A l’occasion du 7e anniversaire des attentats aux États-Unis, nous publions en français un texte de Thierry Meyssan, déjà édité en italien et en russe dans le volume collectif Zéro, pourquoi la version officielle du 11-Septembre est un mensonge. Il y relate comment il écrivit L’Effroyable imposture et ce qui s’en suivit. Bien sûr, ce texte, écrit il y a plus d’un an, doit être mis à jour : désormais les médias russes se sont emparés du sujet. Il est clair que la censure dans les médias occidentaux (qui discréditent et réduisent au silence tous les dissidents, comme on l’a vu ces jours-ci avec l’humoriste Jean-Marie Bigard) ne pourra plus se poursuivre longtemps.
En ouvrant la polémique sur les attentats du 11 septembre, je n’avais pas conscience de me projeter dans ce que l’on allait bientôt appeler « une guerre globale sans fin ». Je pensais juste faire mon travail de journaliste en relevant les incohérences de la version gouvernementale. Dans les jours qui suivirent, je publiai une série d’articles sur Internet reconstituant la chronologie des faits, minute par minute et pointant le rôle invraisemblable du NORAD (commandement de la protection militaire aérienne). Je notai immédiatement que les auteurs des attentats disposaient de complices à la Maison-Blanche et à l’état-major interarmes ; que les individus accusés d’avoir piraté les avions ne figuraient pas sur les listes d’embarquement ; que l’accumulation d’indices laissés derrière eux n’était pas crédible ; que des explosifs avaient été placés dans les tours jumelles ; qu’Oussama Ben Laden fournissait un alibi commode pour justifier une attaque de l’Afghanistan décidée à l’avance ; et, bien sûr, que tout cela servirait à alimenter le projet de « clash des civilisations » et à justifier des guerres en chaîne.
Comme beaucoup d’autres, j’avais compris que ce jour-là, le monde avait changé. Pourtant, je continuais à agir et à écrire comme par le passé. Ce n’est que plus tard, en affrontant les difficultés qui allaient surgir, que j’ai trouvé de nouveaux moyens pour défendre notre liberté.
Je m’aventurai à identifier les groupes capables de monter une telle opération. Ayant étudié les réseaux stay-behind de l’OTAN (communémement appelés Gladio), je fus frappé par un certain nombre de similitudes dans le modus operandi. Je retrouvai dans mes archives la copie d’un bulletin interne de commandos basés à Fort Bragg, connus sous le nom de Forces spéciales clandestines (Special Forces Underground). On y annonçait, huit mois à l’avance, l’attentat contre le Pentagone. Sous la présidence de Bill Clinton, ce groupe —composé de soldats d’élite impliqués dans les principales actions secrètes US à l’étranger— avait été accusé de participer à une conspiration. Dans le contexte, je ne pouvais malheureusement pousser l’investigation beaucoup plus loin.
Je m’attelai donc à reconstituer en détail les différents attentats pour en mieux comprendre le mécanisme. Cherchant à établir le timing exact de l’attentat du Pentagone, je relut avec perplexité quelques dépêches de l’Agence France Presse :
AFP | 11 septembre 2001 | 13h46 GMT |
URGENT Le Pentagone évacué après la catastrophe du World Trade Center
WASHINGTON - Le Pentagone a été évacué mardi près de Washington après qu’une attaque terroriste eut visé les tours du World Trade Center à New York, ont indiqué des responsables américains.
jm/vm/glr
AFP | 11 septembre 2001 | 13h54 GMT |
URGENT Deux explosions au Pentagone (témoin)
WASHINGTON - Deux explosions ont secoué le Pentagone mardi matin et de la fumée sort d’un mur du bâtiment, a-t-on appris auprès d’un témoin, Lisa Burgess, journaliste du Stars and Stripes.
jm/gcv/vmt
AFP | 11 septembre 2001 | 14h51 GMT |
URGENT Un avion se dirige vers le Pentagone
WASHINGTON - Un avion se dirigeait mardi matin vers le Pentagone près de Washington, a indiqué un responsable du FBI à l’AFP.
smb/cw/vmt
AFP | 11 septembre 2001 | 16h07 GMT |
Un avion s’écrase sur le Pentagone (témoin)
WASHINGTON - Un avion de ligne s’est écrasé mardi sur le Pentagone, frappant violemment le bâtiment situé près de Washington au niveau du premier étage, a rapporté un témoin, le capitaine Lincoln Liebner.
