Introduction d’Emmanuel Macron
Merci beaucoup, merci Monsieur le Président pour vos mots et je souhaite saluer toutes et tous, Mesdames et Messieurs les membres du Comité européen des régions, merci de m’accueillir à travers cet échange par visioconférence.
Je suis très heureux en effet de me trouver devant vous aujourd’hui à précisément un mois de la Présidence française du Conseil de l’Union européenne. Je tiens à vous remercier, cher Apóstolos, pour cette invitation, merci beaucoup. La Présidence française aura à coeur d’associer à ses travaux et à ses ambitions l’ensemble des institutions, des organes européens dont le Comité européen des régions et vous avez rappelé la représentativité, l’importance de votre Comité. L’importance aussi dans une Europe où la subsidiarité est une valeur essentielle que je ne veux pas oublier. Je dirais qu’à chaque fois que l’Europe a subi ou a eu à subir des critiques d’une bureaucratie parfois galopante, c’est à chaque fois qu’elle a oublié ce principe de subsidiarité et l’importance de celles et ceux qui la font vivre au plus près de nos compatriotes.
La crise pandémique l’a d’ailleurs montré avec aussi beaucoup de force : sans nos élus locaux nous aurions été incapables de faire face à ce choc que nous avons subi. C’est tout à fait vrai en France où les maires en particulier et l’ensemble des collectivités territoriales ont joué un rôle essentiel. C’est vrai partout en Europe tant sur le plan sanitaire qu’économique. Les régions sont aussi aujourd’hui au coeur de la reprise que nous avons choisi d’accompagner au niveau européen et qu’il s’agisse de l’accompagnement de la relance économique, de la numérisation, de la transition écologique, les investissements d’avenir dans nos territoires sont absolument essentiels, du plan de relance à la politique de cohésion européenne. Et là aussi les régions y jouent un rôle absolument clé. C’est pourquoi votre travail compte tout particulièrement en ce moment et je veux vous assurer qu’il sera pleinement pris en compte pendant notre présidence, parce que vous êtes cette matrice quotidienne de la démocratie locale européenne.
C’était aussi le combat, et vous l’avez rappelé, je veux le faire à mon tour, du maire de Gdansk, M. Adamowicz qui était l’un des vôtres et le prix que vous avez choisi de créer en sa mémoire signifie beaucoup à nos yeux à tous, à nos yeux d’Européens et aux yeux de la France, et je veux vous en remercier. Il est synonyme de lutte contre les discriminations, contre l’intolérance, la haine, mais aussi de promotion de la liberté.
C’est pourquoi je me réjouis d’avoir aujourd’hui avec vous une discussion sur les valeurs qui fondent l’Union européenne. Parce que le respect de la dignité humaine, la liberté, la démocratie, l’égalité, l’Etat de droit, ainsi que le respect des droits de l’Homme y compris les droits des personnes appartenant à des minorités sont essentiels à proprement parler à notre Europe. Dans l’architecture de nos valeurs, de notre droit, elles sont au coeur. Nous savons nous les Européens que la démocratie, l’Etat de droit et la protection des droits fondamentaux ne sont jamais un acquis. Nous savons aussi qu’elles constituent un bloc insécable. On ne pourrait pas choisir quelques-uns de ces droits ou choisir une partie des valeurs européennes qui nous arrangeraient ou de ce qui va avec en oubliant le reste. C’est d’ailleurs pour cela et pour ces valeurs que Paweł Adamowicz a vécu et que malheureusement que Paweł Adamowicz est tombé. Pourtant, notre Europe continue à faire face à des défis, à des contestations et des critiques face à ce que nous pourrions vouloir considérer comme conquis. Donc je voudrais ici juste faire quelques remarques dans le temps qui m’est imparti.
