(extrait du procès-verbal de la séance du mercredi 2 mai 2001)

Présidence de M. Bernard Cazeneuve

M. Bernard Cazeneuve, Président : Monsieur le Ministre, la mission d’information a souhaité vous entendre au terme de ses travaux sur le déploiement français dans le Golfe, car vous avez occupé, comme M. Pierre Joxe que nous venons d’auditionner et comme, à présent, M. Alain Richard que nous auditionnerons cet après-midi, la fonction de ministre de la Défense jusqu’au 28 janvier 1991. Les conditions et les motifs de votre démission du Gouvernement, d’ailleurs connus de tous, n’entrent nullement dans le champ d’investigation de notre mission, même si bien entendu nous serons toujours intéressés de vous entendre sur tout sujet concernant cette période et les événements sur lesquels nous nous penchons.

En revanche, il nous a paru important de vous recevoir car votre expérience gouvernementale et votre « longévité ministérielle » à l’Hôtel de Brienne, je rappelle que vous aviez été nommé ministre de la Défense en mai 1988, sont pour nous autant de gages d’explications et d’éclaircissements sur l’organisation du ministère et des états-majors. Cet aspect du problème est, en effet, très important. Au regard de notre compétence qui porte principalement « sur les conditions d’engagement des militaires français » dans une opération extérieure de grande ampleur et, de surcroît, conduite en coalition, il nous revient de recueillir le maximum de témoignages sur la réalité des faits de l’époque.

A ce titre, nous considérons comme essentiel de mieux connaître comment s’effectuaient les liaisons entre les plus hautes autorités civiles et militaires françaises, d’une part, et avec les responsables politiques ainsi que le haut commandement américains, d’autre part. Cette coalition a été dirigée du point de vue organisationnel et, bien évidemment, opérationnel, par les Américains. Comment cela se passait-il ?

Il ne fait, en effet, aucun doute que le Président Bush, MM. Baker et Cheney, Secrétaire d’Etat et Secrétaire à la Défense, ainsi que les généraux Powell et Schwarzkopf exerçaient, dès l’été 1990, une prééminence par rapport à leurs homologues alliés.

Par exemple, l’utilisation par les Américains et, dans une moindre mesure, par les Britanniques, d’armes incorporant de l’uranium appauvri, a-t-elle ou non donné lieu à une information précise et certaine à l’égard de tous les autres membres de la coalition ? A ce jour, la mission n’a ni certitude ni réponse définitive sur ce point essentiel.

S’agissant du contexte que je qualifierai de « franco-français », d’autres questions se posent. Certaines précisions paraissent tout autant essentielles. Ainsi, l’Etat-major des Armées, à Paris, disposait-il d’informations dont le haut commandement français, sur place, n’a pu disposer, alors qu’elles n’auraient pas été sans conséquences sur le positionnement opérationnel de nos forces ?

Par ailleurs, le soutien sanitaire français et les modalités de protection contre le risque « NBC » de la Division Daguet, ont-ils été une préoccupation première des états-majors et, y a-t-il eu, en leur sein, des divergences de principe ou d’emploi sur ces questions ?

Vous avez exercé, Monsieur le Ministre, votre fonction jusqu’au début de l’offensive aérienne et votre démission est donc intervenue un mois avant le déclenchement de l’offensive terrestre.

L’ensemble du dispositif logistique a néanmoins été défini et mis en place sous votre autorité, au regard de la chronologie des grandes étapes du déploiement.

Votre interlocuteur quotidien était sans nul doute le Général Schmitt, alors à la tête de l’Etat-major des Armées (EMA), sans oublier l’Etat-major particulier du Président de la République.

Sur place, les généraux Roquejeoffre, alors au commandement de la Force d’Action Rapide (F.A.R.) et Mouscardès, « patron » de la Division Daguet, jusqu’à son rapatriement pour motif sanitaire à quelques jours de l’offensive terrestre, étaient les maîtres d’_uvre du déploiement. La mission souhaite savoir si ces responsables vous ont fait directement part de difficultés particulières, voire d’inquiétudes. A combien de reprises les avez-vous rencontrés ou contactés directement ?

Nous faisons donc appel à vous, Monsieur le Ministre. Nous connaissons la qualité de votre réflexion. Dix années après les faits, il est logique que des dates ou des points particuliers puissent vous échapper, dès lors que l’on ne dispose plus en permanence de la totalité des archives. Pour autant, il nous paraît évident que votre témoignage d’« acteur de l’Histoire » constituera un apport important pour nos travaux.

En vous remerciant pour votre présence, nous vous proposons de prendre la parole pour un bref exposé introductif au terme duquel nous vous poserons quelques questions sur des points utiles pour l’achèvement de nos travaux, prévu pour ce qui concerne le Golfe dans une quinzaine de jours.

