Situation des droits de l’homme en République arabe syrienne

Le Conseil des droits de l’homme,

Réaffirmant les buts et principes de la Charte des Nations Unies, de la Déclaration universelle des droits de l’homme et des instruments internationaux pertinents relatifs aux droits de l’homme, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et le fait que tous les États sont tenus de promouvoir et de protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales,

Rappelant les résolutions de l’Assemblée générale 66/176 du 19 décembre 2011 et 66/253 du 16 février 2012, ainsi que les résolutions du Conseil des droits de l’homme S-16/1 du 29 avril 2011, S-17/1 du 22 août 2011, S-18/1 du 2 décembre 2011 et A/HRC/19/L.1/Rev.1 du 1er mars 2012,

Déplorant le refus des autorités syriennes de mettre en oeuvre les résolutions susmentionnées et le manque de coopération avec la commission d’enquête créée par le Conseil des droits de l’homme dans sa résolution S-17/1, notamment le refus persistant d’autoriser l’accès au pays,

Déplorant également l’escalade de la violence qui a conduit à une crise grave et prolongée des droits de l’homme et à des souffrances accrues, ainsi que le fait que les autorités syriennes ont manifestement failli à leur responsabilité consistant à protéger la population syrienne,

Consterné par les violations brutales, persistantes et systématiques des droits de l’homme par les autorités syriennes à l’égard du peuple syrien, Rappelant les déclarations faites par la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme devant le Conseil de sécurité, selon lesquelles il y a tout lieu de craindre que des crimes contre l’humanité aient été commis en République arabe syrienne, et notant qu’elle a encouragé le Conseil de sécurité à saisir la Cour pénale internationale de la situation,

Accueillant avec satisfaction tous les efforts, décisions et mesures de la Ligue des États arabes tendant à traiter tous les aspects de la situation en République arabe syrienne, ainsi que les dispositions prises par la Ligue pour assurer la mise en oeuvre de son plan d’action, y compris ses décisions des 2 novembre 2011 et 22 janvier, 12 février et 10 mars 2012,

Accueillant également avec satisfaction la désignation de l’envoyé spécial commun de l’Organisation des Nations Unies de la Ligue des États arabes sur la crise syrienne, qui fournit ses bons offices en vue de mettre fin à toutes les violences et à toutes les atteintes aux droits de l’homme et de faciliter un règlement pacifique de la crise syrienne,

Se félicitant en outre de la première réunion du Groupe des amis du peuple syrien le 24 février 2012 à Tunis et des résultats consignés dans les conclusions du Président,

Réaffirmant que toutes les parties concernées par la crise actuelle doivent témoigner leur regret pour les droits de l’homme et agir en conformité avec ces droits,

Réaffirmant également son attachement inébranlable à la souveraineté, à l’indépendance, à l’unité et à l’intégrité territoriale de la République arabe syrienne et aux principes énoncés dans la Charte des Nations Unies,

1. Prend acte avec satisfaction des deux rapports de la commission d’enquête créée en application de la résolution S-17/1 du Conseil des droits de l’homme1 et des recommandations qu’ils contiennent, et se déclare profondément préoccupé par les constatations de la commission selon lesquelles des forces gouvernementales ont commis des violations massives, systématiques et flagrantes des droits de l’homme qui pourraient constituer des crimes contre l’humanité, apparemment au su et avec l’assentiment des échelons les plus élevés de l’État ;

2. Condamne avec la plus grande fermeté :

a) Le nombre croissant de violations massives, systématiques et flagrantes des droits de l’homme et des libertés fondamentales commises par les autorités syriennes, comme les exécutions arbitraires, l’usage excessif de la force, le meurtre et la persécution de manifestants, de réfugiés, de défenseurs des droits de l’homme et de journalistes, notamment les morts récentes de journalistes syriens et étrangers, la détention arbitraire, les disparitions forcées, la torture et les mauvais traitements, y compris sur des adolescents et des enfants ;

