Depuis quelque temps la Russie connaît une métamorphose. Cette année elle préside au G8 et Saint-Pétersbourg s’apprête à accueillir un sommet des leaders de cette organisation. Dans le même temps elle avance une conception très ambitieuse de la sécurité énergétique dans le monde. Or, il n’y a pas tellement longtemps il lui fallait surmonter les conséquences de l’abandon du système d’économie planifiée qui avaient eu pour corollaire une régression sensible de l’économie russe.
Toutefois, ces dernières années la Russie s’est dotée des institutions de l’économie de marché et a dépassé la période de stabilisation. La stabilité macroéconomique et politique s’est instaurée dans le pays. Les réformes de marché ont mis en place l’assise qui a permis une relance de l’économie. Et peu à peu le PIB en Russie s’est mis à progresser à un taux plus rapide qu’au sein de l’Union européenne (UE) et aux Etats-Unis.
Selon l’Institut de l’économie mondiale et des relations internationales relevant de l’Académie des sciences de Russie, en 1999-2005 le PIB russe a progressé de 57%, soit en moyenne de 6,6% l’an. A titre d’exemple, au cours de cette période la croissance annuelle moyenne de l’économie mondiale s’est chiffrée à 3%.
En 2005, le PIB a progressé de 6,4% par rapport à l’année précédente. La production industrielle s’est accrue de 4%, les investissements dans les fonds fixes ont augmenté de 10,5%. La situation financière du pays continue de s’améliorer. Le Fonds de stabilisation (environ 60 milliards de dollars) et les réserves de changes (plus de 200 milliards de dollars) en hausse régulière mettraient à l’abri de secousses financières en cas de brusque détérioration de la conjoncture sur les marchés mondiaux où les produits russes sont exportés. Pour les réserves de change, la Russie occupe désormais la quatrième place dans le monde derrière la Chine, le Japon et Taiwan.
Le niveau de vie des Russes s’élève régulièrement, surtout dans les grandes villes. D’après Rosstat (Service fédéral des statistiques) en 2005 les revenus réels des Russes ont augmenté de 8,8% par rapport à 2004. L’année dernière le chiffre d’affaires du commerce de détail a progressé de 12%. Les dépôts bancaires et le crédit à la consommation eux aussi sont en hausse de 13,2 et 57,5% respectivement.
Le climat d’investissement en Russie s’améliore peu à peu, les sociétés étrangères sont de plus en plus nombreuses à s’implanter sur le marché russe. Dans le classement A.T. Kearney FDI Confidence Index 2005 des pays les plus attractifs sur le plan des investissements la Russie s’est hissée à la sixième place, devancée seulement par la Chine, les Etats-Unis, l’Inde et la Pologne (elle était onzième dans l’Index FDI publié en mars 2005).
Le marché russe des valeurs lui aussi se développe : en 2005, l’index RTS a progressé de près de deux fois, ce qui le place en tête dans le monde pour le taux de croissance. Les sociétés russes sont de plus en plus nombreuses à se faire une niche sur les places boursières internationales. Grâce aux introductions en bourse en 2005 les sociétés russes ont engrangé environ 5 milliards de dollars.
Pour l’investisseur global, l’économie russe est une économie connaissant un essor incroyable, estime le directeur du Service fédéral des marchés financiers, Oleg Viouguine. Auparavant la valeur des sociétés russes, surtout celle des "jetons bleus" (valeurs refuge), était considérablement sous-évaluée. Et cela pour des raisons diverses : incertitude de l’investisseur quant à la protection de son droit de propriété sur les actifs russes, incertitude aussi en ce qui concerne la politique stratégique. Cependant, depuis le début de 2005 ces risques sont suffisamment prévisibles et maintenant les investisseurs étrangers n’hésitent plus à acquérir des actifs onéreux en Russie, indique Oleg Viouguine.
L’élévation régulière de la note de crédit jusqu’à la catégorie "investissement" (selon le classement des plus grandes agences de notation internationales) ainsi que l’octroi à la Russie du statut de pays à économie de marché par l’Union européenne et les Etats-Unis, attestent le développement socio-économique heureux du pays ces dernières années.
D’un autre côté, bien que la hausse des prix en Russie ralentisse, l’inflation reste une sérieuse source de préoccupation pour les autorités. Selon Rosstat, en 2005 l’inflation s’est chiffrée à 10,9% alors qu’elle avait été de 11,7% l’année précédente. Néanmoins le chiffre prévisionnel de 8,5% pour 2005 n’a pas été atteint. Certains experts, parmi lesquels le président de la Chambre de commerce et d’industrie de Russie, Evgueni Primakov, estiment que cette inflation assez élevée a pour origine première la fixation commerciale des prix au niveau des monopoles naturels, sectoriels et locaux. La différenciation des revenus reste élevée elle aussi. L’écart entre les revenus des personnes les plus riches et ceux des couches les plus pauvres de la population était toujours de 15:1 en 2005.
