Nous avons mis l’Afrique et le réchauffement climatique en tête des priorités pour la présidence britannique du G8 qui s’est ouverte en janvier. L’Afrique est un continent formidable, mais accablé de problème si enracinés et si répandus qu’aucun continent, aussi prospère soit-il, ne saurait les résoudre seul. Or, l’Afrique est le continent le plus pauvre du monde et le plus touché par l’épidémie de SIDA. Les démocraties devraient se sentir concernées parce que les citoyens le sont. Ils donnent des millions de dollars pour aider l’Afrique et, comme moi, ils ne trouvent pas admissible que dans un monde toujours plus riche et toujours en meilleure santé un petit Africain sur six meure avant son cinquième anniversaire.
Concernant l’Afrique, le cœur et la tête nous pousse dans la même direction. Nous ne pouvons pas fermer nos frontières aux problèmes extérieures car les crises provoque une émigration en direction de nos pays et créent les conditions du terrorisme et du fanatisme. Nous avons cependant des raisons d’être optimistes. Nous observons l’émergence d’une génération de dirigeants élus démocratiquement, bien décidés à tout faire, honnêtement et efficacement, pour que leurs concitoyens aient une vie meilleure. Le Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad) s’est également fixé un agenda ambitieux. Toutefois, les problèmes à surmonter vont bien au delà de ce que les financements traditionnels peuvent surmonter.
Pour trouver de nouveaux mécanismes, la Grande-Bretagne réfléchit avec ses partenaires, dont la France, à une "facilité financière internationale" (FFI) et à certaines propositions du rapport Landau demandé par le président Chirac. Le FFI est un système fondé sur les engagements à long terme, et à caractère contraignant, des pays donateurs les plus riches, comme nous-mêmes. Sur la base des engagements déjà pris, elle empruntera à des taux préférentiels sur les marchés internationaux des capitaux pour donner très vite de l’élan à l’aide au développement d’ici à 2015, mettant ainsi à notre portée les "objectifs du millénaire". Avec la France, nous allons lancer une FFI qui pourrait augmenter de 4 milliards de dollars en 10 ans le financement des programmes d’immunisation. Il faut aussi s’en prendre aux barrières commerciales qui font monter les prix payés par les consommateurs, empêchent les pays africains d’exporter leurs produits, et font que l’Europe dépense plus en subventions à sa propre agriculture qu’en aide à l’Afrique.
Comme le président Chirac, je crois qu’il est impératif de faire de 2005 une année décisive dans la lutte contre la pauvreté et la France et la Grande Bretagne collabore dans ce domaine. La mission commune au Niger et en Zambie de nos ministres du Développement, Xavier Darcos et Hilary Benn, début février, illustre bien la volonté de nos gouvernements de joindre leurs forces dans l’effort consenti par tous pour atteindre les "objectifs de développement du millénaire". Ainsi, la Grande Bretagne va investir dix milliards d’euros dans la scolarisation en Namibie mais plutôt que de créer un nouveau programme, la Grande Bretagne va faire passer cette aide par le programme de coopération française. C’est la première fois que la Grande-Bretagne et la France unissent leurs efforts de cette façon, et ce pourrait être un exemple pour optimiser l’aide dans d’autres domaines. Nous espérons qu’il sera suivi.

Source
Le Figaro (France)
Diffusion 350 000 exemplaires. Propriété de la Socpresse (anciennement créée par Robert Hersant, aujourd’hui détenue par l’avionneur Serge Dassault). Le quotidien de référence de la droite française.

« Afrique : les raisons de l’optimisme », par Tony Blair, Le Figaro, 1er mars 2005.