La présidente rappelle le protocole de publicité des travaux de la commission d’enquête et fait prêter serment à M. Roques.

Mme Nelly OLIN, Présidente. - Je vais vous laisser le temps de présenter votre exposé qui, si vous en êtes d’accord, durera une dizaine de minutes, ce qui permettra à M. le Rapporteur de vous interroger, de vous laisser répondre et de faire en sorte que nos collègues sénateurs membres de cette commission puissent aussi s’exprimer.

M. ROQUES. - Madame la Présidente, je vous remercie. Merci de m’avoir invité pour rassembler un certain nombre de conclusions du rapport sur la dangerosité des drogues qui m’avait été demandé par le secrétariat d’Etat à la santé.

Je vous rappelle le but de la mission qui m’a été confiée. Le secrétaire d’Etat à la santé nous avait demandé d’effectuer une analyse scientifique visant à comparer la dangerosité, en particulier sur le cerveau, des différents produits toxiques et psychotropes, y compris l’alcool et le tabac. Vous remarquerez que le terme "comparer" implique évidemment une mise en comparaison de l’ensemble de ces composés, ce que nous verrons à la fin de cet exposé.

Par ailleurs, il nous avait demandé de faire des propositions sur les principaux axes de recherche qui devraient être développés et qui pourraient concerner le programme hospitalier de recherche clinique et les traitements.

J’avais réuni autour de moi un certain nombre de collègues, et vous pouvez remarquer que les noms qui sont soulignés correspondent à des praticiens hospitaliers qui sont en prise directe avec des toxicomanes, à la fois pour les suivre et pour les soigner. Il y avait évidemment aussi beaucoup de neurobiologistes, et nous avons également bénéficié d’un grand nombre de consultations extérieures, avec des personnalités éminentes comme le professeur Kreek aux Etats-Unis, le docteur A. Minno en Suisse et beaucoup d’autres.

J’insiste sur le fait que la mission ne comportait aucune implication d’ordre législatif et que nous n’avions aucune idée, au départ, du devenir ou des résultats de ce travail.

La première chose que je tiens à dire, c’est qu’il faut démystifier, comme nous avons essayé de le faire, le côté mystérieux de l’action des drogues, qu’il vaut mieux appeler "psychotropes" et que l’on appelle maintenant "psychotropes à risques d’abus", parce que, finalement, toutes ces substances (vous en avez la liste : héroïne, cocaïne, psychostimulants, alcool, cannabis, tabac, etc.) ne font que suractiver des systèmes qui existent naturellement dans notre cerveau et même en dehors de celui-ci.

Bien entendu, l’héroïne, pour prendre cet exemple, agit sur des récepteurs, que l’on appelle "delta", qui sont situés à la fois dans le cerveau et à la périphérie. Puisqu’il existe des récepteurs dans le cerveau, il doit exister des ligants endogènes, les fameuses morphines internes qu’on appelle enképhalines.

Je ne vais pas en faire la liste, car cela ne servirait à rien, mais insister sur le fait qu’un certain nombre de ces substances ont encore des utilisations thérapeutiques et pharmaceutiques. C’est le cas de la morphine, la cocaïne n’étant plus tellement utilisée. Je ne parlerai pas de l’utilisation du cannabis en médecine, tout d’abord parce que je n’y crois pas beaucoup et surtout parce qu’elle est tout à fait restreinte.

Il est important de noter que, puisqu’il existe des récepteurs dédiés au plaisir (il faut savoir en effet que ce qui entraîne la consommation de ces psychotropes à risques d’abus, c’est évidemment la recherche du plaisir ou un meilleur état psychologique), ces récepteurs existent dans des régions du cerveau où il ne faudrait pas du tout qu’ils soient activés. Le problème, c’est que l’abus de ces substances conduit très rapidement à une sur-stimulation de récepteurs qui sont situés par exemple au niveau du bulbe rachidien, dans lequel vous avez — c’est le cas des morphiniques — un contrôle de la respiration et du rythme cardiaque.

Par conséquent, les morts par surdose ou, comme on dit, par overdose, sont dues à un arrêt respiratoire par suractivation de ces récepteurs.

Il est du reste assez étonnant (mais heureux) que, dans le cas du cannabis et du tabac, on n’observe pas de morts, même après des doses très importantes aussi bien de cannabis que de tabac. Cela s’explique tout simplement par le fait que les récepteurs au cannabis, c’est-à-dire CB2, ne sont pas liés à des fonctions physiologiques essentielles. Par conséquent, il y a d’autres types de risques mais non pas celui-là.

Quand on parle de l’utilisation de psychotropes, il faut bien comprendre le contexte dans lequel on se situe. En effet, les contextes de consommation ne sont pas du tout les mêmes quand il s’agit d’usage, d’abus ou de dépendance.

L’usage est évidemment celui que l’on connaît pour l’alcool. Des millions et des millions de personnes consomment de l’alcool dans le monde et ne deviendront jamais des consommateurs excessifs, des "abuseurs" et donc des personnes dépendantes. Par conséquent, l’usage aboutit à l’absence de complication et à l’absence de dommages.

