(extrait du procès-verbal de la séance du mercredi 28 mars 2001)

Présidence de M. Claude Lanfranca, co-rapporteur,
puis de M. Bernard Cazeneuve, Président

M. Claude Lanfranca, co-rapporteur : En l’absence du Président Bernard Cazeneuve, je vais vous faire lecture de la présentation qu’il a préparé pour recevoir, en audition conjointe, le Professeur Harry A. Lee, responsable du Medical Assessment Programme britannique, et le Professeur Romain Gherardi, accompagné du Docteur Jérôme Authier, praticiens du Groupe multidisciplinaire de diagnostic et de traitement des maladies neuro-musculaires à l’hôpital Henri-Mondor de Créteil.

Messieurs les Professeurs, la mission d’information sur les conditions d’engagement des militaires français ayant pu les exposer, à l’occasion de la guerre du Golfe puis dans les Balkans, à des risques sanitaires spécifiques, a déjà procédé à l’audition de nombreux experts médicaux et scientifiques.

Ici même, se sont succédées des personnalités de renom qui nous ont éclairés de leur connaissance technique afin de nous permettre de mieux cerner les risques d’exposition auxquels les soldats français ayant participé à l’opération Daguet auraient pu être exposés.

Ce matin, deux praticiens médicaux de deux nationalités différentes vont confronter leurs expériences, leurs méthodes et leurs conclusions s’agissant des affections dont se disent victimes certains anciens combattants de la guerre du Golfe.

M. le Professeur Harry A. Lee, vous êtes le responsable du programme britannique d’évaluation médicale des vétérans de la guerre du Golfe - Medical Assessment Programme -, vaste étude épidémiologique lancée en octobre 1993 par le Gouvernement britannique.

Je précise qu’une délégation de la mission d’information a déjà eu l’occasion de vous rencontrer à Londres, lors de son déplacement le 7 février dernier. A cette occasion, il nous est apparu nécessaire de vous revoir afin de confronter le protocole expérimental que vous avez suivi et les résultats auxquels vous êtes parvenu avec l’avis de médecins autorisés. A ce sujet, je tiens à remercier le Ministre délégué aux Forces armées, M. John Spellar, d’avoir bien voulu vous autoriser à venir exposer vos travaux devant nous aujourd’hui.

M. le Professeur Romain Gherardi, vous êtes, avec le docteur François-Jérôme Authié qui vous accompagne, un praticien spécialiste des maladies neuro-musculaires à l’hôpital Henri-Mondor de Créteil et vous assurez la coordination du Groupe multidisciplinaire de diagnostic et de traitement des maladies neuro-musculaires.

Lors de son audition, le 9 janvier 2001, Mme Marie-Claude Dubin, journaliste atteinte de pathologies qu’elle attribue à son séjour auprès des forces françaises déployées dans le Golfe au moment de l’opération Daguet, a fait référence à des résultats que votre service aurait mis en évidence, en contradiction avec les conclusions des médecins du Service de santé des Armées.

Il était donc naturel que la mission d’information vous entende. J’ajoute que la présence du Professeur Lee vous permettra de réagir sur les connaissances de vos collègues étrangers, quant aux pathologies observées parmi les anciens combattants de la guerre du Golfe.

Je tiens à préciser que nous devons tous bien conserver à l’esprit que les conditions d’engagement des militaires britanniques et français dans le Golfe étaient quelque peu différentes. Il n’est pas question ni de transposer les résultats obtenus Outre-Manche au cas français, ni d’en contester la pertinence.

L’échange que nous souhaitons voir s’instaurer entre les intervenants n’a d’autre but que de faire avancer notre réflexion de parlementaires soucieux de parvenir à une réflexion solidement étayée.

Nos attentes, comme vous le savez, portent plus particulièrement sur l’identification des causes des pathologies des anciens combattants du Golfe : neuro-toxiques, uranium appauvri, stress et poly-vaccinations ont été tour à tour incriminés. Je ne doute pas que vous pourrez nous apporter des éléments de réponse scientifiquement démontrés sur ces différents points.

De même, nous nous interrogeons sur la faisabilité d’une étude épidémiologique auprès des militaires français ayant participé à la guerre du Golfe. Votre avis de médecins, ainsi que l’expérience du Professeur Lee, nous seront également, à cet égard, très précieux.

Aussi, messieurs les Professeurs, après vous avoir remercié de consacrer à la mission un peu de votre temps que je sais compté, je vous cède la parole pour un exposé à l’issue duquel les membres de notre mission, à commencer par ses deux co-rapporteurs, vous poseront leurs questions.

M. le Professeur Harry A. Lee : Madame et messieurs les députés, je vous remercie de votre invitation. Je vous entretiendrai uniquement de l’expérience britannique.

(Projection de photos et de diapositives)

Nous allons, ce matin, nous interroger sur l’existence ou non du « syndrome de la guerre du Golfe ».

A l’aide de ces différents schémas, vous pouvez voir où étaient postés les militaires britanniques lors de l’invasion du Koweït. La bataille s’est déroulée vers l’est et elle a duré quatre jours. Elle a commencé le 24 février 1991.

Je vous rappellerai à présent, par un bref historique, les dates importantes de la guerre du Golfe : 2 août 1990 : invasion du Koweït ; 6 août 1990 : imposition des sanctions à l’Irak par l’ONU ; 7 août 1990 : déploiement des forces américaines en Arabie Saoudite ; 10 août 1990 : arrivée des troupes britanniques ; 29 novembre 1990 : résolution 678 du Conseil de Sécurité des Nations Unies ; d’octobre à décembre 1990 : montée en puissance des forces alliées en Arabie Saoudite ; 15 janvier 1991 : expiration du délai de l’ultimatum adressé à Saddam Hussein pour le retrait du Koweït ; 16 janvier 1991 : début de la guerre aérienne ; du 24 au 28 février 1991 : commencement et fin de la guerre terrestre de quatre jours ; enfin, 7 avril 1991 : signature officielle du cessez-le-feu.

Le Royaume-Uni a engagé, pendant ce conflit, 53 462 hommes, se répartissant comme suit : 70 % étaient issus de l’armée de Terre, 11 % de la Marine et 19 % des forces aériennes. Les personnels déployés étaient très jeunes : 48 % avaient moins de 24 ans et tous moins de 29 ans. Le nombre de décès fut le plus bas jamais enregistré lors d’une guerre, à savoir 44 décès, dont la moitié fut causée par les propres alliés à l’occasion de tirs fratricides.

S’agissant du Medical Assessment Programme, il s’agit d’un programme pragmatique, sur le terrain, et non pas d’un questionnaire. Nous avons examiné les patients et discuté de leurs problèmes avec eux.

Notre approche est fondée sur le recul. Nous sommes à l’écoute des patients et des soldats, et nous essayons d’aider ces patients et leurs médecins.

Depuis 1993, nous avons examiné un peu plus de 3 000 patients. Après un départ relativement lent, nous avons pris de l’élan en 1997, à un moment où les responsables britanniques ont commis de graves erreurs au Parlement dans la mesure où ils ont caché la vérité sur certains éléments du conflit. Dix ans plus tard, le nombre de patients examinés augmente, après avoir légèrement baissé.

D’après ce schéma, vous pouvez constater qu’au début, il y avait plus d’anciens combattants parmi les patients que nous examinions, alors que maintenant la moitié est constituée par des soldats en service.

Quel chemin ont-ils suivi pour être intégrés à ce programme ? Tout ancien combattant, qu’il soit en service ou non, visite tout d’abord son médecin, lequel m’adresse un courrier auquel je réponds dans les cinq jours, en donnant au patient un rendez-vous qui se situe dans les cinq semaines après sa visite chez le médecin. Ensuite, deux jours après qu’un entretien, un examen complet et une enquête se soient déroulés, j’adresse une lettre au médecin traitant lui communiquant mon avis.

