« L’Islam, religion plus récente sur notre territoire, a toute sa place parmi les grandes religions présentes sur notre sol. [...] J’estime que le port de tenues ou de signes qui manifestent ostensiblement l’appartenance religieuse doit être proscrit dans les écoles [...]. Nous ne pouvons pas accepter que certains, s’abritant derrière une conception tendancieuse du principe de laïcité, cherchent à saper ces acquis de notre République que sont l’égalité des sexes et la dignité des femmes. »
Monsieur le Premier ministre,
Messieurs les Présidents des Assemblées,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames, Messieurs,
Le débat sur le principe de laïcité résonne au plus profond de nos consciences. Il renvoie à notre cohésion nationale, à notre aptitude à vivre ensemble, à notre capacité à nous réunir sur l’essentiel.
La laïcité est inscrite dans nos traditions. Elle est au cœur de notre identité républicaine. Il ne s’agit aujourd’hui ni de la refonder, ni d’en modifier les frontières. Il s’agit de la faire vivre en restant fidèle aux équilibres que nous avons su inventer et aux valeurs de la République.
Voilà plus de deux cents ans que la République se construit et se renouvelle en se fondant sur la liberté, garantie par la primauté de la loi sur les intérêts particuliers, sur l’égalité des femmes et des hommes, sur l’égalité des chances, des droits, des devoirs, sur la fraternité entre tous les Français, quelle que soit leur condition ou leur origine.
Dans notre République, chacun est respecté dans ses différences parce que chacun respecte la loi commune. Partout dans le monde, la France est ainsi reconnue comme la patrie des droits de l’homme.
Mais le monde change, les frontières s’abaissent, les échanges se multiplient. Dans le même temps, les revendications identitaires ou communautaires s’affirment ou s’exacerbent, au risque, souvent, du repli sur soi, de l’égoïsme, parfois même de l’intolérance.
Comment la société française saura-t-elle répondre à ces évolutions ?
Nous y parviendrons en faisant le choix de la sagesse et du rassemblement des Français de toutes origines et de toutes convictions. Nous y parviendrons, comme aux moments importants de notre histoire, en cherchant dans la fidélité à nos valeurs et à nos principes la force d’un nouveau sursaut.
Sursaut des consciences, pour redécouvrir avec fierté l’originalité et la grandeur de notre culture et de notre modèle français. Sursaut de l’action, pour inscrire au cœur de notre pacte républicain l’égalité des chances et des droits, l’intégration de tous dans le respect des différences. Sursaut collectif, pour qu’ensemble, forts de cette diversité qui fait notre richesse, nous portions notre volonté, notre engagement, notre désir de vivre ensemble vers un avenir de confiance, de justice et de progrès.
C’est dans la fidélité au principe de laïcité, pierre angulaire de la République, faisceau de nos valeurs communes de respect, de tolérance, de dialogue, que j’appelle toutes les Françaises et tous les Français à se rassembler.
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Notre peuple, notre Nation, notre République sont unis par des valeurs communes. Ces valeurs ne se sont pas imposées aisément. Elles ont parfois divisé les Français avant de contribuer à les réunir. Souvent, elles se sont forgées dans l’épreuve douloureuse de ces luttes qui traversent notre histoire et qui marquent notre mémoire.
Depuis les origines de la monarchie jusqu’aux tragédies du siècle dernier, la longue marche vers l’unité a dessiné notre territoire et forgé notre Etat. De l’Edit de Nantes aux lois de séparation des églises et de l’Etat, la liberté religieuse et la tolérance se sont frayé un chemin au travers des guerres de religion et des persécutions. Les droits de l’homme et ceux du citoyen ont été progressivement conquis, consolidés, approfondis, depuis la Déclaration de 1789 jusqu’au Préambule de 1946. Ils l’ont été par la consécration du suffrage universel et le droit de vote des femmes, la liberté de la presse, la liberté d’association et bien sûr le combat pour faire reconnaître l’innocence du capitaine Dreyfus.