D’abord, évidemment rappeler l’importance de la défense de l’Etat de droit. L’Etat de droit n’est pas une notion abstraite. Il est même très concret, défini par nos textes. C’est une communauté politique fondée sur la justice, la liberté et l’égalité. Il dit la valeur des lois et qui fait la loi. Il dit qui juge et au nom de quoi il juge. Et à tout droit il assigne des devoirs, à tout pouvoir un contre-pouvoir. Et au sommet de l’édifice, il place la protection de nos libertés fondamentales. C’est tout cela l’Etat de droit. Pour assurer le respect du droit par tous, il faut une justice indépendante et impartiale dans les conditions de nomination, de révocation et surtout d’exercice qui soient exemptes de pression. Il faut aussi des pouvoirs non-corrompus, des contre-pouvoirs actifs et j’y reviendrai, des médias libres et pluralistes. La défense de ces principes suppose une grande fermeté, une aptitude à ne pas transiger quand l’essentiel est en jeu. C’est pourquoi nous nous sommes dotés de nouveaux instruments, notamment financiers. Je pense au mécanisme de conditionnalité fondé sur l’Etat de droit, mais aussi aux conditionnalités incluant le respect de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Ils viennent appuyer les procédures existantes, telles que celle fondée sur l’article 7 du Traité sur l’Union européenne. Celle-ci a ses propres mérites, elle cible les atteintes aux valeurs fondamentales et ouvre la voie à des points de situation réguliers susceptibles de conduire à des sanctions politiques. Cet élément est essentiel et sera au coeur des prochaines semaines et des prochains mois, nous les avons, car dans plusieurs Etats membres ces notions sont remises en cause et leur effectivité est aujourd’hui fragilisée. Notre devoir est de mettre en place tous les dispositifs pour que dans leur intégralité ces droits, ces règles, ces contre-pouvoirs soit restaurés.
Je veux ici dire l’enjeu qu’il y a derrière et qui est utilisé par beaucoup des ennemis de notre projet politique. C’est en quelque sorte de montrer qu’il est possible de donner les mêmes droits à la même place dans le concert des nations et dans notre Union européenne à des démocraties devenant de proche en proche illibérales, c’est-à-dire des démocraties où il n’y a plus, en quelque sorte, qu’un formalisme démocratique, mais où la substance de l’Etat de droit est progressivement vidée de son contenu. C’est bien un combat historique et existentiel que nous menons et que nous devons continuer de mener.
Le deuxième grand défi, c’est la protection de la démocratie et de nos démocraties contre toutes les formes de manipulation. La vérité est que la démocratie a toujours été menacée, peut-être l’avions nous un peu oublié. Cela dépend des pays d’ailleurs d’où nous venons car je parle à une assemblée qui est faite de beaucoup de femmes et d’hommes qui ont encore mené de leur vivant d’âpres combats pour conquérir ces droits et en avoir la plénitude. Mais dans, je dirais, une bonne partie de notre Europe, nous pensions que ce combat était gagné.
Pour autant, il y a toujours et nous le voyons aujourd’hui à son fondement même, une fragilité de la démocratie et la vulnérabilité à ces manipulations, parce qu’au fondement même de la démocratie il y a la possibilité de sa propre contestation. Ce qui est la force suprême de notre démocratie, celle de faire exprimer toutes les voix, de leur donner une place, quand nous sommes assaillis par des puissances autoritaires, qui utilisent tous les moyens, moyens de la manipulation et de la guerre hybride ; elles utilisent ce qui est une force de la démocratie pour venir nous saper dans nos fondements.
Les puissances autoritaires qui ont désigné notre Europe comme ennemie oeuvrent de manière totalement décomplexée, ce qui est un fait nouveau des dernières années. Leur mode d’action reste insidieux tandis que leur portée est décuplée par les moyens numériques. Parfois, ils viennent, sous couvert d’être journalistes, ils créent des chaînes, des sites d’information. D’autres fois, ils utilisent ce qu’on appelle des trolls, ils multiplient les messages directs ou indirects, ils stipendient des partis politiques, des activistes dans nos pays pour manipuler la vie démocratique et la fragiliser. Manipulation de l’information, exploitation des plateformes en ligne, de leurs failles de modération, attaques cyber : tous les moyens sont bons pour amplifier les contenus et installer le doute. Il y a aujourd’hui un spectre qui va de la quasi-intervention politique à la propagande jusqu’à la menace cyber quasi-militarisée. Ce spectre est utilisé aujourd’hui, par les ennemis de l’Europe et de la démocratie libérale, pleinement sur nos territoires.