Si, à la suite de la première visite, un élément nouveau apparaît, j’envoie une seconde lettre dans les huit semaines. Si je considère qu’un ancien combattant nécessite un deuxième avis, je l’envoie chez un spécialiste, sa visite étant totalement prise en charge. Ensuite je procède à un suivi du cas.

En ce qui concerne le déroulement concret des examens du patient, une enquête est tout d’abord effectuée sur ses antécédents généraux : nous posons des questions sur le lieu géographique où il se trouvait pendant la guerre et à quels produits il s’est trouvé exposé.

Bien que médecin et non pas psychiatre, je pose des questions d’ordre psychiatrique. Certains patients s’adressent à moi car ils sont inquiets, mais non pas malades. J’écoute leurs préoccupations. Ensuite j’en tire la conclusion A. Si les résultats de l’examen ne sont pas normaux, j’en tire la conclusion B.

La partie la plus importante est la discussion ouverte et compatissante que nous avons avec le patient. Le meilleur traitement consiste à rassurer le patient ; cela ne présente aucun effet secondaire.

Aucun test n’est fait sur demande. Si j’estime qu’un test complémentaire est nécessaire au-delà des tests de routine, cela ne pose aucun problème.

Quels étaient les facteurs spécifiques à la guerre du Golfe par rapport aux guerres précédentes ? Une partie de la préparation à cette guerre était standard, une autre tout à fait spécifique : les soldats ont été vaccinés contre différentes maladies comme le Choléra ; ensuite ils se sont vu administrer des vaccins concernant la guerre anti-bactériologique et des traitements antibiotiques.

Aucun vaccin secret n’a été inoculé aux soldats. Certains activistes le pensent, mais ce n’est pas vrai. Parmi les antibiotiques, la doxicycline a été administrée, mais elle n’a pas été imposée aux soldats, de sorte que moins de 2 % d’entre eux en ont effectivement pris. Ils ont reçu un traitement préventif, le Bromure de Pyridostigmine, contre les agents neurologiques. Certains ont supposé qu’il s’agissait d’un nouveau médicament qui était essayé sur eux : c’est faux car ce médicament existe depuis 1935 ! Les soldats ont également reçu des anti-paludiques et certains ont été vaccinés contre l’hépatite B, notamment parmi les personnels médicaux et para-médicaux, et les cuisiniers.

A quoi ces soldats ont-ils été exposés ? On a beaucoup évoqué les organophosphates, les insecticides - aérosols, crèmes -, l’uranium appauvri - ce qui est un mythe -, les missiles Scud, qui n’étaient pas dotés d’une ogive chimique biologique. Dans le désert, on a vu les cadavres de nombreux animaux, d’où la conclusion que les panaches de fumée dans l’atmosphère contenaient des particules biologiques nocives. On a également évoqué une cuve de pétrole située dans une école de filles de Koweït City, mais elle ne contenait que de l’acide nitrique utilisé pour les fusées.

Il y a pu également avoir des problèmes d’ordre psychologique ou psychiatrique. La préparation au conflit a été entourée de beaucoup de secret, ce qui a entraîné une peur de l’inconnu, de la guerre bactériologique ou chimique. Le commandement officiel avait dit aux soldats que 50 % d’entre eux allaient mourir. Or la jeunesse actuelle a beaucoup plus de problèmes de conscience que les générations précédentes. Mon père a été combattre à la guerre parce qu’on lui en a donné l’ordre ; maintenant les jeunes se posent beaucoup plus de questions et sont beaucoup plus enclins à s’introspecter.

Un autre élément à garder à l’esprit est que ces soldats sont revenus chez eux très rapidement de la zone du conflit. Après la Deuxième guerre mondiale, les soldats ont mis trois mois pour être démobilisés et rentrer chez eux. Dans le cadre de la guerre du Golfe, quasiment le lendemain des combats, ils étaient de retour dans leurs casernes. Cela ne correspondait pas du tout à un retour en héros et ils ont pu en ressentir une certaine colère. J’ajoute que, contrairement à ce qui s’est passé en France pour les forces françaises, le debriefing a été médiocre en Grande-Bretagne.

En fait, c’est une guerre qui a quand même eu lieu, dans la réalité. Il ne s’agissait pas de jouets : le camion que vous voyez là est rempli de munitions à uranium appauvri. Ces chars portaient six obus à uranium appauvri de chaque côté. Vous constatez là qu’il pouvait y avoir des dommages lourds qui perçaient même le béton armé.

Contrairement aux forces françaises, le personnel paramédical en Grande-Bretagne n’était pas très nombreux. Nous avons dû faire appel aux réservistes. Il y a eu là un problème sur lequel je reviendrai tout à l’heure. Toujours est-il que les troupes faisaient entièrement confiance à leur service de santé, de sorte qu’elles ne se sont pas posées de questions sur la prophylaxie appliquée.

Il y avait aussi une certaine crainte en ce qui concerne la contamination que pouvaient apporter les prisonniers de guerre.

D’autre part, les hommes n’étaient pas rassurés par le port obligatoire du masque NBC. A chacune des alertes, la plupart étant heureusement fausses, ils devaient porter tout cet accoutrement. Cette tenue était difficile à porter étant donné la chaleur qui règne dans cette région.

De même, la plupart de nos soldats, âgés de 18 ou 19 ans, ont vu la mort pour la première fois. Ceci est un char détruit par une munition à l’uranium appauvri, arme qui était utilisée pour la première fois dans un conflit : le char est percé de part en part. Indiscutablement, il était perturbant pour les soldats de voir que la vie d’un homme ne valait pas grand chose. La mort était courante. Les cadavres étaient ramassés par une pelleteuse avant d’être enterrés dans une tranchée. Imaginez-vous le choc émotionnel !

Le dernier jour, les alliés se sont livrés à des destructions massives. A l’intérieur de beaucoup de ces véhicules, il y avait les cadavres de soldats brûlés vifs, et dans les voitures, beaucoup de femmes et d’enfants, ce qui a profondément bouleversé nombre de jeunes soldats. Tuer des soldats, c’est une chose ; tuer des civils, c’est souvent plus perturbant.

Ce cliché a été pris pendant la journée, lorsque Saddam Hussein a mis le feu aux puits de pétrole, mais on dirait qu’il fait nuit. Tout était sale. Les vêtements étaient sales. Toutefois l’air était moins pollué que celui de Londres. A l’époque, certaines expériences ont été faites pour tester le contenu de l’air.

A présent, je vais vous faire part de notre méthode de suivi épidémiologique des anciens combattants de la guerre du Golfe et des résultats auxquels nous sommes parvenus.

Il est important d’avoir, au préalable, une définition de la « santé fonctionnelle ». On peut être en bonne santé sans symptôme. On peut aussi être en bonne santé avec des symptômes et fonctionner normalement dans la vie : par exemple, on peut avoir une baisse de la vue, de l’ouïe, des maux de dos, et néanmoins vivre normalement. On peut enfin être en bonne santé avec un diagnostic mineur, comme un asthme ou un diabète contrôlé. Cependant, on peut tout autant être mal portant physiquement et mentalement.

J’attire votre attention sur le groupe qui comprend les anciens combattants qui souffraient d’une maladie psychiatrique mais qui n’a pas été confirmée par les psychiatres. Lorsque plus tard, je parlerai de diagnostics psychiatriques, je me référerai à des diagnostics confirmés par des psychiatres. Ces dix diagnostics représentent des cas de diagnostics psychiatriques.