Dans une grande mesure l’essor rapide de l’économie russe est dû à la conjoncture favorable sur le marché mondial des combustibles et des matières premières. Consécutivement à la poussée accélérée de l’économie mondiale, en premier lieu à la demande toujours plus grande de matières premières dans les pays asiatiques, ces derniers temps les prix du pétrole sur le marché mondiale ont grimpé en flèche. D’après des chiffres fournis par le ministère russe du Développement économique et du Commerce, le prix du brut Urals en janvier dernier avait augmenté de 48,3% par rapport à janvier 2005 et était de 59,4 dollars le baril. Mais en mars-avril 2006 le baril d’Urals coûtait déjà 60,9 dollars.
En raison de la corrélation étroite entre les revenus du secteur énergétique russe et les recettes budgétaires, l’économie russe est confrontée à un problème sensible, à savoir celui de l’utilisation du Fonds de stabilisation. Pendant longtemps personne ne s’était soucié de son règlement. D’aucuns pensaient que cette masse d’argent qui s’était accumulée devait être mise au service du développement à long terme de l’économie et par conséquent être investie en Russie. Cependant, certains ont rétorqué que cela doperait l’inflation déjà conséquente. En dernière analyse, à la fin du mois d’avril dernier les autorités russes ont décidé soit d’investir les moyens du Fonds de stabilisation dans des devises étrangères (dollars américains, euros et livres sterling), soit d’acquérir des créances de 14 Etats étrangers développés.
Certains experts pensent que ces mesures manquent d’efficacité étant donné que le rendement moyen des obligations publiques est nettement inférieur à celui des actions de corporations étrangères privées. Cependant, le ministère russe des Finances n’a toujours pas donné son feu vert pour investir les moyens du Fonds de stabilisation dans des actions étant donné que ce sont là les actifs les plus hasardeux.
Si dans l’ensemble l’économie russe a enregistré des succès économiques incontestables, la croissance industrielle a connu un ralentissement, ce qu’attestent les chiffres suivants : 7,3% en 2003, 7,2% en 2004, 6,4% en 2005. Il est devenu évident que la croissance économique ne pourrait plus être assurée par des prix pétroliers élevés. L’année passée les sociétés russes ont sensiblement réduit leur activité en matière d’extraction d’hydrocarbures. Selon le ministère du Développement économique et du Commerce, si dans les années à venir on ne réduit pas la dépendance du pays vis-à-vis des exportations de produits énergétiques, l’économie russe ne sera pas en mesure d’obtenir une croissance du PIB supérieure à 4-5% l’an, même si les prix restent à un niveau élevé sur le marché mondial du pétrole.
Présentement la Russie est confrontée à un problème majeur, celui de la qualité de la croissance et de la modernisation de l’économie. Aussi les autorités estiment-elles nécessaire de passer au développement d’innovation. Pour Andreï Charonov, vice-ministre du Développement économique et du Commerce, il faut maintenant réaliser des réformes institutionnelles, améliorer considérablement la qualité du capital humain et aussi matérialiser tout un train de projets stratégiques de développement bénéficiant du soutien organisationnel et financier actif de l’Etat.
Les quatre projets nationaux prioritaires - santé, éducation, logement et agriculture - qui ont été lancés en automne dernier visent le développement du capital humain. Plus de 6 milliards de dollars ont été assignés pour leur réalisation. Ces projets ne manqueront pas d’affermir le volet social de l’économie.
Si jusqu’ici les autorités russes cherchaient à éviter une implication directe de l’Etat dans la réalisation de projets d’affaires, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Désormais des institutions publiques ont été mises en place pour participer à des projets ponctuels d’investissement. Ainsi les zones économiques spéciales (ZES) et aussi le Fonds d’investissement.
Quatre zones d’innovations technologiques et deux zones de production industrielle figurent déjà sur la carte de Russie. 8 milliards de roubles (280 millions de dollars) sont inscrits au budget fédéral 2006 pour la création de l’infrastructure de ces ZES. Une somme équivalente sera allouée par les budgets des entités de la Fédération et des municipalités. La loi prévoit pour les résidents des ZES plusieurs avantages douaniers et fiscaux. Ces zones devraient être opérationnelles fin 2007-début 2008.
La mission essentielle du Fonds d’investissement institué en 2005 sera de concourir à la réalisation de grands projets d’investissement d’intérêt fédéral. Ces projets seront matérialisés par cofinancement avec le secteur privé et près de 2,5 milliards de dollars seront alloués à ces fins en 2006. Enfin, le programme de développement social et économique entériné par le gouvernement russe prévoit divers projets et mesures qui devraient placer l’économie russe sur les rails de la modernisation à long terme. Son but principal est d’améliorer le bien-être de la population et de faire reculer la pauvreté grâce à une croissance économique dynamique et une plus grande compétitivité du pays.
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