L’hebdomadaire satirique français Charlie Hebdo et l’association féministe Prochoix, après s’être donné une identité libertaire et avoir trouvé une audience chez les électeurs de gauche, se sont mués en relais des thèses néoconservatrices du « choc des civilisations ». Cette rapide dérive leur a permis de trouver des soutiens institutionnels et médiatiques tout en conservant une partie de leur lectorat. Ils s’emploient désormais à vendre à gauche les politiques de Washington et de Tel Aviv et à casser le mouvement anti-impérialiste.
On savait déjà que les concepts, tels que la démocratie ou les libertés, peuvent être détournés de leur sens pour servir une politique impérialiste [1]. Ainsi, dans ses différents discours, George W. Bush est passé maître dans l’art de vider ces mots de leurs sens. Mais, compte tenu de la haine qu’éprouve son administration envers le concept de laïcité [2], elle répugne à utiliser ce terme pour promouvoir sa politique. Au mieux, on parlera du développement de sociétés « séculières » comme d’un des objectifs, mineurs, de la « démocratisation » du « Grand Moyen-Orient ».
En revanche, pour toute une frange de la population européenne, et notamment française, la laïcité est un élément déterminant dans l’approbation d’une politique. C’est surtout un modèle d’organisation sociale faisant barrage au « choc des civilisations » [3]. C’est pourquoi, aujourd’hui, ce concept est à son tour récupéré et perverti par les partisans européens de l’administration Bush.
Détourner le sens des mots
La laïcité est un mode d’organisation sociale où la Loi est le fruit d’un débat raisonné d’où sont exclus les convictions particulières. Ce système garantit à chacun la liberté de conscience (ce qui inclut le droit à l’apostat et au blasphème) et à tous la paix civile. Les États à se réclamer de ce modèle sont rares et la France fait figure d’exception. Toutefois, dans ce pays, le discours politico-médiatique est en train de conférer un autre sens au mot « laïcité ». L’affaire « à propos » du voile islamique en France en a été le révélateur [4].
À cette occasion, on a vu se développer un discours faisant de la laïcité non pas le garant de la coexistence entre tous les citoyens, quelle que soit leur religion, mais un moyen de fustiger une population particulière, les musulmans, et, derrière eux, les Français d’origines arabes. La classe dirigeante française refuse de partager le pouvoir économique et politique avec cette partie de la population. Fustiger l’islam est donc un moyen d’empêcher les Français ayant des parents maghrébins de s’insérer dans les plus hautes sphères. Ces attaques sont d’autant plus virulentes qu’elles s’associent au discours du « choc des civilisations » [5]. Ainsi, la « défense de la laïcité » est devenue la défense de la supposée identité judéo-chrétienne de la France [6]. Dans ce discours, les musulmans sont présentés comme intrinsèquement hostiles à la laïcité, aussi, empêcher leur affirmation politique et identitaire est présenté comme le seul moyen de défendre une laïcité dénaturée.
Pour toute une partie de la gauche européenne, le discours opposant monde judéo-chrétien et monde musulman n’a aucun sens. Pétrie d’internationalisme et de sentiments laïques, elle ne considère pas l’identité religieuse et culturelle supposée d’un espace géographique comme un argument convainquant pour justifier un affrontement. Pourtant, le détournement des mots « laïcité », ou « République » est présenté par certains médias, étiquetés « à gauche », sous une forme rendant les politiques de Washington et de Tel-Aviv acceptables. On voit en effet se développer de plus en plus un discours opposant un monde arabo-musulman supposé hostile aux Droits de l’homme, à la laïcité et aux droits des femmes et un monde occidental autoproclamé démocratique, imprégné par les Droits de l’homme et la laïcité et qui est menacé par l’islam.
Ce discours peut être vu comme une adaptation du concept de « choc des civilisations » dans un langage permettant de sensibiliser les électeurs de gauche et les mouvements contestataires à ces problématiques. En outre, en diabolisant l’islam dans son ensemble par le biais d’assimilations successives douteuses, on rend les organisations musulmanes infréquentables et on empêche la construction d’une large alliance anti-impérialiste.
Washington a montré par le passé qu’il était tout particulièrement intéressé par le contrôle des mouvements contestataires. Cette mise au pas est passée par des financements d’organisations de la mouvance altermondialiste [7], mais bien souvent, tout l’art consiste à imposer ses problématiques, son vocabulaire et à fixer les limites du débat dans les mouvements de contestation. En France, cette démarche a trouvé des alliés, volontaires ou non mais essentiels, avec le journal Charlie Hebdo et l’association Prochoix.
Charlie Hebdo est un hebdomadaire phare pour toute une partie de la gauche radicale française. Lancé en 1992 par Philippe Val, il peut s’enorgueillir d’une filiation avec Hara-Kiri et Charlie, des revues satiriques des années 60 et 70. Son rédacteur en chef, Philippe Val, est un ancien chansonnier et humoriste apprécié des milieux alternatifs. Dans les années 90, il participa à la fondation du Réseau Voltaire, dont il fut un éphémère administrateur, et d’ATTAC France. Il a progressivement pris ses distances avec les organisations contestataires même si sa revue conserve de l’influence dans ce milieu.
Prochoix est une organisation féministe fondée en novembre 1997 par Fiammetta Venner, Caroline Fourest et Moruni Turlot. À l’origine centrée sur les questions du droit des femmes et des homosexuels face aux mouvements religieux et extrémistes, l’organisation publie une revue et assure la promotion des ouvrages de Fiammetta Venner et Caroline Fourest, ses principales animatrices. Progressivement, cette revue et l’association se sont dédiées à la lutte contre « l’islamisme », notion dont elles ont étendu largement la définition jusqu’à recouvrir un grand nombre d’organisations musulmanes [8]. Fourest et Venner collaborent à Charlie Hebdo depuis 2004.
Aujourd’hui, dans Charlie Hebdo, Prochoix et dans les publications donnant la parole à Val, Fourest et Venner, on peut trouver une lecture essentialiste de l’islam qui est opposée à une vision tronquée de la laïcité, de la République et des Droits de l’homme. Dans leur vision des choses, les musulmans français veulent, par des provocations successives, saper le modèle laïque et de nombreuses organisations musulmanes françaises seraient en lien avec des mouvements islamistes et terroristes, ce qui les rend infréquentables pour les organisations de gauche.
L’émergence du « danger islamiste »
La focalisation de Charlie Hebdo sur le danger que représenterait les mouvements musulmans a commencé à la fin de l’année 2003. Auparavant, cette dimension était bien moins présente et se noyait dans une antireligiosité globale, touchant toutes les croyances.
Cependant, le 23 octobre 2002, un article avait déjà surpris les lecteurs de l’hebdomadaire. Le philosophe Robert Misrahi, contributeur régulier du périodique avait écrit un éloge du livre La Rage et l’orgueil, le pamphlet raciste anti-musulman de la journaliste italienne Oriana Fallaci. Bien que cette dernière comparait la reproduction des musulmans vivant en Europe à celle des rats, le chroniqueur affirmait : « Le livre et son auteur ont été calomniés : Oriana Fallaci n’est pas raciste. » [9] et il ajoutait : « Elle proteste aussi contre la dénégation qui a cours dans l’opinion européenne, qu’elle soit italienne ou française par exemple. On ne veut pas voir ni condamner clairement le fait que c’est l’islam qui part en croisade contre l’Occident et non pas l’inverse. On ne veut pas voir que les très nombreux attentats, partout dans le monde, relèvent à l’évidence d’une volonté unique et d’un projet commun. » [10]. Nous avions là, la présentation d’un islam (et pas seulement d’un islamisme) agressif, en guerre contre l’Occident et uni dans un projet commun aux desseins inconnus. Des propos que n’auraient pas renié un Daniel Pipes [11], pourtant réputé à l’autre extrémité du spectre politique. Dès la semaine suivante, l’hebdomadaire publiait un courrier de protestation émanant de lecteurs choqués et la réponse de la rédaction laissait entendre que certains de ses propres journalistes n’étaient pas non plus enchantés par cette chronique. Robert Misrahi ne fit bientôt plus partie de l’équipe de Charlie Hebdo et on pouvait croire qu’il ne s’agissait que d’un accident de parcours.