« J’ai vu ce gros avion d’American Airlines arriver rapidement et à basse altitude », a déclaré ce témoin.
« Ma première idée est que je n’en avais jamais vu si bas », a-t-il ajouté. « J’ai réalisé ce qui se passait juste avant qu’il ne percute » le bâtiment, a noté le capitaine en précisant qu’il avait entendu des gens crier sur le lieu du drame.
Le Pentagone se trouve en Virginie, à environ un kilomètre du deuxième aéroport de Washington, Reagan National Airport.
jm/gcv/vmt
Selon la version gouvernementale, un avion de ligne s’est écrasé sur le Pentagone à 9h38 (13h38 GMT), mais selon les dépêches AFP, il y a eu des explosions dans le bâtiment avant le crash de l’avion. Il y aurait donc eu non pas un, mais plusieurs attentats au Pentagone.
Je me mis donc à collationner toutes les photos disponibles de la scène du crime pour voir s’il y avait ou non des traces d’explosions distinctes.
Toutefois une autre question me taraudait l’esprit : comment le rédacteur de l’AFP pouvait-il avoir intitulé l’une de ses dépêches « Un avion se dirige vers le Pentagone » ? En effet, on peut observer qu’un avion se dirige vers Washington, mais comment savoir si, une fois arrivé, il ciblera le Pentagone plutôt que le Capitole ou la Maison-Blanche ? Décidément, cette histoire n’était pas claire.
Je présentai les photos que j’avais réunies à quelques amis compétents : un ex-pilote de chasse, un pompier, un artificier. Le pilote ne comprenait pas pourquoi les terroristes s’étaient lancés dans une manœuvre compliquée pour crasher leur avion sur la façade au lieu de piquer simplement sur le toit. Le pompier et l’artificier s’étonnèrent de l’incendie qui ne rappelait en rien ceux que causent des crashs d’avion. J’observai alors ce que tout le monde aurait dû noter dès le premier instant : il n’y avait aucun orifice dans la façade par lequel un avion aurait pu pénétrer dans le bâtiment, ni aucune épave d’avion à l’extérieur. Parce que tout simplement, il n’y avait pas eu d’avion.
Je venais de trouver « l’œuf de Christophe Colomb » et l’Amérique ne m’en serait pas reconnaissante.
Reprenant à son tour les photos, mon fils aîné, Raphaël, mit en évidence l’impossibilité de la version gouvernementale sous la forme d’un jeu des sept erreurs qui fit le tour du web mondial en quelques heures. Alors que mes articles n’étaient disponibles qu’en français, les légendes de ces photos furent rapidement traduites dans les principales langues tandis que le caractère ludique de leur présentation assura leur popularité. La gigantesque machine de propagande mise en marche par l’Alliance atlantique pour imposer la version gouvernementale avait éveillé l’intérêt du public pour tout ce qui touchait aux attentats. Porté par cette vague, le « jeu des sept erreurs » attira une dizaine de millions d’internautes en deux semaines. Pour la première fois, une opération d’intoxication planétaire était dévoilée aux yeux de tous en temps réel. C’est ce que les communicants du Pentagone, dépassés par ce revirement, ont appelé « la rumeur »
En résumant mon enquête par quelques photos et en interpellant les internautes pour qu’ils jugent par eux-mêmes, Raphaël réussissait à capter l’attention du public comme il avait déjà su le faire en d’autres occasions avec le même succès. Mais —contrepartie de cette simplification—, il réduisait la question à une simple affaire de communication gouvernementale mensongère en la privant de sa dimension politique. Dans cette période, je reçus le soutien massif de mes confrères. Des débats s’engagèrent sur les forums professionnels comparant l’attentat du Pentagone au charnier de Timisoara (en 1989, la presse s’était faite gruger par les opposants à Caucescu qui présentèrent des corps autopsiés comme s’il s’agissait de cadavres de suppliciés).
