(extrait du procès-verbal de la séance du mardi 6 février 2001)

Présidence de M. Bernard Cazeneuve, Président,
puis de M. Charles Cova, Vice-président

M. Bernard Cazeneuve, Président : Nous accueillons M. Laurent Attar-Bayrou, Président de la Fédération Nationale des Anciens des Missions Extérieures (F.N.A.M.E.). Cette organisation, dont le siège est à Lyon, regroupe 6 000 adhérents. Elle a été créée au milieu des années 1980.

La vocation de votre association, Monsieur le Président, est de rassembler des anciens militaires ayant participé à des opérations extérieures, c’est pourquoi on trouve notamment parmi ses membres fondateurs des anciens casques bleus français au Liban.

Vous êtes accompagné de MM. Christophe Frederitzi et Valéry Deschamps, qui sont deux membres du Conseil d’Administration de votre association.

Vous allez nous indiquer ce qui caractérise les positions de votre organisation par rapport à celles d’autres associations d’Anciens combattants.

Plus précisément, pour les membres de la mission d’information, il importe de savoir comment votre organisation accueille et recense les éventuelles difficultés de santé ou les problèmes à caractère social que rencontrent un certain nombre de vos membres ayant été engagés dans le conflit du Golfe, mais également dans les conflits des Balkans, puisque désormais notre mission a étendu son champ d’investigation à ces opérations.

Dans l’hypothèse où votre organisation aurait noué des relations avec des homologues étrangers, il nous paraîtrait utile que vous puissiez, M. le Président, nous présenter les éventuelles conclusions que vous auriez pu tirer au terme de ces contacts internationaux.

Je vous propose de procéder comme à l’accoutumée, c’est-à-dire que nous vous donnions la parole pour un exposé introductif, au terme duquel les membres de la mission et les co-rapporteurs vous poseront les questions utiles à l’élaboration de notre rapport.

M. Laurent Attar-Bayrou : M. le Président, Madame et Messieurs les députés, c’est avec une joie non dissimulée que nous intervenons auprès de vous, non seulement parce que vous êtes des représentants élus de la France, mais aussi parce que vous nous avez envoyés en missions extérieures. Le Golfe, certes, est une opération lointaine, mais nous avons encore des éléments français au Kosovo, des éléments en Afrique et peut-être qu’à la suite d’autres conflits à naître, nous aurons d’autres militaires français engagés sur des théâtres extérieurs.

Je vous ai apporté un petit dossier sur notre Fédération. Notre intervention y figure, puisque dans le cadre d’un Conseil d’Administration qui s’est tenu le 3 février dernier, nous avons redéfini la position de notre association.

Notre Conseil d’Administration est composé de 15 membres depuis 1985. Notre principal but est la défense des intérêts des militaires français engagés en opérations extérieures et des anciens militaires.

M. le Président, Madame et Messieurs les députés, je le répète, c’est avec joie que nous répondons à votre demande concernant cette audition sur le problème qu’ont rencontré, ou que rencontrent, les militaires français envoyés en missions extérieures dans le cadre des engagements internationaux de la France.

En effet, les 250 000 personnels français qui ont servi les nobles principes de la paix et de la démocratie, qui sont les fondements de notre nation, ces hommes et femmes, ont été des ambassadeurs. Ils ont répondu « présent » à l’appel de la France et de ses responsables politiques.

Notre Fédération est apolitique. Elle est régie par la loi de 1901 et regroupe en son sein, depuis 1985, les militaires français, appelés ou engagés, ayant effectué des missions extérieures. Si le Golfe et la Yougoslavie mobilisent une partie importante de nos effectifs, n’oublions pas pour autant ceux qui ont accompli leur mission au Liban, au Cambodge et au Tchad, par exemple.

La Fédération Nationale des Anciens des Missions Extérieures, qui compte 6 000 adhérents, est représentative du monde militaire avec 40 % d’hommes du rang, 45 % de sous-officiers et 15 % d’officiers, dont de nombreux officiers Généraux.

La Fédération est animée par un groupe de 50 cadres répartis sur tout le territoire. Elle a pour but de permettre aux personnes ayant effectué des missions en opérations extérieures (OPEX) de :

 se regrouper pour faire connaître leurs missions, qui sont souvent mal connues dans le public ;

 venir en aide à nos camarades blessés, puisque nous avons des problèmes de reconnaissance pour nos blessures et nos maladies ;

 faciliter la réinsertion de nos compagnons en matière d’emploi, de logement, mais également au plan moral ;

 contribuer à des actions humanitaires et de paix, puisque nous avons été sensibilisés à ces causes lors de nos missions ;

 établir des relations avec nos compagnons restés en mission et leur assurer un soutien moral, ce qui est important car ils ne peuvent accomplir leur mission correctement sans avoir des sentiments humains pour les soutenir et les accompagner ;

 promouvoir l’esprit civique et les valeurs morales des Armées ;

 réfléchir dans les domaines de la défense, de la diplomatie et de la stratégie ;

 nouer des liens avec d’autres associations d’Anciens combattants au niveau national comme international ;

 établir des échanges entre une armée de professionnels, les réserves et les associations patriotiques.

En 1993, nous avons obtenu la création de l’article 253 ter du Code des pensions militaires d’invalidité qui octroie la qualité de combattant à tous les anciens des missions extérieures. Jusqu’alors, nous n’avions aucune existence reconnue après nos missions. Cette réforme nous a octroyé quelques droits compte tenu des sacrifices que nous avons consentis pour la nation.

Notre combat est placé sous le signe de voir aboutir les demandes et les souhaits de nos adhérents sur le plan législatif, en l’occurrence pour les blessures et les pensions, l’attribution d’un fonds de solidarité pour les chômeurs des anciens des missions extérieures et le rappel de solde de 1978 à 1983.

Je rappelle en effet qu’entre 1978 et 1983, les militaires ont été privés de la moitié de leur solde dans un dédain complet. On a violé la Constitution puisqu’on a divisé arbitrairement ces soldes de moitié. Actuellement, on nous oppose la prescription quadriennale. Ainsi 4 milliards de francs n’ont pas été versés aux militaires français qui ont été engagés en missions extérieures.

Nos autres revendications sont :

 l’attribution de la carte du combattant pour tous les anciens des missions extérieures ;

 la suppression de la notion d’action de feu, puisque l’on nous impose les mêmes règles que pour la guerre d’Algérie, alors que la nature des conflits auxquels nous avons participé n’est pas la même ;

 l’attribution du Titre de reconnaissance de la Nation pour Djibouti et Beyrouth, qui constituent bien pour nous des missions extérieures ;

 l’attribution de la médaille libanaise « Wissam Al Salam » dont je pourrai vous parler mais ce n’est pas l’un des points les plus importants ;

 la publication de la liste des unités combattantes ;

 l’ouverture des écoles professionnelles de l’Office national des Anciens combattants (ONAC) aux jeunes combattants et la reconnaissance d’une priorité à l’embauche car ces jeunes anciens combattants ont parfois envie de se reconvertir ; il faut leur donner les moyens de pouvoir le faire.

La Fédération est d’ailleurs présente dans 13 Conseils d’Administration des structures de l’ONAC, qui est un organisme paritaire, dirigé par les associations et par l’administration. Nous pouvons ainsi aider à défendre les intérêts et les droits de la 4ème génération du feu. Nous sommes aussi très impliqués dans la défense des droits des victimes et le souvenir de ceux qui sont tombés au champ d’honneur. Actuellement, 500 militaires français sont morts en mission et nous comptons des milliers de blessés ou malades.

