Deux dangereux mensonges sur la Syrie
Par Ghaleb Kandil
Des analystes et des observateurs, mus par de bonnes intentions, tombent dans les pièges des mensonges sémiologiques véhiculés sur la Syrie. Parmi les plus dangereux mensonges, celui d’« opposition armée » et l’« impossibilité de la solution militaire ». Certains prennent pour prétexte ces deux postulats mensongers pour appeler au dialogue, qualifiée de seule voie pour un règlement politique. Pourtant, dès le début de la crise, le pouvoir syrien a plaidé pour le dialogue, et le président Bachar al-Assad a expliqué sa vision de ce dialogue national, qu’il considère comme un moyen pour élargir la base du partenariat national, et pour reconstruire les institutions de l’État tout en préservant et en consolidant l’indépendance nationale. Pour encourager le dialogue, les autorités syriennes ont multiplié les amnisties pour les personnes impliquées dans l’insurrection armée. Plus récemment, l’État a franchi un grand pas sur la voie du règlement du problème des déserteurs des forces armées, dont un grand nombre combat aujourd’hui dans les rangs de l’Armée arabe syrienne et certains sont même tombés en martyrs sur le champ d’honneur.
Le terme « opposition armée » vise en réalité à dissimuler la véritable composition des groupes qui combattent l’armée syrienne, et qui constituent le noyau de l’agression coloniale contre la Syrie, son peuple et ses institutions. Ce terme est un voile qui cache d’horribles vérités dont voici les plus importantes :
– Ces groupes armés sont composé de dizaines de milliers de combattants venus de 80 pays des cinq continents. C’est un mélange de mercenaires internationaux et de recrues des réseaux terroristes takfiristes. Beaucoup ont été recrutés par des compagnies internationales, comme Blackwater, qui a envoyé en Syrie des milliers de mercenaires. De nombreux médias ont publié des enquêtes sur des contrats passés par ces compagnies avec d’anciens militaires, qui ont servi sous la bannière des Nations unies dans plusieurs pays.
– Les rapports publiés par la presse et les centres de recherche indiquent que près de la moitié des effectifs des groupes armés est composée de mercenaires et de terroristes étrangers, saoudiens, tchétchènes, afghans, turcs, indonésiens, somaliens, libyens et tunisiens. Beaucoup d’autres sont Européens, Australiens ou Américains. Aucune norme scientifique ne permet donc de dire que tous ces combattants sont des opposants syriens. Il s’agit soit de mercenaires, achetés grâce à l’argent des États qui financent la guerre contre la Syrie, soit des terroristes takfiristes qui participent à la destruction de l’État syrien.
– En dehors d’Al-Qaïda, il existe plus d’un millier de groupes armés, selon les études préparées par les centres de recherche, y compris le Pentagone. Les correspondants de presse étrangers, qui ont enquêté sur le terrain, affirment que la plupart de ces groupes comptent sur le financement du Qatar et de l’Arabie saoudite, soit d’une manière directe soit à travers la Coalition de Doha et le Conseil d’Istanbul ou encore le conseil militaire de ladite Armée syrienne libre.
– Ces groupes se financent aussi à travers le pillage des biens publics et privés, le racket et autres rançonnages.
Le fait de véhiculer l’idée de l’impossibilité de l’option militaire vise, pour sa part, à saper le moral du peuple syrien et de l’Armée arabe syrienne et à se dérober à l’obligation d’assécher les sources de financement du terrorisme. Or cela est une condition nécessaire pour stopper la violence, qui est entretenue par les États qui soutiennent les mercenaires et les terroristes.
Les États-Unis, les monarchies du Golfe, la Turquie, Israël et la France, sont déterminés à faire durer la guerre d’usure, La question qui se pose est celle de savoir qu’elles sont les options d’un État « normal », confronté à une agression de groupes terroristes qui vivent grâce à l’anarchie ? N’est-ce pas la solution militaire ? Est-il possible d’inviter au dialogue le Front al-Nosra, l’État islamique en Irak et au Levant ainsi que des centaines d’autres groupes extrémistes, alors que les vitrines politiques des agents de l’étranger n’ont aucune influence sur eux pour les pousser à rendre les armes ou à respecter un cessez-le-feu ?
L’option militaire pourrait prendre du temps et consommer des moyens, mais c’est la seule façon de permettre à l’État syrien de se redresser. Elle nécessite une unité entre le peuple, l’armée et le commandement, seule base solide pour défendre la souveraineté et l’indépendance nationales. Et s’il existe vraiment une opposition patriotique, elle est invitée à se joindre à l’État dans sa bataille pour la défense de l’existence de la Syrie et de son État.
