semblent pas s’inquiéter de cette situation, ce qui est typique de l’attitude américaine qui s’était déjà accommodée des Duvalier, Trujillo et Somoza. Le monde n’accepterait plus aujourd’hui de gouvernement militaire s’imposant par la force. C’est pourquoi ils lancent des révolutions destinées à échouer qui leur permettent ensuite d’être élus en donnant à l’élection la forme d’un plébiscite bonapartiste. Ce qui est une nouvelle perversion de la démocratie sud-américaine.

« La dernière pièce du puzzle européen »

The last piece in Europe’s jigsaw puzzle
The Guardian (Royaume-Uni)

[AUTEUR] Chris Patten est commissaire européen britannique chargé des relations extérieures. Il a été ministre du développement, puis de l’environnement, dans les gouvernements conservateurs. Il fut le dernier gouverneur britannique de Hong Kong.

[RESUME] Le sommet de Thessalonique sera le plus important rassemblement de l’Union européenne puisqu’on y comptera dix nouveaux membres, mais ce n’est pas une raison pour ne pas parler d’un élargissement plus large encore.
La Roumanie, la Bulgarie et la Turquie sont prêtes à devenir membres. Nous avons déjà reconnu la vocation européenne des pays des Balkans. Quand l’Union aura plus de 30 membres, la prise de décision sera plus complexe, mais c’est un objectif que nous devons poursuivre car il est juste moralement, politiquement et économiquement. Tant que ces pays ne seront pas intégrés, il manquera des pièces dans le puzzle européen.
Si nous excluons des populations historiquement européennes, nous risquons de créer un nouveau rideau de fer et d’encourager l’immigration clandestine et le crime organisé. Grâce à l’Union européenne, cette région fait beaucoup de progrès, mais elle devra cependant en faire encore plus pour devenir membre en menant de profondes réformes.