En revanche, on peut évidemment observer des consommations qui deviennent abusives, auquel cas cela correspond à un usage très fréquent avec des dommages somatiques et psychologiques, ce qui constitue un signal d’alarme. La personne qui consomme de manière excessive un psychotrope a probablement, sans toujours bien le savoir, des problèmes relationnels ou psychologiques et c’est à ce niveau que la médecine doit agir avant que l’on passe de l’abus à la dépendance. Je parle à cet égard de la médecine, mais il peut s’agir aussi bien d’échanges relationnels qui permettent à la personne de sortir de son contexte d’abus.

Enfin, il y a la dépendance, qu’on appelle maintenant à juste titre "addiction". Il s’agit d’un usage compulsif incontrôlé et incontrôlable, c’est-à-dire d’une perte de contrôle de sa consommation, en dépit des effets néfastes connus à la fois du consommateur pour lui-même et pour son environnement.

Il faut parler d’addiction parce qu’il existe des dépendances sans produits comme le jeu pathologique, les troubles de conduite alimentaire, les conduites sexuelles aliénantes, etc. Par conséquent, les échanges interdisciplinaires entre les gens qui travaillent sur les consommations avec ou sans produit sont extrêmement enrichissants. C’est du reste ce que disent tous les praticiens.

La dangerosité d’un composé en termes d’addiction —j’apprécie cette définition— se mesure à la fois par les efforts effectués pour se procurer le produit et par l’énergie considérable dépensée pour parvenir à l’abstinence. Les modèles animaux sont parfaitement prédictifs de ce genre de comportement chez l’homme.

Le passage de l’abus à la dépendance n’est pas identique pour tous les produits. Par exemple, si vous comparez l’héroïne, le tabac et l’alcool, vous constaterez que ces trois substances induisent des dépendances très sévères mais que les deux premières apparaissent très tôt (on devient très rapidement dépendant à l’héroïne et au tabac) alors que, dans le cas de l’alcool, la dépendance se fait plus lentement, même si elle est également très sévère.

Si tous les individus ne deviennent ni "abuseurs", ni dépendants, c’est qu’il existe une vulnérabilité particulière au risque addictif. Tous les individus ne sont pas égaux devant la transition entre abus et dépendance et il existe des facteurs de risques qui ne s’excluent pas, notamment des facteurs génétiques, comme on le sait maintenant de plus en plus. Un énorme travail est fait dans ce domaine —nous l’avons du reste recommandé dans le rapport— pour aller rechercher l’origine génétique d’un certain nombre d’affections. C’est vrai pour les familles alcooliques, par exemple, mais peut-être aussi pour le cannabis.

Il y a également des facteur émotionnels très importants. Les traumatismes de l’enfance, par exemple, sont réputés comme déclenchant, à la période de l’adolescence, un risque très grave, dix fois plus important, de toxicomanie.

On note également une comorbidité, qui plaît bien aux Anglo-Saxons et qui est sûrement vraie, chez les gens qui deviennent dépendants ou les "abuseurs", c’est-à-dire l’existence de maladies mentales ou de désordres mentaux comme des dépressions, des troubles obsessionnels compulsifs, de l’anxiété, voire des psychoses, qui entraînent évidemment le patient à une sorte d’auto-médication qui est la prise de produits.

Bien sûr, il y a également des facteurs de risques environnementaux : la désorganisation du milieu familial, les conditions socioculturelles défavorables, la perte de l’estime de soi, c’est-à-dire le fait qu’on n’a plus de chances de s’en sortir, et, bien entendu, l’accès facile aux produits, dont nous pourrons reparler à propos du cannabis.

Le recours permanent à la drogue refléterait donc une difficulté, voire une impossibilité à mettre en oeuvre une conduite ajustée aux situations rencontrées, conflictuelles ou non. Cela entraînerait une dévalorisation et une adhédonie permanente temporairement surmontée par la consommation de drogues. Je dis souvent que le psychotrope agit dans ce cas comme une sorte de "béquille hédonique chimique". Puisqu’il y a une béquille hédonique, cela veut dire qu’elle est là pour entraîner une sensation de mieux-être ou de plaisir.

Avant de passer à ce mécanisme d’action, je vous rappelle que tous les psychotropes, quels qu’ils soient, conduisent à des changements plus ou moins rapides et puissants des états de conscience et que la classification des produits était faite jusqu’ici entre les drogues ou composés illicites ou licites.

Je n’ai pas besoin de vous nommer les composés licites puisque vous les connaissez, même si la consommation est contrôlée (c’est le cas de l’alcool au volant), et vous avez la liste des produits illicites.

L’erreur a été de dire que, finalement, toutes ces drogues licites sont des composés doux alors que tous les composés illicites sont des composés durs. Ce n’est pas vrai, parce que la classification dépendait surtout de la force ou de la faiblesse de ces composés à entraîner de la dépendance. Or on sait bien que la dépendance au tabac est extrêmement forte, presque du même type que celle de l’héroïne.

