Pas de grand deal au détriment de la Syrie

Par Ghaleb Kandil

Certains analystes s’imaginent de grands deals conclus après le bras de fer consécutif à la décision de Barack Obama d’agresser la Syrie. Ils évoquent des scénarios qui n’existent que dans leur esprit sur de prétendus arrangements entre la Russie et les États-Unis.
Des informations émanant de sources fiables indiquent que le priorité de la Russie était d’empêcher toute attaque contre la Syrie. Aussi, a-t-elle pris les positions adéquates pour atteindre cet objectif. Cela est clairement apparu dans l’annonce par le président Vladimir Poutine de l’engagement de son pays à fournir à la Syrie tous le matériel militaire et le soutien économique nécessaire pour se défendre face à toute agression extérieure. Effectivement, la décision russe s’est concrétisée sur le terrain par plusieurs mesures : envoi de plusieurs bâtiments de guerre au large des côtes syriennes ; livraison à l’armée syrienne d’armes sophistiquées conformément aux contrats signés.
Ces informations assurent que la décision US d’attaquer la Syrie était sérieuse et non pas une manœuvre, comme a tenté de le faire croire Obama, après qu’il eut été contraint de reculer. L’Iran et la Russie possèdent des renseignements certains sur le fait que le jour et l’heure de l’agression avaient été fixés par le Pentagone. La décision a été annulée après que les États-Unis eurent réalisé que le prix de l’attaque sera très élevé en raison de la détermination de la Syrie à résister, surtout que les missiles syriens ont été déployés, prêts à être tirés. L’Iran aussi a adressé des messages forts en activant ses missiles balistiques de longue portée, capables d’atteindre des cibles militaires et économiques, terrestres et maritimes, dans une région allant du détroit d’Ormuz à Israël, en passant par les pays du Golfe. De plus, le silence du Hezbollah a constitué une énigme, difficile à évaluer dans le processus des pertes et profits.
Après que les États-Unis se soient résignés à s’en remettre au Conseil de sécurité, acceptant ainsi les nouveaux rapports de force mondiaux, Moscou s’est employé à mettre sur les rails la solution politique proposée à l’origine par le commandement syrien, basée sur un mécanisme garantissant l’arrêt de la violence et le début du dialogue politique. Vladimir Poutine a exprimé cette vision en exposant son initiative chimique, mettant l’accent sur la nécessité de mettre un terme à l’afflux d’armes et de mercenaires en Syrie, et en appelant à l’arrêt du soutien aux terroristes. Il a évoqué la nécessité d’un engagement US allant dans ce sens, de sorte à contraindre les autres États qui financent et arment les extrémistes à y renoncer.
Jusqu’à présent, Washington n’a pas répondu positivement à la démarche russe et esquive tout engagement, en continuant à offrir une couverture politique à ses partenaires et alliés dans la guerre contre la Syrie. Pourtant, les pays occidentaux commencent à reconnaitre qu’une partie de ceux qu’ils appellent les « groupes armés modérés » rejoignent les rangs d’Al-Qaïda.
Dans ce contexte, les combattants liés à cette organisation terroriste affichent désormais ouvertement leur volonté de dominer les régions rebelles de Syrie en tentant de chasser leurs rivaux d’une bande de territoire s’étendant de l’Irak à la Turquie.
L’État islamique d’Irak et du Levant (EIIL), dirigé par l’Irakien Abou Bakr al-Bagdadi, a installé des barrages sur les principales routes menant à la frontière et ouvert plusieurs fronts pour contrer ses concurrents.
Selon des témoignages recueillis par les agences de presse internationales auprès de civils et de rebelles résidant dans le nord et l’est du pays, le groupe cherche à s’emparer des ressources naturelles, comme le pétrole, contrôler les axes routiers et soumettre la population.
Le conflit entre la Russie et les États-Unis se poursuit dans le cadre des nouveaux rapports de forces, avec leurs complexités géopolitiques et économiques. Le premier changement dans les relations irano-américaines constitue le fruit des nouvelles équations, nées de la résistance de la Syrie et des réalisations enregistrées par l’Axe de la Résistance ces deux dernières décennies.
Mais tout cela ne signifie en aucun cas que Russes et États-uniens, ou Iraniens et États-uniens, sont parvenus à un deal au sujet de la Syrie ou des nombreux autres dossiers litigieux, comme le nucléaire iranien, le bouclier anti-missile US, le Bahreïn, le Yémen ou le retrait d’Afghanistan.
La Russie cherche à récupérer toutes ses zones d’influence traditionnelles prises par les États-Unis après l’effondrement de l’Union soviétique, qui comprennent d’anciennes Républiques soviétiques, des États anciennement membres du Pacte de Varsovie, ou encore des pays slaves et orthodoxes. L’Iran, pour sa part, veut arracher la reconnaissance par l’Occident de son rôle régional et veut obtenir la levée des sanctions internationales, tout en préservant ses droits nucléaires.
La Syrie, enfin, est déterminée à écraser les terroristes et les mercenaires internationaux, soutenus par la Turquie et les pays du Golfe. Ce qui était vrai il y a des mois l’est toujours aujourd’hui : tout se joue sur le champ de bataille.

