Voilà déjà quelques années que des réunions, rencontres ou pourparlers, dont certains ont d’ailleurs débouché sur des " accords " de paix, ont eu lieu pour désamorcer la guerre au Congo. La plupart n’ont rien changé sur le terrain. Les deux derniers accords signés, d’une part entre le Rwanda et le Congo, et d’autre part entre l’Ouganda et le Congo, n’auraient donc aucune raison d’être plus efficaces que les précédents.
En effet, Le Rwanda, qui justifie sa présence au Congo par le fait que les anciennes " forces négatives " (les ex militaires et miliciens Interahamwe génocidaires) dans le Kivu sont utilisées par le pouvoir congolais pour contrer les rebellions de l’Est du Congo, n’a, pas plus qu’hier, des raisons de penser que ces professionnels de la guerre aient disparu. Sitôt rentrés au Rwanda, les militaires rwandais auraient sans doute à se préoccuper d’une rébellion aux frontières même du pays et l’on se retrouverait 5 ans en arrière lorsque des " infiltrés " semaient la mort dans l’Ouest du pays. De plus, le Rwanda s’est aussi fait, au passage, d’autres ennemis en affrontant dernièrement une partie des Banyamulengé, autrefois alliés. L’Ouganda quant à lui, dans sa double lutte d’influence régionale en concurrence avec le Rwanda et son désir de sécuriser ses frontières, n’a pas forcément gagné sur tous les fronts non plus. Les affrontements indirects et même directs avec les forces rwandaises ont en général tourné à son désavantage. Le Congo de Kabila enfin, n’a lui aussi pas gagné du point de vue militaire puisqu’une bonne moitié du pays échappe toujours à son contrôle et que ses alliés se sont un par un défilés après un engagement sans " compter " auprès des forces légalistes congolaises. En dépit d’un pillage systématique du sous sol congolais, Kabila n’aura pas réussi à reprendre la main dans son propre pays qui subit une sécession de fait.
Alors qu’est-ce qui aurait changé pour qu’enfin l’espoir renaisse, pour qu’enfin cette région, soumise à une guerre sans nom et à une lutte d’influence insupportable pour les populations congolaises, reprenne vie grâce à ces deux accords de paix ?
En fait, contrairement a ce que pense Stephen Smith [1] en qualifiant cet accord de " farce tragique ", il semble que les choses aient peut être vraiment avancées : d’abord, contrairement aux précédents, ces accords n’ont pas été arrachés aux forceps diplomatiques par des " médiateurs " jugés aux résultats. De plus, au-delà de la lassitude de tous les protagonistes dans un conflit qui ne verra la victoire militaire de personne, chacun sort grandi de ces négociations bilatérales. Kabila s’imagine être considéré aujourd’hui comme un vrai chef d’Etat, reconnu par ses pairs sur le plan international. Kagame, lui, signe directement avec le Congo des accords alors qu’on le refusait à la table des négociations sous prétexte qu’il était l’agresseur. Museveni, enfin, mais ce n’est pas la première fois, tente pas cet accord de sortir la tête haute de ce guêpier congolais tout en conservant un pied dans ce pays afin de protéger sa frontière sans risque de se casser les dents de nouveau sur une armée rwandaise décidément bien motivée. Seuls les mouvements rebelles congolais, déchirés et incapables d’une réelle autonomie semblent sacrifiés et peut être même que leurs jours sont comptés....
Les belligérants ont peut être ouvert la voie vers un accord régional, seul moyen de sortir de la crise. La province du Kivu, dans un Congo pauvre et dépourvu d’infrastructures, et située aux confins de ce pays-continent, ne sera jamais contrôlable. La sécurisation des frontières actuelles, éventuellement entichées de zones tampons empêchant des mouvements de troupes ou de population, est la seule solution au problème des grands lacs où il n’y aura de paix durable que si tous les pays (Burundi, Rwanda, Ouganda, Congo) en même temps retrouvent leur souveraineté. A condition, bien sûr, que la communauté internationale s’engage, par exemple en renforçant la MONUC, déjà sur le terrain. Alors pour une fois, soyons confiants !
TL
[1] Dans un article paru dans Le Monde où comme d’habitude S. Smith a la fâcheuse tendance a sous estimé la capacité des africains a régler leurs problèmes par eux-mêmes.
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