Conclusions de la Conférence
1. La Conférence sur la Libye qui s’est tenue aujourd’hui à Berlin a réuni, à l’invitation de la Chancelière de la République fédérale d’Allemagne, Angela Merkel, des représentants des gouvernements des pays suivants : Algérie, Allemagne, Chine, Congo, Égypte, Émirats arabes unis, États-Unis d’Amérique, Fédération de Russie, France, Italie, Royaume-Uni et Turquie, ainsi que de hauts représentants de l’Organisation des Nations Unies, de l’Union africaine, de l’Union européenne et de la Ligue des États arabes.
2. Nous, participants, prenons acte de la déclaration des coprésidents sur la situation politique et humanitaire et sur l’état de la sécurité en Libye à l’issue de la réunion des ministres des affaires étrangères, organisée par la France et l’Italie, tenue à New York le 26 septembre 2019 en marge de la soixante-quatorzième session de l’Assemblée générale.
3. Nous réaffirmons notre ferme attachement à la souveraineté, à l’indépendance, à l’intégrité territoriale et à l’unité nationale de la Libye. Seul un processus politique dirigé et contrôlé par les Libyens eux-mêmes peut mettre fin au conflit et apporter une paix durable.
4. Le conflit en Libye, l’instabilité dans le pays, les ingérences étrangères, les divisions institutionnelles, la prolifération d’une grande quantité d’armes en dehors de tout contrôle et une économie de prédation continuent de faire peser une menace sur la paix et la sécurité internationales en offrant un terreau propice aux trafiquants, aux groupes armés et aux organisations terroristes. Ils ont permis à Al-Qaïda et à Daech de prospérer sur le territoire libyen et de mener des opérations en Libye et dans les pays voisins. Ils ont favorisé un flux déstabilisant de migrations irrégulières dans la région et une dégradation importante de la situation humanitaire. Nous sommes déterminés à soutenir les Libyens pour qu’ils puissent remédier aux problèmes structurels dans les domaines de la gouvernance et de la sécurité.
5. Le « Processus de Berlin » dans lequel nous nous sommes engagés pour appuyer le plan en trois points présenté au Conseil de sécurité par le Représentant spécial du Secrétaire général pour la Libye, Ghassan Salamé, a pour seul objet d’aider l’Organisation des Nations Unies à mobiliser la communauté internationale en faveur d’un règlement pacifique de la crise. Il ne peut y avoir de solution militaire en Libye.
6. Nous nous engageons à nous abstenir de toute ingérence dans le conflit armé ou les affaires intérieures de la Libye et nous demandons instamment à tous les acteurs internationaux d’en faire autant.
7. Nous sommes conscients du rôle crucial que joue l’Organisation des Nations Unies pour faciliter un processus politique et de réconciliation interlibyen inclusif, fondé sur l’Accord politique libyen de 2015 et les institutions qui y sont prévues, la résolution 2259 (2015) et les autres résolutions du Conseil de sécurité sur la question et les principes agréés à Paris, Palerme et Abou Dhabi. Nous sommes également conscients du rôle important que jouent l’Union africaine et son comité de haut niveau des chefs d’État et de gouvernement sur la Libye, la Ligue des États arabes, l’Union européenne et les pays voisins en faveur de la stabilisation du pays et notamment de la réconciliation nationale, de la paix, de la sécurité et du dialogue politique entre les Libyens. Toutes ces organisations internationales travailleront en étroite collaboration. Dans ce contexte, nous saluons la tenue par l’Union africaine, au printemps 2020, du Forum de réconciliation.
8. Nous apportons notre plein soutien aux bons offices et aux efforts de médiation de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL) et du Représentant spécial du Secrétaire général, M. Salamé. Nous soulignons qu’une solution durable en Libye nécessite une approche globale qui traite simultanément les différents aspects.
Cessez-le-feu
9. Nous nous félicitons de la réduction sensible de la violence depuis le 12 janvier, des négociations entreprises à Moscou le 13 janvier, ainsi que d’autres initiatives internationales destinées à ouvrir la voie à un accord de cessez-le-feu. Nous demandons à toutes les parties concernées de redoubler d’efforts pour une suspension durable des hostilités, la désescalade et un cessez-le-feu permanent. Nous réaffirmons la mission vitale du Représentant spécial du Secrétaire général à cet égard. Nous demandons l’adoption de mesures crédibles, vérifiables, successives et réciproques, notamment de mesures crédibles de démantèlement des groupes armés et des milices par toutes les parties, comme cela est prévu à l’article 34 de l’Accord politique libyen et mentionné dans les résolutions 2420 (2018) et 2486 (2019) du Conseil de sécurité, en vue de parvenir à une cessation générale et durable de toutes les hostilités, notamment des opérations aériennes au-dessus du territoire libyen. Nous demandons le redéploiement et le cantonnement des armes lourdes, de l’artillerie et des véhicules aériens.