Déclarations et prises de positions

Bachar al-Assad, président de la République arabe syrienne
« Si j’ai le sentiment que le peuple syrien veut que je sois président dans une prochaine étape, je me porterait candidat. Si la réponse est non, je ne le ferai pas. Ma réponse sera plus claire dans les quatre ou cinq mois. Dans un avenir proche, les terroristes provoqueront des conséquences pour la Turquie. Et la Turquie paiera très cher. Comment se fait-il que des terroristes affiliés à Al-Qaïda soient présents à la frontière turque. Il n’est pas possible de vous servir du terrorisme comme d’une carte à jouer et de la mettre dans votre poche. Car le terrorisme est comme un scorpion qui n’hésite pas à vous piquer le moment venu. Tout ce que le Premier ministre dit sur la Syrie et son peuple c’est un tas de mensonges, c’est tout. Erdogan n’a fait que soutenir les terroristes. (Recep Tayyip) Erdogan est borné, fanatique et menteur. Ces terroristes aspirent à créer un État islamique en Syrie. Ils n’ont rien à avoir avec l’islam, ils viennent du monde entier, de plus de 80 pays pour mener le jihad et créer cet État. Nous n’avons pas utilisé d’armes chimiques. C’est faux. De même l’image que vous donnez de moi, celle de quelqu’un qui tue son propre peuple. Maher (al-Assad) est là, en charge de son travail, et il est en bonne santé. »

Michel Sleiman, président de la République libanaise
« Je mets en garde la classe politique contre la répétition de l’expérience du vide présidentiel et la mise en échec du quorum légal pour l’élection du chef de l’État. La Constitution prévoit des mécanismes pour l’élection du président. Il n’y a donc rien qui justifie les propos sur une prorogation du mandat. Il n’y aura pas de crise sur ce plan. La situation politique au Liban est difficile mais les solutions ne sont pas impossibles. Je suis pour la mise sur pied d’un gouvernement qui rassemble tout le monde sur une base d’égalité et de la distanciation à l’égard des conflits des autres. L’implication libanaise en Syrie a aggravé les tensions entre les communautés et les sectes au Liban. Il faut lutter contre l’extrémisme religieux et sectaire en renforçant le rôle des modérés à l’intérieur de chaque communauté plutôt qu’en les combattant. Je renouvelles mon appel à la reprise du dialogue autour de la stratégie de défense nationale et des moyens de mettre à profit les capacités de la résistance pour faire face à toute agression israélienne en défendant exclusivement le Liban. »

Marwan Charbel, ministre libanais de l’Intérieur
« Le nombre de réfugiés syriens a dépassé toutes les lignes rouges, leur nombre se chiffrant largement au-dessus du million, ce qui représente une double menace sécuritaire et économique. Les protagonistes politiques doivent dialoguer et resserrer les rangs autour du président de la République, rentré de New York après avoir accompli une mission de sauvetage essentielle. Il n’est pas permis de constater qu’il est plus facile de mettre sur pied un groupe international de soutien au Liban que de former un gouvernement libanais. »

Michel Aoun, leader du Courant patriotique libre
« Je n’ai pas l’intention de présenter ma candidature à la présidence de la République. Mais s’ils me veulent comme président, qu’ils m’élisent (…) Les pays arabes fournissent des armes et un soutien aux rebelles et se désintéressent du peuple syrien. Le Courant patriotique libre a présenté un projet pour régler le problème des réfugiés syriens. Mais nous n’avons pas obtenu le soutien de nos alliés au sujet de notre vision concernant cette question. Je ne sais pas. Chaque personne a ses calculs propres à elle, sans tenir compte des calculs propres à la patrie. »

Naïm Kassem, secrétaire général adjoint du Hezbollah
« Nous croyons dans le gouvernement de rassemblement comme moyen de sauver le pays, alors que le 14-Mars cherche à sauver ses employeurs régionaux. Voilà pourquoi il empêche la mise en place d’un cabinet. Toute autre forme de gouvernement, qu’ils l’appellent neutre ou fondé sur la base des “trois 8” ou encore un cabinet de pôles, serait corrompue et nuisible pour le pays. Ce qui s’est passé à Baalbeck est un incident personnel par excellence. Le Liban est le pays de la coexistence sunnite, chiite et chrétienne. Même si le Hezbollah a été victime d’injustice dans ce cas précis, ayant été agressé à l’un de ses barrages, nous avons immédiatement jugulé la discorde. Le Hezbollah continuera de faire de son mieux pour empêcher la discorde, en vertu de ses trois règles : la libération ; l’unité du pays ; l’édification de l’État. »