Tout changea à partir d’octobre 2003 et plus exactement du Forum social européen (FSE) de Saint-Denis, marqué par une polémique sur la participation des organisations musulmanes. Premier rassemblement de la sorte depuis l’invasion de l’Irak par les États-Unis, cette manifestation fut l’occasion pour les mouvements altermondialistes et musulmans de se rassembler pour amorcer le débat sur l’impérialisme. Dès l’été qui précédait cette réunion, la présence annoncée des organisations musulmanes fut dénoncée par les cercles atlantistes. La protestation se focalisa sur la possible venue de Tariq Ramadan après que celui-ci ait publié une tribune sur l’attitude communautariste de certains intellectuels juifs français dans leur défense d’Israël [12].
Dans son éditorial du 5 novembre 2003, Philippe Val prit fait et cause contre la présence de Ramadan au FSE [13]. Dès lors, sa revue s’orienta progressivement vers une dénonciation systématique du péril islamiste, multipliant les caricatures présentant les musulmans comme des barbus en djellaba, battant les femmes, antisémites et incitant aux actes kamikazes, des caricatures autrefois réservés à la presse d’extrême droite.
C’est également dans cette période que Caroline Fourest et Fiammetta Venner publièrent Tirs Croisés [14]. En quatrième de couverture, on peut lire que « Depuis le 11 septembre 2001, le monde vit dans la hantise du terrorisme musulman. Mais ce traumatisme n’a pas permis une réflexion en profondeur sur l’origine de ce terrorisme : l’intégrisme. Quand il l’a fait, le monde occidental à voulu se persuader que seul l’islam pouvait susciter de la barbarie. Ce qui a le mérite de rassurer et d’accréditer la thèse du « choc des civilisations ». (...) [Caroline Fourest et Fiammetta Venner] apportent un démenti à cette illusion en démontrant que, sur bien des points (...) le monde dont rêvent les intégristes musulmans ressemble à s’y méprendre à celui prôné par les intégristes juifs et chrétiens. ». Cette note d’intention de l’éditeur est trompeuse. En réalité, loin d’énoncer un plaidoyer pour la laïcité, Tirs croisés est construit de façon à donner l’impression au lecteur que dans tous les domaines, l’intégrisme musulman est bien plus dangereux que les intégrismes chrétiens et juifs. Ainsi, chaque chapitre est construit de façon à démontrer cette thèse et plus de la moitié de l’ouvrage est consacrée au seul intégrisme musulman. Les auteurs ne s’en cachent pas : « Il serait faux d’affirmer, que l’intégrisme musulman ne présente pas un risque accru. L’islamisme occupe effectivement la pole position chez les intégristes. Il est actuellement le mieux placé pour exercer ses diktats et terroriser ceux qui lui résistent. Mais cette force n’est pas liée à une différence de fond avec ses homologues juif et chrétien. (.) Ce surcroît de nocivité n’a rien à voir avec la religion, mais avec l’instrumentalisation de la religion. » [15], « À côté de l’intégrisme musulman, les intégrismes juifs et chrétien donnent l’impression de phénomènes marginaux plutôt folkloriques, en tous cas sans conséquences. » [16].
Si l’islamisme est le plus dangereux des intégrismes, c’est en raison de ses spécificités. Ainsi, s’il n’a pas le monopole de la violence, « Il est le seul à bénéficier d’un stock de bombes humaines » [17]. Le fait que les intégristes juifs puissent bénéficier de l’appui de Tsahal pour développer leurs colonies dans les territoires palestiniens n’est pas pris en compte, pas plus que les incantations d’un Billy Graham dont l’ONG suivait les troupes états-unienne en Irak dans le but affiché de convertir les populations « libérées ». En outre, pour les auteurs, l’islamisme profite de moyens qui le rendent plus dangereux que les autres : « Son financement, lui aussi, bénéficie d’une absence de garde-fous » [18], il est donc « susceptible d’être mis au service d’une entreprise terroriste. » [19]. Si les intégrismes juifs et chrétiens disposent de beaucoup de fonds, ils proviennent de l’économie légale et ils sont donc encadrés par des règles juridiques. Ce n’est pas le cas du financement islamiste dont l’origine est opaque et proviendrait de la criminalité internationale.
En fait, d’après les auteurs, le vrai problème de l’intégrisme musulman est qu’il est la forme extrême d’une religion qui contrairement au christianisme et au judaïsme, n’a pas connu son agiornamento, la faute à un monde arabe incapable de se réformer : « Le manque de développement de certains pays arabes et/ou musulmans est à mettre en relation avec leur incapacité au sécularisme. Ces deux phénomènes s’auto-entretiennent. » [20], « Par refus de l’hégémonie occidentale, les seuls mouvements sociaux réellement populaires ne sont pas guidés par l’esprit des Lumières mais puisent leur radicalité dans le fondamentalisme musulman, quitte à entretenir l’archaïsme et le sous-développement ayant permis à l’Occident d’asseoir son hégémonie sur l’Orient. » [21]. Et c’est ainsi qu’on glisse de la dénonciation de l’islamisme, à la dénonciation d’une civilisation dans son ensemble.
Quelques mois après la publication de ce livre, Fiammetta Venner commencera une collaboration active avec Charlie Hebdo, tandis que Caroline Fourest rédigera des piges pour l’hebdomadaire. Elles pourront alors appliquer à l’actualité le point de vue défendu dans Tirs croisés et écriront régulièrement des articles où elles dénonceront le péril qu’incarne d’après elles l’islam pour le modèle laïque français. Par la suite, elles rédigeront, séparément cette fois, deux livres, Frère Tariq [22] et OPA sur l’Islam de France [23].
Dans ces deux ouvrages, elles affinent encore leur dénonciation de l’islamisme. Se concentrant sur Tariq Ramadan et l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), elles livrent une image d’un islam conquérant voulant détruire la laïcité française et faire plier la République pour imposer ses propres règles. Ainsi, dans ces deux essais (où parfois des paragraphes sont identiques à la virgule près), elles prétendent que ce sont les musulmans français qui ont relancé le débat sur le voile, espérant faire plier la République via un patient travail de sape. Retournant les faits, elles affirment que la législation sur le voile n’est pas le fruit des manipulations de Nicolas Sarkozy pour relancer cette question [24] et importer en France le « choc des civilisations », c’est une loi qui s’impose à la France une fois qu’elle a pris conscience du travail de sape des islamistes contre elle : « Au départ, 80 % des membres de la Commission Stasi sont hostiles à l’idée de légiférer, mais les auditions vont bientôt les faire changer d’avis. Pendant des semaines, les médias et l’opinion publique découvrent, ahuris, l’étendue des dégâts : des femmes refusant d’être soignées par des médecins hommes au nom de la « pudeur islamique » dans les services d’urgence, des élèves qui protestent lorsqu’on parle de Voltaire ou lorsqu’on évoque l’évolutionnisme, une élève qui demande la direction de La Mecque pour faire la prière en plein cours. » [25]. Nicolas Sarkozy gardera mauvaise presse auprès des deux auteurs, non pas pour avoir relancé le débat, mais pour s’être montré trop complaisant à leur goût avec « l’islamisme ».
Cette présentation des évènements sera bien évidemment reprise dans Charlie Hebdo qui ne manquera pas une occasion de montrer des « barbus » forçant les femmes à porter le voile et s’attaquant aux lois de la République. C’est la thèse que Philippe Val défendra dans ses éditoriaux : « En gros, le voile, c’est juste un outil stratégique pour, en rabaissant les femmes, combattre l’égalité à l’école de la République. » [26].