Déclarations et prises de positions
Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah
« Beaucoup nous donnent l’exemple de la Résistance française qui a déposé les armes à la fin de la guerre. Mais ils oublient que la Résistance française est finie parce que l’ennemi a été défait. Il s’agissait du projet nazi, de Hitler et de ses généraux. La menace a été éliminée et la Résistance n’avait plus lieu d’être. Pour nous, c’est différent. Certes, la Résistance a libéré la terre en 2000, mais l’ennemi est toujours présent. Il continue d’occuper une partie de nos terres et représente une menace pour nos ressources maritimes et pétrolières. Il multiplie les menaces et il espionne et complote, tout en préparant les guerres à venir. Nous est-il donc demandé de laisser la scène libre pour cet ennemi ? En ce jour de la Achoura, nous disons : tant que la raison d’être de la Résistance existe, tant que la menace de l’ennemi persiste, ainsi que ses visées sur nos ressources, la Résistance se poursuivra. La présence de nos combattants en Syrie vise à protéger le Liban, la cause palestinienne et la Syrie, qui a toujours été un appui pour la Résistance, face à l’agression internationale, régionale et takfiriste qui la vise ainsi que la région. En toute franchise, tant que les raisons de notre présence existent, celle-ci se poursuivra. Ceux qui posent comme condition à la formation du gouvernement notre départ de Syrie sont en train de poser une condition rédhibitoire et ils le savent. Tout le monde doit savoir que nous n’échangeons pas la Syrie, le Liban, la cause palestinienne, la Résistance et son axe pour quelques portefeuilles ministériels dans un gouvernement libanais qui ne rassasie pas. Tout le monde sait que nous ne sommes pas des partisans des échanges. Lorsqu’il y a des dangers stratégiques et existentiels qui pèsent sur les peuples, les États et les gouvernements de la région, ils ne peuvent pas être mis en balance avec la participation à un gouvernement au Liban. L’autre camp pose constamment des conditions rédhibitoires. Rappelez-vous lorsqu’ils nous ont demandé d’abandonner nos armes pour qu’ils puissent former un gouvernement avec nous. Ils avaient même dit qu’ils voulaient une promesse et une garantie car ils ne veulent pas participer à un gouvernement qui couvre les armes de la Résistance. Je veux leur dire que nous ne voulons pas de leur couverture, ni pour nos armes, ni pour la Résistance, ni avant, ni maintenant, ni dans le futur. Aujourd’hui, ils disent : nous ne participerons pas à un gouvernement qui couvre votre présence en Syrie, et je leur dis : nous n’avons pas non plus besoin de votre couverture, ni aujourd’hui ni demain. Qu’ils soient donc réalistes et cessent de poser des conditions irréalisables. Essayons plutôt de voir comment nous pouvons traiter nos problèmes au Liban. Le problème des takfiristes est avec tous les musulmans. Preuve en est ce qui se passe en terre musulmane, en Irak, au Pakistan, en Afghanistan, en Somalie, en Tunisie et ailleurs. Cette menace pèse sur tout le monde, musulmans et chrétiens. C’est pourquoi nous devons nous unir pour l’encercler, l’isoler et en finir avec elle (...) Israël est satisfait de ce qui se passe dans le monde arabe car cela lui permet de consolider sa situation dans cette région du fait de son alliance avec certains pays arabes, a déclaré d’emblée le leader du Hezbollah. Mais dans le même temps, Israël est inquiet de l’avenir car nul ne peut présager l’avenir. Israël cherche à pousser la région vers la guerre et ne désire nullement aboutir à la paix. Au cours des derniers mois, Israël a mobilisé toute son influence pour pousser les États-Unis à lancer une agression contre la Syrie, mais il a échoué. Actuellement, à l’heure où des négociations ont lieu entre l’Iran et l’Occident, et à l’heure où un accord est discuté, Israël manifeste sa colère car il désire la guerre. Or les États-Unis ne sont plus en mesure de mener une guerre pour des raisons politiques, économiques et sociales. Le projet d’Israël dans la région est la guerre, le démembrement et la partition de la région. Certains pays arabes se tiennent aux côtés d’Israël dans ses projets de guerre. Ces pays s’opposent fermement à toute entente entre l’Iran et le monde. Or quel est le substitut à cette entente ? Je demande aux peuples saoudien, du Koweït, de Bahreïn, quel est le substitut à une entente entre l’Iran et le monde ? Le substitut est la guerre. Il est déplorable que Netanyahu soit devenu le porte-parole de certains pays arabes. Il est déplorable que certains ministres israéliens aient indiqué que des pays arabes ont transmis à Israël des messages, lui demandant de ne pas céder au sujet du dossier nucléaire iranien. Une démarche similaire avait été entreprise lors de la guerre de juillet 2006. Tous les peuples arabes doivent savoir qui cherche la guerre et la destruction dans la région, et qui cherche, au contraire, des solutions qui préservent les intérêts des peuples de la région. Ces peuples doivent savoir que ceux qui œuvrent en vue de la guerre aboutiront à un échec. En ce qui concerne la situation interne, je voudrais me baser sur la déclaration de John Kerry qu’il a faite en Arabie saoudite. Il a dit que nous ne permettrons pas au Hezbollah de décider de l’avenir du Liban. Que John Kerry ou Obama disent cela, pour nous, cela n’a aucune importance car nous avons déjà entendu de tels propos. Évidemment, ils ne veulent pas parler du Hezbollah en tant que tel mais de ce qu’il représente. Pour eux, les États-Unis ont le droit de décider de l’avenir du Liban, mais ce que le Hezbollah représente n’a pas le droit de définir l’avenir du Liban. Ce qu’a dit Kerry n’est pas nouveau. Depuis de nombreuses années, les États-Unis veulent décider de l’avenir du Liban, mais les résistants, et le Hezbollah fait partie de cette résistance, ont mis en échec ces tentatives. En 2000, ils avaient certains desseins. Condoleezza Rice avait parlé d’un nouveau Moyen-Orient, mais les résistants en ont décidé autrement. La résistance a fait échec à la carte que les États-uniens ont voulu tracer pour le Liban et la région. Nous ne voulons pas éliminer l’autre camp au Liban. Des surenchères fusent ici et là, certes, mais nous ne voulons éliminer personne. Il existe au Liban deux camps, et il n’y a d’autre alternative que le dialogue pour définir l’avenir. La meilleure formule du gouvernement est celle basée sur l’équation 9-9-6. Pourquoi la formation du gouvernement est retardée ? Franchement, parce que l’Arabie saoudite a demandé au 14-Mars de ne pas s’engager sur la voie de la formation du gouvernement car la situation changera en Syrie. Nous avons souligné à ce propos que la situation en Syrie est très complexe et qu’il faut donc dissocier la situation du Liban de la crise en Syrie. Les