Otages libanais en Syrie : décryptage d’un heureux dénouement

Par Ghaleb Kandil

Les neuf otages libanais enlevés par des rebelles syriens à Alep, il y a 17 mois, sont arrivés à Beyrouth samedi soir, après avoir été remis au chef de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim. Un accueil officiel et populaire leur a été réservé à l’aéroport de Beyrouth et dans les rues de la banlieue sud.
Les deux pilotes turcs, enlevés à Beyrouth le 9 août dernier, ont également été libérés, dans une opération complexe d’échange, qui a vu aussi la libération par la Syrie de plusieurs dizaines de détenus, des femmes en majorité.
Ce dénouement heureux ne doit pas nous empêcher de procéder à une évaluation rationnelle de cette affaire :
 L’enlèvement des otages libanais de retour d’un pèlerinage en Iran avait pour but de provoquer une discorde sectaire au Liban et dans la région. Ce plan a pu être évité grâce, en premier lieu, à l’attitude responsable du leader de la Résistance, sayyed Hassan Nasrallah, qui a interdit, toute réaction de vengeance. La base populaire de la Résistance a réagi avec un sens aigu de la responsabilité, tout en faisant preuve de détermination dans son mouvement réclamant la libération des otages. Les familles des détenus libanais ont fait preuve de patience face aux discours provocateurs, appuyées par des prises de positions patriotiques exprimées par le mufti de la République Mohammad Rachid Kabbani, cheikh Maher Hammoud, imam de la mosquée al-Qods à Saïda, l’ancien Premier ministre Salim Hoss, le ministre Fayçal Karamé et beaucoup d’autres. Le plan de discorde, fomenté par l’Arabie saoudite, le Qatar, la Turquie, et exécuté par les Frères musulmans et les groupes takfiristes et terroristes en Syrie, a été mis en échec.
 Dès le début de cette affaire, l’État libanais aurait dû exercer des pressions sur les États soutenant les groupes terroristes en Syrie, s’il avait vraiment voulu libérer les otages. Mais le pouvoir libanais n’a pas osé, même verbalement, critiquer le trio responsable de l’agression contre la Syrie, l’Arabie saoudite, la Turquie et le Qatar, et leur véritable maitre, les États-Unis. Seul le directeur de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, s’est investi à fond dans ce dossier, malgré les honteuses critiques dont il a fait l’objet de la part des parties libanaises impliquées dans la guerre terroriste contre la Syrie.
 Le timing de la libération des otages libanais est lié à l’échec de l’agression contre la Syrie et à la dislocation du front international et régional constitué pour combattre ce pays. Cette dislocation s’est accentuée depuis que l’axe de la Résistance, appuyé par l’allié russe, a réussi à empêcher l’intervention militaire franco-US contre la Syrie. La Turquie a été contrainte à obtempérer à cause des répercussions de la crise syrienne sur son sol et, malheureusement il faut le reconnaitre, après l’enlèvement des deux pilotes turcs sur la route de l’aéroport, le 9 août dernier.
 Cette affaire a dévoilé l’esprit mercantile de certains médias libanais qui ont tenté de profiter de ce drame, à travers des voyages de presse, des reportages et des enquêtes, financés par le Qatar et les milieux proches de Saad Hariri. L’objectif étant d’améliorer l’image des ravisseurs des otages libanais et de ternir celle de la Résistance.
 La libération n’aurait pas pu réussir si la Syrie n’avait pas répondu positivement, dès le début, aux démarches d’Abbas Ibrahim, ce qui illustre une volonté syrienne de préserver la stabilité du Liban. Et le fait que l’interlocuteur syrien d’Ibrahim soit le général Ali Mamlouk prouve à quel point la Syrie s’élève au dessus des mesquineries de certains Libanais.