Waël Abou Faour, ministre libanais des Affaires sociales
« L’absence d’appui financier au Liban sous prétexte d’expériences non concluantes avec les gouvernements précédents et de la présence, au sein du gouvernement libanais, de parties qui irritent la communauté internationale est inacceptable. Le maintien de cette politique internationale fera perdre à la communauté mondiale deux principaux alliés, la société libanaise, qui commence à ployer sous de nombreux fardeaux et à manifester une certaine hostilité à l’égard des réfugiés, et le Liban, qui n’a plus beaucoup de choix. »

Événements

• Un avion transportant 18 Libanais rescapés de l’embarcation indonésienne est arrivé à l’aéroport de Beyrouth dimanche matin. Six autres Libanais détenus en Indonésie pour séjour illégal, quitteront Djakarta mardi prochain, en compagnie de la délégation officielle libanaise dépêchée dans la capitale suite au drame, a révélé le ministre sortant des Affaires étrangères Adnane Mansour. Le 27 septembre, plus de 36 personnes, dont 21 Libanais ont trouvé la mort noyés lors d’un voyage clandestin vers l’Australie.

• Le bloc parlementaire de la Résistance a appelé à la tenue d’un Conseil des ministres extraordinaire consacré au dossier de l’octroi des licences de prospection pétrolière et gazière, car il y va de l’intérêt national. Selon un communiqué du bloc, toutes les forces politiques doivent revoir leurs calculs et ouvrir la voie à la formation d’un gouvernement qui rassemble. Le texte précise aussi que le fait d’avoir coupé la voie à l’agression militaire américaine et occidentale contre la Syrie a brisé les illusions et les paris de nombre de forces et d’États. « Ce qui s’est traduit chez certains par une vague de désenchantement et chez d’autres par de la colère et de la tension », précise le communiqué qui a ajouté : « L’insistance des déçus à vouloir saboter les nouvelles données est stérile et ne leur apportera que de nouvelles déceptions. »

• Une pétition intitulée « Les chrétiens d’Orient en danger », diffusée la semaine dernière, demande aux diplomaties française et européenne de réagir aux exactions et massacres des populations chrétiennes en Syrie, en Égypte et « peut-être bientôt au Liban ». Dans le même contexte, le député-maire du XVIe arrondissement de Paris, Claude Goasguen [très proche d’Israël], a interrogé le gouvernement français sur ce même sujet, sur un ton très virulent. « Mais qu’attendez-vous pour faire entendre la voix de la France et dénoncer les persécutions des chrétiens d’Orient ? », écrit le député avant de poursuivre à l’adresse du ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius : « Actuellement, monsieur le Ministre, on tue des civils à cause de leur foi au Proche et Moyen-Orient. On brûle des églises, des écoles, on massacre et viole dans les villages, on pousse par les moyens les plus inhumains à l’exode au seul titre que ces hommes, femmes et enfants sont chrétiens et minoritaires dans leurs pays. La Syrie, l’Irak, l’Égypte et demain peut-être le Liban sont le théâtre d’une chasse aux chrétiens et nous Européens fermons les yeux sur les agissements d’islamistes radicaux pour regarder ailleurs. »

• Les forces US ont capturé en Libye Abou Anas al-Libi, un des leaders présumés d’Al-Qaïda, recherché par les États-Unis pour son rôle dans les attentats de 1998 contre les ambassades états-uniennes en Tanzanie et au Kenya, a indiqué samedi un porte-parole US. « Suite à une opération américaine de contre-terrorisme, Abou Anas al-Libi est actuellement légalement détenu par l’armée américaine dans un endroit sûr à l’extérieur de la Libye », a déclaré le porte-parole du Pentagone, George Little, dans un communiqué, confirmant de précédentes informations. Les États-Unis « ne cesseront jamais » la traque des auteurs présumés d’actes de terrorisme, a déclaré dimanche le secrétaire d’Etat John Kerry après les raids des forces spéciales.

• Un homme qui s’était immolé par le feu vendredi près du Capitole à Washington vendredi a succombé à ses blessures, a annoncé la police de la capitale. L’homme s’était immolé par le feu vendredi après-midi sur le Mall, la célèbre promenade au cœur de la capitale, non loin du Capitole, théâtre jeudi d’une course poursuite en voiture au terme de laquelle une automobiliste avait été abattue par la police. Vendredi, lorsque la police est arrivée sur les lieux l’homme respirait et était conscient.

