Pour justifier d’une opération militaire contre l’Iran, les néo-conservateurs ont commencé à constituer un dossier. Ils se sont appliqués à faire croire que ce pays était gouverné par de dangereux fanatiques qui s’appliquaient à fabriquer une bombe atomique dont ils ne manqueraient pas de faire usage. Un tel danger ne pourrait être contré que par une guerre préventive.
C’est dans ce contexte que l’agence de presse états-unienne, Reuters, dont un représentant siège depuis cet été à la War Room du Pentagone, a lancé une opération d’intoxication contre l’Iran.
Le 26 octobre 2005, Reuters écrivait : « Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a déclaré mercredi qu’Israël devait être rayé de la carte, a rapporté l’agence de presse officielle IRNA, décevant les espoirs que l’Iran tempère son hostilité à l’égard de l’État juif. Le soutien à la cause palestinienne est un pilier central de la République islamique qui refuse officiellement de reconnaître le droit d’exister d’Israël. "Israël doit être rayé de la carte," a déclaré Ahmadinejad lors d’une conférence intitulée "Le monde sans sionisme" à laquelle participaient 3 000 étudiants conservateurs qui scandaient "Mort à Israël" et "Mort à l’Amérique". » [1]
Étrangement, il n’est pas venu à l’idée de grand monde de vérifier la dépêche originale de l’IRNA [2], qui ne cite pas les propos imputés au président Ahmadinejad.
Sur la foi de la dépêche de Reuters, la presse internationale commentait une radicalisation de la République islamique d’Iran, tandis que des États du monde entier rappellaient qu’ils reconnaissaient l’État d’Israël et que son existence ne pouvait être remise en question.
Toujours sur cette base, Shimon Peres demandait l’expulsion de l’Iran hors de l’ONU et le ministre israélien des Affaires étrangères, Silvan Shalom, plaçait le Conseil de sécurité en demeure de statuer. Face aux dénégations iraniennes, le Conseil se limitait à condamner les propos président Ahmadinejad [3].
Certains États demandaient des explications aux ambassadeurs iraniens, voire rappellaient leurs propres ambassadeurs à Téhéran en consultation. Cependant, les autorités iraniennes, rechignant à rendre des comptes, se contentaient de publier la vidéo du discours du président Ahmadinejad. Or, celui-ci s’exprimant en farsi, la vidéo fut immédiatement diffusée sur les chaînes internationales comme confirmation des propos imputés, sans autre vérification.
Pourtant les faits sont très différents. Le président Ahmadinejad n’a jamais déclaré qu’il voulait rayer Israël de la carte, mais qu’il adhérait aux propos de l’Imam Khomeiny selon lesquels un jour le régime sioniste disparaitrait (voir document ci-dessous). Il n’y a donc aucune radicalisation de l’Iran, mais le maintien de ses positions énnoncées depuis vingt-cinq ans. Il n’y a pas non plus de menace iranienne de tuer qui que ce soit et encore moins de commettre un génocide contre les Israéliens. Uniquement une position de principe de condamnation du sionisme au même titre que l’Iran condamne l’apartheid, le racisme et l’antisémitisme.
Scrip intégral de l’intervention du président Mahmud Ahmadinejad, lors de la conférence de l’Association des étudiants musulmans « Un monde débarrassé du sionisme », Téhéran, 26 octobre 2005
« Je remercie Dieu d’avoir l’opportunité de participer, en ce jour, à cette manifestation…
Nous devons examiner les origines véritables du problème palestinien : s’agit-il d’un conflit entre un groupe de musulmans et des non-juifs ? S’agit-il d’un conflit entre le judaïsme et d’autres religions ? Est-ce le combat d’un pays contre un autre pays ? Est-ce le combat d’un pays contre le monde arabe ? Est-ce une lutte pour la terre de Palestine ? J’imagine que la réponse à toutes ces questions est : "non".
L’installation du régime d’occupation de Qods [Jérusalem] a représenté une offensive majeure de l’oppresseur du monde [les Etats-Unis] contre le monde musulman. La situation a fluctué, au cours de cet affrontement historique. Parfois, les musulmans ont vaincu, sont allés de l’avant, et l’oppresseur a dû reculer.
Malheureusement, depuis trois siècles, le monde musulman ne cesse de reculer. Je ne veux pas examiner ici les raisons de cet état de fait, mais simplement passer en revue l’histoire. Le monde musulman a perdu ses dernières défenses, au cours du siècle écoulé, et l’oppresseur du monde a installé le régime d’occupation. Par conséquent, la lutte, aujourd’hui en Palestine, est le principal front de l’affrontement du monde musulman avec l’oppresseur mondial, et le sort de cette bataille décidera du destin d’un combat qui se poursuit depuis sept siècles.
La nation palestinienne représente la nation musulmane contre un système d’oppression et, grâce à Dieu, la nation palestinienne a adopté la foi musulmane, dans un environnement musulman, dans son combat, et ainsi, nous avons assisté à son progrès et à ses succès.
Je tiens à vous remercier pour le choix judicieux du titre de cette conférence.
Beaucoup de personnes, perdus dans l’affrontement entre le monde musulman et les infidèles ont essayé d’élargir le blâme et les responsabilités. Ces gens disent qu’un monde sans les États-Unis et le sionisme est inenvisageable. Mais vous savez que c’est là un but, et donc une devise possible !