La France soutient le camp des perdants

Par Ghaleb Kandil

Les responsables français lient l’avenir de leur relation avec la région au sort de l’agression contre la Syrie. L’administration du président François Hollande a remplacé son partenariat avec l’émirat du Qatar, hérité du mandat de Nicolas Sarkozy, par une alliance avec la monarchie saoudienne, qui exprime publiquement et hystériquement sa déception après l’échec de l’agression de Barack Obama contre la Syrie.
Les présidents Hollande et Sarkozy ont réussi à détruire l’image supposée de la France en tant que grande puissance indépendante, et sont apparus comme de petits exécutants des ordres yankees. Des soupçons laissent croire que leur enthousiasme à la guerre universelle contre la Syrie serait dicté par des considérations financières directement liées au Qatar et à l’Arabie saoudite. Les médias français ont d’ailleurs évoqué ces dernières années la dimension financière dans les choix de la politique étrangère de la France.
 Quoi qu’il en soit, François Hollande a hystériquement appuyé l’agression contre la Syrie et n’a pas été en mesure de s’adapter à la reculade imposée aux États-Unis par la résistance de la Syrie et la détermination de la Russie et de l’Iran. Hollande a partagé la déception de l’Arabie saoudite, qui traverse des moments difficiles après l’échec de tous ses paris, en raison du changement du climat international en faveur du président Bachar al-Assad.
François Hollande a transformé la France en État défaillant. Dans le passé, le pouvoir français avait réussi à se distinguer, au moins verbalement, de la politique US, dans le but de conserver une marge de manœuvre et de jouer le rôle de médiateur lorsque les États-Unis en avaient besoin. C’est le rôle qu’avait joué Nicolas Sarkozy, après 2007, pour absorber l’échec états-unien au Proche-Orient et, surtout, la défaite israélienne lors de la guerre de juillet 2006.
En s’alignant sur l’Arabie saoudite, François Hollande lie son sort au camp des perdants et prend le parti de ceux qui financent Al-Qaïda en Syrie. Il cautionne la colère saoudienne contre la montée en puissance de la Russie et de l’Iran —une ascension reconnue par Obama—, et de la victoire du président Bachar al-Assad, dont l’annonce n’est plus qu’une question de temps. Cette attitude va conduire à l’isolement total de la France, qui ne sera pas en mesure de tirer profit des changements en cours dans le monde. Gagner les faveurs de l’Arabie saoudite ne suffira pas à compenser cette perte, surtout que ce royaume tyrannique, despotique et obscurantiste est indéfendable. Bachar al-Assad, lui, reste un président moderne, laïque, combattant le terrorisme takfiriste soutenu et financé par la dynastie des Saoud.
La plus grande honte de Hollande et, avant lui de Sarkozy, est d’avoir trahi les constantes de la politique étrangère de la France, la plus importante étant la protection des chrétiens d’Orient et de leur rôle dans leurs pays respectifs.
La France a armé et a politiquement soutenu des groupes terroristes responsables de crimes atroces contre les chrétiens, leurs lieux de culte et leurs biens en Syrie. Paris s’est chargé de couvrir ces crimes commis sous la bannière de la révolution syrienne, qui n’est en réalité qu’une agression coloniale occidentale appuyée par les pétromonarchies rétrogrades du Golfe et la Turquie néo-ottomane. Pire encore, de hauts responsables français n’ont pas caché leur implication dans le complot visant à chasser les chrétiens du Liban et de Syrie, selon les informations qui avaient filtré de la rencontre houleuse entre Nicolas Sarkozy et le patriarche maronite Béchara Raï. La destruction de l’État laïque en Syrie ne peut que conduire à la disparition des chrétiens d’Orient, menacés par la montée en puissance des mouvements takfiristes soutenus par le nouvel allié stratégique de la France dans la région : l’Arabie saoudite.

Déclarations et prises de positions

Michel Sleiman, président de la République libanaise
« La réunion de Genève et celles qui ont précédé ont mené à l’approbation des points suivants : la répartition des charges financières, le partage du nombre des réfugiés, l’hébergement de ces derniers à l’intérieur des territoires syriens sans avoir recours à l’embargo aérien et l’aboutissement à une solution politique à la crise syrienne pour garantir le retour des réfugiés chez eux. La participation aux charges financières est insuffisante, la participation à la répartition des réfugiés l’est également, la mise en place de centres d’hébergement en Syrie n’a pas encore eu lieu et le parcours de Genève 2 trébuche. »