À cette vision de l’islam en France s’ajoute bien sûr une image du terrorisme forcément musulman, qui sera dénoncée à longueur de colonne par Fiammetta Venner, Philippe Val et une partie de la rédaction de l’hebdomadaire. Cette nouvelle orientation sera l’une des raisons affichées par le sociologue Philippe Corcuff lorsqu’il quittera le journal satirique : « Charlie Hebdo s’est directement mis à la fabrication de « complots », avec les articles de Fiammetta Venner sur l’islam. Recourant à des amalgames répétés entre l’islam comme religion, les différents courants de l’islam politique, l’intégrisme et le terrorisme, Charlie Hebdo - hormis quelques courageux résistants de la nuance et de la complication - s’est alors inscrit dans une croisade de la Civilisation (« européenne ») contre la Barbarie (« musulmane ») » [27].
Lutter contre la politique arabe de la France
Compte tenu de cette image du monde musulman, Charlie Hebdo va se lancer dans des attaques régulières contre la politique arabe de la France. Pour Fiammetta Venner, elle est dictée par la population musulmane française. Elle accuse même à mots couverts la population française d’origine maghrébine d’avoir contribué à faire battre Lionel Jospin au premier tour de la présidentielle de 2002 pour lui faire payer la remise en cause de cette politique : « Le 5 mai 2002, Jacques Chirac est réélu président de la République avec plus de 82 % des voix. (...) Le soir même, sur la place de la République, des dizaines de milliers de Français viennent exprimer leur soulagement et leur joie devant la tribune de Chirac. Beaucoup sont d’origine maghrébine. Les caméras immortalisent cette adhésion au candidat de la droite. Un homme connu pour sa politique étrangère pro-arabe, tandis que son adversaire socialiste Lionel Jospin avait reçu des pierres en Palestine pour y avoir qualifié le Hamas [28] de mouvement terroriste. » [29].
Puisque le monde arabe est peuplé de théocrates et de terroristes et qu’il est ataviquement antisémite, la France ne ferait que se déshonorer en ayant des rapports cordiaux envers les pays qui le composent et les groupes religieux musulmans. Cette lecture de la diplomatie française sera particulièrement développée dans les articles consacrés aux prises d’otage de journalistes français en Irak.
Pour commencer, il ne fait aucun doute à Charlie Hebdo que ces prises d’otages sont toutes le fait des islamistes [30], bien souvent assimilés à la résistance irakienne. Ainsi, durant toute la captivité du reporter de Libération, Florence Aubenas, la Une de Charlie sera ornée de dessins rappelant la captivité de la journaliste et mettant la plupart du temps en scène la figure caricaturale de l’islamiste (barbe, djellaba, couteau ou ceinture d’explosif, sourire vicieux, mouche l’entourant parfois). Dans ces affaires, Charlie ne cessera de s’interroger sur le rôle des organisations de musulmans français et sur les contacts que la France devait prendre pour faire libérer les journalistes.
Philippe Val s’inquiètera de la mobilisation des groupes musulmans en faveur de la libération des otages : « Il est pour le moins curieux que les « autorités de l’islam » les plus radicales appellent à la libération des otages français. (...) Tariq Ramadan, évidemment, saute sur l’occasion pour intervenir afin qu’on lui soit enfin redevable de quelque chose. Les mollahs iraniens, le Hamas, le Hezbollah, l’Union des organisations islamiques de France, des théoriciens intégristes comme le très influent al-Qaradâwi, très populaire chez les Frères musulmans et animateur d’une émission sur Al-Jezira, les salafistes du Conseil pour la prédication, leur chef, Mehdi al-Soumeidàï, un des dirigeants du mouvement fondamentaliste sunnite, Fakri al-Qaïssi, tous agissent, envoient des émissaires, déploient une intense activité secrète pour tenter de sauver les deux journalistes français. Tous ces gens n’ont jamais levé le petit doigt lors des autres enlèvements. » [31] . La liste de ces dirigeants et la façon de les présenter et de les assimiler bien qu’il s’agisse parfois de mouvements opposés ressemble fortement aux articles et aux ouvrages de Fiammetta Venner et Caroline Fourest. En conclusion Philippe Val s’interroge : « Que les plus farouches défenseurs de la charia, pourtant d’obédiences et de tendances différentes, dont certains sont les inspirateurs d’attentats kamikazes qu’ils n’ont jamais désavoués, soient aujourd’hui tous d’accord pour condamner cette prise d’otages est pour le moins matière à réflexion... » [32]. Pour le rédacteur en chef de l’hebdomadaire satirique, le fait que des preneurs d’otages se présentant comme musulmans refusent les demandes de libération de toutes les autorités musulmanes, aussi diverses soient-elles, n’est pas surprenant ou ne mérite pas qu’on se pose des questions. Ce qui est inquiétant, c’est ce que les groupes se mobilisant pour la libération des otages exigeront en échange. Ce qui compte, c’est ce que la France risque d’avoir à accepter en échange de cette aide : les musulmans sont forcément coupables, ceux qui ne le sont pas sont complices ou profitent de la situation pour tirer un gain politique de la situation.
Après la libération de Christian Chesnot et Georges Malbrunot, la diplomatie française ne trouvera pas davantage grâce aux yeux de Charlie Hebdo et de son rédacteur en chef. Une fois bien vite expédiée la joie de revoir les journalistes français en vie, c’est l’inquiétude sur les engagements que la France aurait pu prendre dans cette affaire qui reprend le dessus : « Pourquoi une rançon serait-elle plus déshonorante qu’on ne sait quelle tractation secrète qui fera de la France la complice d’on ne sait quelle armée islamique d’on ne sait où ? Qui sont ces gens séduits par la politique arabe de la France ? Ceux qui tuent comme ils respirent ? » [33]. Il appelle donc les Français à se méfier du discours officiel de leur État : « Comme si Chirac et Raffarin n’avaient qu’une hâte : que toute la France souffre du syndrome de Stockholm, et se mette à rendre grâce parce qu’il existe des terroristes islamiques attachants au point de libérer nos journalistes et d’apprécier notre politique étrangère. ». Ainsi, peu importe la libération des otages et peu importent les zones d’ombres entourant leur enlèvement, la seule leçon à retenir est que la France ne doit pas entretenir de liens avec ceux que les cercles atlantistes présentent comme des terroristes ou leurs alliés. Le rédacteur en chef ira encore plus loin la semaine suivante dans un article censé analyser la vision de l’enlèvement d’Ingrid Bétancourt par la mouvance altermondialiste. Énumérant ce qui ferait la distinction entre les enlèvements de la sénatrice franco-colombienne et celui des deux journalistes français aux yeux de ceux qu’il entend stigmatiser, il en profite pour dénoncer l’antisémitisme, intrinsèque selon lui, des pays arabes : « [Christian Chesnot et George Malbrunot] ont été enlevés par des terroristes islamiques qui adorent égorger les Occidentaux, sauf les Français, parce que la politique arabe de la France a des racines profondes qui s’enfoncent jusqu’au régime de Vichy, dont la politique antijuive était déjà, par défaut, une politique arabe. » [34]. La politique arabe de la France serait donc fondée sur une vieille tradition antisémite. Pire encore, par cette politique la France collaborerait de facto à ce que les États-Unis et leur relais de diplomatie publique présentent comme la plus grande menace pour notre époque : l’acquisition par des terroristes d’armes de destruction massive : « grâce à l’Iran, qui nous doit sa technologie nucléaire, grâce à l’Irak, qui nous doit la même chose, et grâce à un paquet d’autres pays arabes auxquels nous avons fourni tout le matériel de guerre nécessaire pour avancer vers la démocratie, nous avons des amis un peu partout où les réseaux Ben Laden sont en train de prospecter afin d’ouvrir de nouvelles stations service. » [35].
