Jusqu’à la fin de l’année 1996, la popularité d’Alberto Fujimori, élu président en 1990 puis en 1994, reposait sur deux facteurs : le rétablissement des grands équilibres économiques grâce à l’application d’un programme d’ajustement structurel et le démantèlement d’une grande partie du Sentier lumineux et du Mouvement révolutionnaire Tupac Amaru (MRTA). En ce qui concerne les succès économiques, ils n’ont été possibles que grâce à la contribution, en particulier les premières années, de l’argent de la drogue qui reste dans le pays (de 500 millions à un milliard de dollars) ; d’autre part, la lutte contre le Sentier lumineux dans la vallée amazonienne du Huallaga, a entraîné la contamination d’une partie de l’armée par le narcotrafic. Ce dernier contribue aujourd’hui à la reconstitution partielle des forces de la guérilla maoïste et continue d’irriguer certains services appartenant à l’appareil d’Etat. Le discrédit qui s’attache aux partis politiques fait que le président Fujimori s’appuie essentiellement sur les forces armées et les services secrets. Il couvre pour cela leur implication dans les trafics et les violations des Droits de l’homme. Pour continuer à bénéficier de l’appui des Etats-Unis et tenter d’être élu une troisième fois en 1998, il met en œuvre une campagne d’éradication de la coca et de répression des trafiquants dans la vallée du Huallaga. Malgré les succès dont peut se targuer le gouvernement, il ne fait guère de doute que le trafic n’a guère diminué d’intensité. Il n’en sera pas autrement tant que la situation sociale de l’immense majorité de la population continue à se dégrader et que les plus hautes autorités de l’Etat continueront à montrer l’image de la corruption.
Résurgence des guérillas
La guerre de frontière entre le Pérou et l’Equateur en février 1995, a provoqué un regain d’activité du Sentier Lumineux. En effet, ce sont des troupes stationnées dans la région amazonienne du Huallaga qui ont été envoyées sur le front. L’Institut d’investigation pour la Défense nationale (INIDEN) signale pour les mois de mars et avril 1995, 150 actions de la guérilla dans 13 des 23 départements du pays, dont la plus grande partie dans le département de San Martín où se trouvent de grandes surfaces de cultures de cocaïers. C’est par exemple le cas dans la vallée du Biavo, dans le Huallaga central : à peine les militaires s’étaient-ils retirés qu’un commando de choc du Sentier assassinait plusieurs officiels municipaux du district de Barranquita ainsi que Tercero Mori, un des candidats à la mairie de Tarapoto, la capitale régionale. Dans des localités de la région haute du Huallaga, comme Uchiza, Tocache ou Aucayacu, fleurissaient des inscriptions à la gloire du "commandant Feliciano", nouveau chef du Sentier qui a refusé de se plier aux accords de paix signés dans sa prison par le fondateur du mouvement, Abimael Guzmán. L’affrontement le plus violent a eu lieu le 7 mai 1995, dans le district d’Aucayacu, où une embuscade tendue par les guérilleros a fait 5 morts et 10 blessés graves parmi les militaires. A la mi-décembre, une embuscade tendue dans le district de Nuevo Progreso a officiellement provoqué la mort de 6 soldats. Selon d’autres sources ce sont 26 soldats qui auraient été tués. Le 10 février 1996, le même commando a tendu une embuscade au camion qui transportait les corps de ces derniers et les a brûlés dans leur cercueil.
La base militaire qui se trouvait à Aucayacu a été transférée, en juin 1996, à Tocache. Le 2 août, le Sentier Lumineux a pris Aucayacu durant 5 heures, et le président Fujimori dut se rendre dans le Huallaga pour annoncer le retour des militaires dans leur cantonnement initial. La compagnie sentiériste La Principal, qui compte 60 combattants, opère au nord d’Aucayacu et la compagnie Atreverse (oser), forte d’une centaine de combattants, au sud-est de cette même bourgade. Le Sentier lumineux met en avant des revendications nationalistes en s’en prenant à d’éventuelles concessions territoriales à l’Equateur et aux privatisations en cours. Ainsi, entre janvier et juin 1996, il a brûlé ou pillé 67 camions de l’entreprise Palma del Espino qui appartient à un important groupe péruvien dont le dirigeant, Dionisio Romero Seminario, est également propriétaire de l’importante Banco de Crédito (Banque de crédit). Après que le gouvernement ait déclaré qu’ils ont été rayés de la carte, on signale également la présence de détachements du Mouvement révolutionnaire Tupac Amaru (MRTA) dans la région centrale du Piémont amazonien et plus avant dans la forêt (Oxapampa, Villa Rica, vallée du Perené entre La Merced et Satipo) qui perçoivent des taxes sur la production de café et de fruits. C’est probablement dans cette région que prévoyait de se replier, en compagnie de leurs camarades dont ils demandaient la libération, les membres du commando du MRTA qui s’est emparé de la résidence de l’ambassadeur du Japon, à la fin décembre 1996.