développements sur le terrain montrent d’ailleurs que la situation évolue dans le sens contraire à ce qu’ils souhaitent. S’ils désirent attendre dans l’espoir d’enregistrer une victoire en Syrie, je leur dis alors qu’ils ne gagneront en aucune façon sur le terrain syrien. Maintenant, et depuis quelques jours, ils disent que des négociations sont en cours sur le dossier nucléaire et ils soulignent que s’il y a accord, le problème du Hezbollah sera alors réglé. Ils s’imaginent que s’il y a accord, l’Iran demandera au Hezbollah de se départir de ses responsabilités nationales et de livrer le pays à l’autre camp. Celui qui connaît l’Iran devrait savoir qu’il s’agit là de balivernes. S’il n’y a pas d’accord, la région se dirigera vers la guerre et les autres devraient alors être plus inquiets que nous. S’il y a accord, notre faction sera dans ce cas plus forte et plus puissante. Nous avons confiance dans nos alliés. Nous avons deux alliés, l’Iran et la Syrie. Est-ce que nos alliés nous ont jamais trahis ou nous ont laissé tomber un jour ? Nous avons confiance dans cette alliance. Quant à vous, combien de fois vos alliés vous ont laissé tomber et vous ont déçus ? Ne perdez pas donc votre temps, et n’attendez ni l’évolution en Syrie ni le dossier nucléaire, car cela serait une perte de temps. Les Libanais devraient prendre la situation en main et ne pas miser sur des changements extérieurs. »
Michel Aoun, leader du Courant patriotique libre
« L’accord de Taëf a entraîné le Liban au fond de l’abîme socio-économique. Cet accord a uniquement redistribué les parts du pouvoir contrôlés par les dirigeants de chaque communauté. Nous devons détruire le mur confessionnel qui mène le pays à la destruction. L’accord de Taëf n’est pas une solution, mais une fraude visant à renforcer l’emprise des étrangers sur le Liban. »
Walid Joumblatt, chef du Parti socialiste progressiste au Liban
« La région glisse petit à petit vers une crise croissante. Le conflit communautaire aigu qui ravage chaque jour l’Irak, la Syrie et d’autres pays est appelé à se prolonger et à s’amplifier en raison d’accumulations historiques, d’une part, et à cause de la profondeur du clivage actuel, d’autre part. L’échec du compromis global entre l’Iran et les États-Unis entraînera la région dans une importante course à l’armement. Il ne fait pas de doute que cette situation profite en premier à Israël. Je suis étonné de l’hésitation arabe à accepter le siège de membre non permanent au Conseil de sécurité de l’Onu. »
Samir Geagea, chef des Forces libanaises
« Actuellement, je ne suis pas candidat à l’élection présidentielle. Lorsque je déciderai de me porter candidat, je le dirai c’est un honneur. Ma candidature sera basée sur un programme et un projet clairs. Le poste de président de la République n’est pas un passe-temps. »
Événements
• L’armée libanaise a arrêté samedi dans la Békaa (Liban-est) cinq hommes armés qui se sont infiltrés au Liban via la frontière avec la Syrie. L’Agence nationale d’information (ANI, officielle) a indiqué qu’il s’agit de quatre Syriens et d’un Algérien.
• Selon le quotidien Al-Akhbar, les habitants de Miniyé, au Liban-Nord, font état du départ d’un groupe de 15 jeunes gens originaires de la ville et de ses environs pour la Syrie, afin de rejoindre les rangs des groupes armés. Ce groupe serait parti pour la Turquie, où il est entré en contact avec des rebelles syriens.
• Selon le quotidien Al-Akhbar indique que Mokhtar Lamani, l’adjoint de l’émissaire international pour la Syrie, Lakhdar Brahimi, a déclaré qu’il était entré en contact avec de nombreux patriotes syriens pour aider à la libération des deux évêques enlevés en Syrie, Youhanna Ibrahim et Boulos Yazigi. Il a indiqué que les deux prélats étaient aux mains d’un groupe évoluant dans l’orbite d’Al-Qaïda. « Les frères syriens qui sont en contact avec les ravisseurs assurent que les deux évêques sont en vie », a-t-il dit, qualifiant d’imprécises les informations selon le sort de l’un d’eux serait incertains. Il a déclaré à ce sujet : « Les intermédiaires ont assuré plus d’une fois qu’ils ont vu les deux évêques en train de se promener dans le jardin de leur lieu de détention. Mais dernièrement, ils n’en ont aperçu qu’un seul. L’un des évêques pourrait être malade, ou il n’est pas sorti pour un raison ou une autre. Quoi qu’il en soit, la publication des informations au sujet des prélats dans les médias a provoqué la rupture du contact entre les médiateurs et les ravisseurs ».
• La Commission parlementaire de l’Information et des Télécommunications, réunie sous la présidence du député Hassan Fadlallah (Hezbollah) a examiné l’affaire de l’espionnage israélien du Liban, à travers l’installation de plusieurs dizaines d’antennes et de pylônes à quelques mètres de la frontière. M. Fadlallah a précisé que depuis 2010, Israël a augmenté le nombre des tours d’espionnage de 21 à 39. Il a même installé des équipements à l’intérieur des frontières libanaises. Les écoutes ne seraient pas que d’une portée politique, mais économique également, menaçant notamment le secret bancaire et la sécurité des entreprises. « Nous avons convenu de présenter une plainte au Conseil de sécurité de l’Onu, a déclaré le député. Il s’agit d’une violation claire de la ligne bleue et de la résolution 1701. Le Liban a des alternatives diplomatiques et techniques. »
• Le quotidien Al-Akhbar rapporte que des services de sécurité échangent des informations selon lesquelles le chanteur en fuite, Fadel Chaker, partisan du cheikh extrémiste Ahmad al-Assir, projette, dans les prochains jours, de quitter le camp palestinien d’Aïn el-Héloué, à l’est de Saïda, pour la Syrie, via les hauteurs de la localité de Ersal. Ensuite, il compte gagner le territoire Turc.
Revue de presse
As-Safir (Quotidien libanais proche du 8-Mars)
(14 novembre 2013)
Ce que reflètent de plus important l’apparition en personne de Hassan Nasrallah, tout comme la teneur de son discours, c’est l’excès de confiance éprouvé par le commandement du Hezbollah quant aux équations valables à l’heure actuelle et à la mise en place desquelles il a participé, ainsi qu’à l’égard de la tournure prise par les développements sur le terrain en Syrie et des transformations internationales et régionales qui se produisent au rythme des négociations en cours entre l’Iran et les puissances occidentales. La participation en direct de Nasrallah au rassemblement à la veille de la marche d’Achoura a donné une force morale à ses partisans et les a mobilisés face aux craintes d’éventuels incidents sécuritaires. Concernant le contenu de l’intervention, elle a traduit la lecture que fait le Hezbollah des rapports de forces sur le terrain en Syrie. Hassan Nasrallah est allé jusqu’à affirmer que l’axe adverse ne sortirait pas vainqueur du conflit syrien.
