Mesdames et Messieurs les Ministres,
Monsieur le Président du Sénat
Mesdames, Messieurs les Parlementaires,
Messieurs les Officiers généraux,
Messieurs les Directeurs,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, Officiers, Sous-officiers, Officiers Mariniers, Soldats, Marins, Aviateurs,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Je tenais, deux mois après l’opération à APAGAN, à saluer solennellement les femmes et les hommes qui se sont mobilisés à Kaboul, à Abou Dhabi et en France tout au long de cette épreuve. Durant ces 15 jours de chaos et d’angoisse, vous tous, diplomates, militaires, policiers, médecins, agents de l’Etat, toutes catégories confondues, avez fait preuve d’un engagement hors du commun pour mener à bien l’évacuation des ressortissants français, européens et des pays tiers, ainsi que des Afghanes et des Afghans menacés du fait de leurs liens avec la France ou de leurs actions pour la défense des valeurs universelles. Vous avez été, chacune et chacun à votre poste, un maillon essentiel de cette mission à proprement parler historique. Je tiens aussi à remercier le Premier ministre et les ministres mobilisés : le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, le ministre des armées, le ministre de l’intérieur et ministres délégués, ainsi que le ministre des solidarités et de la santé.
Au total, plus de 2 800 personnes ont pu être évacuées, dont 2 600 Afghanes et Afghans qui, au fond, vous doivent la vie sauve. Une nouvelle vie en France ou grâce à la France. La nation vous est reconnaissante d’avoir porté ainsi nos valeurs d’humanisme et de solidarité au moment même où un pays entier replongeait dans l’obscurantisme. Je tiens également à saluer la formidable mobilisation de la société civile qui a souvent fait le lien entre les personnes les plus vulnérables et les services de l’Etat. Nous avons toutes et tous, durant cette période, reçu tant de messages, de sollicitations auxquelles, à chaque fois, vous avez tenu les uns et les autres à répondre et qui continuent à nous mobiliser.
Nous n’insisterons jamais assez sur les vertus de l’anticipation. Avant même l’opération APAGAN, au moment où les Etats-Unis réaffirmaient leur intention de mettre un terme définitif à leurs vingt années de présence militaire en Afghanistan, la France s’est mobilisée pour mettre à l’abri les employés afghans des structures françaises qui risquaient le pire si le pays retombait aux mains des talibans. Nous avions consenti le même effort pour les auxiliaires de l’armée française plusieurs années auparavant et l’avons poursuivi durant ces derniers mois encore. Il en allait de notre devoir de donner à ces familles l’opportunité de reconstruire leur vie en France. En l’espace de 3 mois, de mai à juillet dernier, plus de 600 personnes, essentiellement des femmes et des enfants, ont pu quitter l’Afghanistan et être accueillies dans une vingtaine de départements français.
Derrière cette prouesse, il y a le dévouement des agents du service consulaire de notre ambassade à Kaboul, de l’ensemble des services compétents du Quai d’Orsay, la mobilisation des services du ministère de l’intérieur pour l’instruction des dossiers, la disponibilité des agents du ministère de la solidarité et de la santé et de la police au frontière à l’aéroport à toute heure du jour et de la nuit, y compris pendant la pandémie.
Aujourd’hui, après avoir vu le sort de l’Afghanistan se sceller cet été, cette décision pourrait sembler évidente, lorsque nous l’avons actée, lorsque vous avez accompli cette mission, nous l’avons collectivement fait sous le feu des critiques, sans toutefois que votre détermination et votre dévouement ne fléchissent. Je vous en remercie. Tandis que dans nos départements, des femmes et des hommes ouvraient les bras à ces réfugiés, l’ambassade de France à Kaboul, elle, se mettait en ordre de bataille en format noyau dur pour faire face à la dégradation brutale de la situation et venir en aide à nos partenaires, aux Afghanes et aux Afghans. Si l’équipe de l’ambassade vivaient déjà dans des conditions éprouvantes, dans le pays, je le rappelle, le plus touché par le terrorisme depuis 4 années, la moitié des victimes du terrorisme dans le monde étant afghane, elle se préparait à une situation bien pire. L’histoire n’était pourtant pas écrite, et face à l’incertitude liée à la décision américaine, deux choix possibles : partir au début de l’été lorsque nous demandions à tous nos ressortissants de quitter le pays avant la tempête ; certains pays, nombreux, ont pris cette décision, ou bien rester jusqu’au dernier moment pour aider tous ceux qui contribuaient avec courage et détermination à la défense des libertés du peuple afghan, en particulier des filles et des femmes afghanes. Il y avait un risque à rester. C’est grâce à vous que nous sommes parvenus à le surmonter.