Si nous prenons le Liban, nous avons essayé d’établir un comparatif statistique par rapport au nombre d’hommes engagés et la durée de leur présence sur le terrain. Nous sommes à même de constater que ce conflit a été plus meurtrier que la bataille de Monte Cassino, haut fait d’armes de la Deuxième guerre mondiale qui a marqué les mémoires. Ce ne sont que des statistiques et nous ne tenons pas à rapprocher la nature de nos engagements, ni la férocité des combats, mais les chiffres sont là.

Concernant le sujet pour lequel vous désirez nous entendre, notre Fédération conformément à ses buts et à ses devoirs a décidé au sein de son Conseil d’Administration de défendre les intérêts moraux et médicaux des personnels qui ont été envoyés par la France en missions extérieures sans se poser la question de la nature et de l’intensité de leur engagement.

Ils ont servi, jusqu’au sacrifice suprême pour certains, sans compter leur peine et en ayant en tête uniquement le rayonnement de nos idéaux ainsi que le souci de remplir à bien leur mission qui leur a été confiée par la France.

Notre Fédération, qui compte un très grand nombre d’Anciens combattants du Golfe et des Balkans, en cours de réinsertion dans la vie civile, se pose des questions sur leur devenir et sur les effets sur la santé de leur descendance. La Fédération demande notamment :

 que tous les militaires français soient rappelés pour des examens sanguins et des bilans médicaux afin qu’une étude épidémiologique soit sérieusement conduite ;

 qu’une commission d’enquête soit créée où pourraient siéger les associations représentatives des intéressés ;

 qu’ils soient indemnisés dans le cadre du code des pensions militaires d’invalidité - car il ne s’est rien inventé de nouveau à partir de ce qui existe, depuis 1815 : le guide barème des invalidités vous donne les pourcentages d’invalidité -, voire par une législation spécifique pour les personnels souffrant de maladies qui seraient les séquelles des missions effectuées ;

 que les procédures de constitution de dossiers soient accélérées. Pour une première instance, il faut deux ans avant de toucher une pension. Je rappelle que, si vous êtes invalide à 85 %, vous touchez 3 500 F c’est-à-dire moins que le RMI, tout en ayant accompli votre devoir et en ayant des problèmes de réinsertion. Il est préférable d’être accidenté du travail pour toucher largement plus ;

 que les névroses ou les syndromes traumatiques de guerre soient étendus aux missions extérieures, plus particulièrement au Golfe ou aux Balkans, en complétant le décret du 10 janvier 1992 déterminant les règles et les barèmes de classification ainsi que l’évaluation des troubles psychiatriques de guerre ;

 que soit prévue la tenue d’une Conférence internationale sur les aspects médicaux des « syndromes du Golfe et des Balkans » ;

 qu’une relation d’imputabilité au service pour les troubles dits « syndromes du Golfe et des Balkans » soit reconnue ;

 qu’il soit adopté un véritable principe de précaution ;

 qu’une réponse soit apportée aux intéressés afin d’apaiser leur légitime inquiétude.

Voici, M. le Président, Madame et Messieurs les députés, la déclaration que je souhaitais faire au nom de notre Fédération afin de traduire notre position. Nous sommes tout à fait prêts à répondre à vos questions sans détour, en toute franchise, puisque nous sommes dans le cadre d’une des plus hautes institutions de la République, que nous sommes Français et fiers de servir notre pays.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Je vous remercie beaucoup, M. le Président, pour votre déclaration liminaire et pour le respect que vous portez au Parlement, auquel nous sommes particulièrement sensibles. Cela est d’autant plus vrai que notre mission a le souhait de conduire ses investigations en posant à tous les interlocuteurs qui sont censés lui apporter des informations les questions les plus précises possibles.

Il est tout à fait normal lorsque l’on veut accéder à la vérité et à l’amélioration des dispositifs en vigueur que l’on puisse s’exprimer librement devant la Représentation nationale et répondre aux questions que se posent les parlementaires. Nous sommes donc sensibles à votre propos et heureux de vous accueillir.

Je vais donner la parole à mes collègues pour de premières questions.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : La question que se pose la mission est la suivante : quel est l’état des lieux ? Avez-vous eu des courriers, des rencontres avec des Anciens combattants qui ont relaté des problèmes liés à la guerre du Golfe puis ensuite aux opérations des Balkans ?

M. Laurent Attar-Bayrou : Nous avons eu des cas. Nous recensons toujours les personnes qui sont allées dans le Golfe. Depuis 1985, depuis la guerre du Golfe, nous nous sommes mobilisés. Dès les premiers jours de la guerre et la mise en place du dispositif, nous avions demandé en son temps à M. Jean Kahn, qui était chargé de mission auprès du Président de la République, quel était le sort juridique de ceux-ci.

Jusqu’à présent, la situation des anciens militaires qui ont servi en opérations extérieures est régie par la loi du 6 août 1955. Cette loi a été votée pour une durée précise ; elle est renouvelée au bon vouloir des décisions du Parlement et des propositions du Gouvernement.

Nous sommes toujours en phase de recherche, mais en sachant que nous avons un problème car plus de 40 000 militaires français sont passés en opérations extérieures, au moins dans ces deux conflits. Jusqu’à présent, on ne peut pas tirer réellement de conclusions sur le nombre de militaires malades ou meurtris. Il faudrait étendre sur le grand nombre, déjà pour apaiser les craintes des intéressés et que l’on puisse établir réellement les causes et les effets entre ce qui est dit ou écrit et ce dont ils souffrent.

Nous avons établi un questionnaire et journellement nous avons des contacts avec certains de nos camarades qui sont allés dans le Golfe comme dans les Balkans. Nous avons même des contacts avec les militaires français qui sont en cours de mission. C’est notre travail de fond depuis des années, puisque l’aspect psychologique et la reconversion sont très importants.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Vous n’avez pas vraiment répondu à ma question. Par rapport aux personnes qui vous ont interpellé, pouvez-vous nous donner un chiffre ?

L’association Avigolfe a envoyé un questionnaire qui lui est revenu. Ils ont identifié un certain nombre de cas. Avez-vous la même démarche ? Avez-vous effectué des recensements de personnes malades et vous ont-elles relaté des problèmes sanitaires ?

Savez-vous combien de personnes ont saisi les commissions de réforme ? Je poserai d’ailleurs des questions plus tard sur ces commissions.

En fait, disposez-vous d’un bilan dans le cadre de votre association sur les personnes susceptibles d’être malades dans le cadre des opérations du Golfe et des Balkans ?

M. Laurent Attar-Bayrou : Nous comptons environ 1 000 membres qui ont participé à ces conflits : environ 200 personnes souffrent de syndromes post traumatiques, de problèmes gastriques ou ont d’autres problèmes qui peuvent être rattachés à ce que l’on appelle « le syndrome du Golfe ».

On ne peut pas tirer de statistiques comparatives à partir de cas ou d’études puisqu’il n’y en a pas eus, par exemple, sur le Liban, comme pour d’autres conflits. On se voit mal, au sein de notre petite association, même si nous sommes très représentatifs, commencer à faire un travail qui n’est pas le nôtre. Notre travail consiste à aider les gens, et donc à demander à la Représentation nationale que tous soient rappelés, puisque c’est à elle qu’incombe le droit de rappeler tous les militaires, ce qui est une chose très facile, de leur faire subir des examens médicaux puis d’en tirer les conclusions.