Bien que les prix de la feuille de coca et de la base de cocaïne aient considérablement baissé (voir infra), il ne fait aucun doute que les guérillas péruviennes, le Sentier lumineux en particulier, misent sur l’argent de la drogue pour reconstituer leur force. Des militants sèmeraient eux-mêmes la coca, d’autres se consacreraient à collecter la pâte base de cocaïne et certains, enfin, seraient chargés de la commercialisation hors des zones d’opération de la guérilla. Une autre cause de l’extension des cultures illicites sont les milices d’autodéfense paysannes (rondas campesinas) créées par l’armée pour combattre la subversion maoïste. Ainsi, dans la vallée de l’Apurimac, elles regroupent 20 000 paysans en armes qui vivent de la production de 40 000 hectares de cocaïers. Quant aux militaires présents dans les régions amazoniennes, ils participent au partage du gâteau en percevant une taxe sur les précurseurs chimiques illégalement introduits dans la région. Il est probable qu’ils en font autant à l’égard des laboratoires lorsqu’ils connaissent leur emplacement.
Effondrement des prix de la coca
Au début de l’année 1995, on a assisté à un effondrement des prix de la feuille de coca et de la base de cocaïne. Le prix de l’arroba de coca (11,5 kilogrammes) qui était d’environ 50 dollars, est tombé à 5 dollars en septembre. Il s’est légèrement redressé en 1996 mais en janvier 1997, il n’était que de 10 dollars. De même, le kilo de pâte base (de qualité très médiocre), importé par les trafiquants colombiens pour fabriquer du chlorhydrate de cocaïne, est passé de 500 à 70 dollars. En Colombie, ce phénomène n’a pas eu une ampleur comparable, le kilo de base (très purifiée) étant passé, à la même époque, de 1 100 dollars à 700 dollars. L’explication la plus répandue est que les coups portés au cartel de Cali auraient désorganisé les circuits d’approvisionnement de la matière première importée du Pérou. Mais les observateurs remarquent qu’il existait une surproduction de matière première en Bolivie et au Pérou et que les trafiquants colombiens, afin d’être autosuffisants, ont énormément développé leur propre production de feuilles de coca qui s’étend actuellement sur plus de 60 000 ha. Ces prix extrêmement bas se sont maintenus au Pérou pendant un an, avant de remonter légèrement à partir du début de l’année 1996 et plus nettement à partir du mois d’août. Dans des régions comme les vallées amazoniennes du Huallaga ou de l’Apurimac, cet effondrement des prix a eu un effet catastrophique sur l’économie locale car cette production représentait de 80 % à 90 % des ressources monétaires des paysans. Beaucoup d’entre eux avaient renoncé temporairement à récolter les feuilles de coca et se sont efforcés d’écouler les stocks de pâte base accumulés en 1995. Dans l’obligation de les acheminer eux-mêmes en Colombie, il ont recréé les réseaux fluviaux et terrestres tombés en désuétude depuis les années 1982-1983.
La crise de la coca a plongé dans la misère 200 000 familles de producteurs dans la vallée du Huallaga, soit un million de personnes environ. Par ricochet, l’activité commerciale de villes comme Tocache, Aucayacu et Uchiza s’est trouvée paralysée. Le président Fujimori et l’ex-tsar américain de la lutte antidrogues, Lee Brown, se sont félicités de cette crise en faisant valoir qu’elle obligerait les paysans à revenir à des cultures licites. Mais aucune mesure concrète en faveur du développement alternatif n’a été prise. Selon certains observateurs, la raison de l’indifférence du gouvernement face à cette situation est qu’elle favorise son projet de concentration de la propriété foncière dans un pays où 84 % des exploitations sont des minifundia. Ceci afin de rendre l’agriculture compétitive conformément aux recommandations des organismes financiers internationaux. Les paysans/colons n’envisagent pas pour autant de retourner dans les villes de la côte ou dans les villages des hauts plateaux andins dont ils ont été chassés par la misère et le chômage.