De l’abolition des privilèges, la nuit du 4 août, à celle de l’esclavage le 27 avril 1848, la République a proclamé avec force sa foi dans l’égalité et elle a bataillé sans relâche pour la justice sociale, avec ces conquêtes historiques que sont l’éducation gratuite et obligatoire, le droit de grève, la liberté syndicale, la sécurité sociale. Elle a su tendre la main, faire vivre l’égalité des chances, reconnaître le mérite et permettre ainsi la promotion, jusqu’aux plus hautes fonctions, de femmes et d’hommes issus des milieux les plus modestes. Aujourd’hui, nous continuons d’avancer résolument pour consolider les droits des femmes.
Ces valeurs fondent la singularité de notre Nation. Ces valeurs portent notre voix haut et loin dans le monde. Ce sont ces valeurs qui font la France.
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Terre d’idées et de principes, la France est une terre ouverte, accueillante et généreuse. Uni autour d’un héritage singulier qui fait sa force et sa fierté, le peuple français est riche de sa diversité. Une diversité assumée et qui est au cœur de notre identité.
Diversité des croyances, dans cette vieille terre de chrétienté où s’est aussi enracinée une tradition juive qui remonte à près de deux mille ans. Terre de catholicisme qui a su dépasser les déchirements des guerres de religion et reconnaître finalement toute leur place aux protestants à la veille de la Révolution. Terre d’ouverture enfin pour les Français de tradition musulmane qui sont partie intégrante de notre Nation.
Diversité des régions qui ont progressivement dessiné le visage de notre pays, de l’Ile-de-France aux duchés de Bretagne, d’Aquitaine, de Bourgogne, de l’Alsace et de la Lorraine jusqu’au comté de Nice, à la Caraïbe, l’océan indien ou le Pacifique Sud.
Et bien sûr, diversité de ces femmes et de ces hommes qui, à chaque génération, sont venus rejoindre la communauté nationale et pour qui la France a d’abord été un idéal avant de devenir une patrie.
Immigrés italiens, arrivés massivement avec la première révolution industrielle pour apporter à notre pays leur talent et leur énergie. Espagnols, chassés par les terribles déchirements des années trente et venus trouver refuge en France. Portugais, arrivés dans les années soixante, pleins d’ardeur et de courage. Mais aussi Polonais, Arméniens, Asiatiques. Ressortissants du Maghreb et de l’Afrique Noire, qui ont si puissamment contribué à la croissance des " Trente Glorieuses " avant de faire souche sur notre sol. Tous ont contribué à forger notre pays, à le rendre plus fort et plus prospère, à accroître son rayonnement en Europe et dans le monde.
Notre drapeau, notre langue, notre histoire : tout nous parle de ces valeurs de tolérance et de respect de l’autre, de ces combats, de cette diversité qui font la grandeur de la France. Cette France, celle qui se bat pour la paix, pour la justice, pour les droits de l’homme, nous en sommes fiers. Nous devons la défendre. Plutôt que de la remettre en question, chacun doit prendre la mesure de ce qu’elle lui apporte et se demander ce qu’il peut faire pour elle.
C’est pour que la France reste elle-même que nous devons aujourd’hui répondre aux interrogations et désamorcer les tensions qui traversent notre société.
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Ces facteurs de tensions, chacun les connaît.
Bien que porteuse de chances nouvelles, la mondialisation inquiète, déstabilise les individus, les pousse parfois au repli.
Au moment où s’affaissent les grandes idéologies, l’obscurantisme et le fanatisme gagnent du terrain dans le monde.
Entre la nation française et cette Europe des citoyens que nous souhaitons, chacun de nous doit redéfinir ses repères.
En même temps, la persistance voire l’aggravation des inégalités, ce fossé qui se creuse entre les quartiers difficiles et le reste du pays, font mentir le principe d’égalité des chances et menacent de déchirer notre pacte républicain.
Une chose est sûre : la réponse à ces interrogations n’est pas dans l’infiniment petit du repli sur soi ou du communautarisme. Elle est au contraire dans l’affirmation de notre désir de vivre ensemble, dans la consolidation de l’élan commun, dans la fidélité à notre histoire et à nos valeurs.
Face aux incertitudes du temps et du monde, face au sentiment d’impuissance, parfois à l’étreinte du désarroi, chacun recherche des références plus personnelles, plus immédiates : la famille, les solidarités de proximité, l’engagement associatif. Et cette aspiration est naturelle. Elle est même un atout. Elle témoigne de la capacité des Françaises et des Français à se mobiliser, à agir, à donner libre cours à leur énergie, à leurs initiatives.