Michel Aoun, leader du Courant patriotique libre
« Comme chrétien représentant une large fraction des chrétiens du Liban, j’invite ceux-ci à s’unifier pour faire face à la crise, en dépit des rivalités politiques. Il existe des dossiers vitaux qu’il nous faut aborder à travers la coopération. Si cette unité se réalise, elle conduira nécessairement à une unité nationale. »

Naïm Kassem, secrétaire général adjoint du Hezbollah
« Le 14-Mars devrait tirer les leçons de l’expérience passée et de la façon dont il a fait perdre au pays sept mois en empêchant la formation d’un nouveau gouvernement. En paralysant le pays, le 14-Mars empêche l’autre camp de gouverner pleinement, mais il ne gouverne pas, lui, pour autant. Alors que s’il accepte un gouvernement d’entente, il pourra partager à égalité le pouvoir avec les autres et participer équitablement aux décisions. Ce camp veut ce qu’il ne peut avoir et rejette la seule possibilité de solution, par le biais de la participation. Il veut la totalité du pouvoir, mais il doit comprendre que son rêve d’un gouvernement qu’il contrôle entièrement est irréalisable. Et s’il continue à paralyser le pays, l’échéance présidentielle arrivera et ce sera le gouvernement chargé des affaires courantes qui supervisera cette période. »

Mohammad Rachid Kabbani, mufti de la République libanaise
« Seuls les politiciens divisent les Libanais. Les parties internes ont des affinités soit occidentales soit orientales, jamais libanaises. Elles ne placent pas l’intérêt national du pays en tête de leur priorité. Les obstacles dressés face à la formation du gouvernement sont inacceptables. Le seul ennemi des Libanais est Israël. Les Arabes, musulmans et chrétiens, doivent empêcher la naissance d’un nouveau Moyen-Orient, duquel seul l’ennemi sortira vainqueur. »

Samir Geagea, chef des Forces libanaises
« Qu’attendent MM. Sleiman et Salam pour former un cabinet après six mois de concertations, surtout que les positions de toutes les parties sont désormais claires à l’égard de toute composition gouvernementale ? Ce retard tue notre système démocratique et constitutionnel. Ils doivent former un gouvernement qui satisferait leur ambition et leur conscience. À partir de là, le Parlement assumera ses responsabilités. Nous appelons aussi à la tenue d’élections présidentielles sérieuses afin d’élire un chef d’État fort qui appliquerait un projet politique spécifique et qui aurait son mot à dire. Il est erronée de dire que le président devrait être consensuel, sinon pourquoi le chef du Parlement et le Premier ministre ne peuvent-ils pas l’être. Un certain camp souhaite modifier l’accord de Taëf parce qu’il voudrait obtenir une plus grande part du gâteau. Qui pourrait garantir qu’une remise en cause du système politique ne se transforme pas en une crise portant sur l’entité libanaise ? La sagesse veut que tout le monde accepte l’accord de Taëf et s’y attache davantage. »

Événements

• L’Agence nationale d’information (officielle) a rapporté que le commissaire du gouvernement près le tribunal militaire, Sakr Sakr, a engagé des poursuites judiciaires contre 18 Palestiniens, dont un seul est en détention, pour planification d’actes terroristes. Ces Palestiniens sont notamment accusés d’avoir formé un groupe armé dans le but de mener des attaques terroristes. Ils risquent la peine de mort s’ils sont reconnus coupables. Wissam Ahmad Naïm, actuellement en détention, a été arrêté lundi pour falsification de cartes d’identité et fabrication de système d’horlogerie pour des bombes.

• Le quotidien An-Nahar rapporte que des responsables libanais s’étonnent du fait que le Haut comité de secours aux réfugiés des Nations unies (HCR) se soit contenté de demander aux pays de l’Union européenne d’accueillir 10 000 Syriens en 2013 et 30 000 en 2014. L’Allemagne s’était déjà montrée prête à accueillir 5 000 réfugiés alors que le président français François Hollande s’est engagé à ce que la France en accueille 500, un chiffre critiqué par les ONG. Le porte-parole du Quai d’Orsay a répondu en précisant que près de 3 000 ressortissants syriens ont été accueillis en France au total et que Paris est le premier pays européen en matière d’asile, toutes origines confondues, puisque près de 60 000 demandes sont reçues chaque année. Il a également souligné que l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides) qui traite ces demandes en France, répond favorablement dans 95 % des cas.