La stratégie du gouvernement a eu jusqu’ici pour seule conséquence de provoquer un développement de la criminalité et de la violence politique. Les différentes bandes de narcos (firmas) ont abandonné les campagnes pour se replier sur les bourgades afin de se disputer ce qui reste du marché. Durant des semaines, le fleuve Huallaga a charrié les cadavres des victimes de ces affrontements. Ainsi, le chef appelé "Champa", qui contrôlait la zone d’Aucayacu, a dû céder la place à son rival "Cristal" et se replier dans la région située entre le Napo et le Putumayo, où il se heurte au groupe du "Chino" (frère du fameux "Vaticano", aujourd’hui sous les verrous (voir infra), à la police péruvienne et à la DEA. La population des villages est sous l’emprise de ces organisations criminelles qui n’hésitent pas à assassiner les récalcitrants et vont jusqu’à placer des hommes au service des téléphones pour surveiller les mouvements de leurs adversaires et de la police. La crise a également provoqué l’insécurité sur les routes où opèrent des bandits armés. La région comprise entre les villes de Tocache, Huanuco et Pucallpa est appelée "Le triangle de la mort". Une autre des conséquences du désarroi de la population est que le Sentier lumineux peut à nouveau recruter des jeunes qui n’ont plus rien à perdre.
Le nouvel épicentre du narcotrafic
La drogue semble suivre le cours des grandes rivières qui coulent des Andes jusqu’au cœur du bassin amazonien. Après avoir été situé dans la vallée de l’Apurimac, puis avoir descendu les différentes parties de la vallée du Huallaga (haute, moyenne et basse), l’épicentre du trafic se trouve, à la fin de l’année 1996, le long du cours du Putumayo, dans l’immense espace frontière qui se situe entre le Pérou, la Colombie et le Brésil. Sa nouvelle capitale est El Estrecho, dans le Putumayo péruvien, un village d’une cinquantaine de maisons rustiques qui abrite un groupe de "firmes" péruviennes et colombiennes du trafic de cocaïne. Une des manifestations de cette présence, à l’instar en leur temps de Palmapampa (Rio Apurimac), d’Aucayacu (Haut Huallaga), d’Uchiza, de Tocache ou de Lagunas (Bas Huallaga), est la phase d’extraordinaire prospérité que traverse El Estrecho. Alors qu’un seul avion reliait tous les 15 jours le village au monde extérieur, quatre hydravions chargés de tonnes de fruits, de conserves, d’alcool, de moteurs hors-bord, de réfrigérateurs et, inévitablement, de précurseurs chimiques, se posent chaque samedi sur le fleuve. A tout moment arrive au port fluvial la pâte base qui a parcouru des centaines de kilomètres depuis le Huallaga, l’Ucayali, l’Amazone et le Napo. C’est à dos d’homme qu’elle franchit l’espace qui sépare le Napo du Putumayo. De là, elle est distribuée pour être transformée dans les laboratoires de Colombie et du Brésil.
Sous peine de perdre l’appui des Etats-Unis, le gouvernement ne pouvait laisser se développer une telle situation sans réagir. Apparemment sans lien direct avec le trafic, une première mesure prise le 22 août 1996, le Décret Suprême 013, interdit des coupes de bois dans les vallées les plus importantes des départements de Loreto, de San Martín, de l’Ucayali, de l’Amazonas et de Cajamarca. En fait, la nouvelle législation vise à faciliter le combat contre les bandes de narco-trafiquants dont les membres se mêlaient aux bûcherons de ces régions. Ils abattaient de préférence les grands arbres appelés tornillos dans les troncs desquels ils pouvaient dissimuler et transporter la cocaïne. La guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) s’étant infiltrée dans cette région, le Décret Suprême 013 autorise les Forces armées péruviennes à participer à la lutte contre la contrebande du bois. Dans le nord de l’Amazonie péruvienne, principalement dans le département de San Martín où se trouve la plus importante zone de production de cocaïers dans le monde, le décret vise à couper les relations entre les détachements du Sentier lumineux et les bûcherons. La guérilla, voyant ses ressources diminuer avec l’effondrement des prix de la coca, avait entrepris de taxer ces derniers, en particulier dans les vallées des fleuves Biavo et Saposoa.