La confiance des citoyens s’en trouve ébranlée et les conséquences ne sont pas encore pleinement prises en compte par beaucoup des décideurs de l’Europe et parfois beaucoup de celles et ceux qui pourtant défendent sincèrement la démocratie. Je veux dire ici que si nous voulons défendre notre Europe, nos principes, notre démocratie, nos valeurs, nous ne devons pas nous laisser faire et agir pour mieux protéger nos processus électoraux, nos représentants élus, nos journalistes, nos citoyens et la possibilité même d’un débat apaisé, rationnel, libre.
C’est ce qui ressort du plan d’action pour la démocratie européenne présenté par la Commission en décembre dernier. Ce plan fixe un cap pour défendre l’intégrité des élections, liberté et pluralisme des médias, lutte contre la désinformation. Je pense, en premier lieu, à la création d’un mécanisme européen de résilience électorale qui sera présenté au début de l’année 2022 afin que nous puissions mettre en commun nos experts pour anticiper et contrer les cyberattaques visant les processus électoraux. Je pense aussi à l’encadrement du financement des partis politiques afin d’accroître la transparence des dons faits aux partis et se prémunir de l’ingérence d’acteurs étrangers. Je pense, enfin, à la régulation des publicités politiques en ligne. Il s’agira de renforcer les obligations de modération relative à la lutte contre la désinformation et d’obtenir davantage de transparence sur l’origine, les algorithmes de diffusion des publicités, notamment en période électorale.
Troisièmement, la vitalité de la démocratie nécessite des médias indépendants. Qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Là aussi, nous pensions que c’était une évidence et d’ailleurs nos expériences, nos chemins démocratiques font qu’il est maintenant devenu presque surprenant que des dirigeants politiques puissent s’exprimer sur ce que les médias doivent être, parce que nous avions acquis une telle maturité collective que, moins les politiques s’occupaient de la vie des médias, mieux c’était, parce que ça signifiait que cette vie était libre, indépendante de toute intrusion, de toute pression. Néanmoins, il faut aujourd’hui revenir aux fondamentaux car ils sont là aussi menacés par ces déstabilisations que j’évoquais. Avoir des médias indépendants, cela signifie que les lignes éditoriales ne doivent pas être, ne peuvent pas être dictées par les financements. Ensuite, que l’accès à l’information ne doit pas être réservé aux médias les plus complaisants. Et enfin, que chaque journaliste doit pouvoir exercer son métier sans être menacé, exposé à des poursuites abusives voire à des attaques physiques. Ces impératifs se traduiront en 2022 par deux initiatives importantes. La première concernera les poursuites judiciaires abusives, la deuxième sera l’acte pour la liberté des médias. Ce texte complètera notre gamme d’instruments visant à soutenir l’indépendance des médias et en agissant sur le cadre de gouvernance et de financement des structures médiatiques. Sous présidence française, la liberté des médias sera aussi au coeur d’un événement afin d’alimenter une réflexion avec les journalistes, mais aussi les universitaires, les intellectuels pour poursuivre ce combat et l’actualiser aux menaces hybrides et aux nouvelles déstabilisations que nous avons à vivre, qui sont parfois le fait de décideurs européens, malheureusement, ou de pressions étrangères et non européennes.