Je poursuivis mon enquête. J’explorais aussi bien les secrets de la nouvelle politique énergétique de Dick Cheney conduisant inévitablement les troupes de l’empire à faire main basse sur les réserves d’hydrocarbures du « Grand Moyen-Orient », que l’étrange parcours d’Oussama Ben Laden de la Ligue anti-communiste mondiale à l’émirat des talibans.
En Amérique du Nord, le principal hebdomadaire hispanique d’information générale, Proceso, reprit intégralement en octobre un long dossier que j’avais consacré aux liens financiers unissant les familles Bush et Ben Laden. Il apparaissait soudain que les deux hommes incarnant « le monde libre » et « le terrorisme » n’étaient pas des inconnus l’un pour l’autre et partagaient des intérêts communs alors même que de mystérieux initiés avaient réalisé de fabuleux profits en spéculant à l’avance sur les attentats. Ce sont ces informations qui achevèrent de convaincre des leaders états-uniens que les comploteurs n’étaient pas dans une grotte afghane, mais à la Maison-Blanche. La représentante de Georgie, Cynthia McKinney, interpella l’administration Bush au Congrès. Sa voix fut recouverte par les vociférations patriotiques, mais le doute venait de faire son entrée au Capitole.
En définitive, je réunit mes différents articles et les publiai sous forme de livre en mars 2002. Cette nouvelle présentation, sous une forme synthétique et cohérente, de données que j’avais distillées durant six mois transforma brutalement la nature du débat. Nous quittions les discussions sur le détail des faits pour embrasser à nouveau leur signification politique. Nous passions de la remise en cause de la communication gouvernementale à la désignation des criminels. D’autant que l’essentiel du livre était une analyse de la transformation à venir des États-Unis en un État militaro-policier et une description de leur nouvelle tendance expansionniste. Perplexes, mes confrères français se faisaient silencieux, tandis que la presse internationale, de Népszabadság en Hongrie à Tercera au Chili, chroniquait L’Effroyable imposture. Malgré l’absence de toute publicité, l’ouvrage, imprimé à 10 000 exemplaires, était épuisé en cinq jours. Intrigué, un animateur de télévision atypique, Thierry Ardisson, m’invita dans son show. Le livre était alors réimprimé en catastrophe et rapidement vendu à 180 000 exemplaires en France.
Pour l’Alliance atlantique, je devenais l’homme à discréditer d’urgence. Pour mes confrères, qui m’avaient encouragé jusque là, je passais soudain du statut de sympathique Tintin reporter à celui de dangereux concurrent et d’abominable blasphémateur. Ce fut alors un déluge d’imprécations. À quelques exceptions près, tous les médias respectables me lynchèrent en chœur, le plus acharné étant le quotidien de gauche Libération qui me stigmatisa dans vingt-cinq articles successifs. Dans un éditorial sans honte, Le Monde déplora mon indépendance d’esprit affranchie des contraintes économiques de la profession. Dominique Baudis, le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel, mis en cause dans mon livre pour son rôle au sein du Carlyle Group, fit téléphoner par ses collaborateurs aux grands médias audiovisuels pour m’interdire d’antenne.
La polémique prenait un tour d’autant plus surréaliste que la France était en campagne électorale présidentielle. Le clivage entre atlantistes et souverainistes traversait tous les partis. Chaque candidat évitait donc soigneusement de parler du 11 septembre pour ne pas provoquer de dissension dans son propre camp. Les citoyens, frustrés de ne pas voir leurs leaders se prononcer et convaincus que les médias n’admettraient jamais de reconnaître s’être faits berner par les porte-parole de l’administration Bush, se tournaient spontanément vers mes analyses.
C’est alors que le Centre Zayed, le puissant institut d’études politiques offert par les Émirats arabes unis à la Ligue arabe, m’invita à m’exprimer à Abu Dhabi. Les diplomates s’y pressèrent si nombreux que la plupart ne purent entrer dans la salle et assistèrent à la conférence depuis les jardins aménagés. Elle fut suivie d’une interview d’une heure par l’un des plus célèbres journalistes arabes, Faiçal Al-Kassim, pour Al-Jazeera. Au cours de ces interventions, je présentais de nouveaux éléments et apportais la preuve que l’attentat contre le Pentagone avait été perpétré par un missile des forces armées des États-Unis. Surtout, j’appelais les États membres de la Ligue arabe à demander la constitution d’une commission d’enquête internationale par l’Assemblée générale de l’ONU. La polémique politique franchissait un pas de plus et s’installait désormais dans les relations internationales.