• Selon le quotidien Ad-Diyar, un des dirigeants chrétiens du 14-Mars a été surpris d’entendre un ambassadeur européen lui dire que pour les responsables de son pays, qui s’appuient sur des rapports économiques et politiques précis, l’afflux massif de réfugiés syriens représente pour le Liban un danger nettement plus grave que celui dû à la participation du Hezbollah aux combats en Syrie. Selon ce diplomate, des groupes fondamentalistes, cautionnés par des services de renseignement régionaux, ont en effet réussi à infiltrer ces réfugiés.

• Les experts suisses ayant analysé les effets personnels de Yasser Arafat, mort près de Paris en 2004, confirment la « possibilité » d’un empoisonnement du leader palestinien par substance radioactive. « Plusieurs échantillons contenant des traces de fluides corporels (sang et urine) contenaient une radioactivité plus élevée et inexpliquée au polonium 210 par rapport aux échantillons de référence », écrivent ces experts de l’Institut de radiophysique de Lausanne dans l’article diffusé par la revue médicale britannique, The Lancet [1]

Revue de presse

As-Safir (Quotidien libanais proche du 8-Mars)
Moahmmad Ballout (18 octobre 2013)
Les signes annonciateurs d’une bataille imminente à Kalamoun se multiplient. Les villages de cette région de Syrie, située au pied de l’Anti-Liban, sont devenus un fief des groupes jihadistes syriens qui ont décidé de mener une guerre préventive contre les bastions du Hezbollah en envoyant des voitures piégées dans la banlieue sud de Beyrouth. Dans ce contexte, des sources concordantes indiquent qu’une voiture bourrée d’explosifs à Yabroud (Kalamoun) serait en route pour la Békaa via Kara ou Flita en Syrie. Ce véhicule est activement recherché avant même qu’il ne franchisse la frontière.
La bataille de Qalamoun aura des retombées sur le Liban, d’autant plus que la brigade de l’Islam, dirigée par Zahrane Allouche, est devenue la principale force de l’opposition au pied de l’Anti-Liban, plus particulièrement à Assal-Al Ward, la plaine de Ranjouss et Hoch Al-Arab. Cette menace devrait être prise au sérieux, car Allouche s’est rendu la semaine dernière en Arabie saoudite, où il a rencontré le chef des renseignements saoudiens, le prince Bandar Ben Sultan, qui le finance. La brigade de l’islam compterait entre 3 000 et 5 000 combattants et un escadrons de 23 chars T72. Une source de l’ASL affirme de son côté qu’outre les menaces sécuritaires habituelles, les répercussions sur le Liban pourraient revêtir un autre aspect dans la mesure où un grand nombre de combattants, actuellement rassemblés à Kalamoun, pourraient être obligés de se replier vers le territoire libanais si l’armée syrienne lance une opération d’envergure dans cette zone.

As-Safir (15 octobre 2013)
Daoud Rammal
Un rapport diplomatique sur la Syrie fait état de surprises au niveau du positionnement des protagonistes à l’égard de la crise syrienne et les contours de ce nouveau paysage commencent à apparaitre, à l’heure où les contacts et le dialogue ont été ouverts entre des personnalités de l’opposition, notamment de l’Armée syrienne libre (ALS), et des responsables du régime syrien. Le rapport indique que le conflit armé entre les factions de l’opposition syrienne (l’ASL et les organisations kurdes d’une part, le Front al-Nosra et l’État Islamique en Irak et au Levant (EIIL) de l’autre), s’inscrivent dans le cadre d’un scénario préétabli. Le rapport ajoute que le secrétaire d’État US, John Kerry, et son homologue russe, Sergueï Lavrov, sont tombés d’accord sur la nécessité de réunir la conférence de Genève 2, à condition que l’opposition accepte de négocier avec le régime syrien sous Bachar al-Assad. L’application pratique de ce plan supposerait la mise à l’écart des groupes armés extrémistes, afin de permettre dans une étape ultérieure l’intégration de l’ASL et des organisations kurdes dans l’armée régulière syrienne, qui nettoiera plus tard la Syrie de ces groupes extrémistes. Le rapport souligne que « ce retournement radical au niveau de la crise syrienne trouvera sa consécration lors de la conférence de Genève 2 ». Le rapport diplomatique signale que le Liban bénéficie du parapluie international qui veille à maintenir la stabilité dans le pays et qu’il sera également appelé à réagir favorablement avec les pays de la région à l’entente russo-américaine, en vue de parvenir à une sortie de crise en Syrie.