Ceci est la liste des symptômes constatés, en ordre décroissant de fréquence. Dans la deuxième cohorte de 1 000 patients examinés, par rapport aux autres séries, nous avons respecté le même ordre décroissant d’incidences des symptômes. Nous avons retenu la même présentation que celle qui avait été adoptée par mon prédécesseur, M. Coker.

En rouge, vous avez les diagnostics psychiatriques, en bleu les cas de diagnostics psychiatriques non confirmés par un psychiatre, et en vert, les bien portants qui ont des symptômes.

Horizontalement, la répartition est très similaire entre les trois groupes. Cette ligne verte représente les personnes qui sont bien portantes avec symptômes, avec une répartition en ordre décroissant.

Sur cette photo, ce sont les patients qui ont eu un diagnostic psychiatrique. Vous avez une ligne qui monte plus haut mais qui redescend de la même manière.

Voici le groupe de patients sur lesquels nous n’avons posé aucun diagnostic psychiatrique officiel. La fréquence de leurs symptômes correspond à peu près à celle des patients pour lesquels un diagnostic psychiatrique officiel a été établi.

Dans la deuxième cohorte de 1 000 patients, dont les résultats d’analyse sont sur le point d’être publiés, les bien portants avec symptômes présentent une médiane juste en dessous de 3. Les mal portants, souffrant de troubles psychiatriques, et les cas de troubles psychiatriques non confirmés ont une médiane qui se situe juste en dessous de 9.

Dans la dernière cohorte de 1 000 patients, on retrouve exactement la même répartition : médiane environ de 2 pour les bien portants, et de 7 pour les mal portants.

Par conséquent, mes travaux arrivent à la même conclusion que ceux de l’Américain Kroenke, publiés en 1998, à savoir que plus il y a de symptômes, plus il est probable que la personne souffre de troubles psychiatriques.

Si on reprend les cohortes de 1997-1998 et de 1998-2000, 80 % des anciens combattants sont fonctionnellement bien portants et respectivement 10 et 18 % se portent totalement bien sans présenter de symptôme. Parmi les 20 % qui sont mal portants, 69 % ont fait l’objet d’un diagnostic psychiatrique.

Vous remarquerez que dans la série de 1993-1997, on retrouve plus de personnes bien portantes avec des troubles organiques car, à cette époque, quand les patients ressentaient le moindre trouble, ils se demandaient s’il était dû à leur présence dans le Golfe. Actuellement la courbe est décroissante. De toute façon, leurs troubles, tels que la dépression, ont été traités. Vous voyez là les statistiques concernant les mal portants : troubles psychiatriques, organiques et autres. Parmi les désordres psychiatriques confondus, le plus fréquent était le trouble dû au stress post-traumatique.

Voici un groupe de 173 patients qui n’ont pas été dans le Golfe. Ils souffraient des mêmes symptômes, dans le même ordre décroissant. Il semblerait que ceux qui n’étaient pas sur le champ de bataille se portent moins bien que ceux qui ont été sur le champ de bataille.

Ces définitions fonctionnelles sont très utiles. Plus les symptômes sont nombreux, plus on peut supposer qu’il s’agit de troubles psychiatriques.

En règle générale, nous n’avons pas découvert de problèmes particuliers liés aux inquiétudes exprimées par les anciens combattants : nous n’avons pas constaté de corrélation particulière avec leurs pathologies ni aucune incidence en termes de cancers ou de mortalité. S’agissant de l’uranium appauvri, cela ne constitue pas, du point de vue statistique, un vrai problème, mais nous pourrons en discuter plus tard.

Voici les taux de mortalité que nous avons enregistrés. Il y a moins de décès chez les anciens combattants qui sont dus à la maladie que ceux qui sont dus aux accidents de la route. En revanche, on constate un peu plus de décès dus à des causes extérieures : accidents et violences.

Si l’on se réfère au syndrome de la guerre de Sécession, à ceux des Première et Deuxième guerres mondiales, et à celui de la guerre du Vietnam, on observe que nous avons toujours retrouvé les mêmes problèmes de « syndrome » et des symptômes identiques. Le symptôme des douleurs musculaires et articulaires est toutefois plus récent car il a été constaté après la guerre du Vietnam.

Au demeurant, on retrouve les mêmes symptômes que lorsque l’on vit dans un milieu de travail insalubre, l’on se trouve à proximité d’un transmetteur aérien, ou l’on souffre du syndrome de la fatigue chronique. Ces symptômes se retrouvent exactement avec autant de fréquence que chez les anciens combattants de la guerre du Golfe.

A titre personnel, je pense qu’il n’y a pas de preuve convaincante qu’il existe un « syndrome de la guerre du Golfe ». Ce terme n’aide pas les anciens combattants ; au contraire, il les empêche d’avoir les idées claires et de recevoir les bons traitements.

Je précise que nous ne sommes pas un centre de traitement, mais un centre d’évaluation, même si nous pouvons recommander un traitement.

Au titre des enseignements qui ont été tirés de nos travaux, je citerai notamment les recommandations suivantes : pas de secret, la plus grande franchise possible, donner plus d’informations aux anciens combattants. Ni la Pyridostigmine, ni l’uranium appauvri ne constituent un problème sérieux. Au Royaume-Uni, nous avons un problème de réservistes qui souffrent plus que les autres de certains symptômes ; certains groupes sont manifestement plus vulnérables que d’autres, mais, en conclusion, le « syndrome de la guerre du Golfe » n’existe pas.

M. le Professeur Romain Gherardi : M. le Président, madame et messieurs les députés, je vous remercie de m’avoir convié à cette audition. Je vais maintenant vous exposer un point de vue totalement issu d’observations qui n’ont aucun lien avec le « syndrome de la guerre du Golfe ». Toutefois, il nous semble que ces observations faites chez des sujets civils sont susceptibles d’éclairer l’hypothèse vaccinale à l’origine du « syndrome de la guerre du Golfe », même s’il convient de ne pas l’appeler ainsi, bien qu’il existe néanmoins un problème médical actuellement non résolu.

(Projection de transparents)

La pathologie que je vais vous présenter, que nous avons baptisé « myofasciite à macrophages » (MFM), est une pathologie émergente, c’est-à-dire qu’elle a commencé à apparaître dans le champ de la médecine en 1993. Elle a été détectée avec une incidence rapidement croissante, dans tous les centres spécialisés dans les maladies neuro-musculaires en France, c’est-à-dire à Créteil, La Pitié-Salpétrière de Paris, à Bordeaux, Marseille, Nantes, etc.

La définition de cette nouvelle maladie est histologique : il s’agit d’un aspect microscopique observé à la biopsie d’un muscle, en l’occurrence le muscle deltoïde de l’épaule chez l’adulte ou le quadriceps dans le cas, extrêmement rare, de l’enfant.

La lésion observée ne ressemble à aucune lésion décrite dans la littérature médicale sur les maladies musculaires. Cette lésion comporte, entre les cellules musculaires qui sont dissociées les unes des autres, une infiltration de cellules à grands cytoplasmes bleutés. Cette image avec des colorations différentes vous confirme que cette infiltration a tendance à se situer à la périphérie du muscle, dans une zone appelée le facia, c’est-à-dire l’enveloppe du muscle.

C’est pourquoi cette pathologie a été appelée « myofasciite à macrophages » puisque ces cellules bleutées, ici colorées par un marqueur spécifique, sont en fait des macrophages, c’est-à-dire des cellules extrêmement importantes de l’organisme qui ont essentiellement un rôle de phagocyte, c’est-à-dire de nettoyeur des agents pathogènes dans l’organisme ainsi que des rôles dans l’initiation de l’immunité. Ces « éboueurs » de l’organisme sont présents, de façon persistante, à la périphérie du muscle biopsé.