On le voit, l’analyse par Charlie Hebdo de la politique arabe de la France se fonde à la fois sur une vision péjorative du monde arabo-musulman et sur les orientations de politique étrangère de l’administration Bush. Il n’y a rien d’étrange là-dedans puisque Philippe Val s’était déjà fait un propagandiste zélé de l’OTAN lors de la Guerre du Kosovo. Rien d’étonnant dans ces conditions à ce que les politiques impérialistes de Washington et de Tel-Aviv soient jugées de façon ambiguë dans le colonnes de l’hebdomadaire et par Prochoix.
Les ennemis de mes ennemis sont mes amis
Tout d’abord, une précision s’impose. Je n’affirme pas que les responsables de Charlie Hebdo ou de Prochoix ont écrit des articles faisant explicitement l’apologie de la politique d’Ariel Sharon ou de George W. Bush. Ces deux dirigeants sont des repoussoirs pour les opinions occidentales et les dessinateurs de Charlie Hebdo ont souvent réalisé des dessins très mordants contre eux. Notons également que l’hebdomadaire satirique comprend en son sein quelques rédacteurs résolument anti-sionistes [36]. Toutefois, on peut noter que bien souvent, s’ils ne sont pas applaudis, et parfois condamnés, ces deux dirigeants sont excusés, ignorés ou voient leurs grands axes de propagandes adoptés. Ainsi, on ne trouve pas dans les éditoriaux de Charlie Hebdo la même violence quand il s’agit de dénoncer les crimes de la Coalition en Irak ou ceux de Tsahal dans les territoires palestiniens que quand il est question du « péril islamiste » ou de la diplomatie française en direction du monde musulman. Même chose du côté de Prochoix qui consacre bien plus d’articles à stigmatiser l’antisémitisme des islamistes palestiniens [37] que le racisme d’État en Israël.
Les rédacteurs de Charlie fidèles à Philippe Val, Fiammetta Venner et Caroline Fourest intègrent régulièrement dans leurs analyses les principaux éléments de la propagande sioniste. Il ressort de leurs articles que le problème régional central est l’absence d’un partenaire arabe avec qui faire la paix. Cette orientation est également une des raisons invoquées par Philippe Corcuff pour justifier son départ de Charlie Hebdo [38].
Ainsi, pour les fondatrices de Prochoix, les dirigeants des pays Arabes instrumentalisent Israël pour se maintenir au pouvoir ou pour ne pas réformer leurs régimes et s’ouvrir à la modernité : « Pour la majorité des peuples du Machrek et du Maghreb, le fait qu’Israël occupe des territoires en Palestine sert aussi souvent de prétexte pour reporter l’aggiornamento de l’islam à plus tard. C’est en tout cas, l’argument avancé par certains gouvernements dictatoriaux pour refuser la démocratisation de leur pays. » [39]. Suivant cette logique, les pays arabes n’ont aucun intérêt à faire la paix avec Israël ; raison pour laquelle ils encouragent le terrorisme palestinien, en accord avec l’Autorité palestinienne : « le gouvernement israélien peut se vanter de désamorcer les bombes (des intégristes juifs) avant qu’elles n’explosent (...) les États arabes et l’Autorité palestinienne ne font pas preuve de la même détermination pour dissuader leurs concitoyens de se transformer en bombes humaines. » [40]. Outre son incapacité à empêcher les attentats, l’Autorité palestinienne est accusée de complicité dans l’organisation des attentats : « À force d’élever des générations entières dans le culte du martyre que ce soit à l’école, en famille ou lors des enterrements tout en promettant sans cesse une vie de rêve après la mort, l’Autorité palestinienne se trouve de plus en plus confrontée à des phénomènes suicidaires chez les enfants. » [41].
Cette dénonciation de l’Autorité palestinienne se retrouve chez Philippe Val qui fustigera l’attitude de Yasser Arafat à plusieurs reprises et ce, même avant le grand tournant anti-musulman de sa revue à la fin de l’année 2003 : « Aujourd’hui, la totalité de la presse et des médias français soutient Arafat, un peu comme on a soutenu José Bové (…) Sharon et Arafat sont deux rouages complémentaires de la machine qui fabrique la peur sur laquelle se fonde la servitude volontaire des peuples. Si Sharon est coupable de se laisser entraîner à l’irréparable, Arafat est coupable d’avoir voulu et prémédité cette stratégie. » [42]. Notons que dans cet extrait, si Sharon et Arafat sont renvoyés dos-à-dos, c’est bien le Palestinien qui est jugé responsable de la situation. Le Premier ministre israélien n’a que le tort de mal réagir. Fourest et Venner n’hésitent pas pour leur part à présenter les Palestiniens comme les responsables du lancement de la seconde Intifada [43]. Ce faisant, elles oublient que les premières violences palestiniennes lors de cette seconde Intifada sont une réaction à une provocation d’Ariel Sharon sur l’esplanade des mosquées.
Enfin, de façon classique, la critique d’Israël est souvent assimilée à de l’antisémitisme chez ces auteurs. À titre d’exemple, signalons que Philippe Val n’avait pas supporté qu’un sondage commandé par la Commission européenne établisse que 59 % des citoyens de l’Union européenne estimaient qu’Israël était une menace pour la paix dans le monde [44]. Et reprenant un des pires axes de la propagande sioniste, il accuse les critiques de la politique coloniale israélienne de crypto-négationisme : « Nous arrivons au temps absurde où l’émotion suscitée par une attaque - condamnable - de l’armée israélienne dans une zone palestinienne permet d’ignorer la mémoire des victimes des nazis » [45]. Le rédacteur en chef de Charlie Hebdo se gardera bien de citer le moindre propos pouvant démontrer son point de vue, mais qu’importe.
D’une manière générale, comme on considère que le principal danger au niveau international est l’islam, toute politique ayant comme but affiché de combattre le terrorisme islamique trouve des circonstances atténuantes. C’est le cas de celle du président Ben Ali pour les animatrices de Prochoix. Contrairement à d’autres État, la Tunisie ne sera pas présentée par les auteurs comme une dictature, mais comme une « démocratie officielle tenue d’une main de fer par l’armée » [46]. En réalité, en Tunisie, l’armée n’a pas un rôle essentiel et le pouvoir s’appuie bien plus sur la police. Mais cette situation politique n’est-elle pas une nécessité puisque : « les mouvements islamistes menacent toujours un processus timide de modernisation » [47] ? Cela conduit Caroline Fourest et Fiammetta Venner à condamner Reporter Sans Frontière coupable d’avoir fait campagne pour la libération de Mohamed El Hachmi, journaliste tunisien condamné pour délit d’opinion, et qu’elles accusent, comme le régime de Tunis, de faire l’apologie de la charia. Toutefois, bien que les auteurs soient devenues proches d’Antoine Sfeir [48], elles ne vont pas aussi loin que ce dernier qui présente la Tunisie comme un modèle de processus de démocratisation pour le monde arabe [49].
Compte tenu de l’adversaire, même le crime que représente l’occupation de l’Irak doit être relativisé. Toujours à propos de l’enlèvement de Christian Chesnot et George Malbrunot, Philippe Val s’était emporté contre ce qu’il considérait comme de l’ingratitude française vis-à-vis des forces de la Coalition qui avaient bien dû jouer un rôle dans cette libération : « Pas un mot non plus sur les Américains et les Anglais qui, pourtant, occupent l’Irak. On est allés là-bas, on a négocié, on a fait aller et venir des colonnes de bagnoles, atterrir et décoller des avions, mais les Américains n’y sont pour rien et n’ont rien vu ? » [50]. En fait, ce qui est surtout inquiétant pour Philippe Val, c’est que l’Occident puisse se diviser face à la menace islamique. Qu’importent les crimes de la Coalition ou les exactions menées au nom de la guerre au terrorisme, il est essentiel que l’Europe reste l’allié des États-Unis. Ainsi, après que, dans une cassette attribuée à Oussama Ben Laden, une voix ait déclaré qu’il offrait une « trêve » aux États promettant de cesser d’attaquer des musulmans, le rédacteur en chef de Charlie Hebdo s’était insurgé : « Il s’adresse d’abord aux populations européennes qu’il méprise. En misant sur leur pleutrerie, il veut les convaincre de se doter de gouvernements qui resteront passifs pendant qu’il assassine, par exemple, des Américains. Après, il s’occupera de nous, mais ça, il ne le dit pas, il espère que le con moyen préférera croire le contraire, préférera faire semblant de croire le contraire, en attendant son tour. » [51]. Ainsi, si l’Europe n’élit pas des gouvernements qui s’associent à la guerre au terrorisme de Washington, elle fera preuve de « pleutrerie ». On est là dans la même logique que les faucons qui dénonçaient la victoire du Parti socialiste espagnol lors des élections qui ont suivi les attentats de Madrid du 11 mars 2004.