Par ailleurs, il y avait une sorte de différence dans les mécanismes d’action sous-entendus : on pensait que le mécanisme d’action des composés psychotropes licites et illicites était différent. Or l’ensemble des travaux qui ont été faits depuis cinq ou six ans (cela ne fait que sept à huit ans au plus que l’on connaît vraiment la neurobiologie de l’addiction, sachant qu’on n’en connaît malheureusement que la partie émergée de l’iceberg) porte sur l’activation du système hédonique.

En effet, il existe dans le cerveau un système qui s’est pérennisé au cours du temps et de l’évolution, tout simplement parce qu’il règle des comportements essentiels à la vie (le comportement sexuel, la prise alimentaire ou la défense contre les prédateurs) et que toutes ces fonctions entraînent une sensation de plaisir. C’est pourquoi ils sont mis en oeuvre plus facilement.

Cette voie, que l’on appelle la voie mésolimbique est celle dans laquelle on a une transmission dopaminergique : la dopamine est sécrétée par un neurone qui se trouve dans l’aire tegmentale ventrale, et c’est cette dopamine qui entraîne une sensation de plaisir et de mieux-être. Mais elle entraîne bien d’autres choses, en particulier une mémorisation de l’environnement dans lequel la sensation de plaisir a été subie et, souvent, dans le cadre des personnes dépendantes, une exacerbation de la sensation de plaisir. Le vrai problème, c’est qu’actuellement, on ne connaît pas les raisons de cette mise en mémoire ni de la rémanence de l’effet de ces drogues, qui conduit aux rechutes après l’abstinence.

Autre aspect intéressant : les psychotropes comme la cocaïne et l’ecstasy agissent au niveau de la synapse et entraînent moins de dépendance que ceux qui agissent au niveau du corps neuronal, ce qui est également vrai pour l’alcool, le cannabis et la nicotine.

Depuis moins de quatre ans, grâce à des expériences sur des souris transgéniques, on a pu montrer que non seulement ces composés agissaient directement sur le neurone dopaminergique mais qu’ils activaient un système qui, pour nous, est essentiel : le système opioïde dont je parlais tous à l’heure. C’est pourquoi on considère souvent le système opioïde, dans le laboratoire, comme un "pacemaker" hédonique, une sorte de bouffée permanente d’opioïdes qui règlent le fonctionnement de ce neurone dopaminergique.

Je vais vous donner deux exemples afin que vous compreniez la manière dont nous avons travaillé et dont nous sommes arrivés à nos conclusions : l’alcool, d’un côté, et le cannabis, de l’autre.

En ce qui concerne la dangerosité de l’alcool, il faut savoir que sa répartition est immédiate dans tout l’organisme, car il est miscible à l’eau en toutes proportions et entre donc librement dans tous les organes.

Bien entendu, comme pour tous les composés, il y a des effets doses. La principale caractéristique des doses faibles d’alcool, qui sont d’ailleurs tout à fait tolérables, c’est qu’elles ont un effet désinhibiteur et euphorisant. C’est ce qu’on cherche quand on boit un peu d’alcool. Ensuite, on observe un effet excitant, puis un effet sédatif, une perte de vigilance, et plus on augmente la quantité d’alcool ingéré, plus il y aura de troubles : troubles de l’équilibre, état confusionnel, délire, coma et, malheureusement parfois, décès.

L’alcool, comme je l’ai déjà dit, a un fort pouvoir addictif et un sevrage très sévère : le delirium tremens.

Nous avons classé les produits selon trois paramètres :

 dangerosité pour le système nerveux central,

 dangerosité individuelle/toxicité générale,

 dangerosité interindividuelle.

Si on examine ces trois paramètres, dont la somme apparaîtra à la fin du rapport sur la dangerosité des drogues, on s’aperçoit que la dangerosité de l’alcool pour le système nerveux central est bien connue, puisqu’elle est à la fois lésionnelle et comportementale.

Sur le plan lésionnel, on connaît les encéphalopathies. L’abus d’alcool conduit à des neuropathies périphériques, des syndromes cérébelleux et des troubles cognitifs très fréquents.

Sur le transparent que je vous projette, vous voyez l’image du cerveau d’un patient qui n’est pas un grand alcoolique mais qui abuse simplement de l’alcool. Vous voyez que, bien que n’étant pas réellement alcoolique, il a déjà un certain nombre de problèmes que l’on décèle à l’aide du marqueur de la circulation dans le cerveau par rapport au témoin. Il n’a pas de troubles qui arrivent parfois chez les alcooliques, c’est-à-dire des modifications de la structure cérébrale plus ou moins réversibles, mais il a déjà, au niveau du cortex frontal, une diminution de la circulation et du fonctionnement neuronal.

J’en viens à la dangerosité individuelle, qui est en fait la toxicité générale : la toxicité pour le système cardio-vasculaire et le système hépatique, les cancers de la bouche et de l’oesophage, etc. On note également, dans le cadre de l’alcool, des effets sur le foetus qui sont très importants. Enfin, je n’ai pas besoin de vous dire que l’on compte 40 000 décès par an en France du fait de l’alcool. Tout le monde le sait, mais peut-être ne le savait-on pas suffisamment bien. Il n’était donc pas inutile de le rappeler.