L’Etat de droit et la démocratie doivent servir une priorité : la jouissance par les citoyens de leurs droits et libertés sans discrimination aucune. Un enjeu majeur aujourd’hui réside en l’exclusion de nos citoyens en raison de leurs convictions, de leurs origines ou de leur orientation sexuelle. La seule énonciation de ces motifs en révèle toute l’injustice. Et pourtant, malgré le poids de l’Histoire, des discriminations continuent de ternir le visage de l’Europe. Là encore, je me félicite de l’engagement des institutions européennes pour agir contre ces dérives. L’année 2021 a vu naître la première stratégie européenne de lutte contre l’antisémitisme et de soutien à la vie juive - qui est une formidable avancée. Parallèlement, la Commission a réagi contre des politiques locales ciblant des personnes LGBTQ+ avec un succès rapide dont je me réjouis également. Elle a aussi marqué son engagement plus largement en présentant la première stratégie de l’Union européenne en faveur de l’égalité des personnes LGBTQ+. Pour renforcer leur protection, la France, dans la perspective de la présidence du Conseil de l’Union européenne, aura à coeur d’agir encore davantage. À travers la sphère pénale en proposant d’intégrer les crimes et discours de haine à la liste des infractions pénales européennes ;sur le plan civil en favorisant la reconnaissance mutuelle de la parentalité dans les situations transfrontières ; et enfin pour la vie sociale en agissant pour la pleine intégration dans la société.
Les femmes, elles aussi, quoique représentant la moitié de notre humanité et celle de notre continent, souffrent encore en Europe de discrimination, de haine, d’actes de violence ou encore d’atteintes à la liberté de disposer de leur corps. La France continuera de s’engager pour que tous les Etats membres de l’Union européenne ratifient la convention d’Istanbul sur les violences faites aux femmes, et de façon complémentaire, la France soutiendra l’initiative annoncée par la Commission sur les violences contre les femmes et les violences domestiques afin de doter l’Union des outils nécessaires pour prévenir ces violences, protéger les victimes et sanctionner les auteurs. Les femmes doivent également trouver toute leur place dans la vie politique et professionnelle. Ainsi, certaines initiatives législatives mériteraient de progresser significativement dans les mois à venir et nous y oeuvrerons. Je pense, naturellement, à la directive sur l’égalité des rémunérations entre les femmes et les hommes, dont le but est de réduire le différentiel actuel et persistant de 14%. J’évoquerai, pour finir, le droit à l’avortement. Vous mentionniez, je vous en remercie, Président, la mémoire du Président Giscard d’Estaing que nous honorerons demain. Il a eu le courage comme Président de passer des textes importants portés par celle qui fut la première Présidente de notre Parlement européen, Simone Veil. Aujourd’hui encore, indépendamment des spécificités culturelles propres à chacun des Etats membres, le droit à l’avortement, le droit des femmes à disposer de leur corps constituent encore une lutte dans notre Europe, un droit à garantir et nous ne pouvons fermer les yeux sur les atteintes disproportionnées à celui-ci, qui existent encore aujourd’hui sur notre sol.
Voilà les quelques remarques que je souhaitais partager avec vous et je conclurai simplement dans la ligne de votre propos, Président, en disant que tout cela constitue l’agenda des prochains mois mais, à coup sûr aussi, celui des prochaines années, tant la démocratie est en train de changer, d’être déstabilisée ainsi que l’Etat de droit au sein de notre Europe. La montée d’un conservatisme d’une forme nouvelle, antilibérale, profondément, revenant sur nos valeurs, nos textes fondamentaux est une préoccupation que nous ne pouvons pas ignorer car il est aussi en train de travailler nos sociétés de l’intérieur. Je crois que tout ça doit nous interroger sur les réponses en profondeur que nous devons apporter. Ceci est relayé par des menaces venant de l’extérieur qui sont ennemies du projet européen depuis ses origines, mais qui le sont plus encore aujourd’hui.