Le département d’État, qui avait pourtant dépêché une délégation de sept diplomates pour m’écouter, fut un peu long à réagir. Le Centre Zayed publia une version arabe de L’Effroyable imposture, dont 5 000 exemplaires furent offerts par le souverain aux principales personnalités politiques et intellectuelles du monde arabe. Les États arabes refusaient d’endosser la responsabilité collective des attentats. La Ligue arabe et le Conseil de coopération du Golfe étaient en ébullition. Il devenait urgent pour Washington de discréditer le Centre Zayed. Une campagne de diffamation fut lancée pour couper ce prestigieux institut de tout contact étranger. En définitive, les Émirats arabes unis décidèrent de le fermer, quitte à créer une nouvelle structure plutôt que de s’épuiser dans une vaine polémique.
L’Effroyable imposture était traduite en vingt-six langues et propulsée numéro 1 des ventes dans tous les pays du bassin méditerranéen, sauf Israël. Comme j’utilisais les premiers bénéfices perçus à financer les activités éditoriales du Réseau Voltaire dans le tiers-monde, les atlantistes se mobilisèrent pour organiser la faillite de mon éditeur de sorte que je n’ai jamais touché des droits d’auteur qui s’annonçaient considérables.
Washington exerçait toutes sortes de pressions sur la France pour qu’on me fasse taire. Une organisation sioniste appela au boycott du Festival de Cannes par Hollywood, que Woody Allen parvint à désamorcer. Le département de la Défense menaça les médias qui persisteraient à rendre compte de ce débat de leur supprimer toute accréditation. La chasse aux sorcières se généralisait.
Simultanément, des voix libres se faisaient entendre en Europe. Notamment, celle de l’ancien ministre allemand Andreas von Bülow et celle de l’ancien chef d’état-major russe, le général Leonid Ivashov. L’opinion publique mondiale et les chancelleries étaient partagées. Après vérifications, les principaux services de renseignement militaires étaient convaincus de la supercherie de l’administration Bush. De sorte que l’on peut dire qu’en moins d’un an, la plus gigantesque opération de propagande de l’Histoire avait échoué.
C’est avec un net retard sur le reste du monde que le mouvement pour la vérité s’est développé aux États-Unis. Une longue période de deuil était nécessaire aux États-Uniens avant de retrouver leur esprit critique.
Pendant ces cinq années qui se sont écoulées depuis le 11 septembre 2001, j’ai reçu plusieurs milliers de menaces de mort par courrier postal et par e-mail et j’ai dû affronter de grands dangers. Dans tous mes déplacements, des États et parfois des particuliers ont mis à ma disposition des escortes armées et des voitures blindées, sans que j’en fasse la demande. J’ai appris que l’on pouvait voyager sous de fausses identités et passer les douanes sans contrôle. Je n’ai jamais su précisément qui me protégeait ainsi.
J’ai eu l’occasion de rencontrer de nombreux chefs d’état-major, des chefs de gouvernement et des chefs d’État pour leur présenter mon enquête sur le 11-Septembre et pour leur communiquer des informations non publiables. Leurs portes se sont ouvertes devant moi avec une étrange facilité.
De ce que j’ai compris, j’ai gardé le sentiment d’une dette personnelle vis-à-vis de Jacques Chirac, que je n’ai jamais rencontré mais dont la haute figure était toujours évoquée par ceux qui me recevaient et par ceux qui assuraient ma sécurité.
* * *
Au cours de ces rencontres à haut niveau, j’ai observé l’évolution des relations internationales.
Le 11-Septembre peut être analysé comme un crime de masse ou comme une opération militaire, mais il restera dans l’Histoire comme une mise en scène qui a précipité le monde dans des représentations et un discours irrationnels. Les hommes qui l’ont commandité ont voulu faire basculer idéologiquement les États-Unis et ils y sont parvenus. Ce pays est passé d’une conception messianique de son rôle dans le monde à un millénarisme. Il se pensait jusqu’alors comme un modèle de vertu et d’efficacité. Il espérait régénérer la vieille Europe et vaincre le communisme athée. Voilà qu’il s’affirme comme un État au dessus des autres ayant, seul, vocation à administrer le monde.