Il me reste à parler de la dangerosité interindividuelle, qui est importante pour l’alcool.

Mme la Présidente. - Je suis désolée, monsieur le Professeur, mais le rapporteur ayant un certain nombre de questions à vous poser, de même que nos collègues, je vous demanderai de condenser votre propos.

M. ROQUES. - J’en ai presque terminé. Je ne vais pas reprendre tous ces éléments sur la dangerosité interindividuelle du fait de l’alcool, que tout le monde connaît : la violence, l’agressivité, etc.

Avant de vous parler de la dangerosité du cannabis, je vais dire un mot de l’ecstasy. Evidemment, ce produit a des quantités d’effets secondaires tout à fait nocifs, mais le vrai problème avec l’ecstasy, c’est qu’on n’est toujours pas sûr qu’il provoquera à long terme une destruction irréversible des neurones et, par conséquent, qu’il pourra engendrer des maladies irréversibles comme la maladie de Parkinson.

A ce sujet, le dernier travail qui a été publié dans Science par Ricaurte est assez inquiétant, même s’il a utilisé un certain nombre de biais en administrant l’ecstasy par voie sous-cutanée alors que ce produit se prend par la bouche, comme vous le savez. Evidemment, il a peut-être chargé un peu son étude, mais ce qui m’impressionne le plus, c’est le marquage des neurones à l’argent, qui est la seule vraie méthode pour déceler les pertes neuronales. Incontestablement, on observe une perte neuronale.

Maintenant, il faut savoir que, dans des conditions d’absorption normales, la bio-disponibilité du MDMA est très faible. Combien faut-il de milligrammes pour qu’un homme de 70 kilos atteigne ce niveau ? Je n’en sais rien, mais en tout cas, il ne vaut mieux pas qu’il l’atteigne.

Pour finir, je parlerai en quelques mots des conclusions du rapport sur la dangerosité des drogues et les répercussions qu’il a pu avoir.

Tout d’abord, je pense que les gens ont rarement lu le rapport, car, s’ils l’avaient fait, ils auraient vu que, dans les dernières pages, figure cette phrase, qui a été heureusement reprise par un certain nombre de médias : "En conclusion, aucune de ces substances n’est complètement dépourvue de danger. Toutes sont hédoniques, le tabac à un degré nettement moins important, toutes activent le système dopaminergique, toutes sont susceptibles d’entraîner des effets plus ou moins accentués de dépendance psychique."

Néanmoins, si on prend les trois critères, on peut faire un classement en trois groupes de dangerosités cumulées et on s’aperçoit que l’alcool se trouve dans le premier groupe et que le cannabis est plutôt en retrait, dans le troisième. Les choses peuvent toujours changer, parce que la science avance et fait évoluer les choses, ce qui est parfaitement normal, mais au moment où nous avons fait ce rapport, c’est réellement ce qu’il apparaissait de nos travaux.

Si vous lisez le rapport, vous verrez que nous avons fait un très grand nombre de recommandations, dont certaines ont été prises en compte, tout d’abord par la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), qui a introduit l’alcool dans ses missions, ce qui n’était pas le cas auparavant, et les organismes de recherche se sont réveillés en se disant que la toxicomanie était un problème. C’est ainsi que le CNRS a affiché des postes qui ne s’étaient jamais vus et que l’INSERM a lancé des programmes nationaux et internationaux, en particulier avec nos collègues hollandais.

Quand vous interrogez des spécialistes d’addictologie, ils vous disent qu’ils sont très contents que tous les spécialistes des toxicomanies avec ou sans produit soient maintenant réunis sous le vocable de "spécialistes d’addictologie". En effet, comme je l’ai dit tout à l’heure, l’interdisciplinarité est extrêmement importante, comme dans beaucoup de sciences.

Il convient aussi de noter la rédaction par la MILDT, dans le cadre de sa politique de prévention, des petits fasciculesintitulés : "En savoir plus pour risquer moins".

Mais ce dont nous sommes les plus fiers, c’est la conclusion. Alors que nous nous sommes promenés beaucoup en Europe (je suis allé souvent à Bruxelles pour discuter avec des responsables des problèmes de toxicomanie), je pense que nous ne sommes pas complètement étrangers au fait que, pour la première fois, le terme "addiction" a été inscrit au sixième PCRD, ce qui permet de débloquer des sommes absolument considérables. Des actions extrêmement importantes vont ainsi être menées en Europe à ce titre et j’espère que la France y participera.

J’ai gardé pour terminer ce texte en anglais que je vous lis : "European approch is needed to adress the mecanism of drug addiction, including nicotine and alcool, to develop new traitement’s strategy", sachant qu’évidemment, beaucoup de choses ont trait à la protéomique et à la génomique.

J’en ai terminé et je vous prie de m’excuser d’avoir été un peu long.