M. Jean-Pierre Chevènement : Merci. Je vais essayer de répondre à vos questions. Je n’ai pas préparé de texte pensant qu’une conversation, non pas à bâtons rompus, mais répondant aux questions que vous pouviez poser était sans doute la meilleure méthode.

Dix ans ont passé, même un peu plus, les faits restent néanmoins très précis dans ma mémoire. J’ai en effet été chargé de superviser la préparation opérationnelle des forces pour une initiative que je n’approuvais pas. Je l’ai fait naturellement de mon mieux en faisant en sorte que cette opération réponde à ce que souhaitait le Président de la République et réponde aussi aux précautions qu’il convenait de prendre.

Les premiers éléments de la Division Daguet ont été débarqués le 15 septembre, si mes souvenirs sont bons, à Yanbu sur la côté occidentale de l’Arabie Saoudite, puis acheminés non loin de la frontière du Koweït dans un lieu dénommé Hafar Al Batin qui était un camp militaire saoudien.

La man_uvre telle qu’elle avait été conçue et que j’ai approuvée -je parle de la man_uvre terrestre, je ne parle pas de la man_uvre aérienne- prévoyait que nos forces seraient déportées à peu près à 250 kilomètres à l’ouest du front principal dans un endroit qui s’appelle Rafah qui est une ville d’Arabie Saoudite, avec comme axe de progression une pénétration en territoire Irakien jusqu’à une ville dénommée Al Salman. Ensuite, quelques éléments ont poursuivi jusqu’à l’Euphrate. Mais, comme vous le voyez, il s’agissait d’une man_uvre de contournement, la bataille principale avait lieu bien entendu au Koweït et ce sont les divisions blindées lourdes américaines et britanniques qui y étaient engagées ; ce n’était guère possible pour les forces françaises car la Division Daguet représentait l’essentiel des éléments de la Force d’action rapide (F.A.R.). C’est une force légère conçue pour le Centre-Europe, pour porter un secours rapide avant que l’on engage le corps de bataille. La force qui était envoyée en Arabie Saoudite correspondait à l’intention du Président de la République qui était d’être associé aux opérations sans néanmoins l’être trop.

J’ai donc veillé à ce que ces troupes soient renforcées autant que cela était possible. Elles comportaient beaucoup de matériels légers, donc, elles étaient aptes à une grande course dans le désert, plus qu’à un choc frontal. Nous disposions néanmoins d’un soutien d’artillerie important.

Le point qui vous intéresse est celui des risques qui pouvaient être encourus. Je ne parle pas des risques politiques, ils étaient immenses. Ils ont été pris dans des conditions sur lesquelles il appartiendra aux historiens de se prononcer. J’ai moi-même mon opinion sur ce sujet. J’ai toujours pensé que l’intérêt essentiel de la France eut été que nous ne soyons pas engagés dans cette affaire, quoiqu’il y ait eu une violation caractérisée du droit international, que je suis le dernier à vouloir nier. Néanmoins cette guerre allant bien au-delà par les moyens mis en _uvre à ce qui était nécessaire à la libération du Koweït, les bombardements notamment étant très disproportionnés, j’en ai perçu assez vite les intentions profondes. J’ai pu mesurer, dès le creux du mois d’août, que l’issue avait toute chance d’être une issue militaire, les Américains ayant envoyé 250 000 hommes dans un premier temps, puis 500 000 dans un deuxième temps à la mi-octobre. On n’envoie pas des forces aussi considérables pour les rapatrier sans qu’elles aient combattu. Bien qu’étant partisan d’une solution diplomatique, je me suis fait assez peu d’illusions sur la possibilité de la faire prévaloir, mais on pouvait espérer que dans une certaine conjoncture il eut été possible d’obtenir un retrait des forces irakiennes du Koweït qui auraient rendu plus difficile la guerre d’Irak.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Vous parlez des motivations profondes, pouvez-vous nous dire quelle analyse vous faites de ces motivations profondes ?

M. Jean-Pierre Chevènement : Des Etats-Unis ou de la France ?

M. Bernard Cazeneuve, Président : Des Etats-Unis et de la France s’engageant derrière les Etats-Unis dans cette opération.

M. Jean-Pierre Chevènement : En 1988, à la fin de la guerre Irak/Iran, la première guerre du Golfe, la France était un allié objectif de l’Irak. Nous lui avions fourni une grande quantité de matériel. Les livraisons se chiffraient par dizaines de milliards de dollars et nous avions encore un fort arriéré de créances non recouvrées.

Je m’étais d’ailleurs rendu à Bagdad, à la demande du Président de la République, en janvier 1990, pour aborder les problèmes de cette dette et de la coopération franco-irakienne.

Au sortir de la guerre Irak/Iran, nous restons très liés à l’Irak, qui était devenu une force militaire considérable dans la région alors que ce sont les monarchies pétrolières qui nous avaient appelés à secourir l’Irak dans les années 1981-1983. Disons qu’une ambiance de méfiance s’était créée car l’Iran paraissait sortir vaincu de cette guerre et l’Irak paraissait la puissance dominante.