Avec mes deux camarades ici présents - l’un a été en Yougoslavie et l’autre a participé aux opérations du Golfe -, nous pouvons aussi répondre à une large gamme de questions.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Pour compléter la question de Mme Rivasi sur la manière dont vous travaillez et dont vous obtenez les éléments d’information de la part des soldats qui ont été engagés dans ces conflits, quelles relations avez-vous nouées avec l’association Avigolfe ? D’ailleurs, travaillez-vous en commun afin de promouvoir les causes qui vous réuniraient ?

M. Laurent Attar-Bayrou : Mme Rivasi connaît bien notre association, puisque le 13 octobre j’ai eu l’occasion, dans son bureau, pendant une heure et demie, de lui présenter notre travail. L’association Avigolfe n’a pas réellement daigné suivre notre travail.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Cela ne nous a pas échappé.

M. Laurent Attar-Bayrou : Peut-être lui apparaît-il possible de nous faire faire une déclaration de soutien ? Mais ce n’est pas ainsi que l’on travaille.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Une déclaration de soutien à qui ?

M. Laurent Attar-Bayrou : A l’association Avigolfe.

On ne voulait pas se prêter au jeu de la représentativité et de l’antériorité, mais toute association se doit de présenter ses statuts, sa ligne directrice.

Il était intéressant pour Avigolfe que nous les soutenions pour présenter plus d’anciens du Golfe ou des Balkans à la télévision. C’est ce que les journalistes cherchent actuellement. Ils ne cherchent pas une déclaration ni réellement l’intérêt des soldats concernés, et on l’a vu dans la presse. Le débat s’est déplacé et on parle plutôt dorénavant de l’uranium appauvri. Il n’est pas de notre ressort de condamner ou de juger, puisque nous avons des autorités pour le faire.

Le Président de l’association Avigolfe, M. Hervé Desplat a participé à la guerre du Golfe. Je l’ai eu au téléphone, ainsi que Mme Christine Abelkrim-Delanne, Secrétaire générale d’Avigolfe par e-mail : ils ne souhaitent pas réellement travailler avec nous. Je réaffirme notre apolitisme total, puisque notre association représente toutes les tendances de la société française. Nos administrateurs ont d’ailleurs signé un document mentionnant qu’ils n’appartenaient pas à des partis politiques extrêmistes pour éviter certains amalgames.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Vos relations avec Avigolfe se sont donc limitées à une demande d’Avigolfe de vous voir soutenir ses thèses ?

M. Laurent Attar-Bayrou : Tout à fait.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Aucun travail de collaboration n’a été sollicité pour faire avancer les dossiers et la connaissance sur ce sujet de la part d’Avigolfe ?

M. Laurent Attar-Bayrou : Aucun.

On a même senti mais ce n’est qu’un sentiment, que l’on était écartés du système médiatique, puisque dans l’émission de France 3, « Pièces à Convictions », le journaliste qui a fait le reportage, nous a filmés pendant deux jours au siège de l’association. Nous avons vu la mention de la Fédération en fin d’émission : « nous remercions la F.N.A.M.E. », mais aucune image n’ait passée !

Depuis 1985, nous sommes pourtant concernés par ces problèmes et par tous les problèmes des anciens militaires et des Anciens combattants. Notre combat ne s’arrêtera pas là.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Vous avez été filmés pendant deux jours et il n’y a pas eu d’images ?

M. Laurent Attar-Bayrou : Il n’y a pas eu la moindre image.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Comment interprétez-vous cela ?

M. Laurent Attar-Bayrou : Nous étions peut-être trop « politiquement corrects » ou nous ne formulions pas le message que certains voulaient entendre.

Je vais être franc là-dessus. Dans cette affaire, des lobbies poussent et on se sert des militaires. S’il y a un problème, il doit être réglé. Les intéressés doivent être indemnisés et pris en charge, parce que c’est leur santé, leur vie et leur descendance qui sont en jeu. Mais, servir de faire-valoir est autre chose. Lorsque l’on est invité gratuitement pendant trois jours en Espagne pour une campagne en faveur de la levée des sanctions en Irak - on a les documents qui peuvent le prouver -, il y a un lobby qui est derrière.

S’agissant de l’uranium appauvri le dossier se focalise sur une interdiction. On n’est pas forcément contre, mais il y a des instances pour cela. Vous avez la Conférence sur le désarmement des Nations Unies qui peut très bien le faire. A chacun sa place et à chacun son combat. Tel est notre position de principe.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Je vous remercie pour ces éléments d’information qui engagent votre association.

M. Laurent Attar-Bayrou : Tout à fait.

M. Claude Lanfranca, co-rapporteur : M. le Président et MM. les Administrateurs, je voudrais tout d’abord vous faire part de ma satisfaction de voir la transparence de votre Fédération, le sens des responsabilités et l’apolitisme dont vous faites preuve.

Je suis un profane en matière de pensions militaires. Vous avez parlé de troubles psychiatriques. Sont-ils reconnus ou non, et à quel moment ? Personnellement, j’ai vu des militaires stressés qui ont été marqués par leur participation à des combats. Actuellement, où en est-on ? Que souhaitent les associations ?

Dans les recommandations, la mission d’information pourrait s’engager, du moins je le pense, à faire des propositions très fermes.

M. Laurent Attar-Bayrou : Je vous remercie de la question. C’est un problème de fond qui nous intéresse depuis longtemps. Nous essayons de pousser certaines revendications pour que nos camarades soient soignés dans les meilleures conditions.

La pension est un aspect, mais lorsque vous avez une affection psychiatrique, voire une autre affectation contractée pendant le service ou une guerre, vous pouvez vous faire soigner toute votre vie gratuitement pour ces maux. C’est important.

Si les intéressés n’avaient pas une prise en charge, ils se verraient contraints à la fin de leur service de payer des soins médicaux pour l’affection qu’ils ont contractée.

Vous avez les références du texte publié au Journal Officiel du 12 janvier 1992. Ce fut une refonte qui fixe les règles de détermination et de barème pour la classification et l’évolution des troubles psychiatriques de guerre. Après, se pose le problème suivant : étions-nous en guerre ou pas ?

Je vous rappelle que la guerre du Golfe est qualifiée d’opération de police internationale.

J’ai été blessé au Liban et je suis invalide à 95 %. Je perçois, à ce titre, 3 800 F par mois. Je dois travailler, car avec ce montant, je ne peux pas rester les bras croisés et je dois faire manger ma famille. De plus, nous sommes des pensionnés post-guerre, comme pour nos camarades qui ont fait le Golfe et les Balkans. Nous subissons donc 1 500 F de différence sur les pensions à cause de la non reconnaissance du caractère de guerre.

Pour répondre à votre question, les troubles psychiatriques sont reconnus pour les Anciens d’Afrique du Nord (AFN), mais cela n’a pas été étendu aux missions extérieures.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Merci beaucoup pour cette précision intéressante, qui nourrit une réflexion que nous prolongerons ce soir, puisque nous auditionnerons le Secrétaire d’Etat à la Défense chargé des Anciens combattants.

M. Charles Cova, Vice-président : Au cours de votre exposé, vous avez fait état de la suppression de la moitié de la solde pendant les années 1978-1983. Parlez-vous de la solde ou des avantages qui étaient attachés aux opérations extérieures, dont j’ai moi-même bénéficié à Madagascar et à Dakar, à une autre époque.