Mme la Présidente. - Monsieur le Professeur, c’est un sujet qui mérite beaucoup d’explications, en tout cas pour nous, et nous vous avons écouté avec attention. Je donne très volontiers la parole à M. le Rapporteur pour qu’il pose ses questions.

M. Bernard PLASAIT, Rapporteur. - Merci beaucoup, monsieur le Professeur. Je vais beaucoup insister sur un point, celui du cannabis, parce que l’une des préoccupations de notre commission d’enquête est de connaître la réalité, avec toutes ses conséquences sur l’individu et sur la société, de la consommation des drogues, dans lesquelles on peut en effet mettre l’alcool, le tabac, le cannabis, l’héroïne, etc., c’est-à-dire que nous n’avons pas unedéfinition limitative de cette notion.

Or les partisans de la banalisation, voire de la dépénalisation ou de la légalisation du "hash" se sont beaucoup appuyés sur votre rapport en en tirant la conclusion que —je le cite parce que c’est une phrase que j’ai trouvée dans un journal— "le cannabis est moins dangereux que les autres drogues, y compris l’alcool et le tabac".

Cela a permis par exemple à un grand quotidien du matin de titrer à la une -cela a même fait l’objet d’un numéro spécial- "Le hash : acquitté", ce qui a évidemment des conséquences très importantes sur la perception qu’ont les lecteurs de ce journal de la réalité que représente la dangerosité de cette drogue en particulier.

J’insiste donc sur cette question parce que je voudrais que vous me disiez si c’est vraiment ce que conclut votre rapport (vous avez en partie commencé à répondre) et que vous nous fassiez le point des effets avérés du cannabis, notamment à la lumière d’expériences, d’études et d’analyses qui auraient pu être faites depuis la publication de votre rapport.

M. ROQUES. - Je réponds tout d’abord sur cette notion de banalisation. Bien entendu, il n’était absolument pas question, dans notre esprit, de banaliser quoi que ce soit, ni le cannabis, ni autre chose. Malheureusement, la banalisation n’avait pas besoin de nous parce qu’elle existe réellement. La quantité de cannabis qui est consommée est absolument considérable et on peut se poser bien des questions à ce sujet auxquelles ce n’est pas à moi de répondre. Je vous ai envoyé un texte qui indique bien à la fin le rôle des scientifiques et celui des politiques.

Le rôle des scientifiques est d’informer. Ce rapport sur la dangerosité des drogues indique que, lorsqu’on cumule la dangerosité pour le système nerveux central, la dangerosité générale et la dangerosité interindividuelle, on est obligé de se rendre compte que l’alcool, au total, in fine, est finalement plus dangereux que le cannabis, mais cela ne veut pas dire du tout qu’il faut fumer du cannabis. Cela n’a rien à voir. Si les gens n’ont pas lu le rapport et l’ont pris en oubliant la phrase que j’ai citée tout à l’heure, ce n’est pas de notre fait.

J’ai fait évidemment beaucoup de conférences, je suis passé dans les médias, comme vous pouvez l’imaginez, et je tiens à préciser qu’à chaque fois, j’ai dit que j’étais contre la dépénalisation car je pense, comme je l’ai écrit dans le texte que je vous ai donné, que le problème de la dépénalisation du cannabis ne peut être examiné qu’au niveau européen.

Je souhaite qu’il le soit, du reste, dans les trois ou quatre ans qui viennent, car il est très dangereux qu’il existe de telles discordances entre la manière dont le cannabis est vu dans les différents pays de ce qu’on appelait la communauté européenne.

Du reste, s’il y avait une analyse de cette nature, on pourrait probablement se poser des questions sur la manière dont le cannabis entre dans la communauté européenne et sur les éventuelles actions que l’on pourrait mener pour diminuer cette entrée du cannabis, notamment quand on sait que 80 % des quantités de cannabis qui entrent dans la communauté européenne viennent du Maghreb, en particulier du Maroc.

Je réponds maintenant plus directement à vos questions sur la dangerosité du cannabis.

Tout d’abord, je tiens à vous dire que, dans notre laboratoire, nous travaillons beaucoup sur le cannabis, et tout le monde sait que nous avons fait quelques découvertes importantes à ce sujet. En particulier, nous avons fait, avec nos collègues belges, la première souris "knock-out", comme on dit, du récepteur CB1, c’est-à-dire du récepteur central au cannabis, ainsi que beaucoup d’autres expériences.

Mon sentiment est le suivant. Tout d’abord, il faut dire que le cannabis et son principe actif le plus important, le tétrahydrocannabinol agissent pour l’instant avec deux récepteurs mais qu’il existe sûrement d’autres récepteurs au cannabis qui sont encore inconnus. Il y a donc là une inconnue qui n’est pas encore levée.

Ensuite, parmi tous les composés dont j’ai parlé, les cannabinoïdes endogènes, c’est-à-dire les substances qui agissent naturellement sur les récepteurs au cannabis, les plus importants et les plus intéressants, sont mal connus, dans la mesure où on sait très mal comment ils sont à la fois synthétisés, détruits -c’est-à-dire comment s’effectue leur fin de vie (même si on sait qu’ils obéissent à un système enzymatique)- et libérés. Il y a donc là des inconnues très importantes à lever avant d’avoir une vue parfaitement claire du système cannabinoïde interne.