As-Safir (14 novembre 2013)
Nabil Haitham
Selon les observations d’un diplomate, contrairement à la publicité faite par la présidence de la République, la visite de Michel Sleiman en Arabie saoudite n’a donné aucun résultat politique direct. Par conséquent, elle n’est bénéfique ni pour Sleiman, ni pour le Liban. De plus, ajoute le diplomate, la visite n’a pas été une réussite, de par son timing et ses circonstances. De ce fait, elle n’a servi qu’à faire passer le temps perdu. Sleiman aurait pu ne pas accepter à la hâte l’invitation, estime la source, considérant que le chef de l’État devait plutôt la remettre à plus tard après l’avoir acceptée, en tenant compte du timing qui convenait au Liban ainsi que de ses intérêts. Ce déplacement était en outre provocateur pour une grande partie des Libanais qui s’opposent aux obstacles dressés par l’Arabie saoudite en vue de saboter toute solution de la situation au Liban, dit la même source qui ajoute que la visite était tronquée, faute d’ordre du jour officiel. De plus, le président Michel Sleiman a rencontré des ministres saoudiens en l’absence de leurs homologues libanais. Le même diplomate estime encore que le Liban, la délégation libanaise tout comme le président de la République, ont été rabaissés, la présence de Saad Hariri ayant été imposée lors de ce sommet libano-saoudien.
An-Nahar (Quotidien libanais proche du 14-Mars)
(14 novembre 2013)
Hassan Nasrallah a marqué clairement dans son discours sa position à l’égard des négociations irano-occidentales et de la logique de compromis, une logique qu’il avait pourtant de tout temps rejetée. Le chef du Hezbollah a pris la défense de l’entente irano-occidentale, allant jusqu’à mettre en garde contre le fait que la guerre serait sinon la seule alternative. Hassan Nasrallah a ignoré dans son intervention la visite de Michel Sleiman en Arabie saoudite. En outre, des sources au sein du 14-Mars commentant le discours ont constaté qu’il a évité d’y évoquer la question syrienne. En réaction au discours, le secrétaire général du Courant du Futur. Ahmad Hariri a fait l’analogie entre Karbala et la Syrie, d’une part, Hussein et les enfants, les personnes âgées et les femmes en Syrie, de l’autre.
An-Nahar (13 novembre 2013)
Émile Khoury
Le Hezbollah veut avoir un partenaire qui se pliera à ses diktats, sans quoi pas de gouvernement, pas de Parlement et pas d’élections présidentielles. Quelles sont les raisons qui ont porté le Hezbollah à changer de ton, en passant d’un discours relativement calme et modéré vers un autre provocateur, menaçant de couper les mains et les têtes ? Pour les uns, le Hezbollah craint qu’un deal irano-américain ne soit conclu à ses dépens, ce qui, le cas échéant, lui fera perdre la justification qu’il invoque en vue du maintien de ses armes, grâce auxquelles il a la main haute sur les composantes de la scène locale. Alors que d’autres considèrent que le Hezbollah se perçoit comme étant dans la position du gagnant en Syrie, et estime que tous les paris sur le départ de Bachar al-Assad du pouvoir se sont avérés être perdants. Par conséquent, les rapports de force ont changé sur le plan local et régional en faveur du Hezbollah, faisant de lui une force qui est désormais en mesure de faire pencher la balance dans l’un ou l’autre sens dans le jeu politique interne. De ce fait, ni le gouvernement pourra être formé sans son adhésion, ni une nouvelle loi électorale pourra être adoptée sans son aval, ni même un nouveau président de la République pourra être élu sans son approbation.
Al-Akhbar (Quotidien libanais proche de la Résistance, 14 novembre 2013)
Ibrahim Al-Amin
L’Arabie saoudite a demandé aux États-Unis une nouvelle chance en Syrie. Elle aurait accepté en principe la tenue de la conférence Genève 2, mais à condition qu’elle n’ait pas lieu dans un proche avenir, et ce dans l’objectif de pouvoir gagner du temps pour entreprendre une action militaire d’envergure sur le terrain en Syrie afin de changer la balance des forces en amont des négociations de Genève.
Voici quelques mois, l’Arabie saoudite a pris les choses en main. Mais le programme de Bandar Bin Sultan ne s’arrête pas à ce stade. Après des contacts menés auprès des services de renseignement états-uniens, britanniques et français, et bénéficiant directement de l’aide apportée par la Jordanie et des Émirats arabes unis, Bandar Ben Sultan a constaté que pour parvenir à une solution il faudra entreprendre plusieurs démarches.
Une décision a été prise d’en finir avec l’Armée syrienne libre et de la remplacer par une « armée nationale ». La France a considéré que le général Manaf Tlass, qui avait fui la Syrie, serait le meilleur candidat pour la prise en charge du commandement de cette armée. L’Arabie saoudite n’aurait pas rejeté la proposition, misant sur les réactions fermes de la part des groupes armés sur le terrain à cet égard. Le prince Bandar se serait engagé auprès des États-uniens et des Occidentaux à encercler les forces se réclamant d’Al-Qaïda. En contrepartie, on lui aurait garanti de pas se débarrasser des groupes relevant des Frères musulmans. En outre, le roi jordanien Abdallah aurait approuvé la demande de Bandar Ben Sultan de mettre en place des camps d’entraînement à la frontière syro-jordanienne. De plus, Bandar aurait tenté en coopération avec les États-uniens et les Français (dont les commandements deviennent de plus en plus rancuniers et stupides), de mettre sur pied une armée forte de 30 000 combattants, dont certains éléments seraient issus de l’armée islamique qui est rattachée au Front al-Nosra. Il a justifié sa demande auprès des Occidentaux en affirmant qu’ils sont salafistes mais ne font pas partie d’Al-Qaïda. Bandar et ses acolytes tentent de changer la donne au Liban, de sorte à pouvoir assurer une continuité territoriale entre certaines régions libanaises et certaines régions en Syrie. Il essaie de commettre des crimes qui vont au-delà des attentats et d’assassinat entrepris contre les adversaires de ses alliés. Il tente de porter les habitants de Jabal Mohsen à émigrer, à intimider les chrétiens et à pousser les chiites résidant à Tripoli à quitter la ville le plus tôt possible.