10. Nous demandons la cessation de tous les mouvements militaires opérés par les parties au conflit ou en appui direct à celles-ci, à l’intérieur et au-dessus de l’ensemble du territoire libyen, à compter du début du processus de cessez-le-feu.
11. Nous demandons l’instauration de mesures de confiance, comme l’échange de prisonniers et de dépouilles mortelles.
12. Nous demandons un processus général de démobilisation et de désarmement des groupes et milices armés en Libye et l’intégration ultérieure du personnel compétent dans les institutions publiques civiles, militaires et de sécurité, de manière individuelle et sur la base d’un recensement du personnel des groupes armés et d’une vérification effectuée par des spécialistes. Nous demandons à l’ONU de contribuer à ce processus.
13. Nous réaffirmons la nécessité de combattre le terrorisme en Libye par tous les moyens, dans le respect de la Charte des Nations Unies et du droit international, et nous considérons que le développement, la sécurité et les droits de l’homme se renforcent mutuellement et sont essentiels pour lutter contre le terrorisme de manière efficace et globale. Nous demandons à toutes les parties de se dissocier des groupes terroristes désignés comme tels par l’ONU. Dans cette perspective et conformément à l’article 35 de l’Accord politique libyen, nous saluons les efforts déployés pour combattre les personnes et les entités terroristes désignées comme telles par le Conseil de sécurité.
14. Nous demandons la mise en œuvre de la résolution 2368 (2017) du Conseil de sécurité et des autres résolutions concernant Daech, Al-Qaïda et les personnes, groupes et entités désignés et en particulier des dispositions relatives à l’interdiction de voyager et au gel sans retard des avoirs et autres actifs financiers ou ressources économiques des personnes et entités désignées. Nous réaffirmons notre volonté de renforcer notre coopération pour lutter contre la menace que représentent les combattants terroristes étrangers, conformément à la résolution 2322 (2016) du Conseil.
15. Nous demandons à l’ONU de faciliter la négociation d’un cessez-le-feu entre les parties et notamment de créer immédiatement des comités techniques pour en contrôler et en vérifier la mise en œuvre.
16. Nous demandons au Conseil de sécurité d’imposer des sanctions appropriées aux personnes pour lesquelles il est établi qu’elles violent les accords de cessez-le feu, et nous prions les États Membres de les faire respecter.
17. Nous demandons aux États Membres de s’engager à soutenir la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), conformément à la résolution 2486 (2019) du Conseil de sécurité, en fournissant le personnel et les équipements nécessaires pour préserver efficacement le cessez-le-feu.
Embargo sur les armes
18. Nous nous engageons à respecter et à appliquer pleinement et fermement l’embargo sur les armes instauré par la résolution 1970 (2011) du Conseil de sécurité et les résolutions ultérieures concernant notamment la prolifération des armes à partir de la Libye, et nous demandons à tous les acteurs internationaux d’en faire autant.
19. Nous demandons à tous les acteurs de renoncer à toute activité qui aggraverait le conflit ou serait incompatible avec l’embargo sur les armes décrété par le Conseil de sécurité ou le cessez-le-feu, notamment le financement de capacités militaires ou le recrutement de mercenaires.
20. Nous demandons à nouveau qu’il soit mis un terme à tout soutien apporté aux personnes et groupes terroristes désignés comme tels par l’ONU. Tous les auteurs d’actes terroristes doivent rendre des comptes.
21. Nous nous engageons à prendre des mesures pour renforcer les mécanismes de contrôle actuels dont disposent l’ONU et les autorités nationales et internationales compétentes, dans la mesure de nos moyens, notamment de contrôle maritime, aérien et terrestre, au moyen de la fourniture de ressources supplémentaires, en particulier d’imagerie satellitaire.