Si les symboles de la puissance financière et militaire états-unienne, le Centre mondial du commerce et le département de la Défense, sont crucifiés, c’est pour mieux transfigurer la bannière étoilée. À partir de ce moment, les États-Unis n’ont plus ni adversaires, ni partenaires, ni alliés. Ils n’ont que des ennemis ou des sujets. La rhétorique officielle s’enfonce dans le manichéisme : « Qui n’est pas avec nous est contre nous ». Le monde devient un champ de bataille eschatologique dans lequel les États-Unis et Israël incarnent le Bien, tandis que le monde musulman incarne l’Axe du Mal.
Ce basculement idéologique consacre le triomphe de la doctrine Wolfowitz sur la doctrine Brzezinski.
A la fin des années 70, Carter et Brzezinski avaient pris la décision de vaincre le Pacte de Varsovie sans confrontation militaire directe, mais en dressant le monde musulman contre lui (d’abord en Afghanistan, puis en Yougoslavie et en Asie centrale) et de réserver les capacités militaires US pour sécuriser les approvisionnements en hydrocarbures (création du Central Command).
Mais, dans la foulée de « Tempête du désert », Paul Wolfowitz avait préconisé de profiter de l’effondrement de l’URSS pour abandonner le système de sécurité collective onusien et affirmer la suprématie sans partage des États-Unis et d’Israël. Il convenait alors d’accroître au maximum l’asymétrie des capacités militaires en développant l’arsenal états-uno-israélien et en dissuadant toute autre puissance de se poser en rivale. Ceci impliquait notamment de priver l’Union européenne de toute velléité politique en la noyant dans un élargissement forcé et indéfini.
Ces deux doctrines stratégiques ont été soutenues par des groupes d’influence économique distincts. Ceux qui rêvent de croissance continue et d’ouverture des marchés comptent sur la stratégie de Brzezinski pour garantir un recul des régimes socialistes et un approvisionnement permanent en énergie aussi bien pour eux que pour leurs clients. Au contraire, ceux qui rêvent de maximiser les ventes d’armes et les profits spéculatifs comptent sur la stratégie de Wolfowitz pour créer des disparités et des tensions, sans crainte des inégalités, des crises et des guerres qui sont autant d’occasions de faire du business.
Or, le spectre du pic pétrolier —c’est-à-dire le commencement de la raréfaction du pétrole exploitable— a convaincu une société malthusienne que la paix était impossible à moyen terme et que l’avenir appartiendrait aux prédateurs.
Le monde actuel doit faire face à deux États expansionnistes, les États-Unis et Israël. Tous deux sont emportés par une logique qui les dévore de l’intérieur : ils concentrent toutes leurs capacités sur l’accroissement de leur puissance militaire au détriment de leur développement intérieur. Ils ont consacré presque toute leur activité à l’économie de guerre, de sorte que pour eux, c’est la paix qui serait funeste. Ils sont contraints à la fuite en avant ou à la faillite. Cependant, leur appétit ne menace pas tout le monde de la même manière et pas en même temps.
Les Européens se sont comportés comme des autruches. Ils ont refusé la vérité sur le 11-Septembre parce qu’ils croyaient pouvoir rester des alliés des États-Unis alors qu’ils n’étaient plus que des proies. Ils ont admis sans broncher l’attaque de l’Afghanistan par les Anglo-Saxons, le dégagement d’un long corridor leur permettant à terme de drainer les hydrocarbures de la Caspienne, et la plantation de vastes champs de pavot pour s’emparer des marchés européens de l’opium et de l’héroïne. Certains Européens, conduits par la France, ont cru pouvoir s’opposer à l’invasion de l’Irak. Mais ils n’ont pu que dire le droit et ont été punis de leur audace en étant contraints de payer cette guerre, par l’entremise de la dollarisation forcée des réserves monétaires de la Banque centrale européenne. Reculant un peu plus, les mêmes Européens tentent aujourd’hui de jouer les médiateurs avec l’Iran comme si leurs efforts diplomatiques pouvaient infléchir la volonté de l’Empire.