Charlie Hebdo dénonce comme des déserteurs les Européens qui auraient l’outrecuidance de refuser de voir les questions géopolitiques au travers du prisme de Washington. Autrefois journal libertaire, l’hebdomadaire en vient même à exiger une politique de contrôle aux frontières plus stricte pour combattre le terrorisme. Ainsi, sous le titre, tout en finesse et en retenue, « Barnier a-t-il fait entrer Ben Laden en France ? » [52], le journaliste de Charlie Olivier Boulens s’insurgeait contre l’entrée sur le territoire français de 6000 pèlerins revenant de La Mecque sans que les contrôles n’aient été suffisants selon lui à l’aéroport de Riyadh : « En plein plan Vigipirate, et alors que la France déconseille à ses ressortissants tout séjour chez les wahhabites en raison d’un « risque élevé d’attentat terroriste », le gouvernement n’a pas jugé bon de demander plus de garanties sur ces avions, qui ont donc pu atterrir en France en dépit des règles de sécurité en vigueur. Sans doute Paris a-t-il considéré que les passagers étaient protégés par leurs gourdes d’eau sainte de Zemzem... ». Comme le danger est énorme, les moyens pour le combattre doivent être importants et tant pis si cela va à l’encontre des libertés publiques. C’est pourquoi, de son côté, Caroline Fourest dénonce l’attitude de la Fédération internationale des Droits de l’homme (FIDH) quand cette dernière s’est inquiétée des procédures antiterroristes utilisées par le juge antiterroriste français Jean-Louis Bruguière [53], pourtant extrêmement contestables : « La FIDH se bat depuis des années pour faire dissoudre la 14e section antiterroriste de Paris du juge Bruguière, qu’elle dénonce comme « une machine à fabriquer des " coupables " musulmans en faisant peser sur eux une présomption de terrorisme » ! À noter, il ne s’agit pas de dénoncer certaines bavures, mais d’accuser la lutte contre le terrorisme dans son ensemble d’être une immense chasse au faciès... Des propos édités après le 11 septembre. » [54].
Il ne s’agit là que d’une des attaques contre la FIDH ou la Ligue des Droits de l’homme contenues dans Frère Tariq. Ces deux organisations sont accusées de faire trop de cas des atteintes aux droits des populations d’origine arabe, un combat obsolète depuis le 11 septembre 2001 d’après l’auteur.
La FIDH n’est pas la seule à avoir subit les foudres des fondatrices de Prochoix ou des articles de Charlie Hebdo. S’associer avec des organisations musulmanes ou contester les politiques impérialistes de l’administration Bush qui se cachent derrière la guerre au terrorisme, c’est prendre le risque d’être présenté comme un ennemi, un « islamo-gauchiste », un « rouge-brun » ou autre épithète délégitimant.
Les amis de mes ennemis sont mes ennemis
En partant des terroristes islamistes, Prochoix et Charlie Hebdo en sont venus à présenter tous les islamistes comme des personnes incroyablement dangereuses, puis tous les musulmans anti-impérialistes comme des complices de ce mouvement intégriste hypertrophié. Cette méthode d’accusation par assimilations successives fonctionne également avec les groupes non musulmans contestant les politiques atlantistes et sionistes qui s’associent à des groupes musulmans. La diabolisation successive de ces organisations permet ainsi de brocarder n’importe quel adversaire politique sans avoir même à tenir compte de ses arguments ou de son discours. Une technique que le Réseau Voltaire connaît d’autant mieux que nous en avons fait les frais.
Compte tenu de notre vision de la politique internationale et des grands enjeux géopolitiques à venir, il était évident que le Réseau Voltaire ne pouvait devenir qu’une bête noire de Prochoix et Charlie Hebdo. Le livre L’Effroyable Imposture avait en effet le tort de « [dédouaner] en partie les islamistes puisque selon lui aucun avion ne s’est écrasé sur le Pentagone et que la liste des kamikazes embarqués à bord de l’avion aurait été rajouté a posteriori par le FBI (…) on en sort avec le sentiment que le gouvernement américain est extrêmement manipulateur et finalement presque plus dangereux que l’islamisme » [55]. Philippe Val ira plus loin encore lors d’un débat sur la chaîne Arte le 13 avril 2004 puisqu’il présentera ceux remettant en cause la version officielle du 11 septembre comme des « criminels » comparables aux négationnistes [56].
Remettre en perspective le « péril islamiste » et démonter le discours dominant sur les attentats du 11 septembre et les politiques que ce crime a permis de justifier faisait de nous un ennemi à abattre. Le Réseau Voltaire et son président, Thierry Meyssan, ont donc eu droit à un traitement de choix : accusation de négationnisme, de paranoïa et d’antisémitisme au travers de caricatures ou de multiples articles, trop long à recenser, et même rédaction d’un livre visant à traîner Thierry Meyssan dans la boue en livrant une lecture romancée de sa biographie [57]. Toutefois, il me semble intéressant de surtout analyser les accusations concernant les sympathies islamistes qu’aurait le Réseau Voltaire, car ces attaques sont révélatrices du fonctionnement de la méthode par assimilations successives utilisée par Prochoix et Charlie Hebdo.
Mohamed Bechari est un élu du Conseil français du culte musulman. Lors de la prise d’otage de Christian Chesnot et George Malbrunot, il a mené une tournée dans le monde arabo-musulman afin d’obtenir le plus d’engagements possibles de dirigeants musulmans en faveur de la libération des journalistes français. Au cours de cette tournée, M. Béchari a rencontré le dirigeant du Front islamique du salut algérien, en exil au Qatar, Abassi Madani. Celui-ci avait entamé une grève de la faim en solidarité avec les otages français et à cette occasion, M. Bechari l’embrassa sur le front, acte qui fut pris en photo et qui fut condamné par Caroline Fourest dans Frère Tariq [58] et par Philippe Val dans Charlie Hebdo. Progressivement, le contexte de cette photo fut oublié et M. Béchari ne fut plus présenté dans les publications de Fourest et Venner et dans Charlie que comme l’homme qui avait embrassé Abassi Madani. Au point que quand Voltaire publia une tribune de M. Bechari, Prochoix put y voir une preuve des sympathies islamistes du Réseau Voltaire : « Mohamed Béchari, président de la Fédération nationale des musulmans de France, vient de publier une tribune dans le journal Voltaire dirigé par Thierry Meyssan, l’homme pour qui aucun avion ne s’est écrasé sur le Pentagone. En 2004, Mohamed Béchari avait défrayé la chronique en se faisant photographier en train d’embrasser le leader du FIS, Abassi Madani. » [59]. Comme Abassi Madani est un islamiste, M. Bechari est nécessairement un islamiste et Voltaire une publication pro-islamiste. CQFD. Seule ombre au tableau dans ce raisonnement, M. Béchari a signé dans Voltaire une tribune en faveur de la laïcité qu’il présente comme la vraie fondation culturelle de l’Europe [60].