22. Nous nous engageons à informer la MANUL, le Conseil de sécurité, son comité créé par la résolution 1970 (2011) concernant la Libye et son groupe d’experts créé par la résolution 1973 (2011) des éventuelles violations de l’embargo sur les armes, notamment par l’échange de renseignements, et nous demandons à tous les acteurs internationaux d’en faire autant.
23. Nous nous engageons à aider le Groupe d’experts à consigner efficacement et à signaler de telles violations ainsi qu’à enquêter sur celles-ci, et nous exhortons tous les acteurs internationaux à en faire autant. Nous encourageons le Groupe d’experts à enquêter sur les violations de l’embargo sur les armes décrété par le Conseil de sécurité et à informer régulièrement tous les comités du Conseil concernés par ces violations. Nous nous engageons à soutenir le Groupe d’experts et à coopérer pleinement avec lui.
24. Nous demandons à tous les acteurs d’appliquer et de faire respecter, à compter d’aujourd’hui, les sanctions du Conseil de sécurité et d’adopter des mesures nationales de mise en œuvre à l’égard des personnes pour lesquelles il est établi qu’elles ne respectent pas l’embargo sur les armes ou le cessez-le-feu.
Reprise du processus politique
25. Nous soutenons l’Accord politique libyen comme cadre viable du règlement politique en Libye et demandons la création d’un Conseil de la présidence opérationnel et la formation d’un seul gouvernement libyen qui soit unifié, inclusif et efficace, et approuvé par la Chambre des députés.
26. Nous exhortons toutes les parties libyennes à reprendre le processus politique inclusif dirigé et contrôlé par les Libyens eux-mêmes sous l’égide de la MANUL et à y participer de manière constructive, ouvrant ainsi la voie à la fin de la période de transition au moyen d’élections parlementaires et présidentielle libres, régulières, inclusives et crédibles organisées par une Haute Commission électorale nationale indépendante et efficace.
27. Nous demandons instamment que les femmes et les jeunes participent pleinement, effectivement et véritablement à toutes les activités liées à la transition démocratique, au règlement du conflit et à la consolidation de la paix en Libye, et nous appuyons les efforts déployés par le Représentant spécial du Secrétaire général, M. Salamé, pour favoriser le renforcement du rôle et de la participation des femmes et des jeunes venant de tous les horizons de la société libyenne au processus politique et aux institutions publiques.
28. Nous exhortons tous les acteurs à rétablir et à respecter l’intégrité et l’unité des institutions exécutives, législatives et judiciaires et des autres institutions de l’État libyen.
29. Nous demandons une répartition transparente, responsable, juste et équitable des biens et ressources publics entre les différentes régions géographiques libyennes, notamment au moyen de la décentralisation et du soutien apporté aux municipalités, mettant ainsi fin à l’un des principaux griefs et à l’une des principales causes de récrimination.
30. Nous demandons au Conseil de sécurité, à l’Union africaine, à la Ligue des États arabes et à l’Union européenne d’agir contre ceux qui, en Libye, sabotent le processus politique, conformément aux décisions du Conseil en la matière.
31. Nous exhortons toutes les parties libyennes à continuer de participer à l’action de médiation et de réconciliation entre les populations du Fezzan et de la soutenir afin de reconstituer le tissu social dans une région qui a longtemps été négligée.
32. Nous soulignons le rôle important des pays voisins dans le processus de stabilisation de la Libye.
33. Nous nous engageons à mettre à profit nos contacts bilatéraux pour inciter toutes les parties libyennes à conclure un cessez-le-feu et à participer au processus politique interlibyen sous l’égide de la MANUL.
34. Nous nous engageons à accepter et à soutenir le résultat de ce processus politique interlibyen.
Réforme du secteur de la sécurité
35. Nous demandons le rétablissement du monopole de l’État sur l’emploi légitime de la force.
36. Nous soutenons la création de forces militaires, de police et de sécurité nationale libyennes unifiées relevant d’une autorité civile centrale, sur la base des pourparlers du Caire et des textes adoptés à cette occasion.
Réforme économique et financière
37. Nous affirmons qu’il est de la plus haute importance de rétablir, de respecter et de préserver l’intégrité, l’unité et la gouvernance légitime de toutes les institutions libyennes souveraines, notamment la Banque centrale de Libye, la Libyan Investment Authority, la National Oil Corporation et le Bureau d’audit. Leurs conseils d’administration doivent être inclusifs, représentatifs et actifs.