Tous les pays arabes, sauf le Koweït, avaient d’ailleurs fait la remise de leurs créances à l’Irak qui avait subi des pertes assez considérables au terme de cette première guerre.

L’intérêt des Irakiens était essentiellement centré sur la question du pétrole, du prix du pétrole et du contingent de pétrole qui devait leur revenir car c’est le nerf de la guerre.

Les intentions américaines ne sont pas apparues très claires au départ. L’ambassadeur américain à Bagdad, Mme April Glaspie avait laissé entendre à Saddam Hussein que ce qui pouvait se passer entre des pays arabes, c’est-à-dire l’Irak et le Koweït, n’intéressait pas substantiellement les Etats-Unis. Saddam Hussein a pu nourrir quelques illusions de ce fait.

Il n’en reste pas moins que pour les Américains les objectifs étaient de purger ce qu’il considérait comme l’abcès irakien et donc de maîtriser directement une région qui concentre les deux tiers des ressources de pétrole dans le monde. C’est un scandale géologique, mais il faut se souvenir que le pétrole représente plus de la moitié du commerce mondial des matières premières minérales et végétales. Une variation de quatre dollars le baril détermine une variation de 100 milliards de dollars dans un sens ou dans un autre, du producteur vers le consommateur quand cela ne s’arrête pas dans les sociétés intermédiaires. Par conséquent, la maîtrise du pétrole, c’est la maîtrise du monde, c’est la maîtrise de l’équilibre financier du monde.

On l’avait expérimenté nous-mêmes à travers les chocs pétroliers et les contre-chocs pétroliers qui ont tous obéi à des logiques politiques. Le pétrole, M. André Giraud qui fut Directeur des Carburants avant de devenir ministre de l’Industrie le disait souvent : c’est un prix politique, il peut varier entre 7 et 100 dollars le baril. Il n’y a pas de prix économique. C’est un système entièrement cartellisé. Pour les Américains l’enjeu était selon moi de maîtriser complètement la ressource pétrolière.

Je rappelle qu’ils étaient installés en Arabie Saoudite depuis 1932. Ils s’étaient débarrassés de Mossadegh en 1953. Ils avaient limité l’influence des Britanniques au Koweït. En Irak, ils se trouvaient en face d’une société nationalisée, mais qui n’était rien d’autre que l’ancienne Irak Petroleum Company (I.P.C.), où la France avait 23,75 % des parts qui lui étaient revenues à la suite de la première guerre mondiale. C’étaient les parts de la Deutsche Bank dans la Turkish Petroleum qui avaient été transférées à la France. On avait créé à la Compagnie française de Pétroles (CFP), ultérieurement devenue « TOTAL », sous Poincaré en 1925. Donc, nous avions gardé des intérêts très importants en Irak. Même les Irakiens nous avaient consenti des facilités importantes tout au long des années quatre-vingts pour l’enlèvement du pétrole à des prix plus avantageux que celui du marché.

Je reviens aux Américains. Pour moi, le contrôle du pétrole est leur mobile essentiel. Il y a bien évidemment le lancinant problème israélo-palestinien. L’expérience que j’ai de cette région montre que, pour l’Irak, ce n’est toutefois pas le théâtre décisif. Le théâtre décisif pour l’Irak, c’est le Golfe, ceci en rapport avec l’Iran, les Emirats et l’Arabie Saoudite. Néanmoins, certaines phrases montées en épingle et sans doute prononcées, pouvaient laisser concevoir des craintes. Il y avait aussi des considérations tenant à l’équilibre géopolitique régional. Le Président Bush a pu ainsi ultérieurement engager le processus de la Conférence de Madrid.

Donc, il y avait sans doute aussi la volonté de ramener loin en arrière - les dirigeants américains ont parlé de ramener au stade préindustriel - une puissance arabe qui était le seul pays réellement développé de la région.

L’Irak avant 1990 était un pays qui pouvait être comparé à la Yougoslavie, qui avait des classes moyennes, qui d’ailleurs se développaient de manière importante. Quand on faisait la comparaison avec les régimes arabes du Golfe, on traversait des siècles. Ce n’était pas le même niveau de développement, ni la même mentalité.

Pour moi, les raisons américaines sont des raisons de géopolitique mondiale. Il faudrait ajouter à cela que l’on était dans une période où le communisme avait ses jours comptés. Le mur de Berlin était tombé en 1989. Il s’agissait de marquer d’une manière claire et nette où était le patron. La Guerre du Golfe reste ainsi une leçon de choses si je puis dire, administrée au vu et su de tous : il y a une puissance militaire dominante qui est la puissance américaine. Les mobiles américains étaient selon moi essentiellement ceux-là.