Lorsque les talibans se sont emparés de Kaboul le 15 août dernier, vous avez non seulement dû vous replier dans l’urgence vers l’aéroport et constituer un centre de coordination des opérations en un temps record, mais aussi protéger des ressortissants français et accueillir celles et ceux qui cherchaient une issue de secours, du délégué de l’Union européenne jusqu’au Gurkhas indiens en charge de la protection de l’ambassade. Alors que les talibans mettaient à sac le palais présidentiel, des agents sont courageusement restés à l’ambassade, devenue zone de refuge pour des Français et des Afghans. Face à l’histoire qui se répétait et qui les menaçait, vous avez continué à être un bouclier. La France tout entière retenait son souffle en regardant jour après jour l’édification d’un immense pont aérien dont vous avez été les artisans sur le tarmac de Kaboul, d’Abou Dhabi, de Roissy, dans nos bases aériennes de métropole, au centre de crise du Quai d’Orsay, au Centre de planification de conduite des opérations, à l’état-major d’ALINDIEN, dans les ambassades, dans les préfectures, dans toutes les cellules de crise montées dans l’urgence, dans les centres dédiés à l’enregistrement des demandeurs d’asile. Vous avez répondu présent tous les jours, toutes les nuits, corps et âme, toujours avec un professionnalisme et un engagement hors du commun.
L’opération d’exfiltration des personnes réfugiées dans l’ambassade a été plus que délicate. Et je crois que nous serons plusieurs à ne jamais oublier cette soirée du 18 août, où le premier convoi a pu partir vers l’aéroport. Chaque checkpoint taliban, chaque barrage, chaque contrôle faisait craindre le pire. Et je veux tout particulièrement saluer le sang-froid des 11 policiers restés à l’ambassade qui ont sécurisé cette périlleuse exfiltration dans un contexte plus hostile et incertain, au péril de leur vie.
Après avoir évacué les personnes restées à l’ambassade, sous votre autorité, Monsieur l’ambassadeur, et je veux ici saluer votre engagement et votre détermination et plus que cela, vous, diplomates de l’ambassade, policiers du détachement de sécurité, de l’escorte du RAID, militaires des forces spéciales, des forces françaises stationnées aux Emirats Arabes Unis, de l’armée de l’air et de l’espace, avez littéralement tiré à bout de bras de ce théâtre de drames à ciel ouvert des personnes en danger, malgré les tirs réguliers et la menace permanente d’un attentat. Dans le raz-de-marée de désespoir qui a submergé la ville, vous êtes parvenus à extraire des familles entières à Abbey Gate et aux entrées de l’aéroport.
Il n’est pas possible de citer l’action de chacun mais je connais le rôle déterminant des uns et des autres. Commandos parachutistes, vous avez conduit des extractions audacieuses au milieu de foules imprévisibles. Pilotes, vous avez posé vos A400M et vos C130 venus d’Orléans dans des conditions hors norme. Opérateurs de protection, transmetteurs, pompiers de l’air, logisticiens, de métropole ou de la base aérienne d’Abu Dhabi, contrôleurs aériens avancés, planificateurs de l’état-major interarmées des Emirats arabes unis, officiers de liaison dans les états-majors alliés, convoyeurs et convoyeuses de l’air, officiers d’astreinte à l’état-major des armées ou chefs de détachement sur l’aéroport international Hamid Karzaï, votre action a été essentielle. Vous avez été pour beaucoup le premier visage de la liberté et de la sécurité retrouvées. Un seul exemple de votre détermination jusqu’au dernier moment fut ce dernier avion français qui a décollé à l’ultime extrémité des créneaux alloués. Nous avons tenu jusqu’au bout.