Revue de presse

As-Safir (Quotidien libanais proche du 8-Mars)
Ghasseb Al-Moukhtar (4 octobre 2013)
Certains Libanais ont jubilé après avoir appris que le président iranien Hassan Rohani a annoncé ne pas vouloir faire le pèlerinage cette année à l’invitation du roi Abdallah Ben Abdel Aziz. D’aucuns sont allés jusqu’à faire leur deuil du rapprochement irano-saoudien, considérant que le différend entre les deux États est susceptible de se poursuivre et de s’amplifier. Ceux-là ont prévu qu’une telle hypothèse aurait des répercussions négatives sur la situation au Liban, notamment en ce qui concerne les dossiers de la formation du gouvernement et du dialogue national. Toutefois, des sources diplomatiques et politiques informées déclarent que le contact se poursuit entre l’Arabie saoudite et l’Iran, et que les experts et des responsables de haut niveau des deux pays préparerons plus tard le terrain pour l’organisation d’un sommet irano-saoudien. L’adjoint du ministre iranien des Affaires étrangères a lui-même déclaré que « des rencontres auront lieu entre des hauts responsables à la première occasion ». Les mêmes sources font savoir que le pari fait par les Libanais sur un rapprochement irano-saoudien est donc toujours de mise.
Par ailleurs, l’ambassadeur d’Iran au Liban, Ghadanfar Roken Abadi, interrogé sur le déplacement du président Rohani en Arabie saoudite, a annoncé que ce dernier s’y rendra le plus tôt possible, affirmant que Téhéran accorde une importance particulière à l’Arabie saoudite et que la priorité pour l’Iran est de renforcer les liens avec les pays voisins, notamment avec les pays du Golfe, en tête desquels figure l’Arabie saoudite.

As-Safir (4 octobre 2013)
Des sources sécuritaires bien informées ont exprimé leur crainte d’un plan d’évasion collective de la prison de Roumié, préparé par des détenus islamistes et s’inscrivant dans le cadre des évasions organisées par Al-Qaïda des prisons irakiennes, libyennes et pakistanaises, où plus d’un millier de détenus se sont évadés pour participer à des opérations terroristes dans la région.
Ces informations, collectées par un service de sécurité professionnel, se basent sur des écoutes et la surveillance du courrier électronique des détenus, ainsi que sur des notes assurant que les détenus islamistes possèderaient des matières explosives introduites dans le bâtiment B de la prison avant l’installation des scanners. Ces explosifs seraient utilisés pour faire sauter les entrées principales de l’enceinte du pénitencier.
Selon des sources fiables, un service de sécurité étroitement lié au dossier des prisons a mis au point une vaste perquisition du bâtiment où sont détenus les islamistes pour procéder à des fouilles et confisquer les explosifs et le matériel de communication dont ils disposent, après les informations sur un plan d’évasion. Mais la peur d’un bain de sang, qui pourrait allumer les cendres dans les régions d’origines des islamistes, ont conduit à l’annulation de cette opération.
Revenant sur la saisie par les forces de l’ordre, mardi, de 150 grammes de carbure destinés à un détenu, une source de sécurité bien informée n’exclut pas que d’autres quantités de cette matière, utilisée pour la fabrication des explosifs, aient déjà été introduites à Roumié.
Et la source de sécurité de poursuivre : « Le plus dangereux, dans cette affaire, est notre incapacité à connaitre la quantité d’interdits –explosifs, armes et matériels de communication- qui se trouvent aux mains des 190 détenus islamistes dans la prison. Plus grave, notre incapacité vient du fait de l’inexistence d’une couverture politique permettant aux forces de sécurité de perquisitionner les cellules des prisonniers. »
As-Safir a appris que les obstacles politiques empêchant les forces de l’ordre d’agir ont poussé certains officiers à proposer de faciliter la fuite des détenus fondamentalistes, « car de la sorte nous garantissons qu’ils iront se faire tuer dans les combats en Syrie au lieu de participer à des actes terroristes de l’intérieur de la prison ».
Des sources proches du dossier des prisons affirment que les détenus libanais de Fatah al-Islam ne sont pas inquiétants. Ce sont surtout les figures fondamentalistes étrangères qui inspirent la crainte. Leur nombre est de 43 et elles sont de nationalité tunisienne, yéménite, marocaine et saoudienne. Les Saoudiens sont au nombre de 10.