Pour autant, ce mouvement doit trouver ses limites dans le respect des valeurs communes. Le danger, c’est la libération de forces centrifuges, l’exaltation des particularismes qui séparent. Le danger, c’est de vouloir faire primer les règles particulières sur la loi commune. Le danger, c’est la division, c’est la discrimination, c’est la confrontation.
Regardons ce qui se passe ailleurs. Les sociétés structurées autour de communautés sont bien souvent la proie d’inégalités inacceptables.
Le communautarisme ne saurait être le choix de la France. Il serait contraire à notre histoire, à nos traditions, à notre culture. Il serait contraire à nos principes humanistes, à notre foi dans la promotion sociale par la seule force du talent et du mérite, à notre attachement aux valeurs d’égalité et de fraternité entre tous les Français.
C’est pourquoi je refuse d’engager la France dans cette direction. Elle y sacrifierait son héritage. Elle y compromettrait son avenir. Elle y perdrait son âme.
C’est pourquoi aussi, nous avons l’ardente obligation d’agir. Ce n’est ni dans l’immobilisme, ni dans la nostalgie, que nous retrouverons une nouvelle communauté de destin. C’est dans la lucidité, dans l’imagination et dans la fidélité à ce que nous sommes.
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La France a su cette année encore porter, dans tous les domaines de tensions et de crise, sa parole de paix et de tolérance pour inviter les peuples qui se déchirent au respect de l’autre.
A l’intérieur de nos frontières, au cœur de notre société, sachons vivre ensemble en portant la même exigence, la même ambition de respect et de justice !
L’égalité des chances a de tout temps été le combat de la République. La ligne de front de ce combat passe désormais dans les quartiers. Comment demander à leurs habitants de se reconnaître dans la Nation et dans ses valeurs quand ils vivent dans des ghettos à l’urbanisme inhumain, où le non-droit et la loi du plus fort prétendent s’imposer ?
Avec le renforcement de la sécurité, avec le programme de rénovation urbaine pour détruire les " barres ", avec les zones franches destinées à ramener l’emploi et l’activité dans les cités, nous enrayons la fatalité et nous retrouvons l’espoir. C’est, pour le Gouvernement et pour moi-même, un défi et une exigence majeurs.
Faire vivre l’égalité des chances, c’est aussi redonner toute sa force à notre tradition d’intégration en nous appuyant sur les réussites déjà acquises mais aussi en refusant l’inacceptable.
Beaucoup de jeunes issus de l’immigration, dont le français est la langue maternelle, et qui sont, la plupart du temps, de nationalité française, réussissent et se sentent à l’aise dans une société qui est la leur. Ils doivent être reconnus pour ce qu’ils sont, pour leur capacité, leur parcours, leur mérite. Ils veulent exprimer leurs succès, leur soif d’agir, leur insertion, leur pleine appartenance à la communauté nationale.
Ces réussites, il faut également les préparer avec les étrangers qui nous rejoignent légalement, en leur demandant d’adhérer à nos valeurs et à nos lois. C’est tout l’objet du contrat d’accueil et d’intégration mis en place par le Gouvernement, à ma demande, et qui leur est proposé individuellement. Il leur donne accès à des cours de français, à une formation à la citoyenneté française, à un suivi social, en contrepartie de l’engagement de respecter scrupuleusement les lois de la République.
Ces réussites, il faut aussi les rendre possibles en brisant le mur du silence et de l’indifférence qui entoure la réalité aujourd’hui des discriminations. Je sais le sentiment d’incompréhension, de désarroi, parfois même de révolte de ces jeunes Français issus de l’immigration dont les demandes d’emplois passent à la corbeille en raison de la consonance de leur nom et qui sont, trop souvent, confrontés aux discriminations pour l’accès au logement ou même simplement pour l’entrée dans un lieu de loisir.
Il faut une prise de conscience et une réaction énergique. Ce sera la mission de l’autorité indépendante chargée de lutter contre toutes les formes de discriminations qui sera installée dès le début de l’année prochaine.