Ainsi, sans tenir compte des propos tenus, Prochoix et Charlie Hebdo se sont construit une liste de personnes infréquentables dont la simple participation à un projet permet de décrédibiliser le projet dans son ensemble. Parmi eux, on compte le Réseau Voltaire, Tariq Ramadan, les membres de l’UOIF, de la FNMF, les participants au site Oumma.Com et bien d’autres [61]. Cette absurde méthode d’analyse aboutit parfois à des dénonciations risibles puisque le journaliste du site sioniste Proche-Orient.Info, Sylvain Attal, a été récemment inscrit sur une liste de personnes condamnables selon Prochoix pour avoir participé au site Oumma.Com alors qu’il n’y avait publié qu’un droit de réponse [62].
Toutefois, ces pratiques visent avant tout les mouvements altermondialistes qui se rapprochent d’organisations musulmanes en vue de construire une coalition anti-impérialiste. Des personnalités de la mouvance altermondialiste seront ainsi brocardées pour avoir débattu avec les figures préalablement diabolisées par les animatrices de Prochoix ou dans les colonnes de Charlie. Comme ces organisations ne peuvent pas être stigmatisées pour leur islamisme, elles le sont pour leur naïveté ou pour leur antisémitisme. À nouveau Philippe Val utilise l’image d’une mouvance islamiste étendue, manipulatrice et travaillant à un objectif secret bernant les gogos altermondialistes : « Les intellectuels [islamistes] analysent fort bien le phénomène de perte de mémoire de la société occidentale et la disparition prochaine des mémoires vivantes de la période nazie. Ils sentent que leur heure est venue. Qu’enfin ils vont peut-être arriver, avec l’islam, à fédérer un ressentiment qui travaille tout le tiers-monde, et tous ceux qui, dans les sociétés occidentales, se sentent exclus. Les pitres altermondialistes (…) font penser à ceux qui buvaient les paroles de l’ayatollah Khomeyni en exil à Neauphle-le-Château. ». [63]. Mais s’il dénonce une bonne part de crédulité chez les altermondialistes, le ciment de l’alliance entre les organisations musulmanes et les mouvements contestataires, c’est l’antisémitisme, un point de vue également partagé par Prochoix. Ainsi, à propos de la conférence de l’ONU à Durban, elles affirment : « Organisée en principe sur le thème du racisme, la Conférence mondiale de Durban d’août 2001 restera gravée comme un moment où certains militants d’extrême gauche se sont rapprochés des islamistes au nom de la lutte contre l’américano-sionisme. Lors du discours de Fidel Castro, au forum des ONG, certains activistes ont clairement entendu fuser quelques " Kill Jews " à la suite de " Free Palestine". » [64].
Cette tactique de diabolisation a parfois bien fonctionné. Ainsi, d’après le site TouTEsEgaux.net [65], de nombreux militants auraient renoncé à participer à la grande manifestation antiraciste du 7 novembre 2004 au vu d’une mise en garde de Philippe Val trois jours auparavant affirmant que « Ceux qui défileront dimanche, qu’ils le veuillent ou non, marcheront pour une défense des communautés, de leurs mœurs, de leurs coutumes, de leurs croyances. Ceux qui refuseront de défiler resteront chez eux parce qu’ils défendent un statut humain universel » [66]. La manifestation était pourtant lancée à l’appel de la LDH, du MRAP [67], de la CFDT, de la CFTC, de la CGT, de l’UNSA, de la FSU, de G10 Solidaires, de la Fédération des conseils de parents d’élèves, et de la Ligue de l’enseignement. Seuls la LICRA et SOS Racisme s’étaient désolidarisés. Pour Philippe Val, participer à cette manifestation contre toutes les formes de discrimination revenait à prendre la « défense de la liberté d’exhiber des signes communautaires, et principalement le voile - puisqu’il faut l’appeler par son nom -, [c’] est en réalité la défense à la fois d’une oppression de la femme et l’importation d’une vision ethnique du conflit israélopalestinien. » [68].
Militer en faveur des droits des musulmans et contre la discrimination à leur encontre, ce serait oublier que le vrai problème est l’antisémitisme et donc se montrer complice des islamistes qui le propagent : « Le fait qu’un antisémitisme musulman qui s’exprime en Europe soit en train de fusionner avec un vieil antisémitisme européen est un phénomène qui nous prend par surprise, contre lequel nos contrepoisons habituels - associations antiracistes diverses - sont désarmés au point d’être en voie d’implosion. Une des conséquences en est le désir de certains Juifs de quitter l’Europe. Si le phénomène prenait de l’ampleur. » [69].
Si les accusations d’antisémitisme ne suffisent pas, il est toujours possible de faire dans la désinformation pure et simple. Par exemple en donnant foi à des rumeurs sur un possible sur-déploiements d’islamistes au Forum social européen (FSE) de Londres. C’est ce qu’a fait Fiammetta Venner à propos d’une hypothétique visite de Youssef al-Qaradhawi dans un article intitulé « FSE : un autre jihad est possible » [70]. S’appuyant sur cette rumeur, la journaliste prophétisait le prochain noyautage total du mouvement altermondialiste par les islamistes : « Au milieu de cette avalanche de débats organisés en partenariat avec des islamistes au FSE de Londres s’est glissé un colloque intitulé : « Le mouvement islamique : partenaire ou ennemi ? ». Au train où vont les choses, on imagine déjà l’interrogation autour du prochain FSE : « Le mouvement laïque : ennemi ou ennemi ? » ». Cet article sera vivement contesté par la mouvance altermondialiste et Charlie Hebdo sera obligé de se justifier difficilement [71].
Cette affaire n’est pas en soit plus grave que toutes les autres campagnes de calomnies auxquelles se sont livrés Prochoix et Charlie Hebdo mais elle fut révélatrice d’une tendance nouvelle. Quand Charlie Hebdo a été mis sur la sellette, il a reçu le soutien d’une partie de la presse mainstream, une aide sur laquelle il n’aurait sûrement pas pu compter quelques années auparavant.
La légitimité dans le « milieu de l’information »
Lors de la mise en cause de Charlie et de Fiammetta Venner pour l’article sur le FSE de Londres, le journal et l’auteur ont pu s’appuyer sur Claude Askolovitch, figure du Nouvel Observateur et soutien sans faille des responsables de Prochoix depuis la sortie de Tirs croisés. Invité en même temps que Philippe Val dans l’émission de France Culture, Le Premier pouvoir, le 2 octobre 2004, il félicitera le rédacteur en chef de l’hebdomadaire satirique pour l’excellente enquête réalisée par Fiammetta Venner. Le 21 octobre 2004, il signe dans son hebdomadaire un article intitulé « Les gauchistes d’Allah » où, comme Fiammetta Venner, il dénonce l’influence de l’islamisme dans la mouvance altermondialiste. Il fustige également la présence de Tariq Ramadan lors de cette manifestation en citant Frère Tariq de Caroline Fourest, qui vient alors de sortir en librairie. Ce n’est que justice, son propre article « L’encombrant M. Ramadan » [72], écrit l’année précédente à l’occasion du FSE de Saint-Denis est cité plusieurs fois en référence dans l’ouvrage.
Claude Askolovitch n’a pas attendu Philippe Val, Caroline Fourest et Fiammetta Venner pour dénoncer le « péril islamiste » et « l’antisémitisme » à gauche. Le journaliste avait auparavant dénoncé « l’antisémitisme » supposé du chercheur Pascal Boniface après que celui-ci ait quitté la direction du Parti socialiste français, après avoir, sans succès, recommandé à ce parti de prendre ses distances avec la politique d’Israël. Par la suite, il avait dénoncé « l’antisémitisme » de Bernard Langlois, fondateur du magazine Politis, dans le Nouvel Observateur du 14 août 2003, après que celui-ci ait pris la défense de Boniface [73].