b) Les attaques contre des civils menées dans des villes et des villages partout dans le pays, notamment les bombardements de zones résidentielles par l’artillerie, l’usage systématique d’une force excessive et aveugle par des unités des forces armées syriennes et diverses forces de sécurité, et le caractère coordonné de ces attaques, en notant qu’il y a des preuves crédibles et solides montrant que ces actions ont été menées sur ordre des autorités, notamment d’officiers de haut rang ;

c) Les violations massives des droits de l’enfant commises par les autorités syriennes, en particulier le meurtre d’enfants pendant les manifestations et la pratique généralisée de la détention arbitraire, de la torture et des mauvais traitements ;

d) Les violences sexuelles infligées par les autorités syriennes, y compris aux détenus de sexe masculin et aux enfants ;

e) La destruction délibérée d’hôpitaux et de cliniques, l’obstruction à l’assistance médicale et le refus de soins aux blessés et aux malades, les raids menés dans des hôpitaux publics et privés et le meurtre de manifestants blessés ;

3. Engage instamment les autorités syriennes à mettre fin immédiatement à toutes les violences et à toutes les atteintes aux droits de l’homme ;

4. Exige des autorités syriennes qu’elles assument leur responsabilité qui est de protéger leur population ;

5. Exprime sa vive préoccupation devant l’impunité généralisée face aux violations des droits de l’homme et la consécration de l’impunité dans des textes législatifs qui confèrent l’immunité aux agents de l’État ;

6. Souligne que le recours généralisé et systématique à la violence contre des civils syriens est contraire au droit pénal international et que les auteurs de tels agissements doivent être traduits en justice ;

7. Prend note avec une profonde consternation de la constatation de la commission d’enquête selon laquelle il existe bien un faisceau d’éléments de preuve fiables donnant à penser que certains individus, y compris des chefs d’unité et des responsables aux plus hauts échelons de la hiérarchie gouvernementale, portent la responsabilité de crimes contre l’humanité et d’autres atteintes flagrantes aux droits de l’homme ;

8. Souligne qu’il importe de mener une enquête internationale transparente, indépendante et immédiate sur les violations du droit international en vue d’amener à rendre des comptes les responsables de violations massives, systématiques et flagrantes des droits de l’homme, notamment celles qui peuvent constituer des crimes contre l’humanité ;

9. Se déclare vivement préoccupé par la situation humanitaire et demande instamment aux autorités syriennes de garantir l’accès en temps voulu, en toute sécurité et sans entrave de tous les acteurs humanitaires, ainsi que l’entrée de l’aide humanitaire et des fournitures médicales dans le pays dans des conditions de sécurité ;

10. Invite tous les organismes des Nations Unies compétents, en particulier le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les refugiés, à fournir un appui aux réfugiés syriens et à leurs pays d’accueil ;

11. Exige que les autorités syriennes :

a) Respectent la volonté populaire, les aspirations et les revendications du peuple syrien ;

b) Mettent fin immédiatement à toutes les attaques contre des journalistes, respectent pleinement la liberté d’expression conformément aux obligations internationales, autorisent des organes d’information indépendants et internationaux à travailler en République arabe syrienne sans être exposés à des restrictions, au harcèlement, à l’intimidation ou à des risques pour la vie, et assurent aux journalistes une protection adéquate ;

c) Prennent immédiatement des dispositions pour garantir la sécurité des ressortissants étrangers en République arabe syrienne, notamment les réfugiés et le personnel diplomatique, ainsi que la protection de leurs biens ;

d) Lèvent sans retard le blocus de Homs, Dar’a, Zabadani et de toutes les autres villes assiégées ;

12. Loue et appuie les efforts et les mesures de la Ligue des États arabes et exhorte les autorités syriennes à mettre en oeuvre sans plus tarder le plan d’action de la Ligue du 2 novembre 2011 dans son intégralité, ainsi que les décisions de celle-ci ;