Les raisons de la France étaient partagées. D’ailleurs, dès le départ, lors du premier conseil qui s’est réuni sur ces affaires, le 9 août si je me souviens bien, des points de vue différents se sont exprimés, notamment par Pierre Joxe et moi-même. Le point de vue du Président de la République était : « Nous ne serons pas neutres ». Je me rappelle la phrase : « Si guerre il y a, nous la ferons et nous la ferons du côté des Américains. » C’était dit très clairement. J’essayais de prôner une solution diplomatique mais cela s’avérait très difficile.

A partir du moment où j’acceptais de rester ministre de la Défense et où François Mitterrand, à qui j’avais offert de me remplacer, préférait me conserver - je lui ai d’ailleurs envoyé une lettre dès le 7 décembre en lui demandant de bien vouloir me relever, mais il m’a fait valoir qu’il était préférable que je reste pour diverses raisons et notamment ne pas donner des signes de faiblesse, et permettre d’engager des médiations de concert avec les Soviétiques ou les Algériens -, mon rôle devait s’inscrire dans la hiérarchie de l’Etat et traduire sur le terrain les décisions qui étaient prises par le Chef de l’Etat, c’est-à-dire l’envoi d’une force, puis son renforcement qui correspondait aux demandes du Général Schmitt que j’ai toujours approuvées et efficacement relayées.

Je souhaitais que notre division puisse intervenir de manière si possible autonome, enfin aussi autonome que possible et avec le moins de risques possibles. Autonome, bien entendu nous avions un commandement opérationnel américain, mais nous étions sur un champ de bataille distinct, de la même manière que notre base aérienne était distincte de la base américaine. Nous étions à Al Asha si je me souviens bien alors que les Américains étaient à Dharan. Ce qui d’ailleurs nous a valu de ne pas recevoir quelques Scud « sur le coin de la figure ». De tout cela, je prends la responsabilité rétrospectivement. J’avais souhaité que le dispositif français reste autant que possible distinct.

S’agissant des services sanitaires, je crois me rappeler que l’effectif du détachement du Service de santé des Armées approchait le millier. C’était donc un dispositif très lourd avec un hôpital de campagne et tous les moyens nécessaires pour parer au risque principal qui était celui des armes chimiques. Les craintes que nous pouvions avoir tournaient autour de l’arme chimique, plus que de n’importe quoi d’autre. Les armes à uranium appauvri existaient. Je n’ai eu aucune information quant à la nocivité éventuelle de leur emploi.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Et quant à leur emploi lui-même ?

M. Jean-Pierre Chevènement : Elles n’ont pas été employées, en tout cas pas là où les forces françaises étaient engagées. Il faudrait sans doute vérifier que le contingent américain qui était venu en soutien ne les a pas utilisées non plus, mais il y a eu très peu de résistance du côté irakien.

Trois jours après l’enclenchement des hostilités, le Général Schwarzkopf me disait que 80 % du potentiel irakien était détruit. Les Irakiens n’ont opposé aucune espèce de résistance. Il y a eu des morts, mais c’étaient des morts accidentelles. C’étaient des bombes américaines tombées en territoire irakien que deux de nos soldats ont voulu démonter.

Je me suis efforcé de faire en sorte que les risques potentiels liés à l’arme chimique soient limités autant que possible. Les Irakiens n’ont pas utilisé les armes chimiques.

Je crois me souvenir que les dirigeants américains avaient fait savoir aux Irakiens que, s’ils utilisaient les armes chimiques, il serait riposté par des armes nucléaires. Cela montre quand même que les Irakiens comprenaient la dissuasion quoique l’on puisse penser. Ils n’ont pas utilisé les armes chimiques, en tout cas contre les troupes alliées, même s’ils les avaient utilisées en d’autres circonstances limitées pendant la première guerre du Golfe.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Vous dites que les Irakiens comprenaient la dissuasion. Comment expliquez-vous dans ce cas-là qu’aucune solution diplomatique n’ait pu aboutir ? Outre la détermination des Américains à contrôler une région, il y avait aussi des Irakiens en face qui auraient pu créer des conditions diplomatiques d’un non-enclenchement d’un conflit dont on a vu qu’au bout de trois jours ils les avaient anéantis militairement. Comment expliquez-vous la position irakienne ?

M. Jean-Pierre Chevènement : Premièrement, je pense que les Américains ne voulaient laisser aucune porte de sortie aux Irakiens. L’expression des dirigeants américains, du Secrétaire d’Etat James Baker en particulier, était : « Nous allons le faire rentrer chez lui à coups de pied dans les fesses. » C’était mal connaître les Arabes et surtout Saddam Hussein que de penser que de tels arguments pouvaient l’amener à fléchir.

Il faut considérer l’intense pression psychologique qui s’exerçait à cette époque-là. Je crois pouvoir dire que, même s’il y avait eu la déclaration de François Mitterrand à l’ONU, le 24 septembre qui, dans un premier temps, avait beaucoup inquiété nos Alliés, ceux-ci ne souhaitaient pas au fond d’eux-mêmes une issue pacifique.