As-Safir (3 octobre 2013)
Mohammad Ballout, Paris
L’Armée syrienne libre (ASL) a testé son influence sur les forces qui lui restaient encore il y a une semaine à Raqa. Mais la 11ème division s’est évaporée en une seule journée. Deux de ses bataillons, Les Révolutionnaires de Raqa et Al-Mountaser billah, ont rejoint le Front al-Nosra et on prêté allégeance à son chef Abi Saad al-Hadrami. Le Bataillon Salaheddine et la Brigade 313 ont prêté allégeance à l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL), alors que les Fidèles de Raqa ont préféré Abi Abdallah al-Hamaoui, le chef de Libres de Syrie.
Pourquoi l’offensive contre l’ASL s’est-elle intensifiée alors que l’EIIL avait fait profil bas lors des menaces de frappes états-uniennes contre la Syrie ? Des experts estiment que l’EIIL a vu dans l’annulation de l’agression contre Damas une reconnaissance russo-américaine du maintien du régime. L’EIIL devait être la cible d’opérations planifiées par les États-Unis dans le nord syrien. Aussi, cette organisation proche d’Al-Qaïda et dirigée par Abou Omar al-Baghdadi, a-t-elle accéléré ses opérations pour nettoyer cette région des groupes infiltrés par les Occidentaux et la Turquie, dans le but de devancer la conférence de Genève, qui pourrait intégrer certaines ailes de l’opposition syrienne dans une large coalition dirigée contre l’EIIL. La Russie et les États-Unis appellent d’ailleurs à la création d’une telle alliance, en parallèle aux efforts pour la fondation d’une nouvelle « armée nationale » de l’opposition.
Dans ce contexte, un important responsable de la sécurité libanaise a indiqué avoir offert des garanties à des personnalités de l’opposition syrienne, il y a un mois et demi, pour qu’elles se rendent de Beyrouth à Damas, où elles ont rencontré le chef de la sécurité nationale syrienne, le général Ali Mamlouk. Les négociations ont abouti à la mise à l’écart de certaines brigades de l’ASL, ou à leur désarmement et au retour de leurs membres à la vie civile. Le responsable libanais a indiqué que d’autres réunions sont en cours de préparation, à partir de Beyrouth, pour renforcer cette tendance. La même source ajoute que d’importants changements se sont produits dans les rangs de l’opposition syrienne après que l’EIIL soit devenu le groupe le plus présent militairement, menaçant de destruction le tissu social syrien.
Le début des combats entre l’ASL et l’EIIL coïncide avec la fuite collective de chefs importants de cette organisation de la prison irakienne d’Abou Ghreib. Ces fuyards ont exprimé aux responsables les plus extrémistes de l’EIIL leurs craintes de voir l’expérience des « sahouat », qui les ont combattu en Irak, se reproduire en Syrie. Ils ont appelé à la liquidation de l’ASL, susceptible de reproduire les « sahouat » irakiennes.
Certains de ceux qui ont fuit la prison d’Abou Ghraib, comme Abou Izzat el-Fokhi, sont arrivés à Beyrouth pour étudier les moyens d’élargir les combats vers le Liban.
Avec la marginalisation de l’ASL, l’opposition armée syrienne devient otage de deux grands blocs salafistes et jihadistes, qui ont en commun le projet d’instaurer le califat islamique en Syrie. Ils sont cependant séparés par leur allégeance entre Abou Bakr al-Baghdadi et le chef des services de renseignement saoudiens, le prince Bandar ben Sultan. Le premier bloc évolue sous le parapluie d’Al-Qaïda et de l’EIIL et le second est contrôlé par les SR saoudiens, à travers le rôle de Zahrane Allouche, chef du Bataillon de l’islam.
Ces deux derniers jours, ce bataillon a annoncé un accord entre 50 groupuscules jihadistes pour s’unir sous la bannière de l’Armée de l’islam. L’objectif étant de créer une entité forte pour contrebalancer la puissance et la présence de l’EIIL, afin de lui disputer l’influence dans les régions où l’ASL est en recul. L’Armée de l’islam ne changera pas grand-chose aux rapports de force avec le régime syrien dans les régions où elle est active, notamment dans la Ghouta de Damas.

As-Safir (2 octobre 2013)
Marlène Khalifé
L’ouverture sans précédent exprimée par la France à l’égard de l’Iran a vu sa consécration dans la rencontre qui a réuni le président François Hollande et son homologue iranien, Hassan Rohani, à New York, en marge des travaux de l’Assemblée générale des Nations Unies. Il est difficile de comprendre cette ouverture, d’autant que Paris et Londres ont été en pointe de la campagne diplomatique engagée en vue de l’inscription de l’aile militaire du Hezbollah sur la liste des organisations terroristes de l’Union européenne.
Dans ce cadre, un diplomate européen chevronné, expliquant la position française, affirme que le président français et son équipe veulent saisir le « long bâton » tendu par les nouvelles autorités iraniennes, car « l’Iran reste, en fin de compte, un grand pays ayant des liens avec la France », ajoutant que « l’espoir d’une éventuelle normalisation des relations avec l’Iran intéresse les Français ». Par ailleurs, le diplomate souligne que la France ne veut pas donner l’impression qu’elle traîne de pied derrière les États-uniens, « comme ce fut le cas à Saint-Pétersbourg lors du deal conclu entre les présidents Barack Obama et Vladimir Poutine, en marge du sommet du G20 ». Partant de là, la rencontre entre Hollande et Rohani a été rapidement organisée, afin de permettre à la France de reprendre l’initiative.
Un député européen d’une parti de droite français affirme, de son côté, qu’« il serait irréaliste de mettre les Iraniens à l’écart, si nous souhaitons régler la question syrienne ». Il a, en outre, estimé que la France a commis deux erreurs : elle a fait la promotion de l’éventuelle action punitive militaire contre Bachar al-Assad ; elle a ensuite opté pour une approche morale, sachant que la diplomatie ne peut pas être gérée par des considérations morales.