13. Exige que, sans plus tarder et conformément au plan d’action de la Ligue des États arabes du 2 novembre et à ses décisions des 22 janvier et 12 février 2012, le Gouvernement de la République arabe syrienne :

a) Fasse cesser toutes les violences et protège sa population ;

b) Libère toutes les personnes arbitrairement détenues en raison des récents incidents ;

c) Retire toutes les forces armées et militaires syriennes des villes et agglomérations et les fasse réintégrer leurs casernes d’origine ;

d) Garantisse la liberté de manifester pacifiquement ;

e) Autorise toutes les institutions compétentes de la Ligue des États arabes et les organes d’information arabes et internationaux à accéder librement et sans entrave à toutes les parties de la République arabe syrienne, afin qu’ils établissent la vérité sur ce qui se passe sur le terrain et suivent les faits qui y surviennent ;

14. Décide de prolonger le mandat de la commission d’enquête établie par le Conseil des droits de l’homme dans sa résolution S-17/1 et demande à cette commission de poursuivre ses travaux, de faire le point oralement au Conseil dans le cadre d’un dialogue à sa vingtième session et de lui présenter par écrit un rapport mis à jour dans le cadre d’un dialogue à sa vingt et unième session ;

15. Demande à la commission d’enquête de dresser et de tenir constamment à jour un relevé des violations flagrantes des droits de l’homme commises depuis mars 2011, y compris une évaluation du nombre des victimes, et de le publier à intervalles réguliers ;

16. Invite le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme à faciliter la conservation en lieu sûr des informations et des éléments de preuve recueillis par la commission d’enquête au sujet des violations et des cas de non-respect du droit international relatif aux droits de l’homme constatés en République arabe syrienne depuis mars 2011 ;

17. Exhorte les autorités syriennes à coopérer pleinement avec la commission d’enquête, notamment en lui accordant un accès sans entrave au pays ;

18. Réitère l’appel qu’il a lancé aux autorités syriennes pour qu’elles coopèrent avec les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme et avec le Haut- Commissariat, notamment par l’établissement d’une présence sur le terrain ayant pour mandat de protéger et de promouvoir les droits de l’homme ;

19. Invite le Secrétaire général à prendre les mesures nécessaires pour appuyer les efforts de la Ligue des États arabes, si celle-ci le demande, afin de contribuer à un règlement pacifique de la situation en République arabe syrienne conformément à la Charte des Nations Unies et aux décisions de la Ligue ;

20. Recommande aux principaux organes de l’Organisation des Nations Unies d’examiner d’urgence les rapports de la commission d’enquête et de prendre les mesures qui s’imposent pour remédier aux violations des droits de l’homme, ainsi qu’aux crimes contre l’humanité susceptibles d’avoir été commis ;

21. Décide de transmettre les rapports mis à jour de la commission d’enquête à tous les organes compétents des Nations Unies et au Secrétaire général pour qu’ils prennent les mesures voulues et prie le Secrétaire général de présenter au Conseil des droits de l’homme à ses vingtième et vingt et unième sessions un rapport sur la mise en œuvre de la présente résolution ;

22. Décide également de rester saisi de la question et d’examiner les nouvelles dispositions appropriées qui devront être prises.

Auteurs du projet de résolution

Albanie*, Allemagne*, Andorre, Arabie saoudite, Australie*, Autriche, Bahreïn*,
Belgique, Botswana, Bulgarie*, Canada*, Chili, Chypre*, Costa Rica, Côte d’Ivoire,
Croatie*, Danemark*, Djibouti, Égypte, Émirats arabes unis, Espagne, Estonie*,
États-Unis d’Amérique, ex-République yougoslave de Macédoine, Finlande*, France*,
Géorgie*, Grèce*, Honduras*, Hongrie, Irlande*, Islande*, Israël, Italie, Japon*,
Jordanie, Koweït, Lettonie*, Liechtenstein*, Lituanie*, Luxembourg*, Maldives,
Malte*, Maroc, Mexique, Monaco*, Monténégro*, Norvège, Nouvelle-Zélande,
Oman, Palestine, Pays-Bas*, Pologne, Portugal*, Qatar, République de Corée*,
République de Moldova, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni de
Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord*, Saint-Kitts-et-Nevis*, Saint-Marin*,
Slovaquie*, Slovénie*, Suède*, Suisse, Tunisie, Turquie*

Référence ONU : A/HRC/19/L.38/Rev.1