Un élan de solidarité au sein de la société civile française a accompagné votre mission. Je sais à quel point les sollicitations ont été nombreuses. Au Quai d’Orsay, le centre de crise, avec l’aide de la Croix-Rouge, la direction Asile, la direction des Français à l’étranger ont ainsi reçu plusieurs centaines de milliers de signalement, autant d’appels à l’aide auxquels vous avez répondu sans ménager vos efforts. Et je tiens à rendre hommage à notre réseau diplomatique qui s’est mobilisé pour le suivi de cette crise, en particulier les postes de la région, les ambassades qui ont directement contribué aux évacuations, à Abu Dhabi pendant APAGAN, à Doha à l’heure où je vous parle. Nous vous sommes reconnaissants d’avoir dépassé de loin vos fonctions respectives en portant assistance à tous ces Afghans, femmes, hommes, enfants, en situation d’urgence humanitaire, en les nourrissant, en les soignant, en les rassurant. A leur arrivée en France, les professionnels de santé ont déployé des trésors d’humanité. Alors qu’eux-mêmes étaient déjà engagés contre la pandémie, ils ont encore trouvé l’énergie pour faire le meilleur accueil à ces personnes vulnérables. Merci aussi, merci encore. Et tandis que certains se demandaient si l’on n’en faisait pas trop, que d’autres s’insurgeaient que l’on n’en fasse pas assez, vous toutes et tous avez simplement agi, n’avez pas perdu un seul instant pour aider, aider toujours celles et ceux qui pouvaient l’être. Et cela jusqu’au tragique attentat qui a coûté la vie à 180 personnes dont 13 soldats américains à Abbey Gate, le 27 août dernier, où plusieurs d’entre vous se trouvaient encore quelques heures auparavant.
De la projection depuis Orléans ou Abou Dhabi aux évacuations à l’aéroport de Kaboul, jusqu’à l’accueil dans des logements mis à disposition, à chaque étape, vous avez accompli votre devoir avec courage, engagement et abnégation, autant de qualités et de valeurs qui honorent notre pays. L’entraînement, la planification, mais aussi l’adaptation, la réactivité et le génie de l’improvisation. Tout cela a payé. Ces événements ont montré l’importance de ce qui a été fait, comme je le rappelais, les mois précédents, l’importance aussi d’une LPM, il faut bien le dire, sans laquelle tous ces moyens n’auraient pu être ainsi mobilisés et de la planification que vous aviez su conduire au préalable.
Désormais, il nous appartient de poursuivre notre action dans la droite ligne de l’opération APAGAN. Cela commence naturellement par tirer les leçons de cette expérience hors norme. Cela exige aussi de réserver le meilleur accueil possible aux personnes qui sont désormais sur notre territoire national. Et je salue le travail des personnels des ministères de l’intérieur, des solidarités et de la santé qui oeuvrent à faciliter l’insertion de familles meurtries par la guerre. Leur prise en charge matérielle, humaine, leur accompagnement vers l’asile pour ceux qui le souhaitent sont des priorités et je sais pouvoir compter sur votre engagement. Nous devrons offrir à ces familles toutes leurs chances à nouveau.
Je veux ici aussi saluer les élus qui se sont mobilisés et qui ont accepté d’accueillir ces familles. Beaucoup de nos maires se sont mobilisés dès le début et ont répondu présents. Les associations qui, au plus près du terrain, ont aussi été des relais essentiels de l’action publique.
Mesdames et Messieurs, tous ici, vous avez démontré que derrière les mots, derrière nos appels à ne pas abandonner le peuple afghan, derrière notre devoir de n’abandonner aucun Français, aucun Européen, il y avait des femmes et des hommes déterminés à ne ménager aucun effort, à braver les risques, à travailler sans relâche pour venir en aide. Ce formidable souffle de dévouement et d’altruisme qui s’est levé en chacun de vous, peut-être que les historiens de demain l’appelleront l’esprit d’APAGAN, c’est en tout cas le nom que j’ai envie en vous voyant aujourd’hui de lui donner. Chacune et chacun d’entre vous a vécu durant ces semaines, tout particulièrement, des moments d’exaltation, de fierté, des moments, je le sais aussi, de fatigue, parfois de peur.
Mais vous avez tenu et vous avez été là. De cela, je vous remercie et je veux, en ce jour, vous dire la fierté qui est la mienne, mais à travers celle-ci, vous témoigner la fierté de toute la nation. Vive la République et vive la France !.
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