S’agit-il de la « Lamine N’Diaye » dont vous avez sûrement entendu parler pendant votre activité ?

Par ailleurs, avez-vous des relations avec l’Union Nationale des Combattants (UNC) ? Avez-vous des correspondants au ministère de la Défense ? Y êtes-vous reçus ? Votre association est-elle reconnue par le ministère de la Défense ?

J’_uvre beaucoup dans le milieu des Anciens combattants, et je suis heureux de rencontrer aujourd’hui votre association. Personnellement, je ne la connaissais pas.

Plus généralement, dans le cadre des relations Armées/nation, ne pensez-vous pas que votre organisation pourrait participer à des structures de concertation qui resteraient à créer ? Je suis en train d’essayer d’en fonder une.

Enfin, ne pensez-vous que votre association, dont vous venez de nous donner les buts, devrait s’unir aux autres pour se faire mieux entendre ?

M. Bernard Cazeneuve, Président : Le Vice-président Cova est, au sein de la Représentation nationale, l’un des parlementaires les plus spécialisés sur ces questions. Il est donc un interlocuteur de choix si vous voulez faire passer des messages.

M. Charles Cova, Vice-président : Cela n’entre pas dans le cadre de la mission d’information, mais cela est en relation avec le travail que je conduis.

M. Laurent Attar-Bayrou : Je vous remercie de la perche que vous me tendez.

Nous connaissons l’UNC comme les 173 associations nationales du monde combattant.

Pourquoi nous sommes-nous regroupés en tant que 4ème génération du feu ? Toujours le même conflit : le conflit entre générations. Le combat des uns n’est pas forcément le combat des autres. On avait des problèmes spécifiques à soulever, notamment notre population faisait aussi partie des trois millions de chômeurs. On avait des troubles spécifiques au retour de nos opérations.

Nos troubles ne sont pas forcément identiques à ceux des anciens d’AFN, puisque nous avons été une génération plus choyée, élevée dans le cocon familial. On a eu comme souci en France, lorsque l’on était appelés ou des jeunes hommes, à vivre notre vie, nos week-ends pleinement. On était presque tous volontaires et d’un seul coup on s’est retrouvé en Bosnie, au Liban et dans le Golfe où les fondements de la vie n’étaient plus les mêmes. Le retour sur soi-même est tout à fait évident. Après quatre et six mois, on rentrait chez nous. Cela a créé certains troubles ou laissé des traces plus ou moins profondes.

Au niveau du monde combattant, M. Masseret, le Secrétaire d’Etat, est la personne compétente pour ce sujet, puisqu’il est en charge des Anciens combattants, du droit de réparation, donc de l’appareillage et de la mémoire. Nous faisons moins d’actions de mémoire, car c’est récent et nous rencontrons peu de problèmes, mais nous en aurons plus dans dix ans.

Il est évident que nous nous inscrivons pleinement dans le lien Armées/nation. Nous sommes des fils de France et fiers de notre pays et de sa représentativité dans le monde. Plus nous pourrons servir notre pays, plus nous le ferons dans le cadre des institutions. Plus, nous ferons avancer l’armée de notre pays, plus nous serons heureux.

Dans le cadre des pensions - et j’ai bien connu M. Proveux, député, puisqu’en 1992 lorsque l’article 253 ter du Code des pensions nous a octroyé la carte du combattant et le titre de reconnaissance de la nation, nous avons vu une centaine de députés et le 29 décembre 1992 a été voté, en première lecture à l’Assemblée Nationale, ce texte essentiel ; je peux vous donner la composition : le Groupe Communiste a voté pour, le Groupe Socialiste aussi, le Groupe UDF s’est abstenu et le Groupe RPR aussi, sans arrières pensées politiques nullement de ma part, ce sont les faits -, on a joué notre rôle de lobby et on continue à le faire, puisque l’on réclame certains droits qui sont octroyés aux générations précédentes, et que l’on ne bénéficie pas notamment du statut « grand mutilé ».

Les Généraux ne seront peut-être pas très heureux, mais il faut rappeler qu’un homme du rang blessé à 85 % touche la pension d’un général blessé à 10 %. C’est l’une des difficultés du droit français.

Cette loi est bien particulière. Si vous mettez bout à bout mes suffixes et ma pension, je suis pensionné à 150 %, mais indemnisé à 95 %. C’est une toute autre chose !

Dans le cadre des problèmes psychologiques et psychiatriques, la frontière est difficilement décelable. Vous avez beaucoup d’hôpitaux militaires qui ont commencé à créer une consultation pour la douleur. Bon nombre d’Anciens combattants viennent consulter pour des maux de dos ou des maux de tête. En fin de compte, on s’aperçoit que c’est parce qu’ils sont allés au Tchad : ils ont fait un coup de feu et ils ont mal vécu leur mission.

Nous sommes prêts à servir, à continuer la réflexion sur le monde combattant, à contribuer à la réflexion sur l’armée, sur le moral des troupes, sur la professionnalisation ou encore sur le plan « réserve 2000 ». Sur toutes les questions de défense qui sont de notre compétence, nous pouvons apporter quelque chose.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Je vous remercie pour la grande précision de vos réponses et surtout pour les éléments que vous portez à notre connaissance et qui sont de nature à nous permettre d’avancer dans la phase des propositions que nous ne manquerons pas de présenter au terme de notre rapport.

M. Laurent Attar-Bayrou : J’ai oublié de répondre à la question la plus fondamentale sur le rappel de solde de 1978 à 1983.

Il fera peut-être un cas d’école dans quelques années. Les militaires sont des fonctionnaires : comme tous fonctionnaires, ils sont payés selon une grille salariale. Le premier décret date de 1950 ; le deuxième décret, de 1968, a été aligné pour ceux qui étaient en opérations extérieures sur le régime des Affaires étrangères.

En 1978, les militaires, qui étaient au Liban, ont vu leur solde diminuer de moitié jusqu’en 1983. Il a fallu que des officiers aillent devant le Conseil d’Etat qui a rendu un arrêt. Un de nos Administrateurs à la F.N.A.M.E., connaît particulièrement bien le sujet.

En 1983, le Ministre de la Défense, M. Charles Hernu, suite aux différents recours formulés, est revenu sur le décret de 1950, ce qui était tout à fait anticonstitutionnel, puisqu’on le cassait sans l’avis du Parlement.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Juste un point de droit, puisque vous évoquez la Constitution, l’autorisation du Parlement n’est pas nécessaire pour casser un décret qui relève du domaine réglementaire, c’est-à-dire de l’article 37 de la Constitution. Les matières dont nous avons à traiter relèvent de l’article 34. C’est peut être difficilement convenable, mais en tout cas pas anticonstitutionnel.

M. Laurent Attar-Bayrou : En 1983, le Ministre de la Défense est revenu sur le décret de 1950. C’est un fait !

Ainsi, jusqu’en 1997, les militaires ont été payés normalement comme leurs camarades du ministère des Affaires Etrangères. La loi de Finances 1997 a décidé - et il n’y a aucune voie de recours - que les militaires, au lieu d’être payés 2,5 fois leur solde de base, seraient payés 1,5 fois celle-ci seulement.