Il me semble que tout cela nous impose de nous doter de trois choses. La première, d’un sentiment d’appartenance du projet commun. Si nous ne retrouvons pas ce sentiment d’appartenance, si le rapport à la démocratie et l’Etat de droit devient une espèce de relation abstraite, secondaire alors nous perdrons nos citoyens. C’est un travail que vous menez chaque jour et dont je veux vous remercier car au contact des spécificités de nos territoires, ce sentiment d’appartenance à ce que notre démocratie a d’existentiel, de charnel pour notre Europe, vous en êtes des relais essentiels. La deuxième chose, c’est qu’il nous faut, en même temps, bâtir un demos européen. C’est pourquoi, je continuerai de me battre pour cette Conférence sur l’avenir de l’Europe, pour les conclusions que nous aurons à en tirer au mois de mai. Comme vous l’avez très bien dit d’ailleurs, pour aussi l’indispensable réforme institutionnelle qui doit en découler pour avoir une Europe plus proche du terrain, plus subsidiaire dans laquelle nos concitoyens ont le sentiment d’être, avec leurs élus de proximité, les véritables décideurs dans laquelle on arrivera à sortir de cette idée que l’Europe est devenue lointaine, distante, parfois technocratique. Dans le même temps, nous avons aussi besoin de bâtir les règles pour que cette Europe existe davantage à travers tous les territoires. C’est aussi pour ça que je crois profondément aux listes transnationales et à la possibilité d’un débat lors des élections européennes, vraiment européennes. Enfin, après l’appartenance et le demos européen et tout ce qui va avec, nous avons besoin de protéger notre démocratie. C’est pour ça que la souveraineté de l’Europe, son indépendance et sa souveraineté militaire, technologique, industrielle est indissociable de la force de sa démocratie. Si nous laissons nos démocraties faibles, elles finiront par être balayées. Si nous laissons, une seule seconde, s’installer l’idée qu’étant démocrates, nous serions vulnérables aux attaques hybrides, aux provocations, que nous serions dans l’incapacité de tenir nos frontières ou de ne plus protéger nos territoires, alors nous prendrions la responsabilité funeste de laisser croire à nos compatriotes que la démocratie serait devenue un régime faible. C’est tout le contraire. C’est un régime fort vis-à-vis des ennemis, des déstabilisations mortelles, mais c’est aussi un régime fort car protégeant ses frontières, il sait protéger en son sein la contestation, le pluralisme, les oppositions et la générosité de valeurs qui sont les nôtres. C’est par cet équilibre que nous nous sommes faits et que nous devons construire l’avenir. Je ne serai pas plus long, Président, en vous remerciant à nouveau de m’avoir laissé la parole, et me faire l’honneur de pouvoir m’exprimer ainsi devant vous.
Conclusion d’Emmanuel Macron
Merci Président. Juste quelques mots. D’abord merci à tous les Présidents de groupes et au Vice-président pour leurs interventions. Je veux aussi redire, plusieurs d’entre vous sont revenus sur le sujet des droits et d’Etat de droit. Et donc, je ne répéterai pas ce que j’ai tenu dans mon propos introductif mais vous pouvez compter sur la détermination de la présidence française.
Il y a eu ensuite une question qui portait sur les frontières. Je veux là, de la même manière, cela rejoint ce que je disais dans mon propos final. Nous avons besoin, en effet, d’améliorer notre système de protection des frontières communes et nous savons très bien que notre réponse, et c’est la seule qui permettra de faire converger les différences idéologiques qui existent parfois entre les différentes formations politiques, c’est d’avoir une approche complète sur le phénomène des migrations, c’est-à-dire une politique d’aide et de développement avec les pays d’origine de ces migrations. Entre autres, nous aurons à le traiter dans le cadre du sommet entre l’Union européenne et l’Union africaine qui se tiendra fin février. Mais ce n’est pas exclusif des autres aires régionales. Ensuite, une meilleure protection des frontières extérieures. Et là, il faut une vraie politique d’investissement solidaire et d’efficacité, à la fois avec des instruments communautaires, mais sans doute une solidarité, une réactivité interrégionale, parce que nous sommes confrontés à un phénomène nouveau qui est la menace hybride, dans le cadre de laquelle les phénomènes migratoires sont utilisés par des puissances hostiles. Nous l’avons vu avec la Biélorussie. Et puis un dispositif ensuite reposant sur responsabilité et solidarité pour la gestion des femmes et des hommes qui sont ensuite sur le sol européen et éviter les phénomènes et les comportements non coopératifs entre les Etats membres. Et j’espère que celles et ceux pour lesquels nous aurons à décider des mesures fortes de solidarité sur les frontières extérieures sauront avoir la même solidarité et l’esprit de responsabilité quand il s’agit de gérer les statuts de l’asile ou la question migratoire à l’intérieur de l’Europe. Les Etats membres sont confrontés à des situations différentes, selon qu’ils sont pays de première entrée, pays d’arrivée secondaire. Il faut donc pour ça réussir à trouver les bons compromis.