C’est la raison pour laquelle il y a des débats très importants actuellement sur les relations potentielles entre schizophrénie et cannabis, dont je peux vous dire un mot si cela vous intéresse.

On rapporte toujours l’étude des 50 000 conscrits suédois qui ont été analysés dans un premier temps au bout de quinze ans et qui, cette analyse ayant des biais manifestes (ce que les auteurs reconnaissaient volontiers), ont fait l’objet d’une deuxième analyse après vingt-cinq ans, étude qui vient d’être publiée dans le British Journal of Medicine et qui offre donc un recul considérable.

On s’aperçoit qu’effectivement, les jeunes qui, avant leur service militaire, c’est-à-dire avant d’être en conscription, avaient consommé des quantités importantes de cannabis — j’insiste sur l’importance de leur consommation — semblent avoir un risque plus important de déclenchement de schizophrénies. Le vrai problème est donc de savoir s’il y a une relation causale entre le cannabis et la schizophrénie. Sur ce point, il faut bien dire qu’il n’y a pas de réponse.

Si vous avez lu le British Journal of Medicine, vous aurez remarqué que les éditeurs eux-mêmes faisaient un certain nombre de remarques et que, dans le courrier extrêmement important qu’a reçu ensuite ce journal, aucun des contradicteurs n’était en accord avec la relation de causalité.

Cela dit, j’ai tout de même l’impression qu’il existe éventuellement une comorbidité arrivant incidentellement, au même moment de développement de l’individu. Cela veut simplement dire que le déclenchement ou le début de la schizophrénie pourrait être cumulé avec une vulnérabilité particulière à la prise de cannabis. Cela n’est pas sans intérêt, et je trouve donc cela extrêmement intéressant. J’ai d’ailleurs d’autres hypothèses que celle des auteurs, comme je le dirai dans quelques jours. En effet, nous avons depuis très longtemps une batterie d’antagonistes du récepteur CB1 et je suis étonné qu’ils n’aient pas été utilisés dans cette affection qui, comme vous le savez, est très importante.

J’attends donc avec beaucoup d’espoir que l’on puisse démontrer qu’il y a une relation quelconque non pas causale —tout le monde est d’accord sur ce point—, mais sous l’angle d’une certaine désorganisation du système cannabinoïde endogène qui coïnciderait avec le démarrage du syndrome psychotique.

Cependant, lorsqu’on regarde bien les résultats de cette étude, on est frappé de constater que les auteurs disent qu’on a 30 %, ce qui est énorme (une autre étude parle même de 50 %), de malchances de devenir schizophrène si on prend des quantités importantes de cannabis avant l’âge de 18 ans. Cela pose un problème que tout le monde a relevé : compte tenu de l’énorme consommation de cannabis, il est évident que l’on devrait voir un nombre beaucoup plus important de schizophrènes dans les hôpitaux alors que c’est l’inverse qui se produit. Le nombre de schizophrénies est d’environ 1 % et il y a une répartition parfaitement homogène dans toutes les populations du monde, tout simplement parce que c’est une maladie à connotation génétique très importante. C’est donc un premier biais important.

Le deuxième, qui est au moins aussi important, c’est que lorsqu’on considère les pays dans lesquels, pour des raisons culturelles, le cannabis est consommé tous les jours, depuis la plus tendre enfance, par rapport à ceux où, pour d’autres raisons culturelles, il n’est jamais consommé, la proportion de schizophrènes est strictement la même, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de différence entre les deux

Ce sont deux arguments qui sont évidemment très forts.

M. PLASAIT. - J’en reviens à la question qui me préoccupe et que je vais formuler différemment. Alors que vous avez parlé tout à l’heure de "drogues douces" et de "drogues dures", une notion figurant sur votre tableau, je m’interroge sur la pertinence de cette distinction. Ce qui est commun à toutes les drogues n’est-il pas, finalement, plus important que ce qui les différencie ?

Cela me conduit à vous interroger aussi sur la pertinence de la notion de dangerosité comparée des différentes drogues. Par exemple, ne peut-on pas dire que les effets des différentes drogues, en prenant par exemple le hash et le tabac, n’apparaissent pas au même moment et n’ont pas les mêmes conséquences pour les mêmes personnes, sachant que, dans un cas, ce serait pour celui qui consomme et, dans l’autre, pour celui qui est victime des effets de la drogue ? Je pense par exemple à la conduite au volant ou aux gens qui ont un métier dans lequel ils tiennent entre leurs mains la situation des autres.

M. ROQUES. - Vous avez raison. Tout d’abord, je vous remercie d’avoir abondé dans mon sens en disant qu’effectivement, la notion de drogues dures et de drogues douces n’a plus de sens, à la fois sur le plan neurobiologique et même sur le plan général, puisque, comme vous le dites très justement, comparer le hash et le tabac est évidemment difficile parce que les pratiques de consommation et les effets finaux ne sont pas comparables.