Tous les enfants de France, quelle que soit leur histoire, quelle que soit leur origine, quelle que soit leur croyance, sont les filles et les fils de la République. Ils doivent être reconnus comme tels, dans le droit mais surtout dans les faits. C’est en veillant au respect de cette exigence, c’est par la refondation de notre politique d’intégration, c’est par notre capacité à faire vivre l’égalité des chances que nous redonnerons toute sa vitalité à notre cohésion nationale.
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Nous le ferons aussi en faisant vivre le principe de laïcité qui est un pilier de notre Constitution. Il exprime notre volonté de vivre ensemble dans le respect, le dialogue et la tolérance.
La laïcité garantit la liberté de conscience. Elle protège la liberté de croire ou de ne pas croire. Elle assure à chacun la possibilité d’exprimer et de pratiquer sa foi, paisiblement, librement, sans la menace de se voir imposer d’autres convictions ou d’autres croyances. Elle permet à des femmes et à des hommes venus de tous les horizons, de toutes les cultures, d’être protégés dans leurs croyances par la République et ses institutions. Ouverte et généreuse, elle est le lieu privilégié de la rencontre et de l’échange où chacun se retrouve pour apporter le meilleur à la communauté nationale. C’est la neutralité de l’espace public qui permet la coexistence harmonieuse des différentes religions.
Comme toutes les libertés, la liberté d’expression des croyances ne peut trouver de limites que dans la liberté d’autrui et dans l’observation des règles de la vie en société. La liberté religieuse, que notre pays respecte et protège, ne saurait être détournée. Elle ne saurait remettre en cause la règle commune. Elle ne saurait porter atteinte à la liberté de conviction des autres. C’est cet équilibre subtil, précieux et fragile, construit patiemment depuis des décennies, qu’assure le respect du principe de laïcité. Et ce principe est une chance pour la France. C’est pourquoi il est inscrit à l’article premier de notre Constitution. C’est pourquoi il n’est pas négociable !
Après avoir déchiré la France lors de l’adoption de la grande loi républicaine de séparation des églises et de l’Etat en 1905, une laïcité apaisée a permis de rassembler tous les Français. A l’épreuve de bientôt un siècle d’existence, elle a montré sa sagesse et recueille l’adhésion de toutes les confessions et de tous les courants de pensée.
Pourtant, malgré la force de cet acquis républicain, et comme l’ont notamment montré les travaux de la Commission présidée par Monsieur Bernard Stasi, Commission à laquelle je veux à nouveau rendre un hommage tout particulier, l’application du principe de laïcité dans notre société est aujourd’hui en débat. Certes, il est rarement contesté. Beaucoup même s’en réclament. Mais sa mise en œuvre concrète se heurte, dans le monde du travail, dans les services publics, en particulier à l’école ou à l’hôpital, à des difficultés nouvelles et grandissantes.
On ne saurait tolérer que, sous couvert de liberté religieuse, on conteste les lois et les principes de la République. La laïcité est l’une des grandes conquêtes de la République. Elle est un élément crucial de la paix sociale et de la cohésion nationale. Nous ne pouvons la laisser s’affaiblir. Nous devons travailler à la consolider.
Pour cela, nous devons assurer effectivement le même respect, la même considération à toutes les grandes familles spirituelles. A cet égard, l’Islam, religion plus récente sur notre territoire, a toute sa place parmi les grandes religions présentes sur notre sol. La création du Conseil Français du Culte Musulman permet désormais d’organiser les relations entre l’Etat et l’Islam de France. Les musulmans doivent avoir en France la possibilité de disposer de lieux de culte leur permettant de pratiquer leur religion dans la dignité et dans la tranquillité. Malgré les progrès récents, il faut reconnaître qu’il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine. Un nouveau pas sera également franchi quand la formation d’Imams français sera assurée et permettra d’affirmer la personnalité d’un Islam de culture française.
Le respect, la tolérance, l’esprit de dialogue s’enracineront aussi avec la connaissance et la compréhension de l’autre auxquelles chacun d’entre nous doit attacher la plus grande importance. C’est pourquoi il me paraît aujourd’hui primordial de développer l’enseignement du fait religieux à l’école.
Il faut mener, aussi, avec vigilance et fermeté, un combat sans merci contre la xénophobie, le racisme et en particulier contre l’antisémitisme. Ne tolérons pas la banalisation de l’insulte ! Ne minimisons aucun geste, aucune attitude, aucun propos ! Ne laissons rien passer ! C’est une question de dignité.