Sur le protocole Nord-irlandais, je considère que c’est pour nous une question existentielle, à deux égards. Le protocole irlandais au fond, c’est de savoir comment concilier l’accord du Vendredi Saint et l’intégrité du marché unique. C’est ça le débat que nous avons eu pendant de longs mois avec nos amis britanniques. Ce protocole est donc tout à la fois une question existentielle pour les Européens : ne pas transiger sur l’unicité et l’intégrité de notre marché unique, sans quoi si là aussi, il n’y a plus de frontières, il n’y a plus de règle, tout partirait à vau-l’eau. Mais c’est une question de guerre et de paix pour l’Irlande. Et donc, je pense qu’il ne faut pas jouer avec ce sujet. Mais c’est un sujet que nous traiterons en Européens de manière solidaire, comme depuis le premier jour. Qu’il s’agisse de la pêche, qu’il s’agisse du protocole Nord-irlandais, qu’il s’agisse des sujets migratoires, ce sont des sujets entre l’Union européenne et la Grande-Bretagne.
J’ai ensuite été interrogé sur la taxonomie. Je vais là-dessus tenir une position en m’abritant, si vous m’y autorisez, derrière les experts. Parce qu’en climat comme en matière de santé, je pense que c’est toujours mieux de décider en se référant à celles et ceux qui, experts de ces questions, nous disent ce qu’il en est. Ce que les experts du GIEC écrivent, c’est que le nucléaire fait partie des solutions pour décarboner nos économies. Ce n’est pas l’Europe, la France qui l’invente, c’est ce que le GIEC écrit. Et donc, décider de se priver du nucléaire serait tout simplement une posture complètement contraire à ce que les scientifiques et les experts du climat nous disent. Et ce d’autant plus que cela aggraverait notre situation en termes de souveraineté et d’indépendance. La stratégie qui est la nôtre est de décarboner nos économies. Il nous faut pour cela développer le renouvelable. Plusieurs l’ont fait, nous continuons de le faire. Les énergies renouvelables aujourd’hui, à technologies constantes, nous permettent de produire de l’électricité, mais sont des sources d’électricité intermittentes. Elles ne sont donc pas totalement substituables, même avec nos interconnexions, aux sources de production d’électricité non-intermittentes, lesquelles sont principalement le charbon, le gaz, le nucléaire. Parmi ces sources de production d’électricité non-intermittentes, de très loin, le nucléaire est celle qui émet ces sources de production d’électricité non-intermittentes, de très loin, le nucléaire est celle qui émet le moins de CO2. De très loin.