Quant à Saddam Hussein, il avait fait savoir à Gorbatchev qu’il souhaitait pouvoir évacuer le Koweït, mais à condition qu’on lui sauve la face à travers une conférence internationale qui traiterait également du problème israélo-palestinien.

J’ai eu l’occasion de voir Saddam Hussein en 1994 et je lui ai posé la question que vous venez de me poser. Je lui ai dit : « Mais pourquoi ne vous êtes-vous pas retiré du Koweït ? Vous vous rendiez bien compte qu’il allait vous tomber dessus l’équivalent de deux fois tout le tonnage de bombes qui a été utilisé contre l’Allemagne pendant la deuxième guerre mondiale. » Il m’a fait une réponse curieuse. Il m’a répondu : « Si je m’étais retiré sans avoir combattu, j’aurais eu contre moi les patriotes, alors que, dans cette situation, le peuple irakien a été uni derrière son gouvernement. » Je fais cette citation à quelques mots près. J’ai trouvé cette réponse évidemment très curieuse, montrant à quel point l’aspect politique domine le militaire.

M. Bernard Cazeneuve, Président : ...Mais rassurante de ce point de vue-là.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Cela dépend pour qui.

M. Jean-Pierre Chevènement : Pas forcément. Toujours est-il que, s’agissant des risques encourus par les armées françaises, ils étaient essentiellement ceux que je viens de vous dire. Des médicaments ont été administrés et notamment de la Pyridostigmine. L’ont-ils été en grande quantité ? Je suis incapable de le dire. C’est une responsabilité qui incombait au Service de santé des Armées et aux chefs militaires sur le terrain. Ce n’était pas au ministre de la Défense, à l’Hôtel de Brienne, de prendre ce genre de décision. Par ailleurs, y a-t-il eu utilisation d’armes incorporant de l’uranium appauvri ?

Certainement au Koweït. Dans les autres régions ? Il faudrait vérifier auprès du Pentagone. C’est peu probable à mes yeux.

Par ailleurs, il se peut aussi que les bombardements qui étaient des bombardements très intenses, notamment par B52, sur les lignes irakiennes, aient joué un certain rôle. Pouvait-il y avoir des vents qui ont ramené certaines substances toxiques ? Je n’ai pas les éléments de réponse. Il faut faire une étude. Les états-majors ont dû conserver tout cela.

Puis-je me permettre une réflexion en forme de boutade ?

M. Bernard Cazeneuve, Président : Bien sûr, Monsieur le Ministre.

M. Jean-Pierre Chevènement : Je me demande quelquefois si l’on ne s’interroge pas sur le syndrome de la Guerre du Golfe pour ne pas avoir à s’interroger sur la Guerre du Golfe elle-même.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Vous ne pensez pas que s’interroger sur le syndrome de la Guerre du Golfe est une manière de s’interroger sur la Guerre du Golfe elle-même ? Quand j’entends un certain nombre de représentants d’associations, je sens que les deux discours et les deux interrogations sont très liés l’un à l’autre.

M. Jean-Pierre Chevènement : Ce n’est pas la même chose. La notion de syndrome du Golfe implique des phénomènes de toxicité, peut-être des pathologies nerveuses, des choses qui relèvent de la médecine.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Justement, pour aller dans votre sens, vous avez dit avoir vu Saddam Hussein. Quelle est votre position sur la situation en Irak ?

Notre mission est allée aux Etats-Unis. Nous avons rencontré un certain nombre de responsables de l’ONU. On a été un peu surpris quand même par la position de l’ONU sur l’échange « Pétrole contre Nourriture » où l’on s’aperçoit que l’argent du pétrole irakien sert à financer le fonctionnement de certaines instances de l’ONU, de même sur le problème des sanctions, etc. D’un point de vue politique, que pensez-vous de la situation des Etats-Unis qui continuent à bombarder l’Irak et du fait que l’on n’arrive pas à lever cet embargo et de la position toujours frileuse de la France à l’heure actuelle ?

Vous voyez que l’on s’interroge quand même. Le syndrome de la Guerre du Golfe nous amène à nous poser des questions sur la situation actuelle de l’Irak.

En rencontrant Saddam Hussein, êtes-vous mis au courant de la situation de la population civile irakienne ?

M. Bernard Cazeneuve, Président : Si l’argent du pétrole irakien sert à financer l’ONU, il sert peut-être aussi de substitut à la contribution américaine à l’ONU jamais payée.

M. Jean-Pierre Chevènement : C’est 30 % des recettes qui sont dérivées vers le fond qui permet à la fois d’entretenir les missions de l’ONU et aussi de rembourser le Koweït des dommages subis pendant la guerre.