As-Safir (1er octobre 2013)
Pas de visite officielle pour le président de la République aux Émirats arabes unis demain. Il s’agit d’un précédent dans les relations entre les chefs d’État, commencé par les Saoudiens et poursuivis par les Émiratis.
Dans le lexique diplomatique le plus soft, il s’agit d’une « humiliation », surtout que la demande de report de la visite présidentielle « à une date ultérieure » n’était pas accompagnée de justification. Au contraire, elle a ouvert la voie à des questions sur les raisons qui ont poussé un roi, puis un prince, à ce pas trouver assez de temps pour une rencontre symbolique, qui préserverait le prestige du chef de l’État libanais.
Si certains ont accordé au président des Émirats des circonstances atténuantes, en affirmant qu’il est souffrant, cela n’explique pas le fait que le prince héritier n’a pas assumé le rôle du chef de l’État en recevant M. Sleiman. Les Saoudiens ont également avancé l’état de santé du roi Abdallah pour justifier le report de la visite de Sleiman à Riyad. Pourtant, le monarque avait des activités normales à la veille de la visite.
Il est clair que l’ouverture américano-iranienne, en marge des travaux de l’Assemblée générale des Nations unies, a semé la confusion chez les dirigeants du Golfe. Les Saoudiens avait fixé le rendez-vous de la visite du président Sleiman avant que ce dernier ne parte pour les États-Unis. Cela montre qu’ils attachaient une grande importance à cette visite, suivis en cela par les Émirats. Mais cela était avant la percée dans la relation entre Washington et Riyad, qui a provoqué un choc chez les Saoudiens. Le ministre des Affaires étrangères, Séoud al-Fayçal, est celui qui a le mieux exprimé ce choc. À peine l’entretien avec Sleiman dans sa suite présidentielle à New York avait-il commencé que le ministre saoudien laissait éclater sa colère contre la décision de l’administration Obama de commencer un dialogue sans précédent avec les Iraniens depuis la révolution islamique.
Il est à souligner que le 14-Mars, notamment le Courant du futur, a semblé choqué par la décision royale de reporter la visite présidentielle. Ses figures n’ont pas trouvé de justifications politiques ou diplomatiques convaincantes, surtout que le 14-Mars attendait de cette visite qu’elle fournisse un soutien au président Sleiman afin qu’il couvre le Premier ministre désigné, Tammam Salam, dans sa volonté de former un gouvernement dit des « 3x8 ».
Mais les calculs se sont avérés faux. Les Saoudiens, qui considéraient que le Liban est sous leur coupe en ce moment, ont vu s’éloigner la frappe états-unienne contre la Syrie et ont assisté avec impuissance à la conclusion de l’accord chimique entre les USA et la Russie. Ils ont compris qu’ils ne pouvaient pas compter les États-Unis pour modifier les rapports de forces sur le terrain en Syrie.

An-Nahar (Quotidien libanais proche du 14-Mars)
Rosanna Bou Mouncef (4 octobre 2013)
Les Libanais craignent que l’accord irano-américain ne soit limité à un troc entre le dossier nucléaire iranien et la levée des sanctions économiques imposées au pays. Cette hypothèse suscite également les appréhensions des pays de la région quant à une éventuelle expansion de l’Iran vers les pays arabes. Selon des sources diplomatiques, les États arabes devraient faire entendre leur voix et utiliser leur influence aux États-Unis et en Europe pour faire une place sur la table des négociations à leurs revendications à l’égard de l’Iran. Un tel deal entre Téhéran et Washington ne conviendra pas non plus au Liban, car il ne changera rien au niveau de la situation sur le terrain. Au contraire, dans une telle éventualité, l’Iran, ayant réglé son problème lié au dossier nucléaire, aurait une plus grande marge de manœuvre dans la région et s’attachera au Hezbollah pour le renforcer davantage de sorte qu’il devienne une force de frappe régionale à la solde de l’Iran.