Il imputait cette dérive antisémite au rapprochement de la mouvance altermondialiste avec les organisations musulmanes [74]. Cette thématique de l’infiltration islamiste sera reprise et amplifiée à partir d’octobre 2003 et de la venue de Tariq Ramadan au FSE de Saint-Denis [75].
La sortie de Tirs croisés arrivera à point nommé dans cette campagne et Claude Askolovitch multipliera les références aux deux auteurs dans ses articles. Le 7 janvier 2004, il consacre à Fourest et Venner une interview sur deux pages dans le Nouvel Observateur, le 22 février 2004, il s’appuie sur leur travail pour fustiger « l’islamo-gauchisme » et les présente comme l’archétype de cette gauche laïque qui combat l’infiltration islamiste et le 27 mai 2004, il brosse un portrait élogieux des deux animatrices de Prochoix.
Toutefois, si Claude Askolovitch est un soutien médiatique fort des deux auteurs, il n’est pas le seul. La réorientation des problématiques de Prochoix a donné à Caroline Fourest et Fiammetta Venner une aura qu’elle ne pouvait pas espérer auparavant [76]. Philippe Val a lui aussi bénéficié de la réorientation de la ligne de son hebdomadaire. Il est désormais régulièrement invité sur les plateaux de télévision pour pourfendre la « menace islamiste » et servir d’alibi de gauche à la condamnation des mouvements contestataires. Choses impensables il y a quelques années, Philippe Val voyait ses propos applaudis par l’ancien Premier ministre Raymond Barre lors d’un débat télévisé [77] et son argumentation en faveur du référendum sur le Traité constitutionnel européen repris par Bernard Henri Lévy dans son Bloc Note du Point [78]. Une reconnaissance que le rédacteur en chef de Charlie Hebdo désirait ardemment puisqu’en février 2005, il déclarait au magazine TOC : « La seconde chose que j’ai essayé de faire, c’est de légitimer le titre aux yeux des gens qui constituent le milieu de l’information et avec qui j’entretiens des rapports cordiaux. Le vrai danger pour un journal, c’est d’être marginal. On peut avoir de grosses ventes et être marginal. À l’inverse, un journal peut faire très peu de ventes et être important. Il faut accepter d’être minoritaire et refuser d’être marginal. Évidemment, il ne faut être minoritaire qu’un temps, sinon le marché vous tue. ».
Comme ce nouvel écho médiatique le montre, Charlie Hebdo et Prochoix, sont aujourd’hui devenus les vecteurs au sein des mouvements contestataires des préjugés et des orientations géopolitiques des médias dominants, eux-mêmes largement influencés par les problématiques de Washington. Leurs articles et ouvrages servent à dissuader les mouvements contestataires de s’associer aux mouvements musulmans et de former une coalition opposée aux politiques atlantistes et sionistes. Les évolutions géopolitiques des dix dernières années ont entraîné une réorientation d’une partie de la gauche française. Ne pas s’en rendre compte et conserver ces groupes comme référence ne fait que retarder la constitution d’un pôle anti-impérialiste.
[1] « La démocratie forcée », par Paul Labarique, Voltaire, 25 janvier 2005.
[2] « Elliott Abrams, le « gladiateur » converti à la « théopolitique » », par Thierry Meyssan, Voltaire, 14 février 2005
[3] Sur l’invention de ce concept, on lira « La guerre des civilisations » par Thierry Meyssan, Voltaire, 4 juin 2004.
[4] « Nicolas Sarkozy agite le voile islamique », Voltaire, 19 janvier 2004.
[5] Voir nos articles sur ce thhème : « Choc des civilisations »
[6] « Aïcha et les « gros tas » », par Mona Cholet, peripheries.net, 30 octobre 2003.
[7] « Pourquoi la Fondation Ford subventionne la contestation », par Paul Labarique, Voltaire, 19 avril 2004.
[8] L’évolution de Prochoix a été étudié dans une série d’article publiés par le site Les mots sont importants regroupés dans un dossier intitulé « Le cas Prochoix.
[9] « Courage politique », Charlie Hebdo, 23 octobre 2002
[10] Id.
[11] « Daniel Pipes, expert de la haine », Voltaire, 5 mai 2004.
[12] « Critique des (nouveaux) intellectuels communautaires », par Tariq Ramadan, Oumma.Com, 3 octobre 2003.
[13] « L’antisémitisme n’est pas une marchandise », Charlie Hebdo, 5 novembre 2003
[14] « Tirs Croisés, la laïcité à l’épreuve des intégrismes juifs, chrétien et musulman », Caroline Fourest et Fiammetta Venner, Calmann Lévy, octobre 2003. Cet ouvrage a été décortiqué par Sadri Khiari, sur le site Les mots sont importants : « Quelques commentaires à propos de " Tirs croisés " », janvier 2004.
[15] Id. p. 404
[16] Id.
[17] Id. p. 370
[18] Id. p. 391
[19] Id. p. 392
[20] Id. p. 336
[21] Id. p. 339
[22] Frère Tariq, discours, stratégie et méthode de Tariq Ramadan, Caroline Fourest, Grasset, octobre 2004
[23] OPA sur l’islam de France, les ambitions de l’UOIF, Fiammetta Venner, Calmann-Lévy, avril 2005.
[24] « Nicolas Sarkozy agite le voile islamique », Voltaire, 19 janvier 2004
[25] Frère Tariq, op. cité. p. 362 et OPA sur l’Islam de France, op. cité. p. 213.
[26] « Rien n’est plus dangereux qu’un ignorant ami. Mieux vaut un sage ennemi », Philippe Val, Charlie Hebdo, 5 janvier 2005
[27] « Philippe Corcuff quitte Charlie Hebdo », lettre publiée par le site Bellaciao.Org, 3 décembre 2004.
[28] En fait, Lionel Jospin n’avait pas présenté le Hamas mais le Hezbollah comme une organisation terroriste dans ce fameux discours, ce qui est très différent. En effet, si le Hamas est reconnu par l’Union européenne comme une organisation terroriste, ce n’est absolument pas le cas du Hezbollah.
[29] OPA sur l’Islam de France, op. cité. p. 193.
[30] Cette approche, courante dans la presse française, n’est pas la nôtre. Toutes les pistes dans l’affaire Florence Aubenas mènent vers des groupes mafieux. L’enlèvement de Christian Chesnot et George Malbrunot pose bien plus de questions et nous avons consacré un dossier à cette affaire : « Dossier spécial : les otages français en Irak », Voltaire, 2 septembre 2004.
[31] « Rien n’est plus dangereux qu’un ignorant ami. Mieux vaut un sage ennemi », Philippe Val, Charlie Hebdo, 8 septembre 2004.
[32] Id.
[33] « Le syndrôme de Stockholm de Chirac », Philippe Val, Charlie Hebdo, 29 décembre 2004.
[34] « Otage, certes ... mais sans chauffeur syrien ! », Philippe Val, Charlie Hebdo, 5 janvier 2005. Cet éditorial donnera lieu à une réponse de Maurice Lemoine, du Monde diplomatique, que Charlie Hebdo refusera de publier et qui fut diffusé sur le site Acrimed : « Quand Philippe Val, analyste « complexe », prétend soutenir Ingrid Betancourt », 29 avril 2005. Cet échange illustre les tensions croissantes entre le rédacteur en chef de Charlie Hebdo et une mouvance qu’il ne cesse d’attaquer. Nous y reviendrons.
[35] « Otage, certes ... mais sans chauffeur syrien ! », art. cité.
[36] C’est notamment le cas de Siné, figure historique du journal, et qui consacre la plus grande partie de sa chronique hebdomadaire à défendre un point de vue contraire à celui de son rédacteur en chef.