La résolution « Pétrole contre Nourriture » est intervenue en 1998. Je me suis moi-même rendu en Irak, mais auparavant j’étais allé en Jordanie et sur le chemin du retour je me suis arrêté en Israël et en Palestine, à Gaza ; donc, j’ai vu tous les dirigeants de la région : le roi Hussein, Saddam Hussein, Shimon Pérès, alors ministre des Affaires étrangères d’Itzak Rabin et Yasser Arafat.

A l’époque, ce dont il était question, c’était la fixation définitive de la frontière entre l’Irak et le Koweït. J’ai évidemment incité Saddam Hussein à accepter cette fixation, en lui remettant une lettre du Premier ministre de l’époque. Sa réponse a été de dire : « Mais après cela, on me demandera encore autre chose, puis encore autre chose. » Finalement, l’Irak a accepté le tracé de la frontière avec le Koweït. La Résolution des Nations Unies dont j’ai oublié le numéro était la résolution 981 ou 988.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Ce n’est pas plutôt la 687.

M. Jean-Pierre Chevènement : C’est peut-être la résolution 687. Cette résolution a été adoptée à la fin de la guerre en 1991. Cette résolution prévoit que, naturellement, l’Irak est frappé par l’embargo jusqu’à ce que l’on ait vérifié qu’il n’y a plus d’armes de destruction massive à sa disposition. Cette affaire qui aurait dû durer deux ou trois ans, dure encore aujourd’hui.

On peut considérer que l’Irak est aujourd’hui un pays qui n’est plus menaçant. C’est un pays détruit. Il a été ramené 80 ans en arrière. C’est très triste quand on a connu l’Irak auparavant car l’Irak était un pays développé, gai, moderne où il y avait tous les signes d’un développement très remarquable par rapport à la plupart des pays arabes que je connais. Quand on voit aujourd’hui la misère et le rationnement qui ne fait d’ailleurs qu’accroître l’emprise du régime, on mesure à quel point cette population a été réduite à un état misérable.

Je connais bien les Chaldéens, c’est-à-dire la minorité chrétienne. Grâce à eux, j’ai pu visiter un certain nombre de quartiers de Bagdad. J’en ai gardé un souvenir effrayant - c’était en 1994 - de promiscuité, des quartiers de Bagdad où des rats proliféraient, les ordures n’étaient pas enlevées, les maladies, les hôpitaux livrés à eux-mêmes, l’absence de médicaments, les universités n’ayant aucune revue qui soit datée postérieurement à juillet 1990.

C’est évidemment une situation très grave qui en même temps nourrit toutes sortes de rancoeurs dans le monde arabo-musulman. Traiter les problèmes de cette manière-là, c’est aller au devant de ce que l’on appelé le choc des civilisations. C’est un traitement disproportionné et inadéquat d’une situation qui naturellement motivait une réaction internationale, mais pas de cette ampleur, pas de cette durée. Voilà mon sentiment profond.

Quant au syndrome, il se peut qu’il y ait des éléments, mais je ne les connais pas. Il y a toujours des chocs nerveux en cas de guerre, des troubles de mémoire ou des choses comme cela, c’est ce que l’on observe ?

M. Bernard Cazeneuve, Président : Il y a plusieurs choses très différentes les unes des autres.

M. Claude Lanfranca, co-rapporteur : Simplement pour prolonger la question de notre collègue Michèle Rivasi, je voudrais demander au ministre s’il a entendu parler à son retour d’Irak de maladies qui n’étaient pas fréquentes avant les événements, du type des cancers, des sarcomes, lymphomes pour savoir si l’uranium appauvri ou des gaz avaient pu empoisonner ou rendre malade la population civile.

M. Jean-Pierre Chevènement : Non. J’ai vu des maladies comme on en voit dans tous les pays mal nourris, ce sont plutôt les séquelles de l’embargo : des enfants plus que maigrichons nés avant terme et placés sous couveuse, des mères squelettiques, etc. J’ai visité des hôpitaux où j’ai pu voir l’état d’extrême dénuement des malades quasiment abandonnés à eux-mêmes, avec quelques médecins ne disposant absolument d’aucun traitement ni équipement moderne.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Vous avez indiqué tout à l’heure en parlant du positionnement des Etats-Unis et plus généralement de l’Occident, il ne fallait pas s’étonner qu’un choc des civilisations puisse se produire dans l’esprit des musulmans et du monde arabe. Vous ne pensez pas qu’il est aussi étonnant que le choc des peuples contre leur tyran ne se produise pas plus vite que le choc des civilisations. Comment expliquez-vous cela ? Il y a quand même une nature particulière à ce régime.

M. Jean-Pierre Chevènement : Elle est particulière, mais quand on la compare à celle de beaucoup de régimes voisins, elle n’est pas substantiellement différente. Je ne veux pas, puisque mes propos seront publics, citer des pays voisins, mais certains d’entre eux ont utilisé des méthodes aussi radicales pour venir à bout de leur opposition. Nous sommes au Moyen-Orient. La démocratie ne fleurit pas spontanément sur cette terre.