38. Nous nous engageons à fournir à ces autorités libyennes, à leur demande et dans le strict respect des principes de l’appropriation nationale, une assistance technique destinée à améliorer leur transparence, leur responsabilité et leur efficacité, à les mettre en conformité avec les normes internationales, notamment au moyen d’audits, et à permettre un dialogue interlibyen auquel participeront des représentants de toutes les tendances politiques concernant les griefs ayant trait à la répartition des recettes en Libye. Nous demandons un renforcement des capacités des institutions libyennes chargées de la supervision, notamment le Bureau d’audit, l’Autorité administrative de contrôle, l’Autorité nationale de lutte contre la corruption, le parquet général et les commissions parlementaires concernées, conformément à l’Accord politique libyen et aux lois libyennes applicables.
39. Nous soulignons que la National Oil Corporation est l’unique compagnie pétrolière indépendante et légitime de la Libye, conformément aux résolutions 2259 (2015) et 2441 (2018) du Conseil de sécurité. Nous exhortons toutes les parties à continuer de garantir la sécurité de ses installations et de s’abstenir de tout acte hostile contre l’ensemble des installations et infrastructures pétrolières. Nous nous opposons à toute tentative d’endommager les infrastructures pétrolières de la Libye ainsi qu’à toute exploitation illicite de ses ressources énergétiques, qui appartiennent au peuple libyen, par la vente ou l’achat de pétrole brut et de ses dérivés en dehors du contrôle de la National Oil Corporation libyenne, et nous demandons une répartition transparente et équitable des recettes pétrolières. Nous nous félicitons de ce que la National Oil Corporation publie chaque mois le montant des recettes pétrolières, ce qui témoigne de sa volonté d’accroître la transparence.
40. Nous soutenons le dialogue économique avec les représentants des institutions économiques et financières libyennes et nous encourageons la mise en œuvre de réformes structurelles. Pour faciliter ce dialogue, nous sommes favorables à la création d’une commission d’experts économiques inclusive, composée de représentants et de spécialistes reflétant la diversité géographique et institutionnelle du pays.
41. Nous soutenons la fourniture de nouveaux moyens d’action aux municipalités libyennes et nous demandons instamment aux autorités centrales de s’engager pleinement à octroyer les allocations financières nécessaires pour appuyer durablement la gouvernance locale, notamment dans le sud du pays.
42. Nous encourageons la mise en place d’un mécanisme pour la Libye qui appuie le développement et la reconstruction de toutes les régions, sous l’égide d’un nouveau gouvernement représentatif et unifié exerçant son autorité sur l’ensemble du territoire libyen afin de permettre aux régions fortement touchées de se développer, la priorité devant être donnée aux projets de reconstruction dans les villes de Benghazi, Derna, Mourzouq, Sabha, Syrte et Tripoli.
43. Nous rappelons que le Conseil de sécurité a gelé les actifs de la Libyan Investment Authority afin de les préserver au profit du peuple libyen et nous soulignons la nécessité de procéder à un examen financier des institutions économiques et financières pour soutenir les efforts visant à les réunifier et à aider les autorités libyennes compétentes à promouvoir l’intégrité et l’unité de la Libyan Investment Authority, notamment au moyen d’un audit global et crédible de l’Autorité et de ses filiales.
Respect du droit international humanitaire et des droits de l’homme
44. Nous demandons instamment à toutes les parties en Libye de respecter totalement le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme, de protéger les populations et les infrastructures civiles, notamment les aéroports, d’autoriser l’accès au personnel médical, aux observateurs des droits de l’homme et au personnel et aux secours humanitaires, ainsi que d’agir pour protéger la population civile, notamment les déplacés, les migrants, les réfugiés, les demandeurs d’asile et les prisonniers, y compris par un engagement aux côtés des entités de l’ONU.
45. Le non-respect du droit dans le système judiciaire national, notamment dans les prisons, concourt à l’instabilité et à la gravité de la situation humanitaire et des droits de l’homme. Nous demandons l’application des décrets pris par les autorités libyennes concernant la vérification du statut de tous les détenus et prisonniers placés sous le contrôle du Ministère de la justice ou de la police judiciaire afin de renforcer le fonctionnement des institutions judiciaires et de libérer les personnes détenues illégalement ou arbitrairement.