Prenons un peu de recul. Nous avions un régime hostile, dans ce pays [ici en Iran], un régime anti-démocratique, armé jusqu’aux dents, qui surveillait tous les citoyens, au moyen de son appareil sécuritaire, la Savak [4]. Chez nous, régnait un environnement de terreur. Quand notre cher Imam [5] a dit que ce régime devait être balayé, beaucoup de personnes qui se prétendaient politiquement bien informées dirent que c’était impossible. Tous les gouvernements corrompus soutenaient le régime [du Shah], quand l’Imam Khomeini initia son mouvement. Tous les pays, tant occidentaux qu’orientaux, soutenaient le régime, et ils ont même continué à le faire après le massacre du 7 septembre [1978], et ils continuaient à dire que le régime était indéboulonnable. Mais notre peuple a résisté, et cela fait aujourd’hui vingt-sept ans que nous survivons, sans régime inféodé aux États-Unis. La tyrannie de l’Est et de l’Ouest sur le monde doit prendre fin, mais les gens faibles qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez ne peuvent y croire.
Qui pouvait imaginer qu’un jour nous assisterions à l’effondrement de l’Empire oriental ? Mais nous avons assisté à sa chute, de notre vivant, et il s’est effondré à tel point qu’il faut aller faire des recherches en bibliothèque (à son sujet), parce qu’il n’en reste absolument rien. L’Imam disait que Saddam devait débarrasser le plancher, il disait qu’il serait affaibli à un point que personne ne pouvait imaginer. Aujourd’hui, vous le voyez, cet homme qui parlait avec une telle arrogance, il y a à peine dix ans de cela, qu’on aurait pu croire qu’il était immortel : il est jugé dans son propre pays, il est pieds et poings liés, par ceux dont il pensait qu’il le soutenaient, et aussi ceux avec le soutien desquels il a perpétré ses crimes…
Notre Imam bien-aimé disait que le régime d’occupation devait être effacé des pages du temps, et c’était là un propos très sage. Nous ne pouvons faire de compromis sur la question de Palestine. Il est possible de créer un nouveau front, à l’intérieur d’un ancien front. Mais ce serait une défaite et quiconque reconnaît la légitimité de ce régime a, de fait, signé la reddition du monde musulman. Notre cher Imam visait le cœur de l’oppresseur du monde dans son combat, c’est-à-dire le régime occupant. Je ne doute pas un seul instant que la nouvelle vague qui s’est soulevée en Palestine, et dont nous sommes les témoins dans le monde islamique, aussi, éliminera cette tache disgracieuse [sur le visage] du monde musulman. Mais nous devons être en éveil, et nous méfier des traquenards.
Depuis plus de cinquante ans, l’oppresseur du monde essaie de donner une légitimité au régime occupant, et il a pris des mesures en ce sens, afin de le stabiliser. Voici vingt-sept ou vingt-huit ans, ils ont franchi un palier majeur. Mais, malheureusement, un des pays les plus importants a commis une grave erreur, et nous espérons que cette erreur, ce pays va la réparer [allusion au traité de paix entre l’Égypte et Israël].
Récemment, ils [les Israéliens] ont essayé un nouveau tour. Ils veulent faire passer l’évacuation de la bande de Gaza, qui leur a été imposée par les Palestiniens, pour la victoire… des Palestiniens. Une victoire finale, des Palestiniens, qui mettrait un terme au problème de la Palestine au motif que serait créé un État palestinien à côté d’eux. Aujourd’hui, ils veulent emberlificoter les Palestiniens dans leurs viles manœuvres et les amener à se battre entre eux autour de positions politiques, qui les distrairaient de leur cause : la cause palestinienne. Ils veulent convaincre certains des pays islamiques que, étant donné qu’ils ont évacué la bande de Gaza et apporté la preuve de leurs bonnes intentions, la légitimité de leur régime corrompu devrait être reconnue. J’espère que les formations et le peuple palestiniens sont bien conscients de cette manœuvre.
La question de Palestine n’est absolument pas réglée. Viendra le jour où un gouvernement palestinien, représentant vraiment le peuple palestinien, viendra au pouvoir ; viendra le jour où tous les réfugiés rentreront chez eux ; viendra le jour où un gouvernement démocratique, élu par le peuple, accèdera au pouvoir. Bien entendu, ceux qui sont venus de loin à seule fin de piller cette terre n’ont aucun droit à décider du destin de cette nation.
J’espère que le peuple palestinien restera en alerte, et conscient, comme ils l’ont toujours été, en poursuivant leur lutte, tout au long de la décennie écoulée.
Si nous dépassons cette brève période avec succès, la voie vers l’élimination du régime occupant sera aisée, et ce sera une pente descendante.
J’avertis tous les dirigeants du monde musulman du danger de cette manœuvre. Quiconque reconnaît ce régime, à cause des pression de l’oppresseur du monde, ou encore par naïveté ou par égoïsme, sera damné à jamais et brûlera dans la fureur des pays islamiques.
Les gens qui sont assis dans les cabinets calfeutrés ne sauraient décider au nom de la nation islamique, ni permettre à cet ennemi historique de continuer à exister au cœur du monde islamique. »
[1] « Iranian President Mahmoud Ahmadinejad said on Wednesday Israel should be wiped off the map, the official IRNA news agency reported, dampening hopes Iran could temper its hostility toward the Jewish state. Support for the Palestinian cause is a central pillar of the Islamic Republic which officially refuses to recognize Israel’s right to exist. « Israel must be wiped off the map, » Ahmadinejad told a conference called "The World without Zionism," attended by some 3,000 conservative students who chanted "Death to Israel" and "Death to America." »
[2] « Ahmadinejad : Zionist regime bent on countering world of Islam », IRNA, 26 octobre 2005.
[3] « Déclaration à la presse du président du Conseil de sécurité sur la République islamique d’Iran », Référence SC/8542, 31 octobre 2005.
[4] Police politique du régime du Shah.
[5] L’Ayatollah Ruhollah Khomeini, fondateur de la Révolution iranienne.
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