Nous avions à faire un travail de comparaison et c’est ce que nous avons fait, sans aller au-delà, sachant que cet "au-delà" n’est plus de notre registre mais du registre du politique. C’est à lui de prendre les mesures qui lui semblent les plus appropriées en termes de santé publique et matière sociétale pour faire en sorte qu’il n’y ait pas trop de risques pour les personnes et pour l’environnement.

Malheureusement, cela n’est pas de mon ressort et je n’ai pas d’idées préconçues sur ce qu’il faut faire ou ne pas faire, en dehors de ce que je vous ai dit tout à l’heure à propos du cannabis, sur lequel je crois qu’il est vraiment important que, dans les trois ou quatre ans qui viennent, on sache vraiment où on en est en Europe.

M. PLASAIT. - De façon très directe et très précise, lorsqu’un jeune vous pose la question suivante : "puis-je fumer un joint sans danger ?", que lui répondez-vous ?

M. ROQUES. - Je lui dis qu’il vaut mieux qu’il ne fume pas de joint. C’est du reste ce que j’ai dit face aux médias. Je lui dis aussi qu’il n’est pas bon qu’il soit polytoxicomane. S’il peut se passer de prendre un joint, c’est mieux.

Le vrai problème —il ne faut pas être hypocrite—, c’est que la jeunesse, comme vous le savez, a besoin d’interdits et a besoin de les surmonter. Actuellement, la mode, si je puis dire, c’est le cannabis. Cela dit, je ne suis pas sûr que ce sera encore le cas dans vingt ans : je crains que l’on parle plus alors des drogues de synthèse, ce qui, à mon avis, ne serait pas un progrès.

La question est de savoir (c’est aussi un problème à la fois sociétal et politique) s’il vaut mieux interdire toutes les drogues en sachant que, de toute façon, on n’y arrivera sûrement pas et que, même si on pourra prendre des décisions (nous avons là une discussion qui déborde un peu la mission qui m’est donnée, mais comme vous me demandez un avis personnel, je vous réponds), il sera toujours difficile, pour des quantités de raisons géopolitiques que vous connaissez, de faire en sorte qu’il n’y ait aucune entrée de drogue dans aucun pays, tout simplement parce qu’il y a une demande et une offre.

Par conséquent, limitons les dégâts. Ce n’est pas moi qui vais conseiller à un jeune de fumer du cannabis, évidemment, mais je ne vais pas non plus le mettre en prison, et je pense que le ministre ne le fera pas non plus, s’il fume un joint ou deux dans la semaine. C’est bien cela qu’il faut prendre en compte.

Mme la Présidente. - Merci, monsieur le Professeur. Je donne maintenant la parole à mes collègues, et je vous demanderai de répondre aux questions de façon globale.

M. MAHEAS. - Monsieur le professeur, vous avez bien cadré l’effet des drogues illicites et des drogues licites et j’aimerais que vous nous donniez votre avis sur le point suivant.

Je suis dans une ville dans laquelle se trouvent deux très gros hôpitaux psychiatriques où la camisole de force a été remplacée, en quelque sorte, par la camisole chimique et donc par l’utilisation manifeste de drogues qui permettent quand même à ces personnes de vivre de façon plus convenable et de n’être dangereux ni pour elles-mêmes, ni pour la société, ce qui est quand même positif.

Puisque vous êtes pharmacien d’origine, la question que je vous poserai est la suivante : tout compte fait, dans les traitements médicamenteux, quand il y a dépendance, comment sort-on de cette dépendance suivant les médicaments ?

M. BARBIER. - Ne pensez-vous pas qu’actuellement, la recherche a trop tendance à se focaliser sur un produit alors que l’on trouve très peu d’études sur les associations et les potentialités de plusieurs drogues, qu’elles soient licites ou illicites, l’une par rapport à l’autre ? Il semble que, dans beaucoup de cas, l’usage multiple soit le plus souvent à l’origine de troubles neurologiques ou de troubles du comportement des individus. La science avance-t-elle un peu dans ce domaine ?

M. ROQUES. - Je réponds à la première question, qui est importante. Le rêve, bien sûr, est de sortir de la dépendance, contrairement à ce que l’on fait actuellement puisqu’on choisit plutôt la substitution, en particulier dans le cas de l’héroïne.

Certes, des progrès sont en train de se faire, mais je ne suis pas sûr qu’ils soient complètement orientés sur le véritable problème qui est la mise en mémoire, exacerbée du reste, de la sensation de plaisir qui est associée à la prise de drogues. C’est le vrai problème. Malheureusement —et c’est là qu’il faudrait agir—, nous n’en savons pas encore assez, et c’est la raison pour laquelle il est très important d’aller déchiffrer les différences au niveau génomique et protéomique, comme on dit.

