Mesdames et Messieurs les Ministres,
Chers Collègues,

Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,

Nous nous sommes réunis aujourd’hui en session urgente pour discuter des voies et moyens de répondre à un défi majeur : le retour sur le devant de la scène internationale de l’utilisation des armes chimiques. De ces armes de terreur, les horreurs du siècle passé avaient pourtant fait un tabou. Or, comme le montre, il y a quelques jours, le projet d’attentat déjoué par les services de sécurité français, le terrorisme peut prendre aussi désormais une forme chimique.

Le 23 janvier, nous avions pris des engagements clairs pour lutter contre l’impunité de ceux qui font usage d’armes chimiques. Car, en la matière, l’impunité, en même temps qu’elle induit un sentiment d’injustice, porte atteinte aux fondements de notre sécurité collective.

Depuis, non seulement nos engagements ont été tenus, mais notre partenariat s’est élargi. Neuf pays nous ont, en effet, rejoints. Je tiens à saluer, à cette tribune, ce choix et cet engagement de raison et d’humanité. D’emblée, nous avons souhaité que notre partenariat soit inclusif. Devant la presse, ici présente, je voudrais solennellement inviter une nouvelle fois tous les pays qui refusent l’impunité de l’utilisation d’armes chimiques à nous rejoindre.

En nous rassemblant, nous envoyons un message clair : il n’y aura jamais d’impunité pour ceux qui gazent des combattants ou des civils.

Dans cinq ans, dans dix ans, dans quinze ans, les auteurs de tels crimes devront faire face à la justice et répondre de leurs actes. Cela, nous le devons aux victimes ; nous nous le devons aussi à nous-mêmes pour assurer notre sécurité collective. Notre partenariat international y contribue sans attendre.

Notre mobilisation en urgence cette semaine fait suite à deux attaques majeures : l’une à Salisbury, le 4 mars, au Royaume-Uni ; l’autre à Douma, en Syrie, le 7 avril dernier.

Nous venons d’avoir, en séance plénière, une discussion des plus fructueuses à leur propos. Ces deux attaques ont beau être différentes dans leur localisation et les moyens employés, elles n’en ont pas moins un point commun : l’une comme l’autre remettent gravement en cause les fondements de notre sécurité collective en banalisant l’emploi de ces armes. Il faut prendre la mesure exacte de ce à quoi nous faisons face. En 2018, un toxique de guerre de nouvelle génération a pu être utilisé en période de paix, dans un espace public et sur le continent européen, qui a tant souffert de l’utilisation d’armes de cette nature au siècle dernier.

Surtout, nous avons pris la mesure des événements de Syrie. À Douma, des populations entières, femmes et enfants compris, ont été gazées. Ces actes barbares violent les principes fondamentaux du droit de la guerre ; ces atrocités bafouent les conventions internationales parmi les plus anciennes et les plus universelles.

Il faut donc agir. Les débats de qualité que nous venons d’avoir nous ont permis de nous mettre d’accord sur les mesures opérationnelles à prendre. Nous agirons d’abord pour que la communauté internationale retrouve un mécanisme chargé de déterminer, en cas d’attaque chimique, qui en sont les responsables. Ce mécanisme a existé pour la Syrie, mais son action a été constamment entravée par le véto russe au Conseil de sécurité. Seule une infime minorité de pays, ceux qui ont eu recours à ces armes ou ceux qui font le choix de protéger ceux qui y ont eu recours, peuvent se satisfaire d’une telle situation.

Pour notre part, nous sommes parfaitement sur la même ligne : il importe de décider au plus vite de recréer un mécanisme d’enquête et de désignation des responsables de l’utilisation de ces armes. Ce mécanisme doit être autonome dans ses méthodes ; il doit être à l’abri des interférences des Etats ; il doit être composé d’experts choisis eux aussi sans intervention des Etats ; et il doit évidemment être le seul compétent pour établir les responsabilités.

Nous nous sommes accordés sur la possibilité de créer ce mécanisme sous l’égide de l’OIAC, dont la réputation n’est plus à démontrer. Je voudrais ici d’ailleurs saluer la présence d’une équipe de cette organisation, qui a pris une part active à nos travaux.

L’urgence plaide pour qu’une session extraordinaire de la Conférence des Etats parties à la convention pour l’interdiction des armes chimiques se tienne dès que possible. Elle constatera que la grande majorité des pays partagent nos préoccupations et que nous sommes prêts à décider d’agir en conséquence.

Ensemble, nous avons travaillé, conformément à nos engagements, à échanger toutes les informations dont nous disposons sur les attaques chimiques qui ont eu lieu. Nous l’avons fait en particulier avec les mécanismes onusiens mandatés pour enquêter sur tous les crimes commis en Syrie.

Je tiens notamment à remercier Mme Marchi-Uhel, chef du mécanisme international impartial et indépendant, M. Paulo Sergio Pinheiro, président de la Commission d’enquête du Conseil des droits de l’Homme et les représentants de l’OIAC pour leur contribution efficace et résolue à nos travaux. Leur présence ici est le symbole de la complémentarité qui existe entre les organisations internationales et les Etats qui ont la volonté de coopérer pleinement pour garantir l’effectivité du droit et de la justice.

Nous avons aussi examiné la liste unique et consolidée, mise en ligne sur notre site internet, des personnes et des entités impliquées dans ces attaques.

La France va rendre publique ce soir une liste de vigilance portant sur 50 personnes dont elle estime la participation au développement du programme chimique syrien, hautement probable.

Parallèlement, conformément à nos engagements pris ici-même, la France a adopté ce jour de nouvelles décisions de gel d’avoirs, s’appliquant à 12 individus et entités impliqués dans le transfert de matière sensible à destination du principal centre de recherche militaire chimiques syrien, le CERS.

Enfin, nous avons estimé qu’à plus long terme, il importait de doter l’OIAC d’un dispositif qui autoriserait des inspections partout en Syrie, y compris sur des sites non déclarés puisqu’elle déclare n’avoir rien à cacher.

Chers Collègues, Mesdames et Messieurs,

Notre partenariat a quatre mois à peine d’existence. Il a déjà fait la démonstration de son utilité et de son efficacité. Nous l’avons conçu comme un instrument opérationnel combinant de façon inédite la réponse à la menace de la prolifération chimique et la volonté que la justice internationale soit rendue. Nous continuerons à avancer dans cette voie dont dépendent la sécurité et la stabilité internationales, aux côtés de tous ceux qui feront le choix de nous rejoindre. Je laisse à Boris Johnson le mot de la fin.