Nous devons réaffirmer avec force la neutralité et la laïcité du service public. Celle de chaque agent public, au service de tous et de l’intérêt général, à qui s’impose l’interdiction d’afficher ses propres croyances ou opinions. C’est une règle de notre droit, car aucun Français ne doit pouvoir suspecter un représentant de l’autorité publique de le privilégier ou de le défavoriser en fonction de convictions personnelles. De la même manière, les convictions du citoyen ne sauraient l’autoriser à récuser un agent public.
Il faut aussi réaffirmer la laïcité à l’école car l’école doit être absolument préservée.
L’école est au premier chef le lieu d’acquisition et de transmission des valeurs que nous avons en partage. L’instrument par excellence d’enracinement de l’idée républicaine. L’espace où l’on forme les citoyens de demain à la critique, au dialogue, à la liberté. Où on leur donne les clés pour s’épanouir et maîtriser leur destin. Où chacun se voit ouvrir un horizon plus large.
L’école est un sanctuaire républicain que nous devons défendre, pour préserver l’égalité devant l’acquisition des valeurs et du savoir, l’égalité entre les filles et les garçons, la mixité de tous les enseignements, et notamment du sport. Pour protéger nos enfants. Pour que notre jeunesse ne soit pas exposée aux vents mauvais qui divisent, qui séparent, qui dressent les uns contre les autres.
Il n’est pas question, bien sûr, de faire de l’école un lieu d’uniformité, d’anonymat, où seraient proscrits le fait ou l’appartenance religieuse. Il s’agit de permettre aux professeurs et aux chefs d’établissements, aujourd’hui en première ligne et confrontés à de véritables difficultés, d’exercer sereinement leur mission avec l’affirmation d’une règle claire.
Jusqu’à récemment, en vertu d’usages raisonnables et spontanément respectés, il n’avait jamais fait de doute pour personne que les élèves, naturellement libres de vivre leur foi, ne devaient pas pour autant venir à l’école, au collège ou au lycée en habit de religion.
Il ne s’agit pas d’inventer de nouvelles règles ni de déplacer les frontières de la laïcité. Il s’agit d’énoncer avec respect mais clairement et fermement une règle qui est dans nos usages et dans nos pratiques depuis très longtemps.
J’ai consulté. J’ai étudié le rapport de la Commission Stasi. J’ai examiné les arguments de la Mission de l’Assemblée nationale, des partis politiques, des autorités religieuses, des grands représentants des grands courants de pensée.
En conscience, j’estime que le port de tenues ou de signes qui manifestent ostensiblement l’appartenance religieuse doit être proscrit dans les écoles, les collèges et les lycées publics.
Les signes discrets, par exemple une croix, une étoile de David, ou une main de Fatima, resteront naturellement possibles. En revanche les signes ostensibles, c’est-à-dire ceux dont le port conduit à se faire remarquer et reconnaître immédiatement à travers son appartenance religieuse, ne sauraient être admis. Ceux-là -le voile islamique, quel que soit le nom qu’on lui donne, la Kippa ou une croix manifestement de dimension excessive- n’ont pas leur place dans les enceintes des écoles publiques. L’école publique restera laïque.
Pour cela une loi est évidemment nécessaire. Je souhaite qu’elle soit adoptée par le Parlement et qu’elle soit pleinement mise en œuvre dès la rentrée prochaine. Dès maintenant je demande au Gouvernement de poursuivre son dialogue, notamment avec les autorités religieuses, et d’engager une démarche d’explication, de médiation et de pédagogie.
Notre objectif, c’est d’ouvrir les esprits et les cœurs. C’est de faire comprendre aux jeunes concernés les enjeux de la situation et de les protéger contre les influences et les passions qui, loin de les libérer ou de leur permettre d’affirmer leur libre arbitre, les contraignent ou les menacent.
Dans l’application de cette loi, le dialogue et la concertation devront être systématiquement recherchés, avant toute décision.