Le problème du rappel de solde entre 1978 et 1983 a été réglé, sachant que les militaires n’ont jamais pu avoir les bénéfices des 4 milliards de francs de reliquat, puisqu’on nous a imposé. J’avais vu le Ministre de la Défense de l’époque, M. Jean-Pierre Chevènement, qui nous a dit qu’il y avait une prescription quadriennale, et dans ce cadre on ne sait pas sur quel décret régler : celui de 1950 ou de 1968 ? On est partis ainsi annoncer à nos adhérents et à ceux qui avaient servi la France que l’on ne savait pas comment rembourser l’argent qu’on leur devait.

M. Jean-Louis Bernard : Vous souhaiteriez que tous les militaires qui avaient été en opérations extérieures soient rappelés pour subir des examens, notamment des examens sanguins. Quels types d’examens sanguins suggérez-vous ?

Vous avez fait l’erreur classique entre commission d’enquête et mission d’information. Il me paraît très difficile de vous associer à une commission d’enquête d’origine parlementaire. Là on a probablement un problème pédagogique et didactique à expliquer aux gens, notamment aux associations, l’intérêt d’une mission d’information, plutôt qu’une commission d’enquête dont la durée est limitée à six mois et dont le travail peut être rendu totalement impossible dès lors qu’il y a une éventuelle plainte pénale de l’une ou l’autre partie.

Je ne vais pas m’engager avec vous sur le débat et la querelle des pensions. Il ne faut pas que vous mélangiez ce qui ressort du droit commun, de l’accident de travail, de la mutualité sociale agricole ou du code des pensions militaires.

Les pensions militaires, et c’est un exemple unique au monde, parviennent à définir des taux d’incapacité supérieurs à 100 %. Or, par définition, 100 % c’est la mort. Un tétraplégique en droit commun, c’est 95 %, et on observe parfois, selon le guide des barèmes d’invalidité, des taux de 150 ou 200 %.

Est-il bien logique qu’il y ait une différence entre les différents régimes des pensions ? Ne faudrait-il pas mieux uniformiser tout cela ? Cela me paraîtrait plus logique que d’essayer de modifier encore, barème après barème, une jurisprudence qui a mis un certain temps à se produire.

Je vous signale que les névroses post-traumatiques ou tous les troubles psychiques sont prévus par le guide des barèmes d’invalidité. Il faut deux éléments : que l’invalidité soit supérieure à 10 % pour être indemnisable et qu’elle soit imputable au service.

Apprécier la difficulté - lorsque vous avez des gens qui ont des antécédents psychiatriques, neurologiques ou psychologiques, et qui se trouvent incorporés ou qui ont décompensé quelques années après : était-ce le service ou un événement interférent de la vie professionnelle ou familiale ? -, là est probablement la difficulté.

Enfin, deux dernières questions : qu’entendez-vous par respect du principe de précaution, notamment en matière de guerre ou de conflit armé ?

Vous avez parlé d’une invitation en Espagne, peut-être de la part de certains pour telle ou telle association, invitation que vous auriez vous-même refusée. Pourriez-vous nous en dire un peu plus, car ma curiosité a été un peu éveillée ?

M. Bernard Cazeneuve, Président : Vous pouvez peut-être commencer par la dernière question qui est la plus facile.

M. Laurent Attar-Bayrou : C’est le CASA, Comité pour la levée des sanctions contre l’Irak, dans la traduction espagnole, qui nous a invités.

M. Bernard Cazeneuve, Président : On ne voyait pas en effet la cohérence du sigle.

M. Laurent Attar-Bayrou : On a pris connaissance de tout ce qui existait au sujet des vétérans américains. Je tiens à préciser que, dans les années 1997, des représentants du Congrès des Etats-Unis sont venus nous auditionner. Le Congrès a mandaté une ONG pour nous écouter sur ce sujet. On parle depuis dix ans de la guerre du Golfe et de ses problèmes.

Nous avons été invités en Espagne, et nous n’avons pas souhaité nous y rendre, puisque la clarté n’était pas faite sur les buts de la réunion. La levée des sanctions sur l’Irak n’est pas notre problème, mais celui des Nations Unies et des quelques 185 Etats qui y sont représentés. De plus, il n’y avait pas assez de lisibilité sur ce que l’on allait y faire, c’est pourquoi nous n’avons pas réellement donné suite.

Lorsque la mariée est trop belle.... Nous voulons bien visiter l’Espagne mais lorsqu’on vous paie le séjour plus l’avion sans vous indiquer réellement le but, on se méfie. Ce n’est pas forcément parce que l’on a été des militaires que nous sommes prudents. En citoyens avertis, nous protégeons avant tout les intérêts de nos camarades, de nos compagnons.

Le problème des pensions est un long problème. On nous a imposé, à nous, nouvelle génération du feu, un guide barème des invalidités. Je rappelle que le guide barème d’invalidité de la COTOREP a été établi grâce aux Anciens combattants, qui ont servi de modèle ; donc le travail était bon. Par contre, après il y a eu des dérives sur les pourcentages.

Je suis pensionné à 95 % - je prends mon cas car c’est facile et contrôlable -, mais si je l’avais été à 45 % à titre civil, j’aurais sûrement beaucoup plus d’argent ; je vivrais peut-être un peu mieux et je n’aurais peut-être pas besoin de travailler. Je pourrais vivre pleinement ma deuxième vie avec mon handicap car il faut vivre avec.

Lorsque vous rentrez de mission et qu’au bout d’un an et demi, vous êtes au chômage et, pour illustrer les choses, que l’on vous a mis « un grand coup de rangers dans les fesses » en 1983, en vous disant : « allez dans le civil puisque vous étiez appelé », vous vous trouvez confronté à de grandes difficultés. Je suis horticulteur de métier, mais les patrons n’embauchent pas les personnes qui ont été blessées.

Maintenant, je suis employé municipal, donc fonctionnaire territorial. J’ai trouvé une reconversion dans la fonction publique territoriale avec mon métier. Il a fallu que j’attende deux ans pour toucher une pension. Je n’avais rien, uniquement les 40 F des ASSEDIC, comme tous mes camarades, comme ceux qui sont rentrés d’AFN, d’Indochine ; donc l’histoire se répète.

On a pris ce que l’on nous a donné. J’ai été présenté invalide à 75 %. J’ai fait un état de ce que je devais toucher, soit 100 % et 5 degrés. Cela veut tout et rien dire à la fois. Notre Secrétaire général est invalide à 100 % et 77 degrés : il est aveugle et bi-manchot. Peut-il retravailler ?

Comment font les grands invalides pour subvenir à leurs besoins ? Comment sont-ils assistés ou surveillés tous les jours ? Comment peuvent-ils recruter leurs aides-soignantes et les tierces personnes qui ne sont pas forcément habilitées ou formées pour le faire ?

C’est le quotidien. L’harmonisation des barèmes du guide des barèmes d’invalidité est plus le problème de l’Assemblée nationale, donc de la Représentation nationale, que le nôtre.

Je reprends mon cas et je sais très bien que je resterai à un taux d’invalidité de 95 %, car la loi de Balthazar est tellement bien faite que ma pension est gelée. Je ne pourrai pas passer au-dessus. Ce sont des incohérences, mais on vit avec cela comme avec notre handicap.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Je voulais revenir sur l’objet de votre lutte, en revenant à la guerre du Golfe. Pouvez-vous nous confirmer, lorsque l’on fait la guerre - et le Ministre a annoncé que c’était une guerre, peut-être n’est-ce pas passé dans les textes, mais il parle de la « guerre du Golfe » -, s’il vous arrive un problème, vous avez trois mois pour dire que ce problème est imputable au conflit ; au-delà de trois mois il faut le prouver ?