Al-Akhbar (Quotidien libanais proche de la Résistance)
Nasser Charara (4 octobre 2013)
Après l’échec du scénario du renversement militaire de Bachar al-Assad, les États-Unis envisagent à présent d’abattre politiquement le président syrien : soit en l’empêchant de se présenter aux élections présidentielles de 2014, soit en faisant en sorte qu’il ne remporte pas ce scrutin.
Des sondages d’opinion effectués par des instituts qataris, français et états-uniens donnent des résultats convergents : plus de 50 % des personnes interrogées en Syrie appuieraient Bachar al Assad alors que plus de 60 % des déplacés syriens dans divers pays d’accueil lui seraient hostiles. L’Occident miserait donc sur ces déplacés —et sur leur participation au scrutin— pour évincer Assad du pouvoir. Selon cette lecture, c’est ce qui expliquerait pourquoi Washington souhaite que le Liban continue d’ouvrir sa frontière au flux de réfugiés de Syrie, si nombreux soient-ils, dans la perspective de ces élections. C’est ce qui aurait également poussé un diplomate en poste à Beyrouth à considérer que cet afflux massif de réfugiés était loin d’être innocent.
Par ailleurs, un éminent opposant syrien a été chargé par l’Arabie saoudite et la France de monter une chaîne satellitaire diffusant depuis Paris et vouée à s’adresser aux minorités en Syrie et au Machreq. Cette chaîne contribuera ainsi à attirer les chrétiens et les Kurdes syriens et à gagner leur appui à l’opposition. Elle aurait également une autre priorité : faire face au discours du Vatican qui s’inquiète de l’avenir des chrétiens en Syrie et au Moyen-Orient dans la foulée du printemps arabe.

Al-Akhbar (4 octobre 2013)
Les habitants du village de Hadar, sur le Mont Hermon, ont tué Ghassan Zeidan et Fouad al-Chaar, qu’ils accusaient de « collaborer » avec l’Armée syrienne libre (ASL).
Des sources du village affirment que Ghassan, un ancien membre du Parti socialiste progressiste (PSP) de Walid Joumblatt, s’employaient à transporter des armes aux rebelles de Beit Jin, en empruntant deux passages montagneux, le premier à travers Chebaa et le second par Aïha-Rachaya. « Ce trafic se déroulait sous les yeux du poste d’observation israélien du Mont Hermon », déclarent ces sources avant d’ajouter : « Fouad aidait les rebelles à s’infiltrer à travers le village de Hadar pour attaquer les positions de l’armée syrienne et le village. Nous les avons mis en garde à plusieurs reprises pour qu’ils mettent un terme à leurs agissements et nous les avons chassés du village après leur participation à la bataille de Tall Ahmar aux côtés des groupes armés, où nous avions perdu plusieurs hommes. Il s’agit d’une trahison de leurs familles et de leur patrie. Nous n’étions pas heureux de les avoir tués, mais c’est la guerre. Personne ne s’en est pris à leurs familles car elles ne sont pas responsables de leurs comportements. »
D’autres sources du village de Hadar ont révélé que le député du PSP, Akram Chehayyeb, a tenté de convaincre les cheikhs de permettre aux rebelles de passer par la localité de Sarsara. « Est-il concevable de les laisser passer entre nos maisons », ajoutent-elle.
De leurs côtés, des sources du PSP ont démenti que le parti transporte des armes aux rebelles syriens. « Tout ce que nous avons essayé de faire, c’est de convaincre les habitants de Hadar de ne pas se battre aux côté du régime qui va tomber en fin de compte », ont-elles indiqué.

Al-Akhbar (2 octobre 2013)
Radwan Mortada
Des sources proches de l’opposition syrienne sur le terrain ont révélé que les rebelles préparent une offensive préventive dans les prochains jours pour récupérer le point de passage frontalier de Joussé, situé au nord de Ersal, à l’est du Hermel et au sud de la ville syrienne de Qoussair.
Ce poste frontière est actuellement sous le contrôle de l’armée régulière syrienne et des combattants du Hezbollah, qui l’avaient repris aux rebelles à la veille de la bataille de Qoussair, en juin dernier.
Selon les informations, les rebelles veulent reprendre le poste de Joussé avant le début de l’hiver, car tous les accès montagneux seront alors bloqués par les neiges, dans les hauteurs d’Ersal, ce qui coupera les voies d’approvisionnement entre le Liban et la campagne au nord de Damas et, par conséquent, vers toutes les régions autour de la capitale syrienne.
L’offensive contre Joussé, si elle a lieu, s’inscrira dans le cadre des opérations militaires lancées par les rebelles dans la province de Damas, inaugurées avec l’attaque contre la localité de Maaloula, qui a donné lieu à plusieurs affrontements dans les Ghouta orientales et occidentales et dans les montagnes de Qalamoun, à l’ouest de Damas.
À travers ces attaques, les rebelles veulent sécuriser des zones sous leur contrôle afin de gêner l’armée syrienne, de l’empêcher de poursuivre ses batailles dans les Ghouta et briser l’étau autour de ses régions.