Il semble que la folie saoudienne est à son apogée ou alors à un stade avancé, et il semble que certaines forces au Liban et certains Libanais plongent dans un brouillard, pour ne pas dire plus, un brouillard qui les pousse à se plier complètement à l’agenda de cette folie.
Al-Akhbar (13 novembre 2013)
Le président Michel Sleiman affirme qu’il ne souhaitait pas se rendre en Arabie saoudite en cette période critique. Mais comment cette période n’est-elle pas critique, alors que quelques jours à peine se sont écoulés depuis les déclarations incendiaires de John Kerry à partir du sol saoudien contre le Hezbollah ? Comment n’était-elle pas critique alors que deux des principaux protagonistes du conflit syrien, le président Bachar al-Assad et le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, ont lancé récemment des attaques successives contre l’Arabie saoudite, sa politique et ses ingérences ? Comment n’est-elle pas critique alors que Damas perçoit l’ancien Premier ministre, Saad Hariri, comme faisant partie de ceux qui sont responsables de l’effusion de sang en Syrie ?
Toutefois, Sleiman s’est aventuré et s’est rendu en Arabie saoudite. Il n’a plus rien à perdre. Lui-même a déclaré son refus de la prorogation de son mandat. Il réalise l’impossibilité de la prorogation malgré le fait qu’il souhaite toujours que son mandat soit renouvelé. Mais il sait aussi et surtout que Damas et ses alliés lui attribuent grandement la responsabilité de l’absence de contrôle à la frontière avec la Syrie.
Concernant la rencontre qui a eu lieu entre le député Talal Arslane et Walid Joumblatt, qui était alors accompagné du général de l’armée syrienne, Faraj al-Mokt, un responsable syrien a affirmé : « Nous savons qu’al-Mokt n’a pas fait défection, mais qu’il a été enlevé. Nous savons les sommes d’argent qui ont été versées, lorsque Joumblatt contribuait à la bataille visant à faire tomber l’État syrien. Comment un homme qui a été enlevé pourrait-il être considéré comme ayant fait défection ».
La Syrie et ses alliés pensent que Riyad se prépare à une escalade militaire en Syrie, même s’il pourrait se trouver dans l’obligation, en raison des pressions états-uniennes et internationales, d’accepter la tenue de Genève 2.
Un responsable proche du commandement syrien se demande si « le président Sleiman est tombé dans le piège du front saoudien sans le savoir. Mais, il y a aussi possibilité qu’il soit conscient de ce qu’il fait et qu’il soit toujours soumis aux pressions internationales exercées sur le Liban ».
Al-Akhbar (12 novembre 2013)
Nicolas Nassif
Le Premier ministre désigné, Tammam Salam, assure que la visite du président de la République, Michel Sleiman, en Arabie saoudite aura des répercussions positives, quels que soient ses résultats. « Il n y a pas d’inconvénients à cette visite, au contraire il y a des avantages, dit-il. La formation du gouvernement est une question interne liée à des considérations externes, du fait que les forces politiques locales sont influencées par tel ou tel État. Le 8-Mars affirme que le 14-Mars est influencé par l’Arabie saoudite et le 14-Mars accuse le 8-Mars d’être sous influence iranienne. »
Et M. Salam de poursuivre : « Les tensions régionales ne facilitent pas la formation du gouvernement. La tension entre les parties locales n’est que le prolongement des crispations régionales. Nous entendons des propos sur une éclaircie irano-américaine. Mais il ne s’agit que de paroles. La tenue de la conférence de Genève II reste incertaine, alors que c’est une échéance cruciale. Elle va de report en report. Il n’y a pas de baguette magique. Pour l’heure, personne ne connait les détails ni le contenu de l’accord russo-américain sur les dossiers d’intérêts communs, comme la crise syrienne et le nucléaire iranien. »
Revenant à la question du gouvernement libanais, M. Salam affirme : « Je ne suis pas inconscient ou aventurier. Je n’imposerais pas un gouvernement de défi car je refuse de plonger le pays dans de nouvelles confrontations et conflits. Je tiens à éliminer les appréhensions de certaines forces politiques, qui compliquent le processus de formation (…) Tout nouveau gouvernement doit aller au Parlement. Mais je ne suis pas disposé à former un cabinet mort-né, qui tomberait dès sa naissance. Très récemment, Walid Joumblatt a annoncé qu’il retirerait ses ministres d’un gouvernement des 3x8, ce qui signifie que le cabinet serait mort-né. Les ministres chiites pourraient aussi se retirer ainsi que les représentants d’autres communautés ou partis politiques. Et cela, je ne le souhaite pas. Je ne peux pas former un gouvernement qui ne soit pas compatible avec le pacte national. Un gouvernement mort-né est un défi pour le pays. Nous avons besoin d’une équipe qui nous mettrait sur le chemin de la solution et qui provoquerait une décrispation et non pas de nouvelles crises et complications ».
Al-Joumhouria (Quotidien proche du14-Mars)
(14 novembre 2013)
Des sources haut placées ont indiqué que la ville de Tripoli s’est transformée en foyer pour les groupes armées extrémistes et en caisse de résonance régionale à cause des surenchères internes et des graves dissensions politiques et sectaires.
« Alors que la région semble se diriger vers des compromis et des arrangements, dont les répercussions commencent à apparaitre en Syrie, certains veulent trouver des substituts « jihadistes » au terrain syrien, en transportant le conflit au Liban, ont ajouté ces sources. Cela nécessite une épuration politique et peut-être même sectaire, qui éliminerait les adversaires et viderait le chef-lieu du Liban-Nord de toute opinion divergente. »
Et la source de poursuivre : « L’objectif est de vider Tripoli des alliés de la Syrie et de la Résistance et de préparer le terrain à la transformation du Liban-Nord en base stable et point d’appui pour les groupes extrémistes. Dans ce contexte, des dizaines d’hommes armés étrangers, qui ont fui la Syrie, sont entrés au Nord et ont intégré des cellules combattantes qui existent déjà dans cette région ».