An-Nahar (Quotidien libanais proche du 14-Mars)
Samir Tuéni (18 octobre 2013)
La diplomatie française projette-t-elle de convier les parties libanaises à une réunion à Paris ou en banlieue, à l’instar de la conférence de La Celle Saint-Cloud organisée en 2007 par l’ancien chef de la diplomatie française Bernard Kouchner ? Le ministre Bernard Kouchner affirmait, en pleins préparatifs de cette conférence, qu’il souhaitait « faciliter » le dialogue « officiellement » rompu entre les dirigeants politiques libanais. L’idée d’une réédition de cette expérience est actuellement à l’étude au Quai d’Orsay avec certains pays arabes amis. Elle pourrait se préciser à la faveur des consultations effectuées à Paris, les dernières en date étant celles qui ont eu lieu dans la capitale française entre le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius et son homologue saoudien Saoud al-Fayçal. Elle pourrait être creusée davantage en marge de la réunion à Paris entre le secrétaire d’État US John Kerry, ses homologues arabes et le secrétaire général de la Ligue arabe, dans le cadre de la concertation états-unienne avec les protagonistes arabes en vue de la relance du processus de paix israélo-palestinien. Une telle conférence aurait pour objectif de sauver les institutions libanaises après l’échec à former un gouvernement et vu les craintes d’un vide constitutionnel au Liban au cas où il serait impossible d’élire un nouveau président de la République.
Depuis le début de la crise en Syrie, la France tente d’éviter un débordement de cette crise vers le Liban. Et l’on peut dire qu’elle y est parvenue grâce notamment à la lucidité des Libanais. Paris attendrait à présent une fenêtre diplomatique lui permettant de mettre son projet sur les rails en coopération avec l’Arabie saoudite et d’autres pays, pour tenter d’abord de parvenir à une entente interlibanaise sur la formation rapide d’un gouvernement. Si la France accorde autant d’importance à la mise en place d’un tel gouvernement, c’est parce qu’elle n’est pas sans savoir que l’aide internationale pouvant être accordée au Liban pour l’aider à accueillir le flux incessant de réfugiés syriens est tributaire de l’existence d’un gouvernement de plein exercice. En outre, la naissance d’un Cabinet permettrait de conjurer le spectre du vide au pouvoir au cas où l’élection d’un président de la République n’aurait pas lieu. La France œuvre donc à une entente interlibanaise sur la forme du gouvernement à naître. La semaine dernière, le député Ali Fayad, membre du bloc de fidélité à la résistance (Hezbollah), était reçu au Quai d’Orsay en marge d’un séminaire à l’Assemblée nationale française sur la peine de mort, auquel ont également pris part, aux côtés de Fayad, les députés Ghassan Moukheiber et Samir El Jisr qui, eux, n’ont pas eu d’entretiens au Quai d’Orsay sur cette question. La rencontre au Quai d’Orsay est d’autant plus significative qu’elle intervient après l’inscription de l’aile militaire du Hezbollah sur la liste UE des organisations terroristes. À travers cette rencontre, la France a exprimé son souhait de coopérer avec ce parti pour parvenir à une sortie de crise au Liban qui puisse contenter toutes les parties.
Des sources diplomatiques rapportent par ailleurs que l’intervention du Hezbollah dans le conflit militaire en Syrie aux côtés du régime a régressé depuis l’annonce de l’accord américano-russe sur les armes chimiques syriennes voici quelques semaines.

