Plus de 15 000 citoyens états-uniens ont signé un appel à la résistance face à la dérive militaire et intégriste de leur gouvernement. Cet appel rassemble de très nombreuses personnalités venant d’horizons politiques et de groupes sociaux extrêmement divers. Depuis la guerre de Vietnam, les Etats-Unis n’avaient pas vu l’émergence d’un tel mouvement de contestation interne.
Qu’il ne soit jamais dit que les États-Unis n’ont rien fait lorsque leur gouvernement a déclaré une guerre sans limite et institué des mesures de répression draconiennes.
Les signataires de ce manifeste appellent les citoyens des États-Unis à résister à ces nouvelles mesures et à la politique globale menée depuis le 11 septembre 2001. Celles-ci représentent de graves dangers pour tous les citoyens du monde entier.
Nous croyons fermement que les peuples et les nations ont le droit de déterminer leur propre destin, à l’abri de la coercition militaire exercée par les grandes puissances. Nous croyons que toute personne détenue ou passée en jugement par le gouvernement des États-Unis a droit à la même procédure juridique. Nous croyons que la remise en question, la critique, et le désaccord sont des droits légitimes importants qui doivent être protégés. Nous sommes conscients du fait que ces droits sont toujours contestés et doivent être maintenus, fût-ce au prix de la lutte.
Nous croyons que les hommes et femmes de conscience doivent assumer la responsabilité de ce que font leurs gouvernements respectifs. Nous nous devons tout d’abord de nous opposer aux injustices commises en notre nom. C’est pourquoi nous appelons tous les Américains à résister à la guerre et à la répression déchaînées contre le monde par l’administration de M. Bush. Elles sont injustes, immorales et illégitimes. Nous avons choisi de faire cause commune avec les citoyens du monde.
Nous aussi avons été choqués par les événements terribles du 11 septembre 2001. Nous aussi avons déploré la mort de milliers d’innocents et regardé avec horreur et incompréhension les scènes de carnages - tout en nous rappelant d’autres scènes semblables à Bagdad, à Panama, et, une génération plus tôt, au Vietnam. Comme des millions d’Américains dans l’angoisse, nous nous sommes aussi demandé comment une telle chose avait pu se produire.
Pourtant, le deuil avait à peine commencé que les dirigeants du pays les plus haut placés déchaînaient déjà l’esprit de vengeance. Ils rendirent public un message simpliste opposant "le bien" et "le mal" que des média complaisants et intimidés ont propagé. Ils nous ont dit que se demander pourquoi de tels événements terribles s’étaient produits se rapprochait dangereusement de la trahison. Il n’y a eu aucun débat. Il n’y avait par définition ni question morale, ni question politique. La seule réponse possible devait être la guerre hors des frontières et la répression à l’intérieur.
En notre nom, l’administration de M. bush, fort de la quasi unanimité du Congrès américain, a non seulement attaqué l’Afghanistan mais s’est aussi arrogé le droit, ainsi qu’à ses alliés, d’imposer la force militaire en tout lieu et à tout moment. Les répercussions brutales s’en sont fait sentir des Philippines à la Palestine, où les tanks et les bulldozers ont laissé un terrible sillage de mort et de destruction. Le gouvernement se prépare maintenant à mener une guerre totale contre l’Iraq, pays qui n’a pas de lien avec les horreurs du 11 septembre 2001. Quel genre de monde adviendra-t-il si le gouvernement des États-Unis a carte blanche pour envoyer des commandos, des assassins et des bombes où qu’il le veuille ?
En notre nom, aux États-Unis, le gouvernement a créé deux classes de citoyens : ceux à qui on fait la promesse de droits essentiels et ceux qui semblent désormais n’avoir aucun droit. Le gouvernement a interpellé plus d’un millier d’immigrés et les a détenus au secret indéfiniment. Des centaines d’entre eux ont été déportés et des centaines d’autres se languissent toujours en prison. Cette situation rappelle nettement les camps de concentration construits pendant la Seconde Guerre mondiale pour les Japonais-Américains. Pour la première fois depuis plusieurs décennies, les procédures d’immigration mettent certaines nationalités à l’index pour leur faire subir un traitement inéquitable.
En notre nom, le gouvernement fait peser sur notre société un voile de répression. Le porte-parole du Président prévient les gens de "faire attention à ce qu’ils disent". Des artistes, intellectuels et professeurs dissidents voient leurs opinions déformées, attaquées et censurées. Le soi-disant "Patriot Act", ainsi que tout un train de mesures semblables prises au niveau de l’État, accorde à la police de vastes pouvoirs de fouille et de saisie sous le contrôle théorique de procédures secrètes menées dans des tribunaux secrets.
En notre nom, le pouvoir exécutif a systématiquement usurpé les rôles et fonctions des autres branches du gouvernement. Des tribunaux militaires aux procédures douteuses dans lesquels les accusés n’ont pas le droit de faire appel en court civile ont été mis en place par simple décret. Des groupes sont étiquetés comme "terroristes" d’un coup de plume présidentielle.
Il faut que nous prenions très au sérieux les dirigeants de ce pays lorsqu’ils parlent d’une guerre qui durera toute une génération et quand ils parlent d’un nouvel ordre social. Nous sommes confrontés à une politique ouvertement impérialiste envers le reste du monde et à une politique intérieure qui manufacture et manipule la peur afin de réduire les droits des personnes.
Les événements des derniers mois esquissent une trajectoire fatale qu’il faut identifier pour ce qu’elle est vraiment et contre laquelle il faut résister. Trop souvent, au cours de l’histoire, les gens ont attendu jusqu’à ce qu’il soit trop tard pour lutter.
Le Président Bush a déclaré : "Ou bien vous êtes avec nous, ou bien vous êtes contre nous". Voici notre réponse. Nous vous refusons le droit de parler au nom de tous les Américains. Nous n’abandonnerons jamais notre droit à la remise en question. Nous ne vous livrerons pas nos consciences en échange de promesses de sécurité qui sonnent creux. Nous vous déclarons : "PAS EN NOTRE NOM". Nous refusons de jouer un quelconque rôle dans ces guerres et nous répudions toute supposition qu’elles sont menées en notre nom ou pour notre bien. Nous tendons la main à ceux qui, à travers le monde, souffrent à cause de cette politique : nous montrerons notre solidarité par les mots et par les actes.
En signant ce manifeste, nous appelons tous les Américains à se joindre à notre défi. Nous applaudissons et encourageons les actes de critique et de protestation qui ont lieu actuellement, tout en sachant qu’il en faudra beaucoup plus pour arrêter cet engrenage infernal. Nous nous inspirons des réservistes israéliens qui, au prix d’énormes risques personnels, déclarent qu’"il y a effectivement une limite" et refusent de servir dans les territoires occupés et à Gaza.
Nous nous inspirons également des nombreux exemples de résistance et d’objection de conscience dont abonde le passé des Etats-Unis : depuis ceux qui ont lutté contre l’esclavage par la rébellion et par les réseaux clandestins d’évasion jusqu’à ceux qui se sont élevés contre la guerre du Vietnam en refusant d’obéir aux ordres, en refusant la conscription et en se joignant aux résistants par solidarité.
Ne permettons pas à tous ceux qui nous regardent dans le monde de désespérer de notre silence et de notre absence de réaction. Au lieu de cela, que le monde entende notre promesse : nous résisterons à l’engrenage de la guerre et de la répression et nous rassemblerons tous ceux qui veulent agir pour l’arrêter.
– Le site "Not In Our Name"
– Le formulaire pour se joindre à l’appel
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