Narcotrafic et pouvoir politique
Les années 1993 et 1994 avaient été marquées par les scandales dévoilant les liens étroits que de nombreux officiers de l’armée, jusqu’au grade de général, entretenaient avec les trafiquants. L’année 1996 a été celle de l’implication de la marine. Avant cela, avait eu lieu la découverte, le 10 mai 1996, de 170 kg de chlorhydrate de cocaïne dans un avion habituellement utilisé par le président et piloté par un de ses hommes de confiance, Escarcena Ichikawa. Le second scandale a été la saisie, le 3 juillet, dans le port de Vancouver, au Canada, de 45 kg de cocaïne sur un navire de la marine péruvienne. A son retour au Pérou, 75 kg supplémentaires ont été découverts. Deux jours plus tard, 17 kg de la même drogue étaient retirés d’un autre navire de guerre, le Ilo, dans le port de El Callao. Enfin, le 19 juillet, les capitaines Aspe et Alemán, officiers des services secrets - Servicio de Intelligencia Nacional (SIN) - étaient arrêtés comme membres de la bande du redoutable narco "Mosquita loca". Mais l’affaire la plus retentissante s’est produite le vendredi 16 août 1996 lorsque le parrain de la cocaïne, Demetrio Limonier Chávez Peñaherrera, alias Vaticano (qui devait par la suite se rétracter), a déclaré aux juges devant lesquels il comparaissait, qu’au cours de l’année 1992, il avait payé personnellement à Vladimiro Montesinos, le plus proche des conseillers du président Fujimori, 50 000 dollars chaque mois, afin d’être informé de toutes les opérations antidrogues prévues, en particulier par la DEA, contre son quartier général établi à Campanilla, dans la vallée du Huallaga. L’accord a été rompu lorsque Montesinos a exigé, en vain, 100 000 dollars par semaine. Il a alors fait arrêter son complice et, pour le réduire au silence, organisé un procès à huis-clos devant un tribunal militaire pour délit de terrorisme. Il a fallu que s’écoulent deux ans et un nouveau procès, pour que le parrain puisse enfin être entendu publiquement. Selon d’autres sources, publiées par la presse mexicaine et péruvienne, Montesinos en collaboration avec le frère du président, Santiago Fujimori, serait à la tête de réseaux de drogues et d’armes. La presse a évidemment publié le témoignage de "Vaticano", qui ne faisait que corroborer une série d’informations connues depuis plusieurs années et dont s’étaient faits l’écho la revue péruvienne Caretas, le Miami Herald ou La Dépêche Internationale des Drogues. Mais les membres du gouvernement, les chefs des forces armées et de la police et le président du Congrès, ont immédiatement pris, dans tous les médias, la défense de l’éminence grise du président qu’une enquête d’opinion publique place immédiatement après lui dans la liste des hommes les plus puissants du Pérou. Ses défenseurs le présentent notamment comme l’artisan de la capture d’Abimael Guzmán, le chef du Sentier lumineux et comme l’auteur de la législation et de la politique antidrogues du Pérou. Alberto Fujimori, a reconnu que ce dernier avait été l’avocat de grands narco-trafiquants péruviens et colombiens, en particulier d’Evaristo Porras Ardila, mais il a ajouté : "Sa position d’avocat lui a permis de comprendre les rouages du narcotrafic et d’élaborer les lois les plus répressives d’Amérique latine". Il a simplement oublié de dire que la principale méthode de Montesinos pour défendre ses clients était d’acheter les juges afin de faire disparaître leurs dossiers. Stratégie qu’il a ensuite utilisée au profit du président, soupçonné d’avoir fraudé le fisc, comme l’a publié la revue péruvienne Caretas et le quotidien La República, sans être pour autant traînés devant la justice. La première n’a été condamnée que pour avoir traité Montesinos de "Raspoutine péruvien". Le Congrès s’est refusé à former une commission d’enquête pour vérifier les accusations portées par Vaticano, sous le prétexte que le rôle joué par Montesinos comme "conseiller" (il en est en fait le patron) des services de renseignement relève du secret d’Etat.