An-Nahar (15 octobre 2013)
Khalil Fleihane
Des démarches ont été entreprises discrètement par une grande puissance, par l’intermédiaire de son ambassadeur en poste au Liban, dans le but d’aplanir les obstacles empêchant la formation du gouvernement, mais elles ont échoué. Des sources diplomatiques ont révélé que l’ambassadeur concerné a reconnu que la mission qui lui a été confiée était extrêmement difficile et délicate, sachant qu’il est un bon connaisseur de la politique libanaise et qu’il entretient des relations avec plusieurs dirigeants libanais. Malgré cela, il n’a pas réussi à les convaincre à abandonner leurs exigences en vue de faciliter la mise en place du nouveau gouvernement. Le diplomate a souligné que la poursuite du vide au niveau gouvernemental serait préjudiciable au Liban, affirmant que son pays craint que ceci n’ait un effet de contagion sur la présidence de la République. Il a souligné qu’il ne faut pas établir une comparaison entre un éventuel vide à la tête de la première magistrature et celui survenu à la fin du mandat de l’ancien président Émile Lahoud, la conjoncture actuelle étant complètement différente de celle qui prévalait à l’époque, avec la présence d’un million de réfugiés syriens au Liban.
Selon les mêmes sources diplomatiques, l’ambassadeur a estimé que la mission du Premier ministre désigné, Tammam Salam, s’avère impossible, en raison de l’absence d’un arbitre capable de concilier les revendications contradictoires des uns et des autres, d’autant que chaque parti campe sur ses positions. Les forces politiques exigent un nombre déterminé de ministère, refusent le principe de la rotation des portefeuilles, et reprennent le refrain du tiers de blocage.
Selon les mêmes sources, la deuxième raison qui a porté l’ambassadeur à considérer que la formation du nouveau Cabinet relève d’une mission impossible serait la position de l’Arabie saoudite, qui n’approuve pas la mise en place d’un gouvernement, les formules qui ont avancées jusqu’à présent n’ayant pas plu aux dirigeants du royaume. Le secrétaire général adjoint aux affaires politiques des Nations unies, Jeffrey Feltman, est monté au créneau, critiquant Riyad qui « n’assouplit pas sa position en faveur de la naissance d’un nouveau gouvernement et qui éprouve une animosité à l’égard du président Sleiman », dont la visite à Riyad a été annulée 78 heures avant la date prévue, « sans aucune justification convaincante ».