[37] Fourest et Venner aiment à rappeler que les Protocoles des Sages de Sion, faux document rédigé par la police politique tsariste pour justifier l’antisémitisme, a des lecteurs et même des admirateurs dans le monde arabe. Elles affirment ainsi que ce livre serait : « la référence d’une certaine contre-culture palestinienne », Tirs Croisés, op. cité. p. 385
[38] « On ne doit pas oublier, à l’inverse de ce qu’il fait fréquemment dans Charlie Hebdo, que les Palestiniens sont, dans la situation présente, les plus opprimés et qu’on ne peut pas alors se contenter de les stigmatiser unilatéralement. », « Philippe Corcuff quitte Charlie Hebdo », art. cité.
[39] Tirs Croisés, op. cité. p. 329.
[40] Id. p.393. Plus bas les auteurs vont encore plus loin dans l’accusation de complicité : « Pour justifier les attentats suicides, le Hamas explique volontiers qu’il a recours " à ce moyen faute de moyens militaires performants. " Mais pourquoi, plutôt que d’investir leurs pétrodollars en Palestine, les dictateurs arabes et les princes saoudiens préfèrent-ils encourager les Palestiniens à se faire exploser ? ».
[41] Id. p. 389
[42] Charlie Hebdo, 3 avril 2002.
[43] Ainsi, à propos de l’assassinat d’Yitzhak Rabin, elles écrivent que ce crime a « dramatiquement contrarié le processus de paix, ce qui a servi de prétexte à une seconde Intifada. ». Tirs croisés, op. cité. p. 369
[44] « Qu’une institution européenne publie une étude accréditant une telle idée est atterrant. Non seulement cela vient nourrir un antisémitisme qui n’en a pas besoin, mais cela renforce le sentiment de légitimité et de popularité des islamistes. », « Israël et Palestine, futurs États de l’Union européenne », Charlie Hebdo, 11 novembre 2003.
[45] « L’antisémitisme n’est pas une marchandise », Philippe Val, art. cité
[46] Tirs croisés, op. cité. p.330
[47] Id. p. 329.
[48] Caroline Fourest a travaillé avec Antoine Sfeir sur Frère Tariq. À cette occasion, elle livre un portrait élogieux de l’analyste libanais et se réfère très régulièrement aux publications des Cahiers de l’Orient, qu’il dirige. Ensemble, ils ont publié récemment une tribune dans Le Monde pour fustiger une fois de plus une initiative de Tariq Ramadan demandant un moratoire sur les châtiments corporels dans le monde musulman : « Pour un "moratoire" sur Ramadan », par Antoine Sfeir et Caroline Fourest, 19 avril 2005. Tribune traitée dans Voltaire, 22 avril 2005.
[49] « Discours américain et méthode tunisienne », par Mezri Haddad et Antoine Sfeir, Le Figaro, 28 mars 2005. Cette tribune a été étudiée dans Voltaire, 29 mars 2005.
[50] « Le syndrome de Stockholm de Chirac », art. cité
[51] « Bons baisers de Ben Laden », Charlie Hebdo, 21 avril 2004. Cet éditorial où il appelle à l’unité du monde occidental face au péril islamiste est sans doute central pour Philippe Val puisqu’il a choisi de nommer son recueil d’éditoriaux sous le même titre : « Bons baisers de Ben Laden », édition Le Cherche-Midi-France Inter, 2004
[52] Charlie Hebdo, 16 février 2005
[53] « Jean-Louis Bruguière, un juge d’exception », par Paul Labarique, Voltaire, 29 avril 2004.
[54] Frère Tariq, op. cité. p. 346.
[55] Tirs croisés, op. cité. p. 388
[56] Le compte rendu critique de ce débat est disponible sur le site d’Acrimed : « Arte et la théorie du complot (suite et fin) : un « débat » à sens unique »
[57] L’Effroyable Imposteur, Fiammetta Venner, Grasset, février 2005.
[58] op. cité, p. 227
[59] Blog de Prochoix, 5 avril 2005.
[60] « Quelle sera la place de l’islam dans la nouvelle Europe ? », par Mohamed Bechari, Voltaire, 1er avril 2005.
[61] Notamment Jean Ziegler, Xavier Ternisien ou Alain Gresh et les responsables du Monde diplomatique, tous coupables d’avoir travaillé avec Tariq Ramadan ou d’avoir refusé de le diaboliser
[62] « Attentats de Londres : incrédulité des islamistes français », Blog de Prochoix, 8 juillet 2005.
[63] « L’antisémitisme n’est pas une marchandise », art.cité
[64] Tirs croisés, op. cité. p. 388.
[65] « SOS Charlie Hebdo : Retour sur un éditorial de Philippe Val et sur la manifestation antiraciste du 7 novembre 2004 », par Bernard Dreano, 21 novembre 2004
[66] « SOS Antiracisme », Philippe Val, Charlie Hebdo, 3 novembre 2004
[67] Cette organisation est régulièrement condamnée par les milieux sionistes pour son soutien aux Palestiniens, assimilée à de l’antisémitisme. Ainsi, le philosophe Alain Finkielkraut avait qualifié le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP) de « mouvement contre le racisme et pour l’antisémitisme des peuples ». Caroline Fourest ne va pas aussi loin, mais fait dans l’insinuation analogue quand elle écrit : « [MRAP] dont le A ne veut plus dire qu’il lutte contre l’antisémitisme depuis que ce terme a été remplacé par l’intitulé plus flou d’ « amitié entre les peuples » » (Frère Tariq, op. cité. p. 384.)
[68] « SOS Antiracisme », art. cité.
[69] « Bons baisers de Ben Laden », art. cité
[70] Charlie Hebdo, 29 septembre 2004.
[71] Sur cette question, voir le dossier d’Acrimed : « Elle court, elle court la rumeur », par Alain Thorens et Élizabeth Moineau, 25 octobre 2004.
[72] Nouvel Observateur, 10 octobre 2003
[73] Plus récemment, Pascal Boniface s’est vu décrit comme un collaborateur du « fascisme islamique » par Philippe Val pour avoir essayé d’analyser les motivations des terroristes des attentats de Londres sur un plateau de télévision (« Si l’on supprimait les victimes il n’y aurait plus de bourreaux », Philippe Val, Charlie Hebdo, 3 août 2005). Le rédacteur en chef de Charlie Hebdo y reprenait la vulgate bushienne selon laquelle les islamistes attaquent l’Occident par haine de la démocratie
[74] Notons que ce n’était pas alors la première fois que le journaliste s’en prenait aux altermondialistes. Déjà, en novembre 2002, il avait écrit dans son hebdomadaire une série d’articles fustigeant la « violence » de ce courant lors du FSE en Italie. Il recommandait alors au Parti socialiste français de ne pas tenter de ce rapprocher d’eux. Rappelons que Claude Askolovitch est également l’auteur d’une hagiographie de Lionel Jospin (Lionel, Grasset, 2001).
[75] Le 10 octobre 2003, Claude Askolovitch écrira « L’encombrant M. Ramadan » dans un dossier spécial du Nouvel Observateur qui comprend entre autre un article d’André Glucksmann où le philosophe français proche de la Freedom House dénonce « l’obsession antisémite » de Tariq Ramadan. Le même jour, dans Le Point, Bernard Henri Lévy consacre son Bloc Note à la question dans des termes similaire au dossier du Nouvel Observateur : « Tariq Ramadan et les altermondialistes ». On notera que Claude Askolovitch est auteur chez Grasset où Bernard Henri Lévy est éditeur. C’est également Grasset qui publiera par la suite Frère Tariq de Caroline Fourest et L’Effroyable Imposteur de Fiammetta Venner.
[76] Les revues de presse de Tirs croisés et Frère Tariq disponibles sur le site de Prochoix sont éloquentes. L’Effroyable Imposteur et OPA sur l’Islam de France, sorti plus récemment, n’ont pas eu un tel écho. Notons toutefois que le premier a vu ses premiers feuillets publiés par Le Point le 3 mars 2005 et que le second a eu droit a un dossier de six pages dans L’Express le 2 mai 2005.
[77] Culture et dépendance, France 3, 1er juin 2005
[78] « Climat fétide, suite... », 9 juin 2005
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