Lorsque nous avons vu émerger cette pathologie, publiée pour la première fois dans « The Lancet » le 1er août 1998, nous pensions qu’il s’agissait d’une nouvelle maladie infectieuse car, de façon superficielle, elle ressemblait à certaines maladies infectieuses décrites dans la littérature. En fait, l’examen en microscopie électronique, c’est-à-dire avec un moyen très performant d’analyses sub-cellulaires, nous a montré que de façon constante, dans les 40 premiers cas examinés, les cellules bleutées contenaient, dans leur cytoplasme, des inclusions noires qui, à très fort grossissement, avaient un aspect fibreux, cristallin, très particulier.

Nous avons d’abord supposé qu’il s’agissait de cristaux de calcium que l’on observe assez fréquemment dans les macrophages. Mais de façon surprenante, au mois d’octobre 1998, soit trois mois après la publication du premier article, le biophysicien à qui nous avions confié les prélèvements nous a informés que ces inclusions semblent être plutôt de l’aluminium. Nous avons été très surpris car l’aluminium, même s’il est un agent très répandu dans la nature, ne sert à rien dans les organismes vivants. Au contraire, les organismes vivants ont des stratégies très sophistiqués pour se défendre contre la pénétration du métal aluminium en leur sein.

Nous avons d’abord envisagé, chez ces patients, l’hypothèse d’une intoxication par l’aluminium. Au moyen de trois méthodes convergentes, nous avons cherché à confirmer la présence d’aluminium. Quand nous avons fait le dosage d’aluminium dans la lésion, la moyenne était de 584 microgrammes/gramme, ce qui est énorme, alors que dans les muscles témoins de sujets sains, la quantité d’aluminium détectable était de 10 microgrammes/gramme.

Il existe donc, de façon constante, de l’aluminium dans cette lésion particulière que l’on appelle « myofasciite à macrophages ». En revanche, l’élément qui nous a mis sur la piste de l’origine de la maladie est que, dans le sang circulant des 20 premiers patients, les concentrations circulantes d’aluminium étaient normales, ce qui n’était pas du tout compatible avec une intoxication systémique par de l’aluminium.

C’est cette constatation qui nous a mis sur la piste d’une accumulation locale d’aluminium. C’est alors que nous avons compris que cet aluminium avait pu être injecté dans le muscle au site de la biopsie. Il vous faut savoir en effet, l’hydroxyde d’aluminium est un adjuvant de plusieurs vaccins, notamment tous les vaccins contre le tétanos, à l’exclusion du DTP et du TP, et tous les vaccins contre les virus de l’hépatite B et de l’hépatite A.

A ces trois vaccins conventionnels, il convient d’ajouter, fait très important, le vaccin contre le charbon (« anthrax » en anglais), vaccin de guerre administré pour prévenir les risques d’une attaque bactériologique par le charbon. Cette précision peut avoir son importance dans le cas qui vous préoccupe.

Une fois émise l’hypothèse qu’il pouvait s’agir de vaccins aluminiques, nous avons confirmé l’application de ces vaccins par une étude épidémiologique, dans le cadre de laquelle nous avons repris les carnets vaccinaux des 50 premiers patients. Cette étude a été menée de façon indépendante par notre groupe médical et l’Institut de veille sanitaire qui vient de déposer ses conclusions.

Nous sommes tous d’accord qu’il existe, de façon constante, un antécédent par un vaccin aluminique chez ces patients qui souffrent d’une « myofasciite à macrophages ». Le vaccin le plus fréquemment impliqué était le vaccin contre l’hépatite B (84 % des patients), mais il existait souvent des combinaisons de plusieurs vaccins aluminiques et 15 % des patients n’avaient été vaccinés que contre le tétanos.

Le nombre de doses était variable, pouvant aller jusqu’à neuf. Un point extrêmement important, sur lequel je souhaite attirer votre attention, concerne le délai entre le moment de la vaccination, attesté par des chiffres figurant sur le carnet vaccinal, et celui de la biopsie musculaire. Ce délai était assez long puisque la médiane était à trois ans, et que certains patients, maintenant de plus en plus nombreux, avaient fait l’objet de délais allant jusqu’à huit ou neuf ans. Ainsi on peut retrouver cette lésion de « myofasciite à macrophages » huit ou neuf ans après l’injection intramusculaire d’un vaccin adjuvanté par l’hydroxyde d’aluminium.

La deuxième méthode pour impliquer les vaccins est la reproduction expérimentale chez l’animal. On trouve des lésions identiques chez le rat avec un vaccin contre l’hépatite B. On peut constater qu’à vingt et un jours après l’injection intramusculaire, on reproduit des lésions qui sont exactement superposées.

Par conséquent, on peut maintenant considérer comme établi que la lésion « myofasciite à macrophages » est constamment associée à la présence de cristaux d’hydroxyde d’aluminium, lesquels sont eux-mêmes constamment liés à la vaccination intramusculaire avec un vaccin adjuvanté par l’hydroxyde d’aluminium.

Je vais maintenant vous présenter les facteurs qui ont conduit les patients à une biopsie musculaire. Les symptômes étaient essentiellement un syndrome associant des myalgies et arthralgies, c’est-à-dire des douleurs musculaires et articulaires, et un syndrome dit de fatigue chronique, c’est-à-dire une fatigue très importante et inexpliquée par les causes habituelles.

Si l’on examine la prévalence des myalgies parmi les 50 premiers patients, 94 % de ceux qui avaient cette lésion dans le muscle deltoïde souffraient de douleurs musculaires diffuses, qui commençaient souvent aux membres inférieurs avec une tendance à une évolution ascendante et à une diffusion progressive. Ces douleurs musculaires, de façon quasi constante, avaient commencé après l’injection vaccinale. S’il n’y avait eu aucune relation entre ce syndrome arthromyalgique et les vaccins, il y aurait eu 50 % de myalgies apparues après et 50 % apparues avant le vaccin responsable. Cet élément est très important. En revanche, de façon très surprenante, le délai d’apparition de ces myalgies était souvent assez élevé puisque la médiane se situait aux alentours de onze mois : l’apparition des premières manifestations musculaires avait lieu onze mois après l’injection du vaccin causant la lésion de « myofasciite à macrophages », avec des délais allant jusqu’à parfois deux ans.

Deuxième élément très important du syndrome, ces patients se plaignaient très habituellement d’une fatigue chronique inexpliquée et considérée comme sévère - c’est-à-dire les amenant à arrêter le travail ou à limiter très nettement leur activité physique -, pendant plus de six mois chez 93 % d’entre eux.

Si l’on se réfère aux critères internationaux du syndrome de fatigue chronique et aux critères CDC - Centers for Disease Control - les plus fréquemment utilisés, on constate qu’environ la moitié des patients répondait strictement à ces critères.

Un autre élément intéressant est qu’en plus de ces syndromes de douleurs articulaires et musculaires, et de fatigue chronique, ces patients souffraient très fréquemment d’une maladie de l’immunité, en particulier la sclérose en plaques. Ces résultats, notamment pour la sclérose en plaques, sont actuellement sous presse dans la grande revue britannique « Brain ».

L’irruption de ce problème, dans le domaine très sensible des vaccinations, a conduit plusieurs instances à se saisir de nos résultats et à les expertiser. Je citerai pour mémoire :

 au niveau national, l’Institut de veille sanitaire avec un relais à l’AFSSAPS, l’agence française du médicament ;

 au niveau international, l’OMS à Genève ;

 l’instance américaine, les Centers for Disease Control (CDC).

Ces trois types d’expertises - au niveau français, américain et international -, ont toutes convenu du caractère certain de l’association de la lésion avec le vaccin aluminique.