Le nombre de combattants étrangers est appelé à augmenter et pourrait atteindre des centaines, voire des milliers si l’armée syrienne continue ses opérations militaires à un rythme aussi soutenu, poursuivent les sources. Les rapports occidentaux parlent de 100 000 étrangers combattant le régime en Syrie. « Où vont se réfugier ces hommes devant la progression de l’armée syrienne. Ils ont quatre destinations : la Turquie, l’Irak, la Jordanie et Israël. Ce dernier pays est le maillon le plus faible. La Turquie n’acceptera pas le retour de ces jihadistes sur son sol. La Jordanie a commencé à coopérer avec Damas dans la lutte contre les cellules terroristes. L’Irak a pris des mesures à sa frontière. Ils ne leur reste donc que le Liban-Nord. »
Ces sources soulignent que le fait de transformer le Liban en champ de bataille va « détruire la formule, l’État et l’entité. » « La radicalisation de certains États, qui refusent de reconnaitre leur défaite, les pousse vers une sorte d’absurdité politique. Aux yeux de certains, le Liban est le ventre mou et certains libanais sont dangereusement impliqués dans ce jeu », poursuivent ces sources avant de conclure : « La Résistance se défendra et défendra ses alliés, exactement comme elle l’a fait en Syrie. Mais c’est tout le Liban qui paiera le prix, qui sera encore plus élevé que celui qu’il a payé en 1975 ».
Al-Hayat (Quotidien à capitaux saoudiens, 15 novembre 2013)
Le bras de fer politique au Liban au sujet de la formation du gouvernement s’est exacerbé au point de compliquer davantage la naissance du Cabinet. La polémique a en effet culminé, opposant directement le secrétaire général du Hezbollah au chef du Courant du Futur. Cette polémique s’était enclenchée avant-hier, lorsque Nasrallah a martelé que la présence des combattants du Hezbollah sur le sol syrien avait pour objectif de défendre le Liban, la Syrie et la Palestine contre la menace du danger takfiriste. Il a également accusé le Royaume d’Arabie saoudite de retarder la mise en place d’un gouvernement au Liban
Nasrallah a riposté à Hariri en indiquant que « celui qui évoque notre retrait de Syrie et en fait une condition sine qua non à la formation du gouvernement libanais pose ainsi une condition rédhibitoire. Nous refusons de troquer l’existence de la Syrie, du Liban, de la cause palestinienne et de la résistance contre certains portefeuilles ministériels. Nous refusons tout troc lorsqu’il existe des dangers stratégiques et existentiels qui menacent les peuples, les États et les gouvernements de la région. »
Pour la deuxième journée consécutive, Hassan Nasrallah est apparu en personne devant la foule rassemblée à l’occasion de la Achoura, pour rappeler « l’attachement à la résistance, à ses moyens et à ses armes ». Il a également souligné l’importance de l’unité nationale et du vivre ensemble au Liban, préconisant les retrouvailles et l’ouverture en dépit des divisions et des différends.
Cette prise de position de Nasrallah a entraîné une réaction de Saad Hariri : « En ce qui nous concerne, nous assurons que nous ne fournirons au Hezbollah aucune forme de légitimité nationale au bénéfice de ses politiques irréfléchies qui propulsent le Liban dans les affres des tempêtes régionales. Le Hezbollah peut se croire plus fort que le Liban, les Libanais, le peuple syrien et sa révolution en invoquant la puissance de l’Iran, son argent et ses armes, mais il ne pourra jamais imposer aux Libanais de conditions en vue de la participation à la vie politique ».
« Le Secrétaire général du Hezbollah a réitéré ce qui ne faisait déjà aucun doute. Il a redit son engagement à participer à la guerre en Syrie et à déroger au consensus national au sujet de la Déclaration de Baabda », a-t-il également déclaré. Avant d’ajouter : « Le Hezbollah a choisi de sacrifier la souveraineté, la dignité et l’unité nationale du Liban pour les beaux yeux du régime de Bachar al-Assad et pour se conformer à la décision du commandement iranien de protéger ce régime –un choix qui sera sans doute maudit par l’Histoire ».
L’Orient-Le Jour (Quotidien libanais francophone proche du 14-Mars)
Scarlett Haddad, (16 novembre 2013)
C’est presque un cri du cœur que le président de la Chambre Nabih Berry lance aux Libanais à travers le conseil de l’ordre des rédacteurs. À une semaine de la fête de l’Indépendance, ce politicien hors pair, toujours prêt à imaginer des sorties de crise, est en quelque sorte en dépôt de bilan. Avec une certaine amertume et beaucoup de tristesse, il déclare : « J’ai malheureusement désormais la certitude que les initiatives internes ne servent plus à rien. Il faut maintenant agir de l’extérieur. Cela signifie hélas que les Libanais ne sont pas en mesure de se gouverner. Ils ont besoin pour cela de l’aide de leurs amis, qui, avec le printemps arabe, sont devenus très rares. »
Berry revient sur la proposition qu’il avait lancée le 31 août dernier d’organiser une sorte de conclave de 5 jours pour les participants à la conférence de dialogue, au cours duquel ils discuteront en toute franchise et inlassablement des sujets conflictuels pour aboutir à dessiner les contours et la forme du nouveau gouvernement. Berry ne comprend pas pourquoi cette proposition avait été rejetée. Il avait d’ailleurs été attaqué sous prétexte qu’un tel conclave serait une atteinte aux prérogatives du chef de l’État et du Premier ministre qui ont, seuls, le pouvoir de former le gouvernement. Il répète aujourd’hui que tel n’est pas son propos. En discutant ensemble à huis clos, les participants au conclave pourront préciser les contours du gouvernement, sans entrer dans les détails. Mais il reconnaît que, hélas, aujourd’hui, nul ne veut dialoguer.
Berry insiste sur le fait que désormais, tout se passe à l’extérieur du Liban puisque, ici, nous avons un gouvernement chargé de l’expédition des affaires courantes, un Premier ministre désigné, un Parlement paralysé, une conférence de dialogue bloquée et bientôt une échéance présidentielle dont on ne sait pas quel sort lui sera réservé.