46. Nous demandons instamment à toutes les parties de mettre fin à la pratique de la détention arbitraire et aux autorités libyennes d’instaurer des mesures de substitution à la détention, particulièrement dans les zones de conflit à haut risque, et de fermer progressivement les centres de détention pour les migrants et les demandeurs d’asile tout en modifiant les cadres législatifs libyens en matière de migration et d’asile afin de les mettre en conformité avec le droit international et les normes et principes internationalement reconnus.
47. Nous soulignons qu’il importe de demander des comptes à tous ceux qui ont violé des dispositions du droit international, notamment en matière d’emploi sans discrimination de la force contre les civils, d’attaque dans des zones résidentielles densément peuplées, d’exécutions extrajudiciaires, d’enlèvements, de disparitions forcées, de violence sexuelle et fondée sur le genre, de torture et de mauvais traitements, de traite des personnes et de violence et d’abus contre les migrants et les réfugiés.
48. Nous demandons instamment à toutes les parties de s’abstenir de prôner la haine nationale, raciale ou religieuse, qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence, notamment dans les médias sociaux.
49. Nous nous engageons à soutenir les travaux des institutions libyennes visant à consigner les violations du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme.
50. Nous encourageons les autorités libyennes à continuer de renforcer les institutions de justice transitionnelle, notamment le lancement de poursuites, les réparations, la recherche de la vérité et la réforme institutionnelle, conformément aux normes et principes internationalement reconnus afin de faire respecter et de défendre le droit de connaître la vérité entourant les circonstances d’une disparition forcée, d’avoir accès à la justice et d’obtenir des réparations et des garanties de non-récidive en Libye, particulièrement dans le contexte des disparitions de personnes.
Suivi
51. Nous demandons au Secrétaire général de l’ONU, à son représentant spécial pour la Libye et à la présidence du Processus de Berlin de communiquer les résultats de ce processus et de cette conférence aux Libyens. Nous nous réjouissons que le Premier Ministre, M. Sarraj, et le maréchal Haftar aient désigné leurs représentants au Comité militaire 5+5 proposé par la MANUL dans son document de mise en œuvre opérationnelle joint en annexe aux présentes conclusions. Pour permettre des délibérations sérieuses et de fond au sein du Comité 5+5, les participants à la conférence déclarent qu’ils s’abstiendront de tout nouveau déploiement militaire et de toute nouvelle opération tant que la trêve sera respectée.
52. Nous exprimons notre plein soutien à la mise en œuvre opérationnelle des présentes conclusions par le Représentant spécial du Secrétaire général pour la Libye, selon les modalités figurant en annexe.
53. Nous convenons que la Conférence de Berlin sur la Libye est une étape importante dans le cadre d’un processus plus large, dirigé et contrôlé par les Libyens eux-mêmes, visant à mettre un terme définitif à la crise dans ce pays en remédiant de manière globale aux causes structurelles du conflit. Il est important à cet égard d’assurer le suivi de cette conférence. Il est indispensable de parvenir à traduire en mesures concrètes les engagements pris ci-dessus, ainsi que de définir des indicateurs, des rôles et des responsabilités précis, non seulement pour l’ONU mais aussi pour les participants eux-mêmes ainsi que potentiellement pour d’autres États Membres et organisations internationales.
54. Nous créons par les présentes un comité international de suivi composé de représentants de tous les pays et organisations internationales présents aujourd’hui à la Conférence de Berlin sur la Libye afin de poursuivre la coordination dans le prolongement de cette conférence et sous l’égide de l’ONU. Ce comité se réunira à deux niveaux :
a) Une session plénière mensuelle au niveau des hauts fonctionnaires, sous la présidence de la MANUL et avec une coprésidence et des lieux de réunion choisis en fonction d’une rotation des pays d’accueil. Le comité international de suivi est chargé de surveiller les progrès accomplis concernant la mise en œuvre des présentes conclusions et exerce son influence en tant que de besoin. À l’issue de chaque session, il présente une note de conclusion prenant acte de réalisations ou de mises en conformité particulières ;
b) Quatre groupes de travail techniques tiennent des réunions d’experts à huis clos, deux fois par mois lors des premières étapes de la mise en œuvre. Les groupes de travail seront organisés en fonction des volets énoncés dans les présentes conclusions. Chaque groupe sera dirigé par un représentant de l’ONU. Lors des sessions à huis clos, les participants : i) évoqueront les obstacles à la mise en œuvre ; ii) partageront les informations pertinentes ; iii) coordonneront les besoins et l’assistance opérationnels sans préjudice du mandat du Conseil de sécurité.