L’Orient-Le Jour (Quotidien francophone libanais proche du 14-Mars)
Scarlett Haddad (4 octobre 2013)
Il est clair que les dirigeants saoudiens sont mécontents des derniers développements dans le dossier syrien et ne voient pas d’un bon œil la reprise de contact entre le président américain et son homologue iranien, qui les a d’ailleurs pris de court.
Alors que le chef des services de renseignement saoudiens Bandar ben Sultan avait demandé à ses interlocuteurs libanais d’attendre un peu avant de procéder à la formation d’un gouvernement parce que les rapports de force devaient changer, selon lui, rapidement en Syrie, en raison des frappes US suivies d’une offensive généralisée de l’opposition, ses pronostics n’ont pas été vérifiés et, au contraire, une nouvelle situation semble se préciser sur le terrain en Syrie, notamment avec les combats entre les factions de l’opposition et l’affaiblissement notable de l’Armée syrienne libre au profit des groupes islamistes affiliés à el-Qaëda.
Pour les milieux proches du 8-Mars, ces affrontements seraient encouragés par les Saoudiens, qui appuient ouvertement en armes et en fonds l’opposition syrienne, dans le but de renforcer la position de l’Arabie saoudite dans toute négociation au sujet de la Syrie, la CNS et l’ASL étant plutôt d’obédience turque et qatarie. L’Arabie se sentirait donc plus ou moins exclue des négociations en cours. Au point d’ailleurs que son ministre des Affaires étrangères, Saoud el-Fayçal, a annulé à la dernière minute le discours qu’il devait prononcer devant l’Assemblée générale des Nations unies. Dans ce contexte, il est donc probable qu’elle ne cherchera pas pour l’instant à faciliter la formation d’un nouveau gouvernement.
En tout cas, Riyad ne semble pas disposé à demander à ses interlocuteurs libanais de faire des concessions au 8-Mars et à Walid Joumblatt dans la formation du nouveau gouvernement. Le chef druze a pourtant présenté une formule qui aurait pu être acceptable car elle fait preuve de réalisme et traite les deux camps de la même façon puisqu’elle prévoit d’accorder 9 ministres au 8-Mars et alliés, 9 ministres au 14-Mars et 6 ministres au trio Sleiman-Salam-Joumblatt. De son côté, le Hezbollah estime avoir fait des concessions en renonçant à exiger une entente préalable sur la déclaration ministérielle du nouveau gouvernement qui devrait reprendre la fameuse formule « armée-peuple-résistance ». Dans son dernier discours, le secrétaire général du parti, Hassan Nasrallah, a en effet clairement annoncé sa disposition à laisser la discussion sur la déclaration ministérielle à une étape ultérieure.
Dans le camp adverse, le 14-Mars continue de poser des conditions, agissant, selon la source du 8-Mars, comme s’il avait remporté une manche, alors qu’il n’en est rien. Certes, il a fini par accepter la participation du Hezbollah au gouvernement, mais du bout des lèvres et parce qu’il n’avait pas d’autre choix, un gouvernement sans le Hezbollah étant une option impossible dans le contexte actuel. Mais il refuse d’accorder le tiers de blocage au camp adverse, refusant de reconnaître que depuis la démission du gouvernement Mikati et la désignation de Tammam Salam, issu des rangs du 14-Mars, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts et beaucoup de changements se sont produits, notamment au niveau de la position de Walid Joumblatt. Le courant du Futur et ses alliés, notamment les Forces libanaises, continuent de se comporter comme s’ils étaient la partie libanaise la plus forte, alors qu’ils ne sont pas en mesure d’imposer leurs conditions. En même temps, ils craignent que le Premier ministre désigné ne finisse par se lasser du blocage actuel qui est en train de miner sa crédibilité et l’élan national qui l’a désigné, et par là même décider de se récuser.
Dans ce cas, et dans le contexte régional et international actuel, le candidat qui a le plus de chances d’être désigné serait Nagib Mikati avec l’appui du 8-Mars et de ses alliés, et celui de Walid Joumblatt, mais aussi avec la bénédiction de la communauté internationale. Ce dont le courant du Futur ne veut à aucun prix, ne cachant pas l’hostilité personnelle qu’il voue à Mikati et son refus total d’un tel scénario. Il est donc coincé entre le blocage qu’il a lui-même voulu et la possibilité du départ de Salam, qui, vu le peu de chances du retour dans le contexte actuel de Saad Hariri, ouvrirait la voie à une nouvelle désignation de Mikati.

Source
New Orient News