Pour comprendre tout cela, il faut aussi tenir compte du phénomène du nationalisme arabe. Le parti Baas est un parti nationaliste, qui est également au pouvoir en Syrie. Il s’est formé dans l’entre deux guerres. Les théoriciens étaient d’ailleurs des gens qui avaient fait leurs études en France. Michel Aflaq, par exemple, se disait disciple d’Emmanuel Mounier. Ils ont élaboré une idéologie qui combine le socialisme, la laïcité, le nationalisme arabe. C’est un nationalisme comme on en a connu au XIXème siècle en Europe.

Quel rapport y a-t-il entre le gouvernement et le peuple ? C’est très difficile à percer. Ce gouvernement a été d’abord un gouvernement de coalition, mais s’est débarrassé du parti communiste, du parti démocratique kurde, du parti de Barzani. Les Kurdes sont très divisés. Les Kurdes ont un régime d’autonomie et on fait partie à un moment du gouvernement. Encore aujourd’hui, il y a des ministres kurdes. Par exemple, le ministre de la Santé, qui m’avait accueilli en 1994, était un médecin kurde.

L’Irak est un pays pluriethnique. Les Arabes Sunnites sont peut-être 25 % de la population. Les autres, soit ne sont pas des Arabes comme les Kurdes, soit sont des Arabes mais Chiites et c’est pratiquement la moitié de la population, soit encore des Chrétiens chaldéens, soit même des sectes. C’est un monde très complexe.

Le régime irakien qui est assis principalement sur une ethnie minoritaire, les Arabes Sunnites, se veut aussi un régime laïc pour s’attacher les minorités.

M. Charles Cova, Vice-Président : Pour revenir au sujet qui nous préoccupe principalement, c’est-à-dire la Guerre du Golfe, quel était le rôle de l’Etat-major particulier du Président de la République ? Avait-il des rapports spécifiques avec les Alliés sans être tenu de vous en tenir informé ?

Au sein de votre cabinet civil, en dehors de votre directeur de cabinet, y avait-il quelqu’un qui était particulièrement attaché aux opérations de la Guerre du Golfe ?

M. Jean-Pierre Chevènement : Le cabinet du ministre de la Défense est un cabinet à la fois civil et militaire. Son directeur était M. Dieudonné Mandelkern, Conseiller d’Etat. Le chef du cabinet militaire était le Général Monchal qui est devenu ensuite Chef d’état-major de l’armée de Terre, et son adjoint était le Général Germanos, aujourd’hui Inspecteur général des Armées.

Naturellement, nous suivions tout ce qui se passait et nous avions les rapports de l’EMA, c’est-à-dire du Général Schmitt qui supervisait l’ensemble. Les rapports passaient par moi. Je les annotais en les transmettant au Président de la République.

Effectivement, il est arrivé à un moment où le Président de la République a donné à son Chef d’Etat-major particulier, qui était mon ancien chef de cabinet, l’Amiral Lanxade, que j’avais hérité du précédent Gouvernement - il était précédemment chef de cabinet de M. Giraud - des missions à Washington. Je me suis rendu compte que beaucoup de choses se passaient directement en dehors de mon canal.

M. Charles Cova, Vice-Président : C’est bien ce que l’on avait cru penser.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Le fait qu’il y ait eu votre démission et votre remplacement par M. Joxe, n’y a-t-il pas eu un manque qui a fait qu’au niveau politique on n’a pas toujours été mis au courant du déroulement des opérations ?

Je suis un peu surprise. Il y a eu l’utilisation de l’uranium appauvri. Il est sûr que les militaires ne vont pas dire que c’est dangereux puisqu’ils l’utilisent. Ce ne sont pas les mieux placés pour en connaître la dangerosité. Nous avons maintenant la confirmation qu’il y a également eu des gaz toxiques, notamment au travers de cinq alertes positives qui ont relevé du sarin, de l’ypérite, ou du gaz moutarde à faible dose, certes, mais il y a bien eu des détections positives.

M. Jean-Pierre Chevènement : Où cela ?

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : A plusieurs endroits. C’était principalement dû à des bombardements américains sur des sites irakiens de stockage de produits chimiques. Cela ne dérivait pas d’une attaque chimique des Irakiens, mais des effets secondaires d’attaques américaines. On l’a su très tard. Même les Américains. Lorsque la mission s’est rendue aux Etats-Unis, elle a constaté que les membres du Congrès étaient furieux à l’égard du Pentagone qui leur a longtemps caché qu’il y avait des alertes positives toxiques.

Il y a eu aussi la prise de médicaments et les vaccins. Peut-être que c’est la synergie de tout cela qui fait que l’on rencontre aujourd’hui des problèmes.

Est-ce donc que le fait d’avoir démissionné, d’avoir été remplacé, fait qu’il y a eu une espèce de « flou » qui fait que ce sont les Armées qui ont été maître d’_uvre et que les politiques n’aient pas été très informés de tout ce qui se passait effectivement ?