Loin de ces atermoiements pitoyables, le monde musulman et les États latino-américains ont fait preuve de lucidité. Ils ont vite compris qu’après avoir été considérés comme des variables d’ajustement durant la Guerre froide, puis comme des pions sur le « grand échiquier » de Zbignew Brzezinski, ils étaient promis à l’extermination. Ils avaient le tort d’habiter au mauvais endroit. Les premiers gênaient l’exploitation des hydrocarbures ; les seconds utilisaient leurs terres pour se nourrir au lieu de cultiver les biocarburants indispensables aux 4x4 des yankees.
Ce n’est donc pas un hasard si cheik Zayed aux Émirats, puis Saddam Hussein en Irak et Bachar el-Assad en Syrie furent les premiers chefs d’État à briser explicitement le mensonge. Et, dans la même logique, ce sont aujourd’hui les deux principaux leaders des non-alignés, le Vénézuélien Hugo Chavez et l’Iranien Mahmoud Ahmadinejad qui sont les plus diserts sur le sujet.
Les dirigeants russes, quant à eux, se sont divisés selon un clivage préexistant. Ceux qui étaient préoccupés d’enrichissement rapide ne voulaient pas compromettre leur business international en s’aliénant les États-Unis. À l’inverse, ceux qui rêvaient de retrouver le statut de superpuissance préconisaient d’affaiblir Washington en révélant ses mensonges.
Pragmatique, Vladimir Poutine n’a pas tranché, mais a agi de manière à ce que la Russie tire le plus grand profit de la situation. Il s’est moyennement indigné de la guerre en Afghanistan, tant il s’amusait de voir les États-Uniens détruire eux-mêmes l’émirat des talibans qu’ils avaient constitué principalement pour servir de base arrière à la déstabilisation de la Tchétchénie. Il s’est opposé à l’invasion de l’Irak, mais plutôt que d’affronter aux États-Unis, il a choisi de les embourber sur place en soutenant en sous-main la Résistance. Il a adopté la même attitude à propos du Liban et a été surpris —comme tout le monde d’ailleurs—de la victoire du Hezbollah sur le régime sioniste. Il souffle aujourd’hui le chaud et le froid sur l’Iran.
Progressivement, il place son pays non en rival des États-Unis, mais en protecteur des faibles et en arbitre. De ce fait, il s’abstient de toute déclaration sur le 11-Septembre et laisse abondamment s’exprimer à sa place les vétérans du KGB.
Après avoir plus ou moins longtemps cru à un cauchemar qui s’évanouirait au réveil, les gouvernements du monde entier ont pris la mesure du problème posé par le 11-Septembre et la transformation des États-Unis. Il appartient à chacun de protéger son pays, ce qui n’interdit pas de mener des actions collectives pour paralyser le fauve. Les forces armées US et Tsahal sont en effet très dépendants de leur ex-alliés. Ainsi, le refus turc de laisser l’US Air Force utiliser son espace aérien pour bombarder l’Irak a contraint le Pentagone a déplacer son dispositif et à retarder son attaque. Si d’autres États s’étaient ainsi opposés passivement à cette guerre, elle n’aurait pas pu avoir lieu.
Toutefois, le passage à l’action collective suppose une meilleure connaissance du mode de fonctionnement de l’impérialisme et de l’impact que pourraient avoir des mesures nationales coordonnées. C’est à cela que les militants pour la vérité sur le 11-Septembre doivent maintenant se consacrer. Les victimes centre-américaines des escadrons de la mort de John Negroponte doivent échanger avec ses victimes irakiennes. Les Indiens du Guatemala qui ont été parqués dans des réserves par les conseillers israéliens de la junte doivent rencontrer les Palestiniens enfermés dans la bande de Gaza. Les personnes enlevées et torturées en Amérique latine lors de l’Opération Condor doivent débattre avec celles qui viennent d’être enlevées en Europe et torturées par la CIA. Etc. C’est ce que nous avons commencé à faire avec la conférence Axis for Peace.
Le mensonge du 11-Septembre a fourni la base de la rhétorique de l’administration Bush. Le moment est venu d’admettre que l’on ne peut combattre la politique de cette administration sans dénoncer ce mensonge.
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