Ainsi que le prévoyaient unanimement les analystes militaires, la KFOR n’est pas en mesure de garantir l’ordre public au Kosovo. Le comportement des troupes américaines sur place laisse à penser que les États-Unis, n’ayant pas l’intention d’immobiliser massivement leurs troupes, ont abandonné l’idée d’un Kosovo multiethnique. Dès lors, l’indépendance d’un Kosovo ethniquement purifié n’est plus qu’une question de temps.
Dans cette perspective, l’UÇK semble déjà assurée de détenir le pouvoir. Dans les secteurs anglo-saxons, l’Armée de libération procède à la confiscation des commerces détenus par des serbophones et les confie à ses ex-soldats. Déjà la quasi totalité des Roms ont quitté le pays, suivie par les trois quarts des serbophones. Seul le secteur français offre encore un minimum de protection aux vaincus. La LDK d’Ibrahim Rugova a renoncé à jouer tout rôle modérateur et a préféré conclure un pacte avec l’UÇK pour recouvrir une partie du trésor amassé par le gouvernement provisoire de Bujar Bukosi après des années de collectes parmi la diaspora albanaise.
La Yougoslavie accuse le contrecoup du sommet de Sarajevo. Cette impressionnante mise en scène n’a débouché sur aucune décision claire mais a encouragé le Monténégro à faire sécession. Le président Djukanovic, après avoir obtenu le soutien des Russes, a rendu public un plan de transformation de la RFY concocté par ses conseillers américains. Une solution pour se débarrasser du président de la Yougoslavie, Slobodan Milosevic, est de supprimer la Yougoslavie. Plus que jamais, il est évident que l’on aurait pu faire l’économie d’un guerre.
Le véritable enjeu est ailleurs. L’OTAN vient de désigner, non sans mal, son nouveau secrétaire général, Georges Robertson. Il lui appartiendra de développer les capacité de projection de l’Alliance dans la perspective d’une nouvelle guerre froide, avec la Chine cette fois. A Washington, le lobby militaro-industriel entend crédibiliser la menace chinoise pour justifier de la relance de la " guerre des étoiles ", le programme d’armement le plus coûteux et le plus incertain que l’on puisse imaginer. Hubert Védrine vient d’écrire à son homologue, Madeleine Albright, pour s’inquiéter de ces fantasmes bellicistes. Javier Solana, quant à lui, ne devrait plus tarder à prendre ses fonctions de " Monsieur politique étrangère et de sécurité commune (Pesc) " de l’Union européenne. Avec Robertson, il devra construire l’identité de défense européenne au sein de l’OTAN, c’est-à-dire sous contrôle américain. Ce projet de réarmement suppose une augmentation considérable des budgets militaires de 2,2 % du PIB à 3,6 %. Selon nos informations, M. Solana devrait choisir comme directeur de cabinet, M. Navarro, un " proche " de l’Opus Dei. Il devrait proposer, comme objectif de l’Union européenne pour les prochaines années, l’établissement de critères de convergence des budgets militaires.
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