M. Jean-Pierre Chevènement : On ne peut pas gérer des situations de ce type de la rue Saint Dominique. Si des bombardements ont lieu et si des émanations de gaz sarin se produisent, c’est un problème qui doit être réglé localement, à supposer qu’il soit signalé. Je n’ai le souvenir d’aucun signalement de ce type. J’avais des comptes rendus tous les matins de ce qui de ce qui venait de se produire puisque les bombardements avaient souvent lieu pendant la nuit. Je me suis efforcé de faire en sorte que les bombardements soient cantonnés aussi longtemps que possible au Koweït.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Vous avez quitté vos fonctions le 28 janvier et il y a eu des bombardements le 19, le 20, le 21, le 22 janvier ayant suscité des détections toxiques sur des sites où se trouvaient des forces françaises. C’est cela qui m’étonne dans l’information qui est donnée.

M. Jean-Pierre Chevènement : Dans les bases françaises ?

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Cela a été détecté à proximité des troupes françaises. Nous avons établi la liste des régiments concernés puisque nous avons conduit une étude sur ces faits. Nous connaissons maintenant les régiments qui ont été au contact avec ces doses de toxiques.

M. Jean-Pierre Chevènement : Des doses de quelle ampleur ?

M. Bernard Cazeneuve, Président : Faibles.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Nos troupes avaient des Detalac qui détectaient 2 milligrammes par m3. 2 milligrammes en gaz toxique, c’est assez important. Les militaires portaient des masques, mais il s’est avéré que tous les militaires ne portaient pas forcément des masques car il y avait beaucoup d’alertes suivies de contre-alertes, etc.

M. Jean-Pierre Chevènement : Chaque fois qu’on allait là-bas et qu’il y avait une alerte donnée, dès qu’un missile partait d’un site irakien, vous mettiez votre masque. Cela m’est arrivé. C’était une routine.

Quant aux détections que vous évoquez, je n’en ai pas entendu parler. Je ne sais donc pas quelles étaient les doses relevées. Je suis un petit peu surpris car la Division Daguet opérait très loin du Koweït, à peu près à 250 kilomètres, il faudrait que vous regardiez sur la carte si c’est bien ce que j’ai gardé à l’esprit et, en face, on ne peut pas dire qu’il y avait une puissante armée irakienne. On ne savait peut-être pas très bien à qui nous étions confrontés et, en fait, il n’y avait pas grand chose.

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Ce ne sont pas les Irakiens qui ont bombardé. C’est l’aviation américaine qui a bombardé des sites irakiens contenant des produits chimiques. Il y a eu des nuages toxiques et, avec les vents, ils se sont transportés à 250 kilomètres. On a vu avec Tchernobyl qu’à 2 000 kilomètres des retombées existaient bien, alors vous imaginez que 250 kilomètres, c’est rien à côté !

Les Detalac à proximité des troupes ont détecté. Puis avec les Detindiv, appareils qui permettent d’identifier un peu plus la nature des gaz, cela a bien été confirmé.

Tout le problème maintenant est de savoir à ces faibles doses quels sont les risques à long terme ? D’autant plus que ce n’étaient pas des alertes où tout de suite on mettait son masque. C’étaient des nuages toxiques qui venaient progressivement vers les troupes. Cela pour les 19, 20 et 21 janvier.

M. Jean-Pierre Chevènement : Ce sont donc les effets de bombardements américains ?

Mme Michèle Rivasi, co-rapporteure : Oui.

M. Jean-Pierre Chevènement : Les bombardements américains étaient quotidiens. Les Français ont bombardé l’Irak à partir du 24 janvier, je crois, en tout cas à une date antérieure à celle qui avait été initialement fixée. Il y avait une forte pression médiatique. On nous a accusés de « traîner les pieds », pour dire les choses clairement. Par conséquent, le Président de la République a dit : « Il faut passer maintenant à un stade supérieur. » Donc, on est passé à ce stade et on a bombardé dans la région d’Al Salman où nous devions intervenir. Voilà mon souvenir.

Cela dit, quant à l’ampleur des bombardements, j’ai cité un ordre de grandeur que je n’ai pas vérifié, mais qui m’a été rapporté. Si, sur l’Irak, a été déversé pendant cinq semaines l’équivalent de deux fois les tonnages qui ont été déversés sur l’Allemagne nazie pendant la Deuxième Guerre mondiale, cela a du certainement perturber l’atmosphère. Je ne suis pas météorologue, mais effectivement, je n’avais pas pensé au système des vents. Dans quel sens soufflaient-ils ? Seule une enquête plus précise pourrait le déterminer.

M. Bernard Cazeneuve, Président : Y a-t-il d’autres questions ? Non. Je vous remercie, Monsieur le Ministre, pour votre contribution à nos travaux.


Source : Assemblée nationale (France)