On est vraiment dans le sujet, car les « syndromes » liés de la guerre du Golfe recouvrent des pathologies de types neuro-musculaires, gastriques, psychologiques, ainsi que des lymphomes et des leucémies.

Avez-vous des propositions à faire, puisque l’on auditionne le Secrétaire d’Etat à la Défense, chargé des Anciens combattants cet après-midi, sur le délai d’imputabilité ? Lorsque l’on a des risques ou que l’on souffre de maladies comme la leucémie ou le cancer, n’y aurait-il pas des propositions à faire ? N’y a-t-il pas d’autres propositions à faire sur la présomption d’imputabilité au service ?

Tout votre problème et je me bats sur ce point - c’est d’ailleurs pourquoi vous étiez venu voir à ma permanence bien avant la création de la mission d’information -, c’est comment faire évoluer cela pour que ces militaires, en dehors du problème des pensions que l’on regardera de près, puissent bénéficier d’une présomption d’imputabilité au service ? Il faut défendre ces personnes. Actuellement, quel est votre sentiment sur leur situation ?

M. Laurent Attar-Bayrou : Vous avez touché le fond du problème : l’imputabilité au service, ce n’est pas trois mois après. C’est comme la prescription quadriennale pour le rappel des soldes, c’est un terme juridique. Une maladie ne se déclare pas juste trois mois après.

De plus, lorsque les intéressés rentrent de mission, ils ont plus envie d’aller voir leur famille, de reprendre des liens familiaux ou dans la société française.

On a un problème avec la Commission consultative médicale (CCM), vous faites votre demande de pension en première ou en deuxième instance, la Commission de réforme au niveau régional ou départemental accepte votre dossier qui monte à la Commission consultative médicale : il est « sabré sur pièce ». Donc, cela revient. Puis, on invoque généralement quelques artifices juridiques sur lesquels vous ne pouvez plus revenir puisqu’il y a présomption. Ensuite, vous allez devant le tribunal des pensions et tout dépend comment il juge. Déjà, 50 % des personnes vont devant le tribunal des pensions. Après c’est le Conseil d’Etat. Les militaires ne sont pas prêts à le faire car ce ne sont pas des procéduriers.

Il serait souhaitable que le Secrétaire d’Etat et la Représentation nationale disent qu’il y a une imputabilité sur tant d’années, et que les pensions soient traitées plus rapidement, que cette Commission médicale consultative soit dissoute - car tout le monde le demande - et que d’autres règles soient définies dans le cadre de l’ONAC. Puisqu’il y a une instance consultative pour le monde combattant, avec l’Union française des associations ou les grosses associations, qu’il y ait une concertation ; que l’on n’ait plus des blocs opposés de chaque côté politique.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Pour compléter la question de fond que vient de poser Mme Rivasi, et qui résulte de cette règle de la prescription quadriennale, cela pose une difficulté majeure. Si on lève le principe de la prescription quadriennale, cela signifie que l’on accepte que les militaires - et ce serait d’ailleurs assez juste et légitime - formulent à destination des commissions spécialisées des demandes reconventionnelles aussi longtemps que les troubles peuvent apparaître.

Plus il y a de temps entre le moment où la mission extérieure se déroule et le moment où le trouble apparaît, plus il y a de difficultés à établir le lien entre la mission militaire et le trouble révélé. Comment pourrait-on régler ce problème ?

Autant nous nous battons collectivement et nous formulerons des propositions dans le rapport pour améliorer le dispositif, en conformité d’ailleurs avec les demandes légitimes que vous formulez devant nous, autant nous devons le faire d’une façon qui soit législativement opérationnelle et correcte.

A partir du moment où on lève la prescription quadriennale, et sans doute faut-il le faire, on ouvre la porte à des demandes reconventionnelles longtemps après que le conflit se soit déroulé, et de ce fait on perd la possibilité d’établir le lien entre le conflit et la pathologie déclarée. Comment règler ce problème ? Y avez-vous réfléchi ? Pour une blessure c’est facile, mais pour un trouble psychologique c’est plus compliqué.

M. Laurent Attar-Bayrou : Le registre des constatations, qui est bien fait dans l’institution militaire, peut servir de preuve. Il porte sur tout ce qui est blessure ou accident.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Cela ne pose donc aucun problème ?

M. Laurent Attar-Bayrou : Pour les problèmes psychologiques, on est obligé d’attendre, puisqu’il n’y a pas de débriefing dans les Armées françaises.

Prenons l’exemple du Rwanda. Je peux vous en parler puisque j’y étais dans le cadre d’une opération humaine, puisque la Fédération a aidé la « Bio Force Militaire » où l’on a d’ailleurs dépêché un psychiatre pour interroger les militaires sur place.

Le travail réalisé par les militaires français consistait à déblayer les corps : 170 corps à droite et 170 sur l’autre côté, plus les fosses. Une fosse, ce n’est pas difficile, on creuse la terre, la largeur du godet ; on met les corps dedans ; un coup de chaux ; on remet des corps. Psychologiquement, là c’était palpable.

Il y a eu pourtant peu de demandes de pensions sur l’opération Turquoise. Les participants ont été auditionnés par des psychiatres, mais après on les a lâchés dans la nature ». Ceux qui rentrent de mission sont ainsi lâchés dans la nature. En ce qui concerne ceux qui sont encore sous les drapeaux ou qui vont terminer leur contrat, car les contrats courts - donc les hommes du rang - ne font que neuf ans, on les libère au bout de cette période sans leur avoir réellement donné une formation, alors que ce sont les premières personnes qui ont connu ces problèmes dans la vie civile.

Je ne dis pas que les officiers ou les sous-officiers n’ont pas ces problèmes, mais ils restent plus longtemps dans l’institution militaire, et celle-ci a au moins l’avantage d’avoir un esprit de camaraderie et de corps qui aide les personnes à surmonter d’éventuelles difficultés psychologiques de cet ordre.

On doit étendre ce principe de précaution pour les problèmes psychologiques, puisqu’on a mis dix ans avant de se pencher sur les opérations du Golfe.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Ce dispositif qui est tout à fait légitime et dont on peut souhaiter la réforme, implique, en corollaire, un suivi avant l’engagement des opérations et un suivi postérieur aux opérations, car vous risquez de vous trouver dans une situation où des militaires engagés souffriront déjà antérieurement de troubles psychologiques - que ces opérations ont pu aggraver, compte tenu de la dureté d’un certain nombre d’entre elles -, sans pour autant que le lien puisse être établi entre les opérations et le trouble psychologique.

M. Charles Cova, Vice-président : On passe quand même des tests avant de s’engager dans l’armée.

M. Laurent Attar-Bayrou : Il y a toujours le facteur génétique et un facteur lié au vécu familial. Ce n’est pas une généralité.

M. André Vauchez : Je voudrais revenir sur un autre aspect des choses, votre association existe depuis le Liban. Il y a eu effectivement beaucoup d’autres opérations extérieures, dont la nature était très différente, selon les formes d’engagements.

Après chaque conflit, vous avez parlé de séquelles, en particulier d’ordre psychique et peut-être d’autres origines. Avec le Golfe, avez-vous vu apparaître d’autres séquelles qui pourrait relever spécifiquement d’un « syndrome du Golfe » ? Y a-t-il quelque chose de nouveau qui est apparu ?

