Pour ceux qui suivent l’actualité des grands lacs avec assiduité (ou bien la suivent par l’intermédiaire de Liaison-Rwanda), ils pourront se sentir quelque peu dubitatifs sur l’efficacité réelle des rencontres, pourparlers de paix ou négociations " avant cessez le feu " entrepris sous l’égide de l’ONU ou plus souvent sous le patronage de chefs d’état africains. Si certains débouchent sur des accords entraînant quelques réalisations sur le terrain (voir liaison-rwanda n°42), d’autres semblent bégayer. C’est le cas de ceux consacrés au Burundi qui se répètent à l’infini sans trouver d’issu véritable au trop long conflit qui le déchire. Pendant les discussions, les combats continuent. Combats, meurtres, assassinats, répression, qui pour la plupart, voire pour la totalité reste impuni. Et c’est là le problème, le germe intrinsèquement distillé dans la société des pays des grands lacs, l’une des raisons du génocide au Rwanda et des massacres au Burundi ou dans le Kivu. L’impunité.
C’est pourquoi l’enquête en cours sur des massacres commis par l’armée burundaise près de Gitega nous intéresse. Pour la première fois depuis fort longtemps, une commission d’enquête tente de faire la lumière sur un massacre de civils perpétré le 9 septembre en commune d’Itaba près de Gitega suite à une offensive de l’armée burundaise. Rompant avec les habitudes de ce pays, le président burundais Pierre Buyoya, il est vrai quelque peu contraint par une montée au créneau de plusieurs associations de défense des droits de l’homme et la condamnation de ces actes par le conseil de sécurité, a mis en place une commission d’enquête sur les circonstances de ce massacre. Reconnaissant que les 173 civils étaient tombés sous les balles de l’armée, le colonel Augustin Nzabampema, porte-parole de l’armée burundaise, rejetait les responsabilités sur les rebelles du FDD puisque " par complicité ou parce qu’ils avaient été pris en otages par les FDD " ces civils avaient succombé à l’assaut de l’armée. Version contestée par des autorités locales et le président de la commission de droits de l’homme à l’assemblée nationale burundaise signalant que les massacres avaient eu lieu alors qu’aucun autre combat n’était en cours.
On peut s’étonner d’attacher autant d’importance à une enquête mise en place sur un massacre qui n’aurait jamais du exister et serait dans la logique des choses dans tout autre endroit du monde. Mais au Burundi comme dans toute la sous-région, ce n’est pas encore l’habitude et l’Etat de droit n’est toujours pas à l’ordre du jour. C’est pourquoi cette initiative, parce qu’elle romps avec des pratiques trop longtemps en vigueur au Burundi mérite une attention particulière. La lutte contre l’impunité et la mise en place d’une justice digne de ce nom est peut être le début d’une solution négociée dans ce pays. Toutefois, restons vigilant, une commission d’enquête est aussi un moyen pour enterrer une affaire encombrante. Gageons que cette fois il sera bien question de justice et de vérité.
TL
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