En revanche, et la question a été soulevée, je ne crois pas qu’il faille ajouter de nouveaux jours fériés au calendrier scolaire, qui en compte déjà beaucoup. De plus, cela créerait de lourdes difficultés pour les parents qui travaillent ces jours-là. Pour autant, et comme c’est déjà largement l’usage, je souhaite qu’aucun élève n’ait à s’excuser d’une absence justifiée par une grande fête religieuse comme le Kippour ou l’Aït-El-Kebir, à condition que l’établissement en ait été préalablement informé. Il va de soi aussi que des épreuves importantes ou des examens ne doivent pas être organisés ces jours là. Et des instructions en ce sens seront données aux recteurs par le ministre de l’éducation nationale.
Il faut aussi rappeler les règles élémentaires du vivre ensemble. Je pense à l’hôpital où rien ne saurait justifier qu’un patient refuse, par principe, de se faire soigner par un médecin de l’autre sexe. Il faudra que la loi vienne consacrer cette règle pour tous les malades qui s’adressent au service public.
De la même manière, le ministre du travail devra engager les concertations nécessaires et, si besoin, soumettre au Parlement une disposition permettant au chef d’entreprise de réglementer le port de signes religieux, pour des impératifs tenant à la sécurité -cela va de soi- ou aux contacts avec la clientèle.
D’une manière générale, je crois souhaitable qu’un " Code de la laïcité " réunisse tous les principes et les règles relatifs à la laïcité. Ce code sera remis notamment à tous les fonctionnaires et agents publics le jour de leur entrée en fonction.
Par ailleurs, le Premier ministre installera auprès de lui un Observatoire de la laïcité chargé d’alerter les Français et les pouvoirs publics sur les risques de dérive ou d’atteinte à ce principe essentiel.
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Enfin, notre combat pour les valeurs de la République doit nous conduire à nous engager résolument en faveur des droits des femmes et de leur égalité véritable avec les hommes. Ce combat est de ceux qui vont dessiner le visage de la France de demain. Le degré de civilisation d’une société se mesure d’abord à la place qu’y occupent les femmes.
Il faut être vigilant et intransigeant face aux menaces d’un retour en arrière et elles existent.
Nous ne pouvons pas accepter que certains, s’abritant derrière une conception tendancieuse du principe de laïcité, cherchent à saper ces acquis de notre République que sont l’égalité des sexes et la dignité des femmes. Je le proclame très solennellement : la République s’opposera à tout ce qui sépare, à tout ce qui retranche, à tout ce qui exclut ! La règle, c’est la mixité parce qu’elle rassemble, parce qu’elle met tous les individus sur un pied d’égalité, parce qu’elle se refuse à distinguer selon le sexe, l’origine, la couleur, la religion.
En matière de droits des femmes, notre société a encore beaucoup de progrès à faire. La nouvelle frontière de la parité, c’est désormais l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Chacun doit en prendre conscience et agir dans ce sens. Et je compte m’y engager personnellement dans les prochaines semaines.
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Mesdames et Messieurs,
Les débats sur la laïcité, l’intégration, l’égalité des chances, le droit des femmes, nous posent une même question : quelle France voulons-nous, pour nous et pour nos enfants ?
Nous avons reçu en héritage un pays riche de son histoire, de sa langue, de sa culture, une Nation forte de ses valeurs et de ses idéaux.
Notre pays, la France, chacun doit en être fier. Chacun doit se sentir dépositaire de son héritage. Chacun doit se sentir responsable de son avenir.
Sachons transformer les interrogations d’aujourd’hui en atouts pour demain. En recherchant résolument l’unité des Français. En confirmant notre attachement à une laïcité ouverte et généreuse telle que nous avons su l’inventer année après année. En faisant mieux vivre l’égalité des chances, l’esprit de tolérance, la solidarité. En menant résolument le combat pour les droits des femmes. En nous rassemblant autour des valeurs qui ont fait et qui font la France.
C’est ainsi que nous resterons une Nation confiante, sûre, forte de sa cohésion. C’est ainsi que nous pourrons réaffirmer l’ambition qui nous rassemble de bâtir, pour notre pays et pour nos enfants, un avenir de progrès et de justice.
C’est l’un des grands défis lancé à nos générations. Ce défi, nous pouvons, nous devons, nous allons le relever ensemble.
Tous ensemble.
Je vous remercie.
Source : Palais de l’Élysée
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