Durant la visite (22-24 octobre 1996) au Pérou du général Barry McCaffrey, "Tsar antidrogues" des Etats-Unis, la principale surprise est venue de la première apparition publique depuis six ans du sulfureux conseiller du président Fujimori. Sa présence aux côtés de Fujimori et du général McCaffrey, lors de la réception inaugurale au palais présidentiel, a donc été interprétée comme un satisfecit donné par les autorités américaines au conseiller du président. Un témoin anonyme de la rencontre a déclaré au correspondant de l’Agence France Presse (AFP) que le "Tsar" avait félicité en espagnol Montesinos pour le rôle important qu’il avait joué dans la mise en place de la politique antidrogues de son pays. Le lendemain, interrogé par la presse au sujet des accusations portées contre Montesinos, McCaffrey a répondu que les autorités du Pérou "étaient souveraines dans le choix de leurs collaborateurs" et que les autorités américaines n’avaient pas à intervenir. Il a ajouté qu’il ne pensait pas que le président Fujimori puisse être entouré de fonctionnaires "douteux". Une nouvelle pièce a été ajoutée au dossier en avril 1997. Selon le Jornal do Brasil, un rapport secret de la Police fédérale du Brésil accuse Vladimiro Montesinos de collaborer avec l’organisation du trafiquant colombien Evaristo Porras. De plus, des preuves des protections accordées par Montesinos aux trafiquants péruviens ont été recueillies lors de la destruction d’une piste à Branquinha, en Amazonie brésilienne, sur laquelle les avions chargés de pâte base en provenance du Pérou faisaient le plein avant de poursuivre leur voyage jusqu’en Colombie. Le rapport indique également que, le 17 juin 1978, Evaristo Porras, arrêté à Lima en compagnie de 6 autres Colombiens qui transportaient une énorme quantité de cocaïne, avait été libéré grâce à la présentation d’un habeas corpus par son avocat, Vladimiro Montesinos. Le rapport conclut : "du fait des protections dont jouit Montesinos, actuel chef des Services de renseignement du Pérou et principal conseiller du président Fujimori, il est impossible d’accomplir les démarches officielles qui aboutiraient à son incarcération"
Priorité à la répression
Le Décret Suprême 031 du 12 août 1996 s’intitule "Accord opérationnel entre le gouvernement de la République du Pérou et le gouvernement des Etats-Unis pour le projet de contrôle des drogues". Ses objectifs mettent au premier plan la répression au détriment du développement alternatif. Les 7 et 8 octobre 1996, des avions qui avaient décollé de la base de Santa Lucia ont largué des défoliants sur des plantations de cocaïers, dans la haute vallée du Huallaga. Les cultures légales ont été également touchées par les produits toxiques et, selon des spécialistes interrogés par le correspondant de l’OGD, les terres seront inutilisables pour le développement alternatif.
La situation est d’autant plus grave que les cultures de café, de cacao et de bananes étaient déjà attaquées par des maladies. Alors que les manifestations de paysans en colère se succédaient, le ministre de la Santé a annoncé qu’un fonds de plusieurs dizaines de millions de dollars serait consacré au développement alternatif quelques mois plus tard. Ce type d’annonce a suscité le scepticisme dans la mesure où il est rarement suivi d’effets. D’autre part la levée des taxes douanières sur l’importation de nombreux produits alimentaires empêche le plus souvent les cultures péruviennes licites d’être compétitives. Enfin, le ministre de l’Intérieur a annoncé la création, après celles de Santa Lucía et Mazamri, d’une troisième base antidrogues de la police dans le département de Loreto. Chargée de contrôler les vallées des fleuves Amazone, Napo, Ucayali, Marañón et Pastaza, elle disposera de 300 hommes, de deux avions Antonov, d’une flotille d’hélicoptères et d’une quinzaine de hors-bords. Cela permettra de renouveler les bilans extrêmement spectaculaires de 1996 quand, du 1er janvier au 21 septembre, les saisies de drogues avaient battu tous les records et représentaient 20,5 tonnes, celles de précurseurs chimiques 300 t et quand 37 000 ha de coca avaient été éradiqués. Un bilan qui justifie l’appui des Etats-Unis au régime d’Alberto Fujimori, même si celui-ci a en réalité d’autres motifs (lutte contre la subversion, vitrine du néolibéralisme). Mais il est douteux que ces efforts permettent de ralentir les narco-activités. Ainsi, à la fin de l’année 1996, un rapport secret de l’Unité d’opération tactique antidrogues de Tingo María affirme que 30 organisations criminelles opèrent dans les vallées amazoniennes productrices de drogues.
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