Al-Akhbar (Quotidien libanais proche de la Résistance)
Amal Khalil (18 octobre 2013)
La France a-t-elle regretté d’avoir pris des positions intransigeantes à l’encontre du Hezbollah et essaie-t-elle d’expier ses péchés ? Voici quelques jours, le membre du Bloc de la Fidélité à la Résistance, le député Ali Fayyad, a répondu à une double invitation qui lui a été adressée par le ministère français des Affaires étrangères, selon l’ambassadeur de France à Beyrouth, Patrice Paoli, chez qui Ali Fayyad s’était rendu au début du mois. Avec les députés Samir Jisr et Ghassan Moukhaiber, il a partagé la première invitation, à participer au colloque parlementaire français sur l’abolition de la peine de mort, qui a eu lieu au Sénat la semaine dernière. Quant à la seconde invitation, elle était uniquement réservée à Fayad. Il s’agissait d’une invitation à une séance de dialogue au Quai d’Orsay avec des responsables du centre d’analyse et de prévision, en tête desquels figurait l’ancien diplomate au Liban, Alexis Le Cour Grandmaison, qui a quitté voici trois ans Beyrouth, où ils s’étaient rencontrés plusieurs fois. Mais à l’époque, la situation n’était pas aussi compliquée. Le Printemps arabe, la crise syrienne, l’intervention du Hezbollah dans les combats aux côtés du régime, ses répercussions sur la scène libanaise, ainsi que les tensions sécuritaires qui sévissent au Liban, ont conduit les Français à convier Fayad dans le souci de recueillir le point de vue du Hezbollah à l’égard de ces questions.
Ali Fayad a affirmé avoir fait part de la lecture critique de la position du Hezbollah vis-à-vis du Printemps arabe, soulignant que la crise syrienne n’est pas liée à la réforme démocratique mais qu’il s’agit d’un conflit international. Expliquant les motifs de la participation préemptive du Hezbollah aux combats en Syrie, il a affirmé qu’elle vise « à protéger le Liban contre le danger des takfiristes, à les empêcher de venir au Liban et à garantir sa stabilité ». Selon Fayad, les participants à la séance de dialogue sont convenus de protéger la stabilité du Liban, de prendre des mesures à même d’empêcher le glissement du Liban vers des troubles sécuritaires. Ils se sont également mis d’accord sur le fait que la solution de la crise syrienne ne passera que par le dialogue politique. Fayad a répondu à des dizaines de demandes d’explications, lesquelles ont reflété les craintes et la préoccupation des Français, mais aussi l’intérêt qu’ils accordent au Moyen-Orient. Ils [les Français] ont toutefois laissé de côté le rôle pivot qu’ils ont joué dans l’adoption par l’UE de la décision concernant l’inscription du Hezbollah sur la liste des organisations terroristes. Fayad a donc été porté à évoquer lui-même la question. Il ne leur a pas demandé de se rétracter de leur décision ou de la reconsidérer. Il a toutefois exprimé son étonnement à l’égard de la tentative d’encercler le Hezbollah, « qui est pourtant aux prises avec les takfiristes. Cette position a donné de ce fait l’impression d’être un encouragement aux groupes extrémistes et takfiristes ». Il a décrit la décision comme une erreur stratégique européenne, refusant que l’aile militaire et l’autre aile du Hezbollah fasse l’objet d’une distinction, le parti ayant un seul commandement et un seul corps.
Sur le plan bilatéral, il n’a pas été fixé de rendez-vous pour la reprise des rencontres entre la France et le Hezbollah sachant que les contacts n’avaient pas interrompus entre les deux côtés dans le passé, selon Fayad. Malgré cela, il a vu dans la visite une valeur ajoutée, car elle s’est fondée sur le dialogue et sur l’échange de vues. Fayad a estimé que la France a reconsidéré ses orientations et a ouvert une fenêtre pavant la voie à une marche arrière au regard de ses dernières positions qui allaient dans le sens de l’escalade et de l’intransigeance, au vu du rapprochement américano-iranien et irano-français et de l’entente russo-américaine.
Quels ont été dans la banlieue sud les échos du dialogue parisien au Quai d’Orsay ? D’une manière positive, le Hezbollah a saisi l’initiative française, sachant que pour le parti son inscription sur la liste des organisations terroristes constitue un obstacle sur le chemin des contacts entre les deux parties. Mais le Hezbollah ne se contentera pas d’une séance de dialogue. Il attendra à ce que « les intentions d’ouverture se traduisent par des mesures pratiques, qui consisteraient, entre autres, à mettre la pression sur les alliés de la France pour empêcher l’infiltration des takfiristes au Liban », a dit Fayad.
L’ouverture française s’est fait ressentir au sud du Litani, où a été constatée l’initiative prise par le nouveau commandant du contingent français opérant au sein de la FINUL à l’égard des maires et des notables de la région auprès desquels il s’est rendu plusieurs fois. Et ce contrairement à son prédécesseur qui a reflété la politique française d’intransigeance à l’encontre du Hezbollah, se repliant sur lui-même et affichant une hostilité à l’égard des habitants.

Al-Akhbar (14 octobre 2013)
Elie Chalhoub
Dans un entretien accordé à Al-Akhbar, le président syrien Bachar el-Assad revient sur la question des armes chimiques, affirmant que son pays a arrêté la production de ce type d’armes depuis 1997. « Il ne fait aucun doute que la destruction de l’arsenal chimique est un revers moral et politique », déclare M. Assad. Interrogé sur le prix Nobel de la paix remporté par l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), le chef de l’État syrien indique, en plaisantant, que ce « prix devait me revenir ».
Sur le front diplomatique, le président syrien souligne la disposition de son régime à participer à Genève 2. « Cette conférence pourrait seulement avoir lieu à la demande de la Russie, soucieuse d’éviter une frappe contre la Syrie », précise-t-il, avant d’ajouter : « La Syrie ne voit aucun problème à participer à cette conférence, à deux conditions : l’organisation d’un référendum pour valider les décisions prises à Genève et d’un scrutin pour élire un président d’une part, et l’arrêt de tout soutien aux terroristes, d’autre part ». « Le problème des Occidentaux réside dans le fait qu’ils soutiennent un groupe disparate qui n’a aucun pouvoir sur le terrain. Des groupes que les Occidentaux et les pays du Golfe ont soutenus, il ne reste plus que les terroristes. Et ceux-là n’ont pas de place à Genève-2 », dit-il.
Interrogé sur les opérations militaires sur le terrain, M. el-Assad se dit confiant dans l’avancée de ses troupes. « En général, l’armée syrienne enregistre clairement des avancées sur le terrain. Les problèmes rencontrés se situent près de Deraa et la frontière jordanienne, d’où les combattants et les armes transitent toujours, et le front nord, précisément à Alep près de la frontière turque. Mais à présent, les Turcs font face à un problème avec la mainmise d’Al-Qaïda sur la région ». Le président syrien ne manque pas de saluer la position de l’Irak sur le conflit syrien et de fustiger celle de l’Arabie saoudite qu’il qualifie de « pays clanique ». « Ce sont les relations personnelles entre dirigeants qui déterminent la politique du royaume. Lorsque l’un d’eux est en froid avec nous, tout le royaume est en froid avec la Syrie », a-t-il affirmé. Il a par ailleurs vivement critique le mouvement Hamas, qui « nous a trahi ».

