Au Burundi, la quête du pouvoir se fait masqué : les hommes politiques avancent derrière un masque " ethnik ", comme les guerriers zoulous avançaient derrière leur bouclier en peau de zèbre ou de buffle. Il semble dit que dans ce pays le pouvoir doit être " ethnik " ou ne pas être. Je choisis cette orthographe branchée pour signifier que ce concept n’a aucun sens ethno-culturel, ou racial, ou socio-économique ou encore généalogique aujourd’hui. Etre Hutu ou Tutsi au Burundi est quasiment une religion politique obligatoire. Ce sont des concepts modernes qu’une succession de manipulations historiques de l’ethnicité amplifiées par le miroir occidental, a trafiqué et construit de toute pièce.

Au moyen-âge en occident, on n’avait pas le choix : on était chrétien. La persécution des Juifs et les croisades contre les musulmans ne suffisant pas, on a vite subdivisé cette catégorie entre catholiques et protestants, ce qui a permis aux guerres de religion de faire des centaines de milliers de victimes innocentes. Au Burundi de même, au début du troisième millénaire, on n’a pas le choix, il faut être dans un camp, c’est une affaire politique. Le travail de la presse et des agences de presse le montre à longueur de colonnes et de dépêches, il n’y a pas d’autres alternatives. Lisez-les ! Alors que dans la plupart des cas, les " rebelles hutu " massacrent des civils hutu, ce n’est jamais dit. C’est même la chose la plus strictement occultée par les dépêches d’Agence. Pourquoi ? Parce que cela compliquerait la version du " conflit ethnique " qui fondent leur certitude ou la vision que veulent donner les Occidentaux impliqués dans la région, qu’ils soient agents des services diplomatiques ou secrets (ou les deux à la fois). D’ailleurs, les médiateurs africains imprégnés de " communautarisme " à la mode anglo-saxonne semblent eux-aussi tenir absolument à cette vision des choses.

Dans ces conditions, pourquoi les politiciens cupides qui lorgnent le pouvoir à Bujumbura, ces " élites africaines décérébrées " dont parle Boubakar Boris Diop, se priveraient-ils de cette légitimité ethnik ? La seule qu’ils peuvent avoir et qui est aussi apparemment la seule que reconnaît le médiateur Nelson Mandela. La seule que reconnaît l’Occident, l’ONU évidemment, mais aussi les autorités ecclésiastiques qui ne sont pas les moindres bailleurs de fonds. En revanche, les populations rurales du Burundi comme les chômeurs de villes ne se font pas d’illusion, qu’ils aient ou non leurs cartes obligatoires des partis politiques hutu ou tutsi : les chefs qui veulent le pouvoir ne croient qu’à une religion, qui n’est ni la religion hutu ni la religion tutsi, mais celle de l’argent. La violence au Burundi sert essentiellement à alimenter la justification ethnik de ces élites, un fond de commerce apparemment inépuisable. Le seul moyen de la faire cesser, c’est d’enlever aux chefs de guerre leurs masques. Qui en Occident et au Burundi aura cette volonté ?

(JP.G.)