C’est ce que nous faisons dans notre laboratoire, en examinant un rat qui est traité à l’héroïne par rapport à un rat qui ne l’est pas. On va chercher son hippocampe, regarder, à la fois en génomique et en protéomique, la différence qui existe en matière d’expression des gènes, par exemple. Tant qu’on ne saura pas réellement —cela risque de prendre du temps— ce qui conduit à cette rémanence de l’effet des drogues qui conduit aux rechutes, on sera condamné à prendre des mesures beaucoup moins satisfaisantes.

Cela dit, je rejoins votre interrogation et j’ai bien compris votre message à propos de la maladie mentale. Je pense en effet que le traitement de la maladie mentale a fait d’énormes progrès. En tant qu’interne dans un hôpital psychiatrique, j’ai connu la maladie mentale avec les drames épouvantables que cela représentait et ce que c’est devenu. Personne ne peut contester que les traitements de substitution ont fait diminuer le sida, les overdoses et également la délinquance. Pour autant, il n’est pas très satisfaisant de remplacer un opioïde par un autre, mais, comme je viens de le dire, il n’y a pas d’autre possibilité pour l’instant.

Autre point très intéressant qui concerne le cannabis : comme je l’ai dit, même aux Etats-Unis, on ne s’intéresse pas vraiment au traitement médicamenteux de la toxicomanie au cannabis parce que, pour arriver à avoir des grands effets toxiques du cannabis —et ils existent—, il faut vraiment en prendre beaucoup. En outre, il faut se méfier des statistiques qui disent qu’un jeune sur deux prend du cannabis, en oubliant de dire que c’est une statistique qui est faite sur une vie, c’est-à-dire que s’il en a pris une fois, il est compté également.

Par ailleurs, quand vous considérez la courbe consommation/vie, qui est à mon avis extrêmement importante, vous constatez que ce n’est pas du tout la même chose pour l’alcool, le tabac et le cannabis. Le cannabis monte à 18 ans et redescend ensuite, sachant qu’à 30 ans, même s’il reste quelques individus qui continuent à cultiver du chanvre sur leur balcon, cela reste très rare. Cela prouve d’ailleurs que l’addiction est moins importante.

Ce n’est pas du tout le cas de l’alcool qui, lui, augmente encore plus dans les âges plus élevés.

Quant au tabac, on peut dire que les campagnes ont réussi, parce que, si vous considérez les dernières années, vous constatez que chez les gens âgés, à partir de 55 à 60 ans, il commence à y avoir une baisse. Cela permet donc d’avoir un certain espoir. Cela prouve qu’une bonne campagne de prévention peut fonctionner. Encore faut-il faire attention à ne pas délivrer des messages qui n’ont pas beaucoup de sens, en particulier auprès des jeunes qui ne les croient pas, ce qui est contre-productif.

Je vais répondre à la deuxième question en vous parlant de l’alcool. Actuellement, un très grand nombre d’industries pharmaceutiques, et non pas des moindres, s’intéressent au problème de l’alcool parce qu’elles ont bien compris que si elles arrivaient à mettre sur le marché des composés qui permettent soit de diminuer la consommation d’alcool, soit d’obtenir moins de rechutes et de sortir les alcooliques de leur dépendance, ce serait un progrès absolument considérable, d’autant plus qu’il s’agit d’un marché important.

Quant aux autres composés, je pense que, pour l’instant, peu de choses sont faites. Pour en revenir à ce que je disais au début, je pense que le vrai problème est reporté aux dix ans qui viennent. En effet, un tel effort est fait dans ce domaine, en particulier en termes de génomique, que l’on a des chances de pouvoir trouver une chose dont il faut bien comprendre l’objet. Le fait qu’une personne soit abusive puis dépendante signifie qu’elle a des problèmes psychologiques qu’elle doit dominer avec une sensation de plaisir qui continue à exister. Si on lui enlève sa sensation de plaisir, elle va retomber dans la toxicomanie. Par conséquent, il faut trouver une chose non toxicomanogène mais suffisamment plaisante pour que la personne ne retourne pas à la drogue d’origine.

J’en viens aux associations. Mon rêve serait de travailler sur les associations, mais c’est un travail gigantesque. En effet, quand vous associez deux produits, on peut bien entendu en voir l’effet direct, mais il est très difficile de déterminer la manière dont l’un potentialise l’autre parce qu’il faut faire une série d’expériences comportementales très lourdes et des expériences de neurochimie en faisant varier la concentration de l’un par rapport à l’autre et de l’autre par rapport au premier.

C’est la raison pour laquelle je pense que la génomique et la protéomique, qui sont maintenant complètement robotisées, peuvent nous conduire à des réponse intéressantes et rapide. Dans ce cas, on va effectivement faire varier la proportion des deux drogues, mais, ensuite, on va aller chercher des organes essentiels et, très rapidement, par robotisation, on va aller voir les gènes qui montent ou qui descendent en fonction de ces associations.

Là encore, il reste beaucoup de travail, mais l’espoir est non négligeable.

Mme la Présidente. - Monsieur le Professeur, nous vous remercions infiniment de nous avoir donné toutes ces informations passionnantes. Merci également d’avoir répondu à nos questions.


Source : Sénat français