D’autre part, vous êtes accompagné de deux collègues, dont l’un a servi au Golfe. Peut-il nous dire, lui qui était sur le terrain, dans le cadre des conditions d’engagement qu’il a connues, s’il a détecté des situations critiques, susceptibles éventuellement d’engendrer des séquelles quant à des risques liés à l’utilisation de l’uranium appauvri ou à la présence d’éventuels nuages chargés en toxiques ?

(M. Charles Cova, Vice-président, succède à M. Bernard Cazeneuve, à la Présidence)

M. Charles Cova, Vice-président : Indiquez-nous quelles fonctions vous occupiez à l’époque, le régiment dans lequel vous serviez, et si vous avez participé à toute l’opération, y compris les quatre jours de conflit.

M. Christophe Frederitzi : J’ai participé à l’intégralité des opérations du Golfe, puisqu’à ce moment-là j’étais sous-officier au 1er régiment de Spahis de Valence. Du mois de septembre 1990 jusqu’au terme de l’opération, j’ai participé à la mission dans son intégralité et dans les conditions que l’on connaît pour ce régiment.

Il s’agissait de conditions de vie très dures. Mais nous avions l’avantage, pour la plupart, d’être aguerris, car nous avions tous participé au moins à une, deux, voire un peu plus grand nombre de missions extérieures, que ce soit au Tchad, en Centrafrique, à des stages « jungles » au Gabon ou d’autres opérations.

En ce qui me concerne, dans l’unité où j’étais, il n’y avait quasiment pas de « jeunes », même les militaires du rang avaient au moins une ou deux expériences antérieures à celle-là, donc psychologiquement c’était moins difficile. Néanmoins, en considérant les conditions de vie et le rythme qui a été donné l’opération du Golfe - en parlant du rythme il s’agit de la montée en puissance qu’il y a eue -, nous étions en « vase clos ». Nous n’avions pas cette pression médiatique que les Français ont pu connaître, ici en France, à l’époque. Nous nous en sommes rendus compte par la suite.

Par contre, la mise en place et la montée en puissance ont été très longues. Psychologiquement, on avait souvent à régler des petits problèmes, parce qu’on vivait les uns sur les autres pendant des mois, dans des conditions précaires. Mais tout ancien militaire l’a connu lors d’autres conflits.

Pour resituer les choses par rapport aux événements, quand a démarré l’offensive aérienne, c’était dans une période très difficile sur le plan climatique, puisque nous étions soumis quasi journellement à des tempêtes de sable très violentes. J’ai le souvenir de n’avoir pas pu m’alimenter normalement pendant 24 heures voire plus, car dès que vous portiez quelque chose à votre bouche, systématiquement c’était ensablé. Nous avons donc rencontrés des conditions de vie assez pénibles.

Dès que l’offensive aérienne a démarré et que nous avons changé de position, que nous nous sommes rapprochés de la frontière irakienne, au nord-est de Rafha, nous avons rencontré des conditions climatiques très dures. A l’époque, certains moyens de détection qui étaient mis à notre disposition, qu’ils soient chimiques ou nucléaires, ont réagi. Des comptes rendus ont été faits.

En ce qui me concerne, j’étais sous-officier adjoint, chargé, au sein d’un sous-groupement « renseignement » de la division, d’effectuer des reconnaissances sur les pénétrantes possibles en territoire irakien et sur les axes que l’on pouvait utiliser. Pendant toute la phase aérienne, on a vu effectivement les moyens de détection réagir. Ce n’était pas énorme, mais ils réagissaient quand même. Comme nous étions des troupes entraînées, en ce qui nous concerne, nous prenions toujours les mesures de protection maximale. Nous avons toujours réagi immédiatement, quel que soit le niveau de l’alerte.

A l’époque, nous étions très surpris lorsque des gens venant « de l’arrière », que ce soit des personnels qui étaient chargés de la logistique ou autres, n’appliquaient pas ces règles. A mon sens, cela tenait au fait qu’ils n’étaient pas encadrés. Ils étaient indépendants dans leurs types de missions et ils n’étaient pas prêts à les accomplir, du moins dans ce cadre.

Souvent, on a remis dans le droit chemin des individus que l’on voyait arriver que ce soit pour des questions logistiques (courriers ou autres), dont certains n’avaient même pas de tenue de protection. Ils étaient partis les mains dans les poches et arrivaient en short et en chemisette, c’est-à-dire dans des conditions aberrantes par rapport à la situation du moment.

Pour revenir aux troubles psychologiques, où se trouve la barrière ? On n’en sait rien. Chaque individu réagit différemment ! On a pu voir des gens réagir très mal à des stages « jungles » au Gabon, et même des semaines après leur retour, parce qu’on les a poussés dans leurs retranchements.

Au retour du Golfe, tout le monde a eu à peu près les mêmes réactions, mais c’était dû au mode de vie. On a vécu pendant près de huit mois dans le désert, dans des conditions assez dures. Des exemples très simples : bon nombre d’entre nous ne pouvaient pas dormir dans un lit à leur retour. Les premières semaines, j’ai dormi par terre. J’étais incapable de dormir dans une pièce close, il fallait que les volets, les fenêtres et les portes soient ouvertes. J’étais incapable de me mélanger à la foule, que ce soit dans un lieu public ou ailleurs. Nous avions besoin d’espace et cela a duré pendant des semaines, sans que personne ne s’en soucie et sans que personne ne pense même à en parler, sauf entre nous. Mais on estimait qu’il s’agissait des suites logiques de ces conditions de vie.

Pour revenir à la question posée sur l’uranium appauvri, n’ayant jamais été informé sur les dangers potentiels de ce qu’utilisaient les Américains, la question ne s’est même jamais posée.

Notre seul souci à l’époque, et l’accent a été mis là-dessus, portait sur le danger chimique. Lors de l’offensive terrestre, le problème majeur était constitué par toutes les sous-munitions restantes (mines et autres) qui étaient la suite logique des bombardements. En dehors de cela, on ne s’est jamais posés de questions. Il est vrai que, dans les premières heures du conflit, le niveau de protection maximal avait été pris.

Au bout du deuxième jour, on nous a autorisés à alléger les dispositions prises. En ce qui me concerne, avec les gens que j’avais sous mes ordres, on a gardé les dispositions maximales jusqu’à la fin.

M. Charles Cova, Vice-président : Avec les prises de médicaments prévues ?

M. Christophe Frederitzi : Avec tout ce qui était prévu. Toutefois, pour l’unité à laquelle j’appartenais, tout était très contrôlé et très encadré. Ainsi pour les fameuses pilules, c’était l’encadrement qui faisait la distribution et de façon rigoureuse.

On n’a jamais laissé les gens avec leur tablette complète en leur possession, car on s’est aperçus, dès les premiers jours, que certains faisaient des prises « préventives », en croyant bien faire. Lorsqu’on s’en est aperçus, on a tout de suite centralisé la question et on a agi à chaque fois très précisément en fonction des ordres donnés.

M. Claude Lanfranca, co-rapporteur : Je voudrais revenir sur les troubles psychiatriques, car cela m’intéresse pour l’avenir dans le cadre d’éventuelles recommandations. Beaucoup de jeunes reviennent traumatisés, ils n’osent pas à en parler, ils dorment les portes ouvertes, etc.

