Récemment, la présidence de la commission des Droits des femmes et de l’Égalité des genres au Parlement européen a été attribuée à Anne Zaborska, malgré ses tonitruantes déclarations contre le droit à l’avortement et en faveur de l’internement des homosexuels en asile psychiatrique. Aujourd’hui, la nomination de Rocco Buttiglione au poste de commissaire européen à la Justice, à la Liberté et à la Sécurité serait non seulement une nouvelle insulte aux millions de femmes, d’homosexuels, et à tous les démocrates de l’UE, mais constituerait également une terrible menace pour les actions futures en faveur de l’égalité des droits. Les déclarations officielles de M. Buttiglione sur les femmes (« la famille existe pour permettre à la femme d’avoir des enfants et d’être protégée par son mari ») et sur les homosexuels (« l’homosexualité est un péché ») le disqualifient pour un poste aussi sensible.
Ces déclarations ne sont pas les seuls éléments en cause. Déjà, en juillet 2003, M. Buttiglione a saboté la transposition de la directive européenne contre les discriminations homophobes en Italie. Difficile de croire à ses déclarations sur la séparation de ses opinions religieuses et de son action publique dans ces conditions. Malgré tout, dès le lendemain, José Manuel Barroso lui réaffirmait sa confiance et d’obscurs marchandages semblent devoir présider au vote du 27 octobre. Dans l’état actuel des choses, M. Buttiglione pourrait entrer en fonctions le 1er novembre. Il serait tout à fait scandaleux et antidémocratique que le vote d’une commission du Parlement européen puisse être ainsi foulé aux pieds. Nous demandons aux députés européens, quelle que soit leur appartenance politique ou nationale, de refuser la confiance à la Commission Barroso si M. Buttiglione y figure au poste de commissaire européen à la Justice, à la Liberté et à la Sécurité. La nomination de M. Buttiglione marquerait la victoire d’un ordre symbolique réactionnaire au moment où nous devons être plus mobilisés que jamais dans la lutte contre le sexisme, l’homophobie et le fondamentalisme religieux.

Source
Le Monde (France)

« Non à Buttiglione », par Pierre Albertini et Louis-Georges Tin, Le Monde, 26 octobre 2004. Ce texte a été co-signé par 35 associations en Europe et plus de 1 000 signataires individuels.