Berry ajoute qu’il a fait de multiples propositions qui pourraient constituer des sorties de crise. « Malheureusement, dit-il, la décision était toujours de répondre par la négative. »
Qui est en train de fermer toutes les portes et les fenêtres ? « Le refus vient à la fois de l’intérieur et de l’extérieur, répond Berry. Dans une situation aussi délicate, il n’est plus nécessaire d’adopter un langage diplomatique. Je le dis en toute franchise, il n’est plus permis de garder la situation telle quelle... » Le président de la Chambre rappelle qu’on est à la veille de la fête de l’Indépendance et il se demande : « Comment pourrons-nous célébrer cette fête alors que nous refusons de nous asseoir les uns avec les autres et de nous parler ? Il nous est interdit de le faire. Dans ce cas, où est l’indépendance ? La fête consiste-t-elle seulement à assister à un défilé militaire ou bien y a-t-il un esprit en commun, une signification à cette fête qui touche les institutions de l’État et l’avenir commun entre les Libanais ? Nous affirmons vouloir la démocratie, mais celle-ci consiste-t-elle à fermer le Parlement, à ne pas appliquer la Constitution, ou à l’appliquer à la carte ? Il nous est interdit de former un gouvernement et il est interdit au Premier ministre désigné de s’excuser. Nous attachons des espoirs sur une visite et c’est le contraire qui se passe. Jusqu’à quand cela peut-il durer ? » s’écrie Berry, dans une sorte de réflexion à haute voix.
À la question de savoir quel est le rôle de l’Arabie saoudite dans le blocage actuel des institutions, Berry répond : « Il est contraire à ses habitudes. Je n’en dirai pas plus. »
Le président de la Chambre ne cache pas son inquiétude face au blocage actuel en se demandant : « Où va le pays si nous continuons ainsi ? » Il rappelle qu’il a tout tenté pour arrondir les angles et faire des propositions, mais tout est rejeté. Pourtant, il estime qu’il serait bon de s’asseoir ensemble et de définir les sujets de conflits pour tenter de trouver des terrains d’entente. Il ajoute : « À ma connaissance, je n’ai pas d’ennemi au Liban. Nous pouvons être en conflit, avoir des divergences, mais aucun Libanais n’est l’ennemi de l’autre. Si un adversaire politique a un problème, je me tiendrai à ses côtés. C’est cela le Liban que j’ai connu et pour lequel je travaille. Mais on dirait qu’aujourd’hui, les choses sont en train de changer », dit-il.
Il revient sur la fameuse équation « Syrie-Arabie saoudite », qui, à un moment donné, était très utile pour le Liban. Mais aujourd’hui, elle n’existe plus. Faudrait-il la remplacer par l’équation « Iran-Arabie saoudite » ? Berry se contente de déclarer qu’un dialogue entre l’Arabie et l’Iran serait profitable pour les Arabes et pour les musulmans. D’autant que ce qui est grave, à ses yeux, c’est qu’on cherche à créer aux Arabes et aux musulmans un ennemi de l’intérieur pour remplacer celui qui les a toujours rassemblés, Israël.
Revenant aux questions internes, Berry estime que la visite du président de la République en Arabie devait avoir lieu, et c’est une bonne chose. Toutefois, les résultats de cette visite sont très vite apparus à travers les déclarations qui l’ont suivie, précise Berry qui refuse de commenter la présence de cheikh Saad Hariri à la rencontre du président Sleiman avec le roi Abdallah. Il se contente de dire que sur le plan gouvernemental, les Saoudiens ont la possibilité de faciliter les choses. Mais concernant le dialogue, la décision d’y participer appartient aux Libanais seuls. Il ajoute qu’un pays sans gouvernement, c’est comme une société sans conseil d’administration, elle ne peut pas fonctionner comme elle le devrait. Il rappelle aussi que c’est bien lui qui avait imaginé la formule de « 9, 9, 6 » dans l’espoir de trouver une issue au blocage. Mais elle a été immédiatement rejetée par le 14 Mars, alors qu’elle est équitable.
Au sujet de son dernier entretien avec le Premier ministre démissionnaire, Nagib Mikati, Berry a déclaré l’avoir informé de l’accord de son bloc à la tenue d’une réunion du Conseil des ministres consacrée au dossier du pétrole. S’il est vrai que la Constitution donne une interprétation étroite de l’expédition des affaires courantes, Berry explique que dans une étude sur le sujet qui est quasiment une référence, Abdo Oueidate avait établi une distinction entre les affaires banales, et celles qui exigent des décisions et qui portent sur les sujets qui touchent à la sécurité de l’État, à une agression contre lui, etc. Selon lui, le dossier du pétrole – surtout avec le fait qu’Israël est en train de faire des prospections à 3 km des eaux territoriales libanaises et, par conséquent, il peut pomper nos ressources avec les nouveaux moyens techniques – fait donc partie des agressions contre l’État qui méritent la tenue d’un Conseil des ministres. Mais Mikati continue de refuser... Concernant l’espionnage israélien du Liban, l’affaire est plus simple, et Berry compte demander une réunion des commissions parlementaires conjointes pour convoquer les ambassadeurs de l’UE et ceux des pays membres du Conseil de sécurité.
Au sujet de la sécurité, Berry déclare qu’il ne craint pas une explosion généralisée car « toutes les parties sont d’accord pour refuser de revenir à 1958 ou à 1975 ». Mais il dit aussi : « Il ne faut pas crucifier le Liban sur la croix syrienne... »
Al-Anbaa (Quotidien koweitien, 11 novembre 2013)
Ahmad Abdallah
L’ancien officier des services de renseignement états-uniens, Jeffrey White, a estimé que les enjeux dépassent la simple tenue de la conférence de Genève II et concernent ceux qui possèdent des cartes capables d’avoir une influence sur les protagonistes. « Au sein du régime, il y a une harmonie au niveau des positions radicales, explique M. White, qui est aujourd’hui chercheur à l’Institut de Washington pour les études proche-orientales (WINEP). En revanche, la situation ne semble pas encourageante au niveau de l’opposition. Les forces modérées chez les rebelles armés subissent une érosion rapide en raison de leurs dissensions et de leur incapacité à faire face aux extrémistes du Front al-Nosra, de l’État islamique en Irak et au Levant et de Ahrar al-Cham. L’Armée syrienne libre (ASL) est victime d’une érosion rapide au niveau de sa base et de son influence ».