Ils essaient de tenir la tête hors de l’eau. Au bout de deux ans, un événement grave survient dans leur vie (décès d’un membre de la famille, un divorce, etc.) : ces gens alors décompensent. Souvent le tribunal des pensions ne prend en considération que cela. Il estime que la déprime est due à la perte d’un membre de la famille, et c’est difficile de le prouver ! C’est le médecin qui vous parle.

Autant, somatiquement vous prenez un obus, on voit que cela s’infecte, on vous suit. Mais, là comment trouver un seuil permettant de faire des propositions ?

M. Christophe Frederitzi : Il y a une grande difficulté, que ce soit pour nous ou même pour les institutions qui sont en place et qui cherchent à comprendre. Une forme de pudeur voulant que les gens n’en parlent pas ou alors en petit comité, et avec des gens qui ont été eux-mêmes concernés par le problème.

Je peux vous assurer en ce qui me concerne que c’est le genre d’événements dont je n’ai jamais parlé, même en famille. J’évite complètement ce genre de sujets. J’ai une fille de 7 ans et une autre de 3 ans ; je ne leur en ai jamais parlé et ma femme ne connaît rien de tout cela. Dans la famille, ce sont des choses que l’on n’évoque même pas. J’en parle entre amis ou avec des gens avec lesquels j’ai vécu cette expérience. Où fixer la limite ? On ne la connaît pas nous-mêmes, chacun est en mesure de réagir différemment.

Il y a eu des cas concrets. Au retour, certaines personnes, dans l’euphorie d’avoir eu l’impression d’échapper à quelque chose de grave, en ont profité et ont pris des risques considérables, que ce soit en voiture, en moto, dans leur mode de vie. Ce sont des gens qui ont essayé de pousser l’extrême en ayant pensé avoir échappé à quelque chose de tellement grave, et cela s’explique facilement pour des psychiatres.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Vous a-t-on demandé de prendre du « Virgyl » ?

M. Christophe Frederitzi : Honnêtement, je ne me souviens plus. La Pyridostigmine, elle, a été distribuée.

M. Charles Cova, Vice-président : Il n’y avait pas de « CRAPS » ?

M. Christophe Frederitzi : Toutes les missions étaient communes. A l’époque, on travaillait avec les gens du 13ème RDP.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Il nous faudra peut-être résoudre la question les délais comme l’ont fait les Américains, et augmenter les trois mois de présomption d’imputabilité.

Le raisonnement des Américains a consisté à dire : puisqu’il y a des symptômes - je ne parle pas des troubles psychiatriques mais des symptômes de type neuro-musculaires, des problèmes cognitifs - relativement bien isolés, si les militaires entrent dans le cadre de ces symptômes, on assure un suivi sanitaire, voire des indemnités en fonction du dommage. Cela pourrait toucher les gens du Golfe, mais comme notre mission va élargir son champ d’investigation à la Bosnie et au Kosovo, on verra là aussi s’il y a des troubles particuliers. Ce type de démarche vous conviendrait-il ?

M. Laurent Attar-Bayrou : Cette démarche ne peut que nous convenir puisqu’elle va dans le sens des intéressés, et satisfait l’un des buts de la Fédération qui, en 1985, s’est créée pour la défense des blessés et des malades. On ne peut que vous épauler dans ce sens.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Au niveau de la Commission de réforme et du tribunal de pension, faut-il encore maintenir des structures spécifiques à l’armée ou se placer purement dans un cadre de droit commun ? Si l’on garde la Commission de réforme et le tribunal des pensions avec l’intervention éventuelle du Conseil d’Etat, auriez-vous des propositions à faire pour que l’on améliore ce fonctionnement ?

M. Laurent Attar-Bayrou : En l’état de votre question, nous tenons à garder les institutions militaires au niveau du droit à réparation, dans le cadre du Code des pensions militaires d’invalidité, puisque cela fonctionne. Il y a quelques difficultés, mais on ne peut pas remettre en cause les « deux bibles ». Je ne sais pas si tout cela existe d’ailleurs au niveau civil.

Rentrer dans le droit commun ou dans le droit sécurité sociale est une toute autre chose !

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Sur la Commission de réforme et le tribunal des pensions, avez-vous des remarques à faire ?

M. Laurent Attar-Bayrou : Oui, il faut éviter que les intéressés soient systématiquement obligés d’aller devant le tribunal des pensions, qu’il y ait plus d’avocats formés au Code des pensions. Il y a peut-être 13 ou 14 avocats compétents sur ces questions en France. Puisqu’il n’y a plus beaucoup de professionnels intéressés, généralement ce sont des avocats commis d’office, qui sont en début de carrière et vous êtes obligés de leur monter leur dossier. On sera des centaines à vous dire cela.

La Commission de réforme doit donc être améliorée. Dans les départements, cette commission est uniquement une chambre d’enregistrement. Ce propos n’appartient qu’à moi, mais la Fédération peut me suivre là-dessus.

Comment cela se passe-t-il ? Vous avez votre première instance à partir de votre « modèle 15 ». Vous faites une demande d’aggravation qui est étayée par un certificat médical de votre médecin. Vous remplissez un imprimé. Le ministère de la Défense, mais ce sont les services des Anciens combattants qui sont en charge de ce problème, vous expertise. Parfois, il s’agit de cinq minutes où l’on reprend votre dossier.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Qui fait l’expertise ?

M. Laurent Attar-Bayrou : Des médecins qui sont désignés.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Ce sont des médecins militaires ?

M. Laurent Attar-Bayrou : Ce ne sont pas uniquement des médecins militaires, mais aussi des médecins qui exercent dans le civil et qui sont mandatés par les services des Anciens combattants pour nous expertiser. Soit cela se fait dans les directions interdépartementales, au sein du Secrétariat d’Etat, soit cela se fait dans les cabinets des intéressés.

Ce médecin remet son rapport. On vous donne alors un « modèle 10 », qui est la proposition de la pension que l’on va vous attribuer. Après, vous avez tout loisir d’assister à la Commission de réforme ou bien d’accepter votre taux.

Une fois que la Commission de réforme est passée, vous avez deux mois pour déposer un recours devant le tribunal des pensions. Vous avez un juge professionnel au tribunal assisté de deux assesseurs issus du monde combattant. Chaque association présente des intéressés et ceux-ci sont tirés au sort.

Lorsque votre dossier est examiné, il peut, avant la Commission de réforme, monter à la Commission consultative médicale (CCM) ; tout dépend de la gravité. Très peu de personnes connaissent exactement qui siège à la CCM et qui y décide du devenir de l’invalide. Cela se fait sur dossier. Moi-même, j’ai essayé de venir plaider ma cause, on ne peut pas. On ne peut même pas connaître le nom du Président de cette instance.

Tous les Anciens combattants demandent la suppression de la CCM ou, au moins, une transparence, afin que les médecins des intéressés soient représentés. Un trouble psychologique ne se mentionne pas uniquement sur le papier. Celui qui est dans une chaise roulante, cela se voit, mais à côté de sa chaise roulante, il a peut-être d’autres pathologies, et la CCM peut passer à côté.

Après, vous avez les grandes voies de recours. Il faut prendre un avocat pour aller devant le Conseil d’Etat.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : C’est très important !

M. Laurent Attar-Bayrou : C’est difficile pour des hommes qui ont servi avec dévouement les intérêts de la France à l’étranger.

M. Charles Cova, Vice-président : Merci beaucoup, M. le Président et Messieurs.


Source : Assemblée nationale (France)