Question : Croyez-vous que l’Iran maîtrise vraiment déjà la technologie de l’enrichissement d’uranium ?

Le ministre : Nous n’en savons rien. En revanche, ce que nous pouvons dire, c’est que l’annonce faite aujourd’hui est une nouvelle provocation qui, de surcroît, coïncide avec le jour où nous savons qu’une délégation de contrôle de l’Agence internationale de l’énergie atomique conduite par le directeur de l’AIEA, M. ElBaradei, est en route pour l’Iran afin d’enquêter sur place et de s’informer. Cette annonce est une nouvelle provocation, disais-je, à laquelle nous ne devons pas seulement nous opposer mais qui renforce effectivement l’inquiétude que nous ressentons déjà.

Et pourtant ce que l’Iran fait se situe dans les limites de ce qui est permis. N’attribuez-vous pas à tort de mauvaises intentions à Téhéran ?

Disons que nous n’avons pas inventé de toutes pièces ces noirs desseins (…) en 2003, nous avons eu des raisons de soupçonner que l’Iran pourrait éventuellement depuis 18 ans déjà se consacrer à des recherches, pratiquer dans ce domaine des recherches susceptibles, du moins théoriquement, de servir à un programme d’armement nucléaire. À l’époque, l’Iran a été sommé d’écarter ce soupçon et de rétablir sa crédibilité. Il ne l’a pas fait jusqu’à présent, bien que nous, Européens – la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne –, fassions le maximum depuis plus de deux ans et demi pour clarifier cette affaire. Nous n’y sommes pas parvenus. C’est pourquoi le Conseil de sécurité vient d’être saisi.

Il est facile d’acheter de l’uranium enrichi sur le marché mondial. L’enrichissement d’uranium est-il intéressant, du point de vue économique, pour l’Iran ?

C’est là un point que nous n’avons cessé d’aborder avec les négociateurs iraniens, qui ont été les plus divers ces dernières années. Pour l’Allemagne, si l’Iran renonçait à enrichir de l’uranium sur son propre sol, cela constituerait une preuve de crédibilité, quelque chose sur lequel nous pourrions nous baser comme indication que l’Iran ne travaille pas actuellement sur des programmes d’armement nucléaire. Je ne puis que répéter que même après les discussions que nous avons eues la semaine dernière et la semaine d’avant ici à Berlin (…), nous demeurons favorables à un règlement diplomatique, à une solution négociée. La porte reste donc ouverte. Mais il nous faut maintenant un geste de l’Iran, de Téhéran, montrant qu’il renonce à ses activités d’enrichissement. Nous attendons ce geste. C’est Téhéran qui détient la clé de cette décision. Et c’est à lui de la trouver.

Le signal émis aujourd’hui va en fait dans le sens contraire… C’est pourquoi les États-Unis ont décidé de demander fin avril au Conseil de sécurité d’adopter des sanctions sévères contre l’Iran. La dureté est-elle une attitude judicieuse ?

Comme vous venez de le constater tout à fait justement, le signal émis par Téhéran ne va pas dans le bon sens. Nous attendons que Téhéran opte pour la solution négociée, que les conditions nécessaires à cette solution soient rétablies. Il appartient tout d’abord aux membres du Conseil de sécurité des Nations Unies de discuter des prochaines mesures à prendre par le Conseil de sécurité. Il est bien évident que ces discussions sont déjà en cours. Le processus qui a mené à la déclaration présidentielle rendue publique le 29 mars montre bien qu’il ne s’agit pas d’une tâche aisée. Et pourtant, les membres du Conseil de sécurité, et par conséquent d’autres qui y sont associés, comme l’Allemagne, ne peuvent se soustraire à ce difficile processus de discussion.

Ne faut-il pas avancer avec prudence si l’on veut s’assurer le soutien de la Russie et de la Chine dans cette affaire ?

C’est précisément ce que nous faisons, je pense. Et comme on a pu s’en rendre compte, la communauté internationale a fait preuve de cohésion pendant plus longtemps que d’aucuns le pensaient, y compris peut-être Téhéran lui-même. Cette cohésion, il est essentiel de la maintenir à l’avenir.

Le 12 avril 2006, le chef de la diplomatie allemande avait déclaré au journal télévisé "Tagesschau" en rapport avec les propos tenus par le président iranien :

"Dans la situation actuelle, une telle déclaration publique est une provocation à laquelle il nous faut nous opposer avec la plus grande rigueur. Et il est bien évident que notre inquiétude ne fait que croître quant à l’évolution de la situation en Iran."