Les conclusions que j’énonce ici sont celles qui sont actuellement acceptées par les experts internationaux :

 la « myofasciite à macrophages » est induite par les vaccins aluminiques ;

 elle reflète la persistance, parfois pendant de nombreuses années, de l’aluminium dans le site d’injection ;

 la lésion est immunologiquement active : il ne s’agit pas d’une simple cicatrice métallique, mais il existe une réaction immunopathologique avec des lymphocytes T, une présentation antigénique, ce que l’on appelle en jargon médical un « organe lymphoïde tertiaire » ;

 elle est détectée chez des patients souffrant de douleurs musculaires diffuses et de fatigue chronique ;

 ce tableau clinique général émerge postérieurement à la vaccination qui a causé la lésion musculaire ;

S’agissant de l’hydroxyde d’aluminium, il vous faut savoir qu’il s’agit d’un adjuvant très ancien des vaccins puisqu’il a été introduit dans la phamacopée en 1926. Le caractère ancien de cet adjuvant lui a permis de passer au travers de toutes les évaluations pharmacologiques. Il est probable qu’actuellement, il ne passerait pas le premier tour d’évaluation préclinique des vaccins ; mais du fait qu’il était utilisé depuis très longtemps, il était considéré comme relativement dénué d’effets secondaires.

Même si cela n’a jamais été clairement expertisé, les données notamment de pharmacocinétique et de pharmacologie générale sont entachées de zones d’ombre très préoccupantes, en particulier en matière de persistance du composé vaccinal au site de l’injection. Actuellement, de façon incroyable, personne n’est capable de préciser la durée normale de persistance de l’aluminium dans le tissu dans lequel il a été injecté.

On sait que cet adjuvant induit une destruction tissulaire locale. Plus la destruction est forte, plus l’effet adjuvant du vaccin, c’est-à-dire favorisant la réponse immunologique au vaccin, est puissant.

Le vaccin induit une des voies de l’immunité qui favorise la production des anticorps, notamment des anticorps dirigés vers le peptide vaccinal qui est associé : les vaccins, par exemple, contre l’antigène de l’hépatite B. On sait aussi qu’il forme un dépôt local mangé par les « éboueurs » de l’organisme que sont les macrophages. C’est ce qui a été observé dans le muscle. Ce dépôt local est considéré comme devant être solubilisé en quelques semaines après l’injection. Or, au moins chez certains patients, il est évident que cet adjuvant persiste pendant huit, neuf voire dix ans.

La seule étude connue de pharmacocinétique de l’hydroxyde d’aluminium a été effectuée par Flarendt dans Vaccine 1997 : il a injecté de l’hydroxyde d’aluminium radiomarqué à des lapins par voie intramusculaire. Il a montré que seuls 17 % de l’aluminium radiomarqué étaient évacués par voie urinaire, au 28ème jour après l’injection. Si on extrapole la durée que mettrait cet aluminium à s’évacuer, on s’aperçoit que probablement l’évacuation devrait se faire en plus d’un an. Néanmoins, Aventis-Pasteur, un des producteurs du vaccin de l’hépatite B, a réalisé une expertise non publiée qui montrerait que normalement, chez le lapin, les lésions vaccinales disparaissent dans les quatre-vingt dix jours après l’injection. Les travaux, que nous menons avec le Docteur Authier à Créteil, laissent penser que chez le rat, cette durée est significativement plus longue. Chez l’homme, personne n’est à même de préciser la durée normale de persistance de cet adjuvant.

Quelles sont les hypothèses de travail sur cette maladie ? Tout d’abord, l’OMS a énoncé comme très probable que la « myofasciite à macrophages » survient sur un terrain particulier, individuel, peut-être génétiquement déterminé, qui présenterait la particularité de ne pas pouvoir se débarrasser rapidement de l’aluminium injecté. Cette persistance de l’aluminium pourrait, en fait, être à l’origine de tous les ennuis rencontrés chez les patients chez lesquels on le trouve.

Pour notre part, nous pensons - sans que cela soit incompatible avec les hypothèses de l’OMS, bien au contraire -, que la persistance chronique d’un composé, dont le rôle est de stimuler l’immunité, va s’associer à une immunostimulation chronique à bas bruit laquelle pourrait fort probablement être à l’origine de cette fatigue chronique et des douleurs arthromusculaires. Ces éléments ont déjà été énoncés depuis dix ans comme étant le substratum possible de ces syndromes - myalgies, fatigue chronique - observés, par exemple, à la suite d’infections virales.

A ce stade des hypothèses, restent à résoudre des questions de santé publique de deux natures. On peut concevoir le caractère dangereux de ce problème s’il n’est pas géré de façon attentive.

Le principal enjeu consiste à établir, de façon certaine, que la lésion observée dans le muscle injecté est authentiquement associée à un syndrome systémique arthromyalgique. Pour ce faire, il est obligatoire d’en passer par une étude épidémiologique, selon une procédure qualifiée « cas-témoins ». Cette étude a été mise au point par une collaboration entre l’INVS et l’AFSSAPS, grâce à une méthodologie validée par l’INSERM. Le protocole de l’étude est défini et elle devrait démarrer dans les prochaines semaines.

Se posent également des questions de biologie concernant la persistance musculaire de l’hydroxyde d’aluminium. Alors que l’introduction de ce produit dans la pharmacopée date de 1926, personne n’est en mesure de dire actuellement quelle est la durée pendant laquelle l’aluminium persiste au site injecté et quelle est la cause de cette persistance.

Diverses hypothèses ont été émises dans la littérature. Par exemple, l’aluminium serait capable d’immortaliser ces cellules présentant des antigènes au système immunitaire que sont les macrophages. Cette immortalisation serait à l’origine d’une activation permanente du système immunitaire, ce qui permettrait l’émergence de maladies dites auto-immunes, c’est-à-dire dirigées contre l’organisme.

Par ailleurs, l’identification du substratum anatomique des myalgies demeure toujours un véritable problème. Dans neuf myalgies sur dix, on ne comprend pas pourquoi les patients souffrent de douleurs musculaires, alors que l’on ne peut nier qu’ils souffrent effectivement. Cette connaissance ne pourra être établie que par des études expérimentales et pathologiques qui seront à la fois longues, difficiles et coûteuses.

J’ai rappelé tous ces éléments, car la piste vaccinale - comme l’a dit le Professeur Lee tout à l’heure -, est une des voies d’explication possibles du « syndrome de la guerre du Golfe ». La structure des symptômes des soldats, même si elle n’est pas spécifique de la guerre du Golfe et se constate dans d’autres conflits ou chez des militaires n’ayant pas été déployés sur le terrain, est néanmoins fondée sur un tripode associant une fatigue chronique, des douleurs musculaires et articulaires, et des troubles de l’humeur et de la cognition, c’est-à-dire des troubles du système nerveux central.

Dans le cas du « syndrome de la guerre du Golfe », ces symptômes de fatigue, d’arthromyalgies et de troubles cognitifs sont habituellement apparus de façon retardée par rapport au conflit. La même constatation peut être faite dans le cas de la « myofasciite à macrophages » où, entre le moment de la vaccination et les premiers signes de maladie, s’écoulait un délai d’environ un an.

Je ne m’attarderai pas sur les critères des CDC, mais les critères officiels actuels de reconnaissance du « syndrome de la guerre du Golfe » sont les mêmes : fatigue, troubles cognitifs, manifestations musculo-articulaires, avec une évolution chronique supérieure à six mois. Nous pourrions très facilement reconnaître comme souffrant du « syndrome de la guerre du Golfe », les patients porteurs d’une « myofasciite à macrophages ». Ils rentreraient stricto sensu dans les critères officiels des CDC américains sur ce syndrome.