Al-Hayat (Quotidien à capitaux saoudiens, 15 octobre 2013)
À en croire ses visiteurs, le Premier ministre démissionnaire, Najib Mikati, serait déterminé à verser la contribution du Liban au financement du Tribunal spécial pour le Liban (TSL). Lors de sa rencontre à New York avec le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, M. Mikati lui a demandé quand expire le délai pour le versement de la part du Liban. À la mi-novembre, lui a répondu le patron de l’Onu, selon les mêmes sources.
M. MIkati a démenti les informations rapportées par certains médias sur l’impossibilité pour le gouvernement de débloquer la part du Liban car il ne peut pas se réunir à cause des divergences entre ses composantes.
Des sources informées précisent, dans ce contexte, que même si le cabinet se réunissait, un accord serait difficilement atteint autour du versement de la part du Liban au TSL. Aussi, est-il nécessaire « d’arranger les choses entre M. MIkati, le président de la République Michel Sleiman et le ministre des Finances, Mohammad Safadi, qui avait envoyé une lettre au Premier ministre à ce sujet ».
Les sources a indiqué que « Mikati est confiant qu’il parviendra à régler la question du versement de la contribution du Liban en dépit des difficultés empêchant l’utilisation du même mécanisme qui avait permis, ces deux dernières années, de débloquer les sommes nécessaires ».

Ad-Diyar (Quotidien libanais proche du 8-Mars)
(15 octobre 2013)
Des ambassadeurs occidentaux en poste à Beyrouth ont exprimé à l’unisson, devant leurs visiteurs, leur satisfaction de la manière avec laquelle le Hezbollah a réagi à l’incident de Aïtaroun (Liban-Sud), laissant à la Finul le soin de régler la violation israélienne dans cette région. Rappelons que des soldats israéliens avaient pénétré dans les champs de ce village pour tenter d’empêcher les cultivateurs de cueillir les olives, mais les habitants ont refusé d’obtempérer et ont poursuivi la cueillette. Après le départ des habitants, 12 soldats israéliens avaient procédé à une fouille minutieuse dans les oliveraies pour voir si des bombes ou des mines avaient été placées. Les forces de la Finul sont intervenues et ont réglé ce problème sur ces champs situés dans une zone disputée.
Les ambassadeurs occidentaux ont estimé que les Israéliens auraient pu se plaindre auprès de la Finul au lieu d’envoyer leurs soldats, alors que le Hezbollah a fait preuve de sagesse en n’intervenant pas et en laissant aux Casques bleus le soin de suivre cette affaire. Les diplomates ont ajouté que conformément à la résolution 1701, les soldats israéliens n’ont pas le droit d’intervenir dans des zones disputées entre les deux pays.

Source
New Orient News

[1Improving forensic investigation for polonium poisoning”, par Pascal Froidevaux, Sébastien Baechler, Claude J Bailat, Vincent Castella, Marc Augsburger, Katarzyna Michaud, Patrice Mangin, et Dr François Bochud, The Lancet, Volume 382, Issue 9900, Page 1308, 12 October 2013.