55. Nous porterons les conclusions de la Conférence de Berlin sur la Libye à l’attention du Conseil de sécurité pour qu’il puisse examiner la question et nous demanderons au Représentant spécial du Secrétaire général, M. Salamé, et à la MANUL de soutenir la mise en œuvre des engagements pris dans le cadre du Processus de Berlin.
Mise en œuvre du Processus de Berlin par la Mission d’appui des Nations Unies en Libye
Introduction
En prévision du sommet de Berlin, conformément au mandat que lui a conféré le Conseil de sécurité et avec la pleine autorité du Secrétaire général de l’ONU, la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL) a mis en œuvre chacun des volets thématiques et procédé à un exercice de planification global, avec la définition d’un plan d’action à exécuter avant, pendant et après le Sommet, le principe étant de faire avancer simultanément chacun des volets. Chaque État Membre a également l’option d’appuyer l’ONU et de s’engager en sa faveur.
Nous ferons avancer ces volets dans le cadre du mécanisme de suivi et de mise en œuvre, convenu dans le communiqué issu du sommet de Berlin.
Aperçu des volets
• Politique
Les Libyens veulent plus que toute autre chose l’unification des institutions exécutives, souveraines, économiques, financières, militaires et de sécurité du pays. La MANUL a engagé d’intenses consultations avec les parties libyennes, notamment avec les membres de la Chambre des députés et du Haut Conseil d’État, ainsi qu’avec les autres principales parties intéressées pour envisager des options en vue du rétablissement d’un pouvoir exécutif opérationnel. Les femmes et les enfants doivent être suffisamment représentés durant toutes les consultations.
Conformément à l’article 64 de l’Accord politique libyen, la MANUL a lancé le processus d’établissement d’un dialogue politique hors de Libye d’ici la fin du mois de janvier, avec 40 représentants libyens qui seront choisis à l’issue de consultations parmi les principaux groupes. Le dialogue sera convoqué pour débattre de la possibilité de réformer le Conseil de la présidence (1+2) et de désigner un nouveau premier ministre et deux vice-premiers ministres chargés de former un nouveau gouvernement, selon ce qui a été convenu à Tunis en novembre 2017 au sujet des compétences du Conseil de la présidence et du gouvernement.
Le gouvernement sera soumis à un vote de confiance à la Chambre des députés. La formation d’un nouveau gouvernement sera naturellement tributaire d’un accord entre toutes les parties sur la dissolution des autorités exécutives existantes. Il faudra que cela se produise en même temps que l’unification des institutions nationales qui sont actuellement divisées.
La Chambre des députés aura pour principale mission de parachever la loi électorale nécessaire pour mettre fin à la période de transition. À cette fin, la Haute Commission électorale nationale doit être pleinement financée et pourvue en effectifs. Le dialogue politique permettra d’établir un plan de route pour octroyer les pouvoirs nécessaires à la Haute Commission et en assurer le financement.
Ces personnes et entités qui menacent la stabilité de la Libye et entravent ou compromettent son processus politique peuvent s’exposer à des sanctions, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité sur la question.
• Économique et financier
Il importe de mettre en place des processus complémentaires à la composante économique afin d’unifier et de renforcer l’intégrité des institutions économiques et financières libyennes, pour les rendre plus transparentes et plus à même d’entreprendre les réformes nécessaires. Les mesures requises recouvrent l’appui au processus en cours visant à unifier la Banque centrale, en particulier l’audit international des deux banques, le suivi des négociations engagées entre les responsables des deux banques et la stricte application de la loi bancaire, y compris le rétablissement dans ses pouvoirs du conseil d’administration.
Les institutions financières internationales et les États Membres devront aider la Libyan Investment Authority et lui donner des directives tandis qu’elle subit un audit bien nécessaire. La National Oil Corporation devra être encouragée à améliorer la transparence et obtenir les ressources nécessaires pour moderniser le secteur pétrolier.
Deux nouvelles initiatives économiques sont proposées dans le communiqué de Berlin : la création d’une commission économique d’experts et un fonds de reconstruction et de développement libyens. La commission devra être composée de responsables et de spécialistes libyens, refléter la diversité institutionnelle et géographique du pays et être dotée d’un secrétariat distinct. Elle servira de cadre à la tenue d’un dialogue inclusif et permettra aux institutions existantes de travailler progressivement pour harmoniser la politique économique et financière, tout en instaurant la confiance nécessaire à l’unification. Le 6 janvier 2020, avant la tenue de la Conférence de Berlin, la MANUL a convoqué 19 experts techniques libyens en vue du lancement de la procédure consistant à définir le mandat de la commission. Le fonds de reconstruction et de développement sera basé sur un document de planification commun, afin de compléter et de rationaliser les dépenses de développement consacrées à des infrastructures essentielles.