S’agissant de toutes les causes énoncées comme potentiellement, à l’origine du « syndrome de la guerre du Golfe », je souligne que je n’ai aucune compétence pour vous parler de l’uranium appauvri, des pesticides ou de la Pyridostigmine. Pour cette dernière, on sait qu’elle est d’un usage courant en neurologie, dans le domaine des maladies neuro-musculaires, depuis la fin des années cinquante et que jamais personne n’a émis l’hypothèse qu’elle pouvait induire un syndrome ressemblant à celui de la guerre du Golfe. L’implication de la Pyridostigmine comme seule cause nous paraît peu vraisemblable, à titre intuitif.

En revanche, les Britanniques ont beaucoup travaillé sur l’épidémiologie et l’implication possible des vaccins. En particulier, le groupe de Hotopf et Wessely a montré, d’une part, une association faible entre le « syndrome de la guerre du Golfe » et le vaccin antitétanique, vaccin aluminique, et, d’autre part, une association forte entre le « syndrome de la guerre du Golfe » et des vaccinations multiples.

Ces vaccinations multiples - comme l’a indiqué le Professeur Lee tout à l’heure - incluaient des vaccins de guerre dont, au tout premier rang desquels, le vaccin contre le charbon (« anthrax »). Le vaccin contre le charbon est un vaccin fortement adjuvanté en hydroxyde d’aluminium qui, en principe, fait l’objet de six injections. Par comparaison, le vaccin anti-hépatite B comporte trois injections.

Les six injections du vaccin contre le charbon doivent être réalisées sur un délai de dix-huit mois. Il se trouve que, très probablement, au moins une partie des militaires engagés ont bénéficié d’un calendrier vaccinal beaucoup plus resserré sur le terrain, dès lors que les troupes sous commandement américain ont décidé de passer à l’offensive, c’est-à-dire de l’étape « Bouclier du désert » à l’étape « Tempête du désert ». Or, fréquemment, le vaccin contre le charbon faisait partie de ces vaccinations multiples.

L’hypothèse que nous formulons est qu’il pourrait y avoir une similitude et un recoupement entre trois syndromes : le « syndrome de la guerre du Golfe » - à défaut de pouvoir le nommer autrement -, la « myofasciite à macrophages » dont on sait qu’elle est induite par les vaccins aluminiques et le syndrome de fatigue chronique, susceptible d’apparaître à la suite d’épisodes infectieux.

Ce schéma montre la similitude des deux premiers syndromes. La première barre en gris représente la « myofasciite à macrophages » ; la deuxième le « syndrome de la guerre du Golfe », lorsque l’on prend la série publiée par Coker en 1999, sur les 1 000 premiers vétérans britanniques. Comme vous pouvez le constater, il existe une structure des symptômes extrêmement semblable entre le « syndrome de la guerre du Golfe » et celui de la « myofasciite à macrophages ».

Je dois néanmoins souligner que nous avons ici omis les troubles cognitifs car ils n’ont pas été strictement analysés dans notre série ; par conséquent, nous n’avons pu les introduire. Toutefois, avec le recul, on constate que ces troubles cognitifs sont relativement fréquents parmi les « myofasciites à macrophages ».

Le degré de recouvrement de ces trois syndromes est actuellement une inconnue. Je vous donne une position intermédiaire, mais il n’est pas impossible que le « syndrome de la guerre du Golfe » soit en fait un syndrome post-vaccinal, puisqu’il répond stricto sensu aux définitions cliniques des patients civils rencontrant une complication des vaccins aluminiques.

Dans l’hypothèse d’une similarité entre la « myofasciite à macrophages » des civils et le « syndrome de la guerre du Golfe », si l’agent responsable principal était le vaccin contre le charbon, cela expliquerait le très faible pourcentage de militaires français victimes d’un « syndrome de la guerre du Golfe », par comparaison avec les troupes britanniques ou américaines. En effet, 150 000 militaires anglo-saxons ont été vaccinés contre le charbon et, à ma connaissance, quasiment aucun Français. En revanche, les soldats français se sont vus administrer des vaccins contre l’hépatite B et antitétaniques, c’est-à-dire des vaccins susceptibles d’induire un syndrome tout à fait semblable.

L’idée que je défends devant vous est qu’il est indispensable de tester cette hypothèse. Pour ce faire, il suffit de nous adresser, à l’hôpital Henri-Mondor de Créteil, les patients auto-déclarés comme ayant un « syndrome de la guerre du Golfe ». Nous chercherons alors la signature de la vaccination aluminique au niveau de leur muscle.

Je ne sais pas si ma démonstration a réussi à vous convaincre du bien-fondé de nos hypothèses. Pour pouvoir les confirmer, il nous suffit d’examiner les patients et de rechercher une lésion persistante au niveau de leur muscle deltoïde. Je vous remercie.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Je vous remercie messieurs les Professeurs pour ces exposés introductifs.

M. Claude Lanfranca, co-rapporteur : M. le Professeur Gherardi, je vous remercie de cet exposé intéressant. Selon vous, le syndrome de la guerre du Golfe s’apparenterait davantage à un problème post-vaccinal qu’il ne résulterait de la guerre du Golfe elle-même. En fait, si on fait état, dans le nom du syndrome, de la « guerre du Golfe », c’est parce que les soldats ont été vaccinés lors de ce conflit ; mais cela pourrait avoir eu lieu n’importe où ailleurs. J’aurai trois questions à vous poser.

Les analyses portant sur les soldats ayant servi dans le Golfe ont-elles révélé des différences par rapport aux patients civils vaccinés que vous avez étudiés ?

S’agissant de la signature vaccinale, trouve-t-on toujours cet hydroxyde d’aluminium, même chez une personne qui ne comporte pas de troubles ?

Enfin, pour quelles raisons le Gouvernement français n’a-t-il pas fait modifier l’adjuvant des vaccins s’il présente autant de dangers ?

M. le Professeur Romain Gherardi : Je suis dans l’incapacité de vous fournir les données sur la prévalence des vaccinations chez les vétérans français de la guerre du Golfe. Je peux seulement vous préciser que, selon le Docteur Bender, en charge de l’interface médicale du ministère de la Défense, les soldats français avaient très régulièrement reçu deux vaccins aluminiques qui sont le vaccin antitétanique et le vaccin anti-hépatite B. Il est certain que nos militaires français ont reçu, parmi tous les vaccins aluminiques, au moins ces deux-là.

A la question de savoir s’il était banal d’observer un tel syndrome, la réponse est non. En effet, si l’on considère tous les patients consécutifs chez lesquels on retrouve la lésion, on constate qu’ils souffrent tous de la même maladie. Si cela était totalement aléatoire, nous aurions des patients qui souffrent de maladies musculaires non douloureuses ou de maladies héréditaires du muscle, fait observé mais de façon exceptionnelle. Il ne nous semble pas que l’association est liée au hasard.

De ce point de vue, nous avons fait une étude que je peux très rapidement vous résumer. Nous avons examiné la fréquence des myalgies chez nos patients. Sur les 1 400 patients ayant subi une biopsie du deltoïde dans les centres hospitaliers français, de 1997 à 1998, avant que l’effet de notoriété fausse le recrutement, une cinquantaine d’entre eux présentait une lésion « myofasciite à macrophages » ; 90 % d’entre eux souffraient de ce syndrome arthromyalgies et fatigue ; parmi les autres, on n’observait des douleurs musculaires ou une fatigue que chez 45 %. Il y avait donc une réelle concentration du syndrome arthromyalgies fatigue chez ceux qui présentaient la lésion.

S’agissant de l’hydroxyde d’aluminium, il est difficile de retirer cet adjuvant car on n’en connaît peu d’autres. C’est un adjuvant extrêmement efficace, peut-être même trop, car non seulement il favorise l’immunité contre le vaccin, mais il n’est pas exclu qu’il puisse finir par enclencher une maladie auto-immune.