La priorité de l’Europe, c’est d’abord de sortir du charbon. Pour sortir du charbon et garder la soutenabilité de la fourniture d’électricité pour nos concitoyens, les Etats membres vont aller un peu vers le renouvelable, mais pour plusieurs décennies massivement vers le gaz et vers le nucléaire. Le gaz et le nucléaire ne sont pas équivalents en termes de production de CO2. Le gaz est une énergie fossile qui produit beaucoup plus de CO2 que le nucléaire et donc elles ne sont même pas équivalentes. Le nucléaire est bien meilleur. J’en veux pour preuve qu’à Glasgow, y compris celles et ceux qui tenaient des positions comme les vôtres ont pris des engagements et ont demandé qu’on arrête le financement du gaz à l’international, pas celui du nucléaire. A côté de cela, en matière de souveraineté, beaucoup d’entre vous ont évoqué les risques. Le gaz, nous ne l’avons plus dans notre sol. Le gaz aux Pays-Bas s’est effondré, la Norvège le réduit fortement. Consommer plus de gaz, c’est importer du gaz russe, turc ou venant d’autres puissances. Nul n’est besoin ici de décrire ce que cette situation de dépendance accrue voudrait dire pour notre Europe. Le nucléaire est une solution souveraine. Pour toutes ces raisons, je défends ardemment, en effet, un nucléaire intégré dans la taxonomie et je défends ardemment le fait que le nucléaire n’est même pas équivalent au gaz. Il est moins polluant et il est plus souverain.
Pour ce qui est ensuite des remarques qui ont été faites par plusieurs présidents sur la subsidiarité, le travail avec votre comité, je veux vous dire ici d’abord que nous travaillerons dans la durée de cette présidence avec vous sur l’ensemble des chantiers : celui de la cohésion sociale, celui des régions ultrapériphériques, comme l’a dit très justement le vice-président. Et comme cela a été rappelé par plusieurs d’entre vous aussi, le président Rouillon entre autres et également le président Decoster, l’importance de votre rôle sur la transition climatique et digitale et l’importance de votre rôle dans les réponses sociales à la crise.
Et donc je pense en effet que quand on parle de subsidiarité et d’ouverture à des réformes, l’idée que votre comité, et surtout que celles et ceux que vous représentez et dont vous êtes, aient un rôle accru et que nous réfléchissions peut-être selon les secteurs à produire la norme différemment est une réalité. J’en parle également pour mon pays, lequel est plus centralisé que beaucoup d’autres. Moi-même qui ai plutôt une réputation d’être quelqu’un qui prend les décisions quand il doit les prendre, j’ai acquis la conviction que sur beaucoup de sujets de politique publique - le logement, la transition écologique ou d’autres - la décentralisation - y compris comme vous l’avez d’ailleurs exprimé, je souscris à cette approche, du pouvoir normatif et de la responsabilité - est sans doute un élément de plus grande efficacité, et en tout cas un élément qui permet de faire face au choc que nous avons à vivre. Et donc ce que nous avons à réarticuler, on le voit bien, c’est d’avoir une Europe qui se concentre sur les sujets d’intérêt généraux qui supposent beaucoup d’unité, sur les sujets de puissance, comme vous l’avez dit, et de souveraineté qui sont existentiels, sur leurs règles, et qui sache aussi mettre plus de subsidiarité sur certains sujets du quotidien où la centralisation de la norme et l’uniformité de la norme deviennent contre-productives parce qu’elles ne sont pas adaptées à l’hétérogénéité des conditions de terrain, parce qu’elles ne sont pas comprises par nos compatriotes et parce que, au fond, les acteurs ont besoin d’être aussi producteurs de normes sur le terrain. Et à cet égard, c’est pourquoi ma présence n’est pas simplement, si je puis dire, à caractère diplomatique, mais par la conviction que vous avez un rôle important à jouer. Et vous l’avez dit après ce moment fondateur que Jacques Delors a supporté, je pense que les prochains mois et les prochaines années doivent nous conduire à savoir oser cette confiance, comme vous l’avez très bien dit, mais avancer de manière concrète sur des réponses beaucoup plus proches du terrain.
Voilà les quelques mots que je voulais avoir en réponse à vos interventions, et je vous en remercie beaucoup. Et je voulais vraiment terminer en vous remerciant pour ces convictions partagées et votre franchise et vous remercier tout particulièrement, Président, pour votre accueil et aussi pour votre attachement à la francophonie, parce que je suis très sensible au fait que vous ayez eu l’extrême délicatesse de vous exprimer en français, ce qui me touche beaucoup et est important./.
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