Des mesures immédiates doivent être prises pour renforcer la gouvernance locale, comme suit : 1) poursuivre le processus électoral municipal afin que les autres élections municipales se déroulent à la mi-2020 ; 2) activer immédiatement la loi no 59, en particulier l’établissement du haut conseil de gouvernance locale ; 3) prévoir une augmentation considérable du budget de 2020 en vue d’aider les municipalités sur le plan financier.
Pour faire aboutir les volets politique, économique et financier, les États parties au Processus de Berlin et les organisations régionales doivent se réunir avec leurs principaux contacts libyens pour appuyer le processus et les résultats, y compris la convocation du dialogue économique.
• Sécurité
Le volet économique comprend une série de mesures visant à consolider l’acceptation par les parties libyennes des appels à la trêve, ce qui débouchera sur une cessation des hostilités globale et durable en Libye, la stabilisation des conditions de sécurité dans tout le pays, la démobilisation des formations armées et la réunification et le relèvement des institutions de sécurité, et permettra à l’État d’avoir le monopole du recours légitime à la force. Le plan de route relatif à la sécurité sera étroitement harmonisé avec l’action politique et les progrès seront tributaires des étapes politiques franchies tout au long du processus.
La phase 1 comprend l’établissement d’une commission militaire conjointe 5+5 de membres de l’armée régulière et d’agents de police, sous l’égide de l’ONU, en s’inspirant des pourparlers du Caire et des textes qui en sont issus. La commission constitue le cadre dans lequel des groupes de travail distincts seront établis et porteront leur attention sur : a) la trêve et le cessez-le-feu ; b) le désarmement, la démobilisation et la réintégration ; c) la lutte contre le terrorisme ; d) les arrangements de sécurité et le contrôle des frontières.
La phase 2 comprend la consolidation de la trêve, avec la démobilisation immédiate des combattants non libyens sur le théâtre de la guerre.
La phase 3 comprend le début de négociations dans le cadre de la commission militaire conjointe 5+5 dans l’optique d’un cessez-le-feu permanent, avec les pourparlers que cela entraînerait, y compris : le mandat d’un mécanisme de surveillance et de vérification du cessez-le-feu conjoint (ONU-Libye) ; la séparation des forces ; les mesures de confiance ; la création de groupes de travail associés, avec des participants des deux parties, appuyés par l’ONU. La commission militaire conjointe aura pour tâche de définir le calendrier des négociations et l’application de l’accord dans un délai raisonnable.
Le groupe de travail technique chargé de la démobilisation, du désarmement et, lorsque cela est approprié, de la réintégration des groupes armés effectuera un recensement des formations armées (« forces d’appui ») en coopération avec le ministère de l’intérieur et les zones militaires et le commandement général du ministère de la défense du nouveau gouvernement d’entente. Le groupe de travail recensera les groupes et individus susceptibles de pouvoir se réadapter, ceux qui doivent être réformés et ceux qui doivent être démantelés et désarmés. Les terroristes et les éléments criminels seront traduits en justice.
Le groupe de travail établira un inventaire des armes lourdes (y compris les armes nouvellement importées), préparera une série de garanties et d’incitations à l’intention des commandants des formations armées qui posent problème et exécutera des programmes en vue du traitement médical des combattants et de la démobilisation en priorité des jeunes parmi eux. Le groupe de travail élaborera également une stratégie d’intégration et de réintégration des membres des forces armées (y compris le contrôle des antécédents).
La phase 4 comprend l’application des dispositions de sécurité provisoires, à partir de Tripoli, par les ministères de l’intérieur et de la défense du nouveau gouvernement d’entente. Le groupe de travail recensera les besoins sur le plan de l’aide internationale et en coordonnera l’acheminement, avec l’appui de la MANUL.
• Embargo sur les armes
La responsabilité de faire appliquer les résolutions des organes de l’ONU se rapportant au régime de sanctions et à l’embargo sur les armes relève principalement des États Membres.