Il est clair que si l’étude épidémiologique engagée par l’AFSSAPS montre l’existence d’une relation entre le syndrome clinique et les lésions induites par l’hydroxyde d’aluminium, les jours de cet adjuvant seront probablement comptés.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Vos recherches expliquent pourquoi, lorsque les militaires ont été vaccinés contre l’hépatite B, on a alors observé des scléroses en plaques.

M. le Professeur Romain Gherardi : Effectivement, si c’est bien le cas.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Cela confirme le fait que les scléroses en plaques ne sont pas simplement des épiphénomènes n’ayant aucun lien avec la vaccination, notamment le vaccin contre l’hépatite B.

M. le Professeur Romain Gherardi : Entre les suspicions fortes, ce qui est le cas, et la démonstration définitive, il y a toujours un pas. Seules les études épidémiologiques, menées de façon rigoureuse, peuvent permettre d’établir, de façon absolument certaine, cette association.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Professeur Lee, vous avez effectué, au Royaume-Uni, une étude portant sur 3 082 soldats. Quand vous avez réalisé vos examens, avez-vous mesuré l’uranium dans les urines des soldats, comme l’a fait le Docteur Durakovic ?

M. le Professeur Harry A. Lee : Nous avons effectivement mesuré le niveau d’uranium lorsque les anciens combattants présentaient des signes cliniques. Il a été testé chez plus de 4 000 soldats : 287 soldats américains, 100 soldats canadiens, 2 600 Belges, 60 Français et 2 Britanniques. Le niveau d’uranium testé se situait toujours dans les limites de la normalité.

Je souligne que 17 soldats américains avaient conservé dans leur corps, à la suite de tirs fratricides, des éclats d’obus contenant de l’uranium appauvri. Même si on a pu détecter entre deux à trois cents fois plus d’uranium au-dessus des limites de la normale, tous ces soldats se portent parfaitement bien et ont eu 15 enfants en bonne santé.

Je précise également qu’une étude portant sur une cinquantaine de mineurs dans les mines d’uranium sur une durée de 45 ans, n’avait détecté aucune augmentation des cancers du poumon, osseux ou de maladies rénales.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Vous avez indiqué que 60 soldats français ont fait l’objet d’analyses d’urine afin de déceler une éventuelle présence d’uranium appauvri. Qui a réalisé ces tests et quand ?

M. le Professeur Harry A. Lee : Ce sont les services du ministère de la Défense, il y a peu de temps.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : S’agissant de l’étude sur les mineurs que vous avez citée, je vous indique qu’une étude épidémiologique, effectuée en France par la COGEMA, sur les mines d’uranium, montre une augmentation des cancers au niveau des mineurs. Le problème qui se pose est de savoir si cela est dû au radon ou aux poussières d’uranium, mais il est faux de dire que rien n’est visible au niveau des études épidémiologiques.

M. le Professeur Harry A. Lee : En 1989, un rapport, publié par l’Agence américaine pour les substances toxiques et l’enregistrement des maladies, pour le compte de l’Institut de médecine, a précisé qu’il n’y a aucune preuve donnant lieu à penser qu’il y a une augmentation de la prévalence des cancers dus à l’uranium. Quant au radon, je suis d’accord avec vous, c’est une autre affaire.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Qui finance les études faites au Royaume-Uni ? Nous avons ouï dire que toutes avaient été financées par les Américains.

M. le Professeur Harry A. Lee : Trente anciens combattants britanniques ont été soumis, au Canada, à des tests concernant le niveau d’uranium, sur la base de techniques non standards. Les méthodes de collecte utilisées n’ont pas été connues et n’ont fait l’objet d’aucune publication. Ce sont les associations d’anciens combattants qui ont financé ces tests.

Le Gouvernement britannique a proposé de réaliser les mêmes expériences et analyses en trois exemplaires, mais les 30 anciens combattants britanniques concernés ont refusé de coopérer. Sinon c’est le Gouvernement britannique qui paie pour les examens des anciens combattants.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Ma question portait plus généralement sur les études épidémiologiques faites au Royaume-Uni. Est-il vrai que ce sont les Américains qui ont financé les études épidémiologiques que vous avez effectuées sur les vétérans de la guerre du Golfe ?

M. le Professeur Harry A. Lee : Seules les études du Professeur Wessely ont été financées par le Département de la Défense américain (DoD). Le groupe de Manchester et le Docteur Doyle à Londres sont payés par le Gouvernement britannique.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Globalement, combien d’études ont été faites en Grande-Bretagne ? Quelle est la part financée par les Américains et celle financée par les Britanniques ?

M. le Professeur Harry A. Lee : Les trois mille examens, au Royaume-Uni, ont été entièrement financés par le Gouvernement britannique, y compris les examens effectués à Manchester et l’examen du Professeur Doyle. Toutefois les premières études, menées par le Professeur Wessely, ont effectivement été financées par le Département de la Défense américain. Les travaux qu’il mène maintenant sont financés par le Gouvernement britannique.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Avez-vous eu accès aux résultats des analyses d’urine des 60 soldats français pour lesquels une recherche d’uranium appauvri a été effectuée ?

M. le Professeur Harry A. Lee : Les résultats de ces examens, qui nous ont été présentés à Londres par un groupe de représentants du ministère de la Défense français, sont les suivants : parmi les 60 personnes testées, 20 se portent bien, 20 présentent des maux, 6 d’entre elles souffrant d’hémopathies - de type leucémie ou maladie de Hodgkin -, le reste souffrant de maladies diverses et variées. Des méthodes internationales ont été utilisées pour tester ces anciens combattants. Sur ces 60 soldats, certains ont été engagés au Kosovo, d’autres dans le Golfe. Tous les tests ont néanmoins abouti à des résultats normaux.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Qui a procédé aux examens sur ces 60 soldats ?

M. le Professeur Harry A. Lee : C’est un médecin militaire français qui a fait la présentation des résultats à Londres, mais je ne sais pas où les tests ont été effectués.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Nous interrogerons le ministère de la Défense sur ce point.

M. Jean-Louis Bernard : Je suis frappé par la qualité des travaux qui nous ont été présentés ce matin. Cela nous change de certaines auditions qui tenaient parfois plus de l’anecdote que de véritables travaux scientifiques. Au nom de notre mission, nous pouvons remercier ces deux équipes, française et anglaise, qui ont accompli et continuent d’accomplir un excellent travail.

Il peut sembler y avoir une certaine contradiction entre la conclusion du Professeur Lee, qui dit très clairement que le « syndrome du Golfe » n’existe pas, et celle du Professeur Gherardi qui, au contraire, trace une piste particulièrement intéressante, piste qui peut tout aussi bien laisser supposer qu’il n’y a pas de « syndrome du Golfe », mais plutôt un syndrome post-vaccinal.

Cette dernière interprétation me parait tout à fait intéressante. En effet, au début, la Pyridostigmine, les incendies de puits de pétrole et l’uranium appauvri étaient au centre des débats. Maintenant, les coupes histologiques présentées donnent matière à réflexion, sans toutefois accuser tous les vaccins. Je rappellerai à cet égard à Mme Rivasi que, du temps de Charcot, la sclérose en plaque était déjà connue alors que le vaccin contre l’hépatite B n’existait pas.

Reste un élément difficile à concevoir, même si, Professeur, vous l’avez expliqué avec l’amorçage de la pompe immunitaire ou anti-immunitaire : vous observez, d’un côté, un stigmate très fort, local, au point d’injection du vaccin, soit au niveau du quadriceps ou du deltoïde ; or parallèlement, vous ne constatez pas de taux sanguins importants.