Et le chercheur de poursuivre : « Dans les régions autour d’Alep, les capacités de l’ASL à affronter les troupes du régime se réduisent. Dans la province de Raqqa, l’ASL a perdu la plupart de ses positions au détriment des extrémistes. L’Armée libre a par ailleurs évacué Hassaké, après la montée du sentiment kurde et la volonté de ces derniers de prendre en main leur destinée. Dans de nombreuses autres positions, les capacités de l’ASL se réduisent rapidement. Et lorsque nous parlons de négociations, nous devons d’abord comprendre et définir le cadre général de ce processus ».
Par cadre général, M. White explique : « Le poids de chaque partie qui s’assoie à la table des négociations est défini par son influence sur le terrain. » « De plus, la conférence de Genève II exclu les groupes extrémistes. Il est donc tout naturel de se poser la question de savoir ce que l’ALS peut apporter à la table des négociations. Ou plutôt sur sa capacité à influer sur le cours des événements de manière à ce qu’elle soit habilitée à devenir partie prenante de tout accord et à ce qu’elle soit en mesure de respecter ses engagements ».
Selon M. White, qui a servi 34 ans dans les services de renseignement militaire, l’évolution générale n’est pas dans l’intérêt de l’ASL. « Les rapports de forces sont d’une certain manière en faveur du régime, dit-il. L’armée syrienne a lancé une contre-offensive dans le Nord et elle a enregistré quelques succès. Il y a des dissensions dans les rangs des rebelles qui dégénèrent, parfois, en combats, comme nous l’avons vu à plusieurs reprises. Il y a ensuite le rôle actif de la Russie qui soutient le régime syrien, alors que la stratégie américaine était caractérisée, ces deux dernières années, par la confusion. Tous ces facteurs sont en défaveur de l’opposition », conclut-il.
The Guardian (Quotidien britannique, 13 novembre 2013)
Francesca Borri
Depuis la montée de la résistance islamiste, des parties de la Syrie sont devenus inaccessibles pour les journalistes. Trente d’entre nous sont portés disparus. Aujourd’hui, mon casque est un voile, et mon gilet pare-balles est mon hijab. Parce que la seule façon de se faufiler dans Alep est d’avoir l’air d’une syrienne. Les habitants ici ne se réfèrent plus à des « zones libérées », mais à l’est et à l’ouest d’Alep -ils ne vous montrent plus des photos de leurs enfants, ou des frères et sœurs tués par le régime, mais tout simplement les photos de la magnifique Alep d’avant la guerre. Car personne ne se bat plus contre le régime. Les rebelles se battent désormais entre eux. Et pour beaucoup d’entre eux, la priorité n’est pas d’évincer le régime de Bachar al-Assad , mais d’appliquer la charia.
Alep n’est plus que faim et islam. Des dizaines d’enfants usés, défigurés par la leishmaniose, marchent pieds nus dans les pas de leurs mères, couvertes de noir de la tête aux pieds, un bol à la main, cherchant un peu de pain devant une mosquée, la peau jaunie par le typhus. Dans les ruelles étroites, pour esquiver les tirs de mortier, les garçons sont sur la droite avec leurs kalachnikovs en jouet, tandis que la gauche est pour les filles, déjà voilées. En juillet, Mohammad Kattaa, 15 ans, a été exécuté pour avoir utilisé abusivement le nom du prophète.
Il n’y a plus que les Syriens maintenant pour nous dire ce qui se passe. Ils travaillent pour les grands médias et contribuent à des articles écrits à partir de New York, Paris et Rome. Ils sont les célèbres citoyens-journalistes, glorifiés par ceux qui n’auraient probablement jamais confiance en un citoyen-dentiste. Et les résultats sont similaires à ceux d’Elizabeth O’Bagy, l’analyste cité par John Kerry lors de l’affaire de l’attaque chimique. En fait, elle venait de publier dans le Wall Street Journal un article qui vous fait essentiellement croire que les rebelles sont tous de bons gars : les radicaux, ici, ne sont qu’une poignée -parce que le problème pour les États-Unis est qu’Assad pourrait être remplacé par Al-Qaida. Quelques jours plus tard, alors que Human Rights Watch faisait état de preuves accusant les rebelles de crimes de guerre contre les minorités, il est apparu que O’Bagy était sur la payroll d’un lobby syrien, dont le but était de faire pression sur l’administration Obama pour le pousser à intervenir en Syrie.
Ce n’est pas que la guerre soit devenue plus dangereuse. Dès le début nous étions avec les rebelles et les rebelles étaient ceux qui se battaient pour la liberté. Et nous autre, journalistes, étions ceux qui étaient les témoins pour le monde des crimes d’Assad. Mais nous avons brusquement réalisé (…) que nous sommes également là pour témoigner des crimes des rebelles.
Rossiïkaïa gazeta (Quotidien russe, 14 novembre 2013)
La visite conjointe en Égypte des ministres russes des Affaires étrangères et de la Défense, Sergueï Lavrov et Sergueï Choïgou, pour rencontrer leurs homologues égyptiens en format 2+2 n’est pas la percée d’un blocus car il n’en existe aucun à l’égard de l’Égypte. Il est ici question du retour de Moscou sur le marché égyptien et notamment de la coopération militaro-technique.
Les accords pour la livraison d’armes russes au Caire, s’ils étaient signés, seraient les premiers depuis 1972, date à laquelle les militaires soviétiques avaient quitté le pays sur ordre du président Anouar el-Sadate.
La signature de contrats pour les fournitures d’armes en Égypte au cours des entretiens actuels de Lavrov et Choïgou est peu probable. Il sera plutôt question de préparer des accords-cadres qui rendront ces livraisons possibles à terme.
Néanmoins la première rencontre des ministres en format 2+2 en Égypte a une importance psychologique pour le Caire. Elle apporte une plus grande conviction et légitimité au gouvernement égyptien formé après le renversement du régime des Frères musulmans.
La Russie espère que ce pays se relèvera après la vague de révolutions et les problèmes intérieurs qui ont suivis, et qu’il jouera à nouveau un rôle de leader dans les organisations régionales internationales, contrairement à ces dernières années. Le ministre Sergueï Lavrov invitera également son homologue à participer plus activement au règlement de la crise en Syrie. Au final, cette visite des ministres russes au Caire est surtout un « encouragement à agir » sur l’arène internationale adressé aux autorités égyptiennes.
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