Un respect plus strict et dans les délais impartis des résolutions du Conseil de sécurité permettrait d’obtenir une réduction du nombre de violations de l’embargo sur les armes et renforcerait la confiance à l’appui du cessez-le-feu ainsi que les mesures de désarmement, de démobilisation et de réintégration.
Les participants à la Conférence de Berlin sont tenus de respecter l’embargo décrété par l’ONU sur les livraisons d’armes et de concourir au renforcement des lois nationales ; d’après les résolutions des organes de l’ONU portant sur la question, ils doivent aider le groupe d’experts dans l’exécution de son mandat en lui communiquant les informations pertinentes. En prévision de la prorogation du mandat du Groupe d’experts en février 2020, les participants à la Conférence sont favorables à ce que les experts présentent des rapports plus fréquents au comité des sanctions.
Le Groupe de Berlin coordonnera l’aide technique et exhortera les contreparties libyennes à encourager l’application des sanctions.
Le schéma de la Conférence de Berlin pourrait également servir à coordonner l’assistance technique et les ressources permettant de renforcer les capacités de contrôle des frontières, par les entités nationales préexistantes (de la Libye et des États voisins) ou les entités régionales (mission d’assistance frontalière de l’Union européenne ou Groupe des cinq) ou au moyen de la création d’une mission indépendante d’inspection et de vérification sous la supervision du Conseil de sécurité. Pour ce qui est du renforcement du contrôle, il est primordial de surveiller simultanément l’espace maritime, terrestre et aérien.
• Droit international humanitaire et droit international des droits de l’homme
Il est essentiel de promouvoir le respect du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire et d’instaurer un climat propice pour permettre aux acteurs humanitaires et au personnel médical d’avoir accès au personnes qui sont dans le besoin.
Les détentions arbitraires et illégales sont une préoccupation majeure en Libye. Le Groupe de Berlin est prié de prendre des mesures concrètes et notamment d’aider les institutions judiciaires d’appui et la police judiciaire à passer au crible les prisonniers, à promouvoir le respect des garanties, à soutenir l’application des décrets émis par les autorités libyennes pour passer en revue les personnes incarcérées dans des centres nominalement sous le contrôle du Ministère de la justice et de la police judiciaire, afin d’accélérer et d’étayer la procédure consistant à libérer celles qui sont détenues arbitrairement ou illégalement, en vue d’assurer l’unité et l’intégrité des institutions judiciaires, de garantir l’accès à la justice et d’élaborer un plan de route pour les prisons qui soit conforme aux normes internationales. Le Groupe de Berlin a également été prié de prendre des mesures concrètes, y compris d’aider les autorités à mettre un terme aux détentions arbitraires des migrants et des réfugiés et de fermer progressivement les centres de détention, en prévoyant des solutions autres que la détention, dans le respect des droits de l’homme.
La constitution de dossiers sur les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire est fondamentale et inextricablement liée au renforcement de l’application du principe de responsabilité. Les États Membres peuvent jouer un rôle important sur le plan du renforcement des capacités et de la fourniture d’une aide technique au Conseil national des libertés civiles et des droits de l’homme et aux autres acteurs de la société civile connexes, afin qu’ils puissent confirmer les violations du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme et en rendre compte. Pour faire traduire en justice les auteurs des violations, le Groupe de Berlin doit soutenir la réforme de la justice pénale, pour veiller à ce que le système de justice pénale en Libye soit respectueux des normes internationales relatives à un procès équitable.
Des mécanismes de justice transitionnelle conformes aux normes internationales peuvent jouer un rôle important sur le plan de la garantie d’une paix durable, de la justice et de la réconciliation. Le Groupe de Berlin devrait appuyer la mise en place d’une commission d’établissement des faits et de réconciliation, la création d’une commission sur les personnes disparues, y compris pour ce qui est de les retrouver et de les identifier, l’établissement d’un programme global de contrôle des antécédents, le renforcement des capacités des institutions nationales de suivre les procédures de justice transitionnelle pour tous les Libyens, notamment les processus de réconciliation participatifs et l’octroi d’une aide destinée à des possibilités novatrices de rétablissement de la vérité et d’un dialogue pour tous les Libyens.
Les médias jouent souvent un rôle négatif dans le conflit en Libye, en particulier pour ce qui est d’envenimer la situation et de diviser les populations. Le mécanisme existant de la MANUL pour surveiller le discours de haine sera renforcé et les États Membres devraient participer à cet effort.
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