Tout se passe comme si existait la possibilité d’une maladie locale, sans qu’il y ait dissémination par voie systémique. Autant on peut constater une maladie deltoïdienne avec une deltoïdite très douloureuse, autant il est difficile de constater des myalgies diffuses. Vous avez développé une argumentation que je n’ai pas toujours saisie, mais je reconnais que l’exercice est difficile.

A contrario, la biopsie me paraît être un élément tout à fait intéressant, car elle permettrait, en authentifiant histologiquement la maladie, de pouvoir donner lieu à une éventuelle indemnisation de soldats qui ont présenté tel ou tel trouble.

Professeur Gherardi, vous avez indiqué que l’hydroxyde d’aluminium, même s’il pouvait rester très longtemps dans les tissus, finissait néanmoins par s’éliminer. Il semblerait - et cela peut confirmer les travaux du Professeur Lee - que les douleurs musculaires sont assez importantes dans les années qui suivent la vaccination, puis auraient tendance à disparaître au fur et à mesure que l’hydroxyde d’aluminium s’évacue de l’organisme. Même s’il y avait un syndrome post-vaccinal, on pourrait supposer qu’il n’est que provisoire et finirait par s’atténuer à la longue. Quel est votre sentiment sur cette hypothèse ?

M. le Professeur Romain Gherardi : Je partage tout à fait votre point de vue. Je voudrais souligner le danger sémantique des expressions employées dans le sens où s’il n’existe pas de « syndrome de la guerre de Golfe » en tant que tel, même si cela ne signifie pas pour autant qu’il n’y a pas de malades chez les anciens combattants de la guerre du Golfe. En fait, il ne s’agit pas d’un syndrome spécifique, car il a été observé dans plusieurs catégories de populations :

 des militaires vaccinés, qui ont participé à la guerre du Golfe sans être déployés sur le terrain des combats ;

 des militaires déployés sur d’autres sites de conflit, notamment au Kosovo ;

 des civils dont les vaccinations, sans être des vaccinations de guerre, étaient aluminiques.

Comment expliquer qu’une maladie focale puisse s’accompagner de manifestations générales ? La difficulté est que nous sommes obligés de passer par le relais d’un des trois systèmes de connexion générale de l’organisme : le système endocrinien, le système immunitaire - qui sont tous deux des systèmes diffus -, et le système nerveux - qui, lui, a des ramifications diffuses.

Actuellement, savoir par quel truchement cela s’opère n’est pas défini. Pour ma part, j’aurais tendance à privilégier la piste immunitaire puisqu’il s’agit d’un adjuvant immunostimulant. Nous avons l’évidence d’une lésion immunologiquement active et des résultats préliminaires en laboratoire qui montrent de nombreux stigmates d’activation immunitaire chronique chez ces patients.

Vient d’être publié, dans la littérature, le premier modèle animal de syndrome de fatigue chronique et d’arthromyalgies. Ce syndrome a été induit par l’injection locale, à deux reprises - à l’image de deux vaccinations si vous voulez -, de solutés acides. L’injection chez le rat d’un soluté acide à quinze jours d’intervalle, dans un muscle de la patte, induit une maladie générale de type hyperalgésie, c’est-à-dire que tous les tests fonctionnels de douleurs sont, durablement, pendant des mois, perturbés. Cela montre bien qu’une action localisée dans un muscle peut induire, par un truchement non clairement défini, un syndrome systémique.

Je souligne que le substratum biologique des douleurs musculaires chroniques n’est actuellement pas établi. Sur dix patients qui viennent nous consulter pour ce problème, on n’établit la cause et le substratum que chez 10 % d’entre eux. Neuf patients restent avec un syndrome de myalgies et de fatigue d’origine indéterminée.

M. le Professeur Harry A. Lee : Je voudrais faire trois remarques.

Tout d’abord, dans l’étude faite par le Professeur Wessely, les anciens combattants avaient signalé certains symptômes. Actuellement, la même étude est en cours et 50 % des mêmes anciens combattants ont vu leurs symptômes s’améliorer considérablement. Cette constatation est donc quelque peu étrange, si l’on suppose que l’aluminium est toujours présent dans le corps de ces patients.

Par ailleurs, au Royaume-Uni, ceux qui reçoivent le plus de vaccins au cours d’une période déterminée sont les soldats. En principe, les symptômes auraient dû apparaître avant la guerre du Golfe, puisque les soldats britanniques avaient fait l’objet de certains vaccins aluminiques. Or cela n’a pas été le cas. Ces symptômes n’ont pas été signalés avant la guerre du Golfe, bien que ces soldats aient été vaccinés bien antérieurement au conflit.

Enfin, les personnes qui souffrent d’insuffisances rénales suivent un traitement par dialyse et l’eau de la dialyse contient de l’aluminium. En principe, si toxicité de l’aluminium il y avait, elle aurait dû être signalée. Sur les 130 personnes examinées par le Professeur Wessely, on peut supposer que les réactions observées sont également dues à des spécificités propres à chaque patient.

M. le Professeur Romain Gherardi : Je voudrais faire un bref commentaire sur ces trois remarques.

S’agissant de la diminution de la prévalence des symptômes, nous avons aussi l’impression, car nos premiers patients datent de 1993, que les plus anciens d’entre eux commencent à se porter un peu mieux. Cela est compatible avec la disparition de l’aluminium observée dans le modèle animal, chez le rat. En un an, la lésion aluminique a parfois fondu de façon considérable. Si les vaccins aluminiques sont réellement responsables, il est envisageable que le problème disparaisse progressivement.

En ce qui concerne le syndrome des hémodialysés, il est vrai qu’ont été rapportées, il y a de très nombreuses années, des intoxications systémiques par l’aluminium chez des insuffisants rénaux. Toutefois nous ne sommes pas du tout dans la même situation. Nous, nous parlons d’hydroxyde d’aluminium et non pas d’aluminium soluble. Par ailleurs, cet hydroxyde d’aluminium est à l’intérieur de cellules immunocompétentes dont le rôle est de stimuler l’immunité. Par conséquent, dans l’intoxication aluminique des insuffisants rénaux, il n’y a pas d’aluminium à l’intérieur des macrophages. Ce sont des dépôts inertes dans les tissus. Dans le cas des insuffisants rénaux, on constate une toxicité d’accumulation métallique ; dans le cas de la « myofasciite à macrophages », il s’agirait plutôt d’une maladie immunitaire liée à un adjuvant immuno-stimulant.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Professeur Lee, en ce qui concerne les autres facteurs susceptibles d’intervenir sur les différents symptômes des anciens combattants de la guerre du Golfe, avez-vous eu confirmation, s’agissant des alertes chimiques, de détections positives de gaz neuro-toxiques pendant la guerre du Golfe ? Par ailleurs, quels types de gaz sont susceptibles d’avoir été inhalés par les soldats britanniques ?

M. le Professeur Harry A. Lee : Le Gouvernement britannique a lancé une étude sur les explosions de sites chimiques - notamment Khamisiyah - qui avaient eu lieu les 19 janvier et 14 mars 1991. Aucune étude britannique n’a pu confirmer l’exposition véritable des anciens combattants aux agents neuro-toxiques. Cela ne signifie pas qu’il n’y avait pas sur place la présence d’organo-phosphates ou d’insecticides ; toutefois on n’a pas pu prouver une intoxication aiguë à ces agents neuro-toxiques.

M. André Vauchez : Professeur Gherardi, la présence d’hydroxyde d’aluminium dans les vaccins a-t-elle, selon vous, engendré une mortalité vérifiée actuellement ? Pensez-vous qu’un jour cela pourrait engendrer une mortalité si on continue à l’utiliser ?

M. le Professeur Romain Gherardi : Je ne le pense pas.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Je vous remercie pour la clarté de vos propos et toutes les précisions que vous nous